Magazine scientifiques et médicaux internationaux pour les professionels de la santé animale
Veterinary Focus

Numéro du magazine 30.3 Autre scientifique

Développement neuronal du chien de travail

Publié 03/12/2020

Ecrit par Bess J. Pierce et Andrea L. Henderson

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Español et English

Les chiens de travail sont soumis à un haut niveau d’exigences dans l’exercice de leurs fonctions ; dans cet article, les auteurs examinent comment un bon départ dans la vie du chiot peut faciliter les choses dans la future vie active de ces chiens.

Développement neuronal du chien de travail

Points Clés

Les programmes d’entraînement améliorent les performances et réduisent l’incidence des blessures musculo-squelettiques chez les chiens athlètes adolescents.


Tous les chiens acquerront une meilleure santé physiologique et psychique s’ils bénéficient, durant leur croissance, d’un entraînement adapté à leur stade de développement.


Dans le cadre de leurs fonctions, les chiens de sport et de travail sont soumis à des exigences physiques spécifiques qui les exposent à un risque accru de blessures.


Bien socialiser et entraîner des chiots exige de connaître parfaitement la chronologie et les étapes de leur développement neuronal.


Introduction

Les chiens de travail et de sport sont des athlètes dont la carrière est physiquement très exigeante. Les défis sont élevés pour ces chiens car leur sécurité et celle de nombreuses personnes dépendent de leur capacité à accomplir leurs tâches avec rapidité et agilité. Lorsqu’ils sont appelés sur le terrain, les chiens doivent souvent se lancer dans une poursuite en sprintant ou travailler sur des terrains variés dans le cadre d’un exercice de recherche. De plus, des ressources importantes sont engagées dans l’entraînement de ces chiens spécialisés, ce qui pousse à prolonger la période où leurs performances sont au plus haut niveau. Veiller à ce que ces chiens soient correctement entraînés est un aspect essentiel de leur entretien et de la préparation de tout événement impliquant leur participation. Le dressage et un entraînement neuromusculaire fonctionnel devraient être initiés chez les chiots destinés à devenir des chiens de travail et de sport. À l’instar de ce qui se passe chez les sportifs humains, un conditionnement précoce peut permettre d’optimiser les performances et de réduire le risque de blessure.

Bien sûr, tous les chiots ne sont pas destinés à travailler, mais les principes d’entraînement appliqués à un chien de travail peuvent aussi être appliqués à un chiot destiné à la compagnie. Éduquer un chiot en intégrant des exercices de base peut se révéler très profitable lorsqu’il est arrivé à l’âge adulte. Ainsi que cela est observé chez l’Homme, l’exercice précoce procure de nombreux avantages : le poids est mieux contrôlé, le profil métabolique est meilleur, le risque de blessures et de certaines maladies chroniques diminue, et la mobilité du chien sans douleur associée est favorisée tout au long de sa vie.

Exigences physiques chez les chiens de sport

L’élaboration de programmes d’entraînement pour les chiens de travail et de sport de haut niveau nécessite une compréhension approfondie des exigences physiologiques et biomécaniques imposées à ces animaux lors de leurs activités régulières. Les chiens participent à toute une série d’activités qui vont des sports de loisirs aux compétitions sportives de haut niveau et aux missions confiées aux chiens de travail. L’intensité de l’exercice fourni par le chien peut être faible ou forte suivant que le chien est un « randonneur du week-end », un athlète évoluant en compétition de haut niveau, un chien de recherche et de sauvetage, un sprinter ou un coureur de longue distance. Selon les cas, ces chiens devront courir, sauter des obstacles, tourner brusquement à grande vitesse, escalader des murs et des clôtures, se déplacer sur des surfaces instables… Pendant leurs activités, leur colonne vertébrale est soumise à des forces de compression et de flexion potentiellement sévères. Le pistage olfactif nécessite d’explorer des pièces, de grandes surfaces de terrain, des véhicules et des endroits où le chien doit souvent ramper ou évoluer sur terrain instable sans se fatiguer (Figure 1). Pour atteindre une performance maximale, les chiens actifs doivent par conséquent posséder de nombreuses qualités physiques : force, endurance, souplesse, sens de la proprioception et équilibre. Plusieurs de ces capacités peuvent être développées en toute sécurité chez le chiot, en tenant compte de sa race, de son âge, de son alimentation, de son environnement et des autres facteurs qui influencent son développement.

