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Veterinary Focus

Numéro du magazine 29.1 Autre scientifique

La péritonite infectieuse féline

Publié 25/04/2019

Ecrit par Elizabeth A. Berliner

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Português , Español et English

Parmi tous les virus félins, l’agent causal de la PIF est peut-être le plus insaisissable et le plus frustrant à identifier et à traiter. Elizabeth Berliner propose une synthèse de la maladie et parle des approches thérapeutiques qui sont actuellement en développement.

La péritonite infectieuse féline

Points Clés

La péritonite infectieuse féline (PIF) résulte d’une mutation du coronavirus félin (FCoV), un virus ubiquitaire.


Les facteurs de risque de PIF incluent : un âge inférieur à 2 ans, la vie en collectivité et des épisodes de stress tels qu’une chirurgie ou une adoption.


Le diagnostic est souvent compliqué : il s’appuie sur les commémoratifs, les signes cliniques et il est confirmé par un test diagnostic. Le diagnostic de PIF ne doit jamais s’appuyer sur une sérologie FCoV.


Habituellement, les signes cliniques de PIF évoluent rapidement vers une issue le plus souvent fatale. Le traitement est généralement voué à l’échec bien que des traitements expérimentaux prometteurs soient actuellement en cours de développement.


Introduction

La péritonite infectieuse féline (PIF) résulte de la mutation d’un virus ubiquitaire et relativement inoffensif chez les chats, le coronavirus félin (FCoV). Décrite pour la première fois en 1963 1, l’apparition et l’augmentation de l’incidence de la PIF depuis sa découverte a été associée avec des conditions d’hébergement en collectivité, telles qu’en élevage et en refuge. La première litière commerciale pour chats est apparue sur le marché américain en 1947 2, reflétant le fait que le chat devenait un animal de compagnie vivant à l’intérieur. Dans les décennies suivantes, l’élevage et le recueil des chats se sont intensifiés, favorisant ainsi la transmission et l’amplification des maladies infectieuses au sein de groupes félins. Aujourd’hui, la PIF échappe aux protocoles de prévention médicale ainsi qu’aux traitements ; de plus, le diagnostic ante-mortem constitue souvent un défi clinique. La recherche se concentre actuellement sur des outils diagnostiques pointus, basés sur le séquençage moléculaire, et de nouveaux traitements font l’objet d’études cliniques. Dans ces deux domaines, les avancées sont prometteuses.

Étiologie et pathogenèse

Le coronavirus félin est un virus enveloppé de grande taille, à ARN brin positif. Les coronavirus présentent généralement un taux élevé de mutations durant leur réplication, ce qui entraîne des recombinaisons et des transmissions intra- et inter-espèces. Actuellement, on distingue deux sérotypes du FCoV : le type I, la forme la plus prévalente chez les chats affectés partout dans le monde (avec des variations géographiques), et le type II, issu d’une recombinaison entre le FCoV de type I et le coronavirus canin. Bien que le type I prédomine lors d’infection féline naturelle, la grande majorité des recherches ont été conduites sur le type II parce qu’il est plus facile à reproduire en laboratoire pour l’étudier. Les sérotypes I et II du FCoV ont été tous deux incriminés dans le développement de la PIF 3. Ils se distinguent par des différences génétiques au niveau de leurs protéines S (spike) (Figure 1), considérées comme importantes lors de la transformation du virus commun FCoV en FCoV responsable de la PIF (VPIF).

Figure 1. Schéma des antigènes viraux du FCoV. Les protéines spike (S), de la membrane (M) et de l’enveloppe (E) sont attachées dans une membrane bi-lipidique. Les protéines S et M sont importantes car elles permettent l’entrée dans les cellules et des recherches récentes suggèrent que les mutations ponctuelles du gène S jouent un rôle dans la transformation du FCoV en VPIF.© Sandrine Fontègne
Figure 1. Schéma des antigènes viraux du FCoV. Les protéines spike (S), de la membrane (M) et de l’enveloppe (E) sont attachées dans une membrane bi-lipidique. Les protéines S et M sont importantes car elles permettent l’entrée dans les cellules et des recherches récentes suggèrent que les mutations ponctuelles du gène S jouent un rôle dans la transformation du FCoV en VPIF.© Sandrine Fontègne

La transmission du FCoV a principalement lieu par voie orofécale, avec une inoculation oronasale directe du virus, ou via des supports passifs tels que le bac à litière ou des surfaces contaminées. Après inoculation, le FCoV migre vers les entérocytes, où a lieu la réplication virale. Les infections par le FCoV sont souvent subcliniques mais peuvent entraîner des diarrhées transitoires puisque le virus impacte l’épithélium intestinal.