Chien de recherche et de sauvetage juché sur des décombres urbains, un exemple de terrain instable sur lequel ces chiens doivent évoluer.
Figure 1. Chien de recherche et de sauvetage juché sur des décombres urbains, un exemple de terrain instable sur lequel ces chiens doivent évoluer. © Shutterstock

Lésions musculo-squelettiques chez les chiens sportifs

Connaître les types et la fréquence des blessures observées chez les chiens de sport pendant leurs activités permet d’inclure des stratégies préventives dans leur programme d’entraînement. La littérature donne des informations au sujet des blessures musculo-squelettiques notées chez les chiens de travail et de sport, mais certaines reposent sur le témoignage du propriétaire ou du maître-chien plutôt que sur un diagnostic documenté par un vétérinaire. Dans une étude ayant évalué rétrospectivement 245 dossiers de chiens militaires (CM) pour déterminer les raisons de leur réforme, il est apparu que les affections de la moelle épinière et/ou les maladies articulaires dégénératives (MAD) étaient responsables de 56,3 % des réformes chez les chiens âgés de 5 ans ou plus 1. De même, une étude rétrospective plus ancienne sur 927 dossiers de CM a révélé qu’une MAD d’un membre était responsable de 19,2 % des décès ou des euthanasies, tandis que le syndrome de la queue de cheval (une affection médullaire) était impliqué dans 15,6 % des cas ; ces deux causes figurent parmi les trois plus importantes 2. Une étude sur des CM traités pour des blessures non liées aux combats pendant leur déploiement en Irak a montré que les blessures musculo-squelettiques étaient la quatrième cause la plus fréquente de recours aux soins vétérinaires 3. Chez les bergers allemands ayant été emmenés en urgence chez un vétérinaire, les chiens policiers étaient plus susceptibles d’être présentés pour des blessures orthopédiques que les chiens de compagnie 4. Fait significatif, les maîtres-chiens de la police néo-zélandaise ont observé que seulement 29 % de leurs chiens étaient fonctionnels à 100 % et que leur capacité fonctionnelle diminuait sensiblement avec l’âge 5. Chez les chiens de recherche et de sauvetage ayant travaillé à la suite des attaques terroristes du 11 septembre 2001, deux problèmes orthopédiques ou vertébraux ont été enregistrés pour 1 000 heures de recherche 6. Une enquête réalisée en ligne auprès des maîtres de chiens d’agility a montré qu’au moins une blessure avait été signalée chez 32 % des chiens à l’entraînement et en compétition 7. Un taux de blessure quasi identique (33 %) a été observé chez les chiens d’agility lors d’une autre enquête réalisée auprès des utilisateurs 8, et 58 % de ces blessures étaient survenues en compétition. En résumé, les blessures et les maladies musculo-squelettiques semblent être des causes majeures d’intervention vétérinaire et de réforme du service ou de la compétition chez les chiens actifs, prouvant ainsi le besoin évident de développer des stratégies de prévention.

Programmes de prévention des blessures et d’amélioration des performances

Intégrer des programmes d’entraînement neuromusculaire a contribué à réduire les risques de blessures musculo-squelettiques chez les adolescents et les jeunes sportifs humains. Ces programmes varient selon les études mais, en général, ils s’appuient sur des exercices axés sur l’équilibre et la proprioception, la pliométrie et la coordination. Lorsque des programmes sont mis en œuvre pendant au moins six semaines pendant la période d’entraînement de divers jeunes sportifs, la fréquence des blessures liées au sport touchant les membres inférieurs 9 10 11, des lésions spécifiques telles que la déchirure du ligament croisé antérieur 12 et des entorses de la cheville 13 diminue, tandis que l’équilibre et la conscience du corps augmentent chez les jeunes athlètes 14. La plupart des études disponibles ont été réalisées à partir de données émanant d’adolescents fréquentant l’école secondaire et le collège ; dans le futur, il serait utile d’étudier aussi, chez les jeunes enfants, les effets de programmes d’entraînement spécifiques pour prévenir les blessures et améliorer les performances.

Un mauvais entraînement semble être un facteur majeur de risque de blessures liées au sport chez les jeunes athlètes humains et de nombreux chiens de travail sont étonnamment mal entraînés malgré l’engagement physique requis par leurs fonctions. Certaines blessures observées chez les athlètes humains le sont également chez les chiens de travail ; des stratégies d’intervention analogues appliquées pendant le jeune âge sont donc susceptibles de réduire le risque de blessures pendant que ces chiens travaillent. Ces méthodes, qui incluent l’exposition à de nouvelles surfaces, à des obstacles et à des interactions sociales, devraient conférer des avantages supplémentaires aux chiots destinés au travail, notamment en ce qui concerne la mobilité, la confiance, la conscience du corps et la proprioception. À la connaissance des auteurs, aucune évaluation ni programme adapté de manière sûre et efficace à la croissance des chiots n’ont été publiés. L’élaboration de programmes d’entraînement neuromusculaire pour les différents stades de croissance des chiots nécessite de comprendre le développement neuronal des chiots, qui peut être comparé à celui des enfants.

Le développement neuronal chez l’Homme : influence sur la performance sportive

Les enfants semblent développer des aptitudes neuromotrices selon le sens céphalocaudal (de la tête vers les extrémités inférieures) et proximodistal (du tronc vers les extrémités distales). La première année correspond à une phase de mouvements réflexifs, au cours de laquelle ils découvrent leur corps et le monde qui l’entoure, ce qui favorise la connexion neuronale entre le corps et le cerveau. Au départ, des réflexes primitifs, tels le fouissement et la tétée, sont présents. Les réflexes posturaux se développent ensuite, prémices des mouvements volontaires qui seront effectués plus tard. Il s’agit par exemple du réflexe de redressement, qui implique l’équilibre, du réflexe de ramper, qui initie la locomotion volontaire, et du réflexe de saisie palmaire. Tout au long de la première année, le nourrisson apprend à contrôler sa tête et son cou pour se stabiliser, et à effectuer des mouvements volontaires primitifs. Ces mouvements commencent à être contrôlés vers l’âge de 1 an, permettant à l’enfant de mieux diriger ses extrémités et de manipuler intentionnellement des objets dans son environnement.

Andrea L. Henderson

Les principes d’entraînement adaptés à un chien de travail peuvent également être appliqués à un chiot destiné à la vie de famille. Entraîner un chiot à pratiquer des exercices basiques peut se révéler très bénéfique lorsqu’il arrive à l’âge adulte.