La transformation du FCoV commun en virus VPIF létal implique des mutations ponctuelles spécifiques dans le génome de l’ARN. Elles concernent la structure des protéines S (spike) et M (de membrane) qui régulent l’entrée et la sortie du virus des cellules (Figure 1). L’identification précise de ces mutations ponctuelles semble être la clé pour comprendre la transformation létale ; l’attention se porte aujourd’hui en priorité sur les gènes S et 3c, même si, jusqu’ici, le gène S a plus souvent été identifié dans les études de laboratoire 4.

Lors de PIF, l’inflammation primaire démarre dans les macrophages. Les mutations génétiques ponctuelles du FCoV font évoluer le tropisme épithélial du virus vers un tropisme pour les macrophages. Le virus résultant est alors capable de migrer et de se répliquer dans les macrophages, puis de pénétrer dans les organes et d’autres tissus. Les macrophages infectés internalisent l’antigène permettant au virus d’échapper à la lyse par les anticorps pendant que le complément est activé, ce qui augmente l’afflux d’autres cellules inflammatoires vers les tissus infectés. La réponse immunitaire humorale est activée, entraînant le dépôt de complexes antigène-anticorps dans les vaisseaux, à l’origine d’une vasculite profonde et étendue. Environ 50 % des cas de PIF se caractérisent par une affection exsudative tandis qu’une forme granulomateuse se développe dans l’autre moitié des cas. La dichotomie classique est cependant erronée car le spectre de la maladie peut produire des signes allant d’un type à l’autre. Les variations observées sont supposées dépendre du type de réponse immunitaire qui prédomine : la réponse humorale provoque surtout des signes exsudatifs tandis que l’activation du complément favorise la présentation granulomateuse 5.

Elizabeth A. Berliner

Le FCoV est un virus ubiquitaire dont la séro-prévalence est élevée chez les chats hébergés en groupes, comme en chatterie et en refuge.

Elizabeth A. Berliner

Épidémiologie et facteurs de risque

Le FCoV est un virus ubiquitaire dont la séroprévalence varie de 25 % pour des chats vivant seuls à 75-100 % dans les collectivités telles que les chatteries et les refuges 6 7. La mutation fatale du VPIF se produit relativement rarement ; l’incidence de la PIF chez des chats séropositifs au FCoV serait de 1 à 12 %, les taux plus élevés étant issus d’études anciennes basées principalement sur des populations vivant en chatteries 8 9. En général, on estime (d’après la littérature) qu’après une exposition au FCoV, 5 à 10 % des chats résisteront au virus, 70 à 75 % subiront une infection transitoire pendant quelques semaines à quelques mois, 10 à 15 % deviendront porteurs chroniques et moins de 3 % développeront une PIF 9.

L’hypothèse classiquement défendue de mutation interne postule que les mutations ponctuelles produisant le VPIF chez certains chats seraient dues à des facteurs viraux (souches particulières de FCoV et mutabilité), environnementaux (surpopulation et charge virale) et individuels (prédisposition génétique et réponse immunitaire). Jusqu’à récemment, le VPIF n’était donc pas considéré comme transmissible horizontalement entre chats ; pourtant, quelques épisodes d’infection dans des groupes de chats par un VPIF similaire ont été documentés grâce au séquençage moléculaire 10. La transmissibilité du VPIF n’est toujours pas largement admise bien que des souches à haut risque ou des souches virales intermédiaires transmissibles entre chats puissent augmenter le risque de développement du VPIF, ainsi que sa transmission au sein d’une population.

La PIF est généralement considérée comme une maladie des jeunes chats (< 2 ans). Les chatons présentent souvent des charges virales plus élevées que les adultes, ils sont soumis à plus de stress (vaccinations, stérilisation, adoption, etc.) et leur système immunitaire est immature. Tandis qu’une partie des chats élimineront les mutations virales à haut risque (comme cela a été montré dans plusieurs études en laboratoire), la plupart des chats qui développent la PIF le font après la première exposition au FCoV ; elle a habituellement lieu alors qu’ils sont encore chatons 5 8. Les facteurs additionnels de risque sont la race pure et l’hébergement en groupe, surtout en cas de surpopulation ou de conditions sanitaires incorrectes, où les charges virales et les stress physiologiques sont importants (Figure 2). Enfin, des études anciennes ont démontré un risque plus important chez les chats également infectés par le FeLV ou le FIV, bien que cette observation n’ait pas été confirmée 1112.

Figure 2. Le triangle épidémiologique de la PIF ; l’hôte, l’agent et les facteurs environnementaux contribuent tous au développement de la maladie.© Sandrine Fontègne
Figure 2. Le triangle épidémiologique de la PIF ; l’hôte, l’agent et les facteurs environnementaux contribuent tous au développement de la maladie.© Sandrine Fontègne

Signes cliniques

Classiquement, la PIF a été décrite sous deux formes cliniques : humide (exsudative) et sèche (non-exsudative). Pourtant, le spectre naturel de la PIF comprend des signes exsudatifs d’un côté et des signes non-exsudatifs ou granulomateux de l’autre ; la majorité des cas associent les deux types. La difficulté du diagnostic de la PIF est liée à la non-spécificité des signes cliniques, l’absence d’anomalies pathognomoniques lors des analyses hématologiques et biochimiques, ainsi qu’à la faible sensibilité des méthodes de tests ante-mortem utilisées en clinique.