Andrea L. Henderson

Pendant la phase de « mouvement fondamental », qui a lieu entre 3 et 7 ans, les enfants explorent les mouvements corporels et leur potentiel d’action de manière de plus en plus complexe. Les actions ne sont d’abord pas coordonnées et ont tendance à être exagérées ; le contrôle et la précision s’améliorent progressivement, au cours de phases émergeant entre 3 et 5 ans. Cela inclut le développement d’actions telles que courir, sauter, se tenir en équilibre sur une poutre ou sur un pied et, à la fin de cette phase, lancer et attraper des objets. Cette période de croissance implique de nombreuses compétences essentielles à la performance sportive. Cette phase est très importante car les stimuli environnementaux influencent largement le développement des mouvements fondamentaux. Certains adultes peuvent effectivement rester à ce stade émergeant si certaines activités ne sont pas pratiquées et encouragées de l’extérieur. À partir de 7 ans, les enfants amélioreront leurs compétences de base au cours des activités quotidiennes mais, en fonction des influences environnementales, culturelles et intrinsèques, ils continueront également à développer des séquences de mouvements de plus en plus complexes et précises, indispensables à la pratique de certains sports dès l’âge de 13 ans. À partir de 14 ans, les enfants entrent dans une phase d’apprentissage qui durera toute leur vie : ils pratiquent et utilisent des capacités qui, selon leur capital génétique, feront finalement la différence entre les athlètes de haut niveau et les autres individus. La marge de progrès pour développer les aptitudes est ici énorme, et la plupart des recherches sur les jeunes athlètes visent cette tranche d’âge. Tenter de développer des aptitudes spécialisées à un stade de maturation inapproprié semble présenter un intérêt limité 15.

Développement neuronal du chiot

Le système nerveux central d’un chiot se développe évidemment beaucoup plus rapidement que celui des humains. Chez les chiots, la maturité de la moelle épinière est atteinte à l’âge de 6 semaines et leur cerveau est mature vers l’âge de 4 mois, avec 96 % des fonctions cérébrales similaires à celles d’un adulte 16. Cependant, le sens et les séquences du développement neuromoteur semblent évoluer de manière parallèle à celle des humains. Les chiots naissent avec une fonction vestibulaire opérationnelle afin qu’ils puissent se positionner correctement pour téter. À la naissance, la coordination musculaire et le soutien des membres sont inexistants, mais ils se redressent entre 10 et 14 jours (Figure 2). En se soutenant avec les membres antérieurs, ils font leurs premiers pas 5-6 jours après la naissance et ils mobilisent leurs membres postérieurs entre le 7e et le 10e jour. À l’âge de 2 semaines, les chiots sont capables de faire porter leur poids sur leurs quatre membres et ils peuvent marcher vers 18-21 jours, même si leur démarche n’est pas coordonnée. Les réflexes spinaux et myotatiques peuvent apparaître quelques jours après la naissance, mais ils sont faibles et difficiles à interpréter jusqu’à l’âge de 3 semaines, lorsque le tonus musculaire est plus développé. Le placement tactile des membres (thoraciques en premier) devient constant à l’âge de 5 semaines, tandis qu’à environ 6-8 semaines (bien que cela varie selon les races), le chiot présente des postures et l’équilibre de l’adulte, incluant les réactions posturales des membres antérieurs, puis postérieurs 17.

Bess J. Pierce

De nombreuses qualités physiques telles que la force, l’endurance, la souplesse, la proprioception et l’équilibre sont requises pour obtenir des performances optimales chez les chiens de travail et de sport, et plusieurs de ces qualités peuvent être développées en toute sécurité chez les chiots.

Bess J. Pierce

Le développement comportemental des chiots comprend la période sensible de socialisation, qui se termine à l’âge de 13 semaines. L’influence de l’environnement et l’exposition des futurs chiens de travail à une multitude de stimuli visuels, auditifs et tactiles sont très importantes pendant cette période. Familiariser les chiots aux chenils, aux maisons et à différentes personnes entraîne une réduction significative du stress et des comportements indésirables (Figure 3), ce qui participe à l’amélioration des performances des chiens de travail 18.