Elizabeth A. Berliner

Le spectre naturel de la PIF comprend d’un côté des signes cliniques associés à la forme exsudative (épanchement) et de l’autre des signes cliniques associés à la forme non exsudative (lésions granulomateuses) ; la majorité des cas associent les deux types.

Elizabeth A. Berliner

Une fièvre intermittente ou persistante et de l’inappétence sont les signes cliniques précoces le plus souvent rapportés. Une PIF débutante peut être confondue avec d’autres maladies infectieuses fréquentes, surtout chez les chatons, incluant la panleucopénie et des maladies respiratoires virales. Quand des épanchements sont présents, cela constitue un élément différentiel clé pour le diagnostic. Les chats ayant une pathologie associée à un épanchement présentent souvent une distension abdominale, une dyspnée, un ictère ou une pâleur. De nombreuses présentations non-exsudatives associent des lésions oculaires (uvéite, iritis, précipitats cornéens) et des troubles neurologiques qui peuvent orienter vers une suspicion de PIF. Une PIF exsudative devra être différenciée d’un trouble tumoral (lymphome en particulier), d’une insuffisance cardiaque ou d’autres causes telles qu’une pleurésie ou une péritonite. Une forme très peu exsudative de PIF peut ressembler à une toxoplasmose, une infection par le FeLV ou le FIV ou à un cancer (lymphome, adénocarcinome, etc.).

Les signes cliniques résultent directement des complexes antigène-anticorps formés dans la circulation sanguine. Ils entraînent les lésions classiques de vasculite fibrineuse ou granulomateuse observées lors du prélèvement chirurgical ou nécropsique des tissus. Des liquides sortent des vaisseaux lésés et vont s’accumuler dans les cavités, provoquant un épanchement pleural, péricardique ou abdominal (Figure 3). Dans les organes solides, les lésions sont principalement multifocales ou des granulomes coalescents qui suivent souvent le trajet des vaisseaux sanguins (Figure 4) (Figure 5).

Figure 3. Liquide d’épanchement d’un chat atteint de PIF. (a) Le liquide classique d’épanchement lors d’une PIF est de couleur jaune paille, il est hautement visqueux et contient beaucoup de protéines mais peu de cellules ; des agglomérats de fibrine sont aussi visibles dans cet échantillon. (b) Visualisation d’un épanchement d’un chat atteint de PIF in situ. L’épanchement pleural entoure les lobes pulmonaires affectés par la PIF. Des plaques granulomateuses multifocales ou coalescentes, blanc-jaunâtres, sont visibles sur le poumon et sur la paroi pleurale de la cavité thoracique.© Gerald Duhamel, Cornell University
Figure 3. Liquide d’épanchement d’un chat atteint de PIF. (a) Le liquide classique d’épanchement lors d’une PIF est de couleur jaune paille, il est hautement visqueux et contient beaucoup de protéines mais peu de cellules ; des agglomérats de fibrine sont aussi visibles dans cet échantillon. (b) Visualisation d’un épanchement d’un chat atteint de PIF in situ. L’épanchement pleural entoure les lobes pulmonaires affectés par la PIF. Des plaques granulomateuses multifocales ou coalescentes, blanc-jaunâtres, sont visibles sur le poumon et sur la paroi pleurale de la cavité thoracique.© Gerald Duhamel, Cornell University
Figure 4. Cavité péritonéale d’un chat atteint de PIF montrant le schéma classique de granulomes multi-focaux diffus qui colonisent les séreuses de l’intestin grêle, du foie et du péritoine. Un épanchement péritonéal est aussi présent.© Gerald Duhamel, Cornell University
Figure 4. Cavité péritonéale d’un chat atteint de PIF montrant le schéma classique de granulomes multi-focaux diffus qui colonisent les séreuses de l’intestin grêle, du foie et du péritoine. Un épanchement péritonéal est aussi présent.© Gerald Duhamel, Cornell University
Figure 5. Reins d’un chat atteint de PIF. (a) Des granulomes multi-focaux à coalescents, concentrés autour des vaisseaux sanguins sont visibles même à travers la capsule. (b) L’ouverture de la capsule montre les lésions en détail.&nbsp;&nbsp;© Gerald Duhamel, Cornell University
Figure 5. Reins d’un chat atteint de PIF. (a) Des granulomes multi-focaux à coalescents, concentrés autour des vaisseaux sanguins sont visibles même à travers la capsule. (b) L’ouverture de la capsule montre les lésions en détail.  © Gerald Duhamel, Cornell University

La PIF est une maladie évolutive. Les signes cliniques se modifient et des examens répétés fréquemment (examens ophtalmologiques et neurologiques en particulier) peuvent aider à confirmer une suspicion clinique précoce (Figure 6).