Deux chiots de 16 jours nés dans le cadre du programme d’élevage de chiens de travail de l’armée américaine.
Figure 2. Deux chiots de 16 jours nés dans le cadre du programme d’élevage de chiens de travail de l’armée américaine. © Rachel Bell
Jeune chiot commençant sa formation de base ; l’exposition à de nouveaux environnements, personnes et objets est indispensable pendant les 13 premières semaines de vie des chiots.
Figure 3. Jeune chiot commençant sa formation de base ; l’exposition à de nouveaux environnements, personnes et objets est indispensable pendant les 13 premières semaines de vie des chiots. © Shutterstock

Les attributs génétiques tels que la composition corporelle influencent les performances des animaux mais les résultats peuvent être considérablement améliorés par des interventions extérieures telles que l’entraînement neuromusculaire. Une étude chez le cheval 19 indique que seulement 35 % des performances sont liées à la génétique ; les 65 % restants sont dus à des facteurs extrinsèques tels que la nutrition, l’entraînement et l’encadrement. Bien que peu d’études aient été menées dans ce domaine chez le chien, un entraînement précoce peut, dans une certaine mesure, compenser un potentiel génétique sous-optimal dans cette espèce. Il a été montré que faire travailler des chiots 5 jours par semaine dans un environnement contrôlé permettait d’améliorer les notes de conduite et de confiance, ainsi que les performances requises pour de nombreuses tâches effectuées par les chiens employés par l’administration américaine de la sécurité des transports 20. Ces chiots ont été comparés à ceux qui étaient officiellement exercés une heure par semaine et on ne connaît donc pas la fréquence minimale critique qui permettrait d’obtenir le niveau de performance souhaité. À l’âge de 3 mois, les chiens des douanes australiennes ont exprimé des capacités permettant de prédire, dans une certaine mesure, leurs performances à l’âge adulte 21 ; le renforcement positif était associé avec de meilleurs résultats, ce qui suggère que les interventions influençant le développement neuronal pourraient bénéficier aux chiots avant 12 semaines.

L’entraînement neuromusculaire du chiot

La socialisation précoce des chiots est essentielle au développement du lien entre l’Homme et l’animal, à la résilience et à une bonne communication avec les gens, qu’il s’agisse de chiens de travail et de sport ou de chiens de compagnie. Les programmes de socialisation consistent à exposer les chiots à une grande variété de stimuli nouveaux, incluant des personnes, des animaux et différents environnements. L’influence de ces programmes est encore plus nette chez les chiots élevés dans un élevage professionnel ou dans un centre de chiens de travail. Pendant leurs premières semaines, les chiots sont immobiles mais ils sont sensibles à certains stimuli tactiles, thermiques et locomoteurs, de sorte que la manipulation et d’autres stimuli physiques devraient être intégrés à la banque d’expériences du chiot au cours de ses 3 premières semaines de vie 22. Un programme a été évalué chez de futurs chiens de travail : ils ont été stimulés une fois par jour entre le 3e et le 16e jour après la mise bas. Les manipulations étaient effectuées pendant 3 à 5 secondes à chaque fois ; elles consistaient à changer la position de la tête et du corps, à stimuler tactilement la zone interdigitée et à appliquer une stimulation thermique (en plaçant momentanément les chiots sur une serviette humide et réfrigérée). Les chiots ayant bénéficié de ces interventions se sont révélés plus explorateurs, plus actifs, plus décidés dans les situations de compétition, mais aussi plus calmes, exprimant moins de signes de détresse et faisant moins d’erreurs lorsqu’ils devaient résoudre un problème 23. Des stimuli visuels, auditifs et tactiles plus complexes peuvent être appliqués aux chiots à partir de l’âge de 3 semaines jusqu’à la fin de la période critique de socialisation, de 12 à 14 semaines. L’exposition à de nouvelles textures, à des obstacles et à d’autres stimuli environnementaux peut favoriser le développement précoce du système neuromusculaire (Figure 4).

Chiot de 5 semaines apprenant à trouver son équilibre avec les membres antérieurs posés sur un matériau souple et flexible.
Figure 4. Chiot de 5 semaines apprenant à trouver son équilibre avec les membres antérieurs posés sur un matériau souple et flexible. © US Department of Defense Military Working Dog Program
Chiot Labrador de 14 semaines apprenant à naviguer sur des rails de cavalettis.
Figure 5. Chiot Labrador de 14 semaines apprenant à naviguer sur des rails de cavalettis. © Penn Vet Working Dog Center

Les programmes d’entraînement des chiots doivent viser l’équilibre, la stabilité, la condition physique de base et, éventuellement, des aptitudes ciblées sur des activités spécifiques. Lorsque les chiots entrent dans leur 3e semaine de vie et commencent à faire des mouvements non coordonnés, des interventions plus spécifiques peuvent être entreprises pour stimuler leur développement moteur. Le maintien de l’équilibre statique sera favorisé en plaçant le chiot debout sur une surface légèrement instable, comme un coussin en mousse. Lorsque le chiot commence à marcher et que sa coordination s’améliore (de 3 à 6 semaines), les activités d’équilibre peuvent devenir plus dynamiques ; le chiot sera par exemple incité à marcher sur une surface ondulée comme un coussin en mousse ou un matelas. Après l’apparition du placement tactile, à l’âge de 5 semaines, de petits obstacles et des variations de terrain seront introduits pour encourager le chiot à s’orienter.

Un entraînement proprioceptif est essentiel, en particulier pour les membres postérieurs, car sinon les chiens ont généralement une conscience corporelle de leurs membres postérieurs insuffisante pour s’orienter de manière sûre et coordonnée entre des obstacles. Entre 12 et 16 semaines, les chiots peuvent être confrontés à des exercices plus difficiles : entrer et sortir d’une boîte, marcher sur une surface modérément instable (comme des disques en équilibre ou des dispositifs gonflables) et se retourner lorsqu’ils déambulent, et il est possible d’introduire dans l’entraînement des mouvements d’abduction, d’adduction et de rotation (Figure 5). Un entraînement cardio-vasculaire doux peut aussi être mis en œuvre ; nager ou patauger dans l’eau pour poursuivre des jouets pendant de brèves séquences de 30 secondes sont particulièrement bénéfiques (Figure 6). Entre 4 et 6 mois, les chiots peuvent être initiés à des tâches fonctionnelles plus complexes, telles qu’enchaîner des positions (debout-assis-debout et debout-couché-debout) sur des surfaces instables (Figure 7) et se sortir de positions extrêmes. Des mouvements combinés, tels que tourner en franchissant des obstacles ou tourner en rampant, peuvent également être mis en œuvre. Des exercices dirigés et des activités orientées vers la résolution de problèmes (telles que s’orienter entre des obstacles pour obtenir une récompense) seront inclus et la durée des séances de natation sera allongée (jusqu’à 1 à 2 minutes à chaque fois). Les chiots de 6 à 12 mois seront exercés à pratiquer des mouvements plus spécifiques et plus délicats, par exemple marcher sur les barreaux d’une échelle, explorer des surfaces instables, monter et descendre une rampe, marcher avec les antérieurs posés sur une chaise roulante… Cette phase doit également permettre d’affiner la motricité dans les exercices fonctionnels introduits précédemment. À l’âge de 12 mois, les aptitudes spécifiques seront entraînées de manière plus fine et plus spécialisée, afin d’optimiser les performances en vue de l’usage ultérieur du chien ou de son avenir sportif. Cela comprend la construction progressive de mouvements complexes, le travail sur l’agilité, les activités rapides, à fort impact ou à propulsion explosive 16.

Futur chien de travail de l’armée américaine faisant une pause entre de courtes séances de natation.
Figure 6. Futur chien de travail de l’armée américaine faisant une pause entre de courtes séances de natation. © US Department of Defense Military Working Dog Program
Futur chien de travail de l’armée américaine trouvant les dispositifs proprioceptifs gonflables assez confortables lors d’une pause pendant un exercice.
Figure 7. Futur chien de travail de l’armée américaine trouvant les dispositifs proprioceptifs gonflables assez confortables lors d’une pause pendant un exercice. © US Department of Defense Military Working Dog Program

Des programmes d’entraînement sécurisés devraient être mis en œuvre chez les chiots, adaptés à leur niveau de développement neuromoteur, et en veillant à limiter le risque de lésions osseuses, le plus susceptibles de se produire chez les individus adolescents dont le squelette est immature 24. Chez la plupart des chiens de grandes races, les plaques de croissance des os appendiculaires ne se soudent pas avant l’âge de 12 mois environ ; même si l’entraînement pliométrique est intégré dans de nombreux programmes pour les adolescents sportifs, les exercices entraînant un fort impact de forces répétitives (par exemple sauter de haut, courir longtemps) doivent être évités chez les chiots immatures sur le plan squelettique.

Les activités d’entraînement présentées dans cet article visent à améliorer les performances et à réduire les risques de blessures chez les chiens de travail. Cependant, l’introduction progressive de stimuli environnementaux peuvent profiter à tous les chiots, qu’ils soient destinés à la compagnie ou à devenir des athlètes professionnels. Les chiens peuvent améliorer leur capacité à résoudre des problèmes, leur confiance en eux et leurs performances en pratiquant des activités quotidiennes ainsi qu’en étant confrontés à des tâches plus complexes. Les praticiens qui connaissent les étapes du développement neuronal et moteur des chiots et qui utilisent ces connaissances pour mettre en place un entraînement progressif peuvent aider les chiots à développer un lien plus fort avec l’Homme, limiter le risque de blessure et améliorer leur qualité de vie en général, quelles que soient leurs capacités.

Bibliographie

  1. Takara MS, Harrell K. Noncombat-related injuries or illnesses incurred by military working dogs in a combat zone. J Am Vet Med Assoc 2014;245(10):1124-1128.

  2. Lavely JA. Pediatric neurology of the dog and cat. Vet Clin North Am Small Anim Pract 2006;36(3):475-501.

  3. Evans RI, Herbold JR, Bradshaw BS, et al. Causes for discharge of military working dogs from service: 268 cases (2000-2004). J Am Vet Med Assoc 2007;231(8):1215-1220.

  4. Otto C. Early puppyhood education, what are the pros and cons for detection dogs? Presented at the 9th International Working Dog Conference, IWDBA. La Grande Motte, France; 2015.

  5. Rössler R, Donath L, Verhagen E, et al. Exercise-based injury prevention in child and adolescent sport: a systematic review and meta-analysis. Sports Med 2014;44(12):1733-1748.

  6. Mirtz TA, Chandler JP, Eyers CM. The effects of physical activity on the epiphyseal growth plates: a review of the literature on normal physiology and clinical implications. J Clin Med Res 2011;3(1):1-7.

  7. Slensky KA, Drobatz KJ, Downend AB, et al. Deployment morbidity among search-and-rescue dogs used after the September 11, 2001, terrorist attacks. J Am Vet Med Assoc 2004;225(6):868-873.

  8. Cunningham P. The genetics of thoroughbred horses. Sci Amer 1996;264:91-98.

  9. Goodway JD, Ozmun JC, Gallahue DL. Motor Development: Theoretical Models. In: Understanding Motor Development: Infants, Children, Adolescents, Adults. 8th ed. Burlington, MA: Jones and Bartlett Learning, 2019;46-62.

  10. Verhagen E, van der Beek A, Twisk J, et al. The effect of a proprioceptive balance board training program for the prevention of ankle sprains: a prospective controlled trial. Am J Sports Med 2004;32(6):1385-1393.

  11. Levy M, Hall C, Trentacosta N, et al. A preliminary retrospective survey of injuries occurring in dogs participating in canine agility. Vet Comp Orthop Traumatol 2009;22(4):321-324.

  12. Baltzer WI, Owen R, Bridges J. Survey of handlers of 158 police dogs in New Zealand: functional assessment and canine orthopedic index. Front Vet Sci 2019;6:85.

  13. Howell T, King T, Bennett P. Puppy parties and beyond: the role of early age socialization practices on adult dog behavior. Vet Med 2015;6:143-152.

  14. Battaglia CL. Periods of early development and the effects of stimulation and social experiences in the canine. J Vet Behav 2009;4(5):203-210.

  15. Foss KDB, Thomas S, Khoury JC, et al. A school-based neuromuscular training program and sport-related injury incidence: a prospective randomized controlled clinical trial. J Athl Train 2018;53(1):20-28.

  16. Soomro N, Sanders R, Hackett D, et al. The efficacy of injury prevention programs in adolescent team sports: a meta-analysis. Am J Sports Med 2016;44(9):2415-2424.

  17. Parr JR, Otto CM. Emergency visits and occupational hazards in German Shepherd police dogs (2008-2010). J Vet Emerg Crit Care 2013;23(6):591-597.

  18. Rooney NJ, Gaines SA, Bradshaw JW. Behavioural and glucocorticoid responses of dogs (Canis familiaris) to kennelling: investigating mitigation of stress by prior habituation. Physiol Behav 2007;92:847-854.

  19. Cullen KL, Dickey JP, Bent LR, et al. Survey-based analysis of risk factors for injury among dogs participating in agility training and competition events. J Am Vet Med Assoc 2013;243(7):1019-1024.

  20. Moore GE, Burkman KD, Carter MN, et al. Causes of death or reasons for euthanasia in military working dogs: 927 cases (1993-1996). J Am Vet Med Assoc 2001;219(2):209-214.

  21. Champness KA. Development of a breeding program for drug detector dogs: based on studies of a breeding population of guide dogs. PhD thesis, Department of Agriculture and Resource Management, The University of Melbourne, 1996.

  22. Pierce B. Neuromotor development in puppies: implications for training and fitness. Presented at the 11th International Working Dog Conference, IWDBA. Stockholm, Sweden; 2019 Sep.

  23. Mandelbaum BR, Silvers HJ, Watanabe DS, et al. Effectiveness of a neuromuscular and proprioceptive training program in preventing anterior cruciate ligament injuries in female athletes: 2-year follow-up. Am J Sports Med 2005;33(7):1003-1010.

  24. McLeod TC, Armstrong T, Miller M, et al. Balance improvements in female high school basketball players after a 6-week neuromuscular-training program. J Sport Rehabil 2009;18(4):465-481.

Bess J. Pierce

Bess J. Pierce

Le Dr Pierce a obtenu une licence en biologie à l'université de Tulane, ainsi qu’une maîtrise en biologie faune sauvage et un doctorat vétérinaire En savoir plus

Andrea L. Henderson

Andrea L. Henderson

Le Dr Henderson est major dans le corps vétérinaire de l'armée des États-Unis et occupe le poste de chef de médecine sportive et de rééducation à San Antonio, au Texas. Elle a effectué un résidanat en médecine sportive et en rééducation, et un mastère de sciences (avec une spécialisation en kinésiologie) à l'université du Tennessee à Knoxville en 2014 dont elle est diplômée depuis 2016. En savoir plus

Autres articles de ce numéro

Numéro du magazine 30.3 Publié 14/01/2021

Consolidation des établissements de soins vétérinaires

Depuis environ deux décennies, le phénomène de consolidation des cliniques vétérinaires a pris une ampleur phénoménale...

par Philippe Baralon et Lucile Frayssinet

Numéro du magazine 30.3 Publié 07/01/2021

Comment battre « Docteur Google »

En matière de conseils nutritionnels, les vétérinaires sont meilleurs que « Docteur Google »...

par Antje Blättner

Numéro du magazine 30.3 Publié 31/12/2020

Chiens et vétérinaires dans la société d’aujourd’hui

Les chiens occupent une place particulière dans la société actuelle...

par Katharina Ameli

Numéro du magazine 30.3 Publié 17/12/2020

Nutrition du chien de travail

Comment les propriétaires de chiens de travail doivent-ils les nourrir pour s’assurer qu’ils restent en pleine forme ?

par Veerle Vandendriessche