Figure 6. De nombreux chats atteints par la PIF développent des lésions oculaires (par exemple : uvéite, iritis, précipité cornéen) et l’examen oculaire complet fait partie intégrante de l’examen clinique.© Shutterstock
Figure 6. De nombreux chats atteints par la PIF développent des lésions oculaires (par exemple : uvéite, iritis, précipité cornéen) et l’examen oculaire complet fait partie intégrante de l’examen clinique.© Shutterstock

Tests diagnostiques

Aujourd’hui, le diagnostic de certitude d’une PIF passe par l’identification du FCoV ou du VPIF dans les macrophages tissulaires via l’immunohistochimie ou la transcriptase inverse ou reverse transcriptase PCR (RT-PCR). Cela nécessite cependant des biopsies chirurgicales ou des échantillons nécropsiques, et ne permet donc pas un diagnostic ante-mortem non invasif. Ce dernier est souvent présumé et se base sur l’étude soigneuse de l’historique médical et des découvertes cliniques, plus les résultats des tests hématologiques, biochimiques et (quand un épanchement est présent) l’analyse de l’exsudat (Encadré 1).

Commémoratifs : moins de 2 ans, vie en groupe (fourrière, refuge, chatterie), épisodes de stress (stérilisation, adoption), chat de pure race
↓↓↓
Examen clinique : fièvre (persistante ou intermittente), anorexie, perte de poids, faiblesse
↓↓
Épanchement
• couleur paille, visqueux, non purulent
• ratio albumine /globuline inférieur à 0,8
• protéines totales supérieures à 3,5 mg/dL
• faible comptage leucocytaire (surtout des neutrophiles et des macrophages)
Pas d’épanchement
• nécessite des examens approfondis
• signes intra-oculaires (uvéite, iritis, rétinite)
• signes neurologiques (ataxie, nystagmus)
• nœuds lymphatiques mésentériques hypertrophiés
• masses abdominales
PIF probable Hématologie : anémie non-régénérative, lymphopénie
Biochimie : hyperglobulinémie, ratio albumine/ globuline faible, hyperbilirubinémie
Confirmation : RT-PCR pour identifier les mutations spécifiques du VPIF
Limites :
faux négatifs si le niveau antigénique est faible
Forte suspicion clinique de PIF
Confirmation : analyses ciblées sur des biopsies tissulaires
Limites :
technique invasive, chère

Encadré 1. Algorithme de diagnostic de la PIF.

Il n’y a pas de changement sanguin pathognomonique lors de PIF. Lors de numération formule, une anémie non-régénérative et une lymphopénie sont souvent présentes mais en général sans la leucocytose neutrophilique classiquement associée à un leucogramme de stress. Les profils biochimiques du sérum montrent une élévation des protéines totales due à une hyperglobulinémie chez la majorité des chats 13. Les enzymes hépatiques et la bilirubine peuvent être élevées, à cause des lésions organiques.

Analyser et tester un liquide d’épanchement est le meilleur moyen de confirmer une PIF ante-mortem. L’analyse du liquide peut être faite au chevet du patient ; elle oriente vers le diagnostic de PIF quand les protéines totales sont supérieures à 3,5 mg/dL et que le comptage cellulaire est minimal. Un ratio albumine/globuline inférieur à 0,8 dans le liquide est aussi fortement en faveur d’une PIF. L’immunocoloration des antigènes FCoV dans le liquide n’est pas considérée comme une technique fiable puisque le liquide contient peu de cellules ou que l’antigène est souvent caché par les anticorps attachés 14.

La RT-PCR pour le VPIF (pas pour le FCoV) sur des épanchements est une méthode de laboratoire relativement spécifique (95,8 %) mais peu sensible (68,6 %) pour la détection du VPIF. C’est cependant la meilleure technique non-invasive actuelle pour confirmer un diagnostic de PIF. Quand il est positif, ce test identifie des mutations particulières sur la protéine « spike » associée au VPIF. Pour les chats à épanchement, chez qui la prévalence de la PIF atteint 50-60 %, la PCR pour le VPIF a une valeur prédictive positive d’environ 95 %. Ce test n’est pas recommandé sur le sang, le sérum ou les selles, à cause de la faible présence de l’antigène et des complexes antigène-anticorps. De plus, de nombreux chats hébergent de multiples souches de coronavirus en même temps, ce qui limite la valeur interprétative du test.

Il ne faut jamais s’appuyer sur une sérologie positive vis-à-vis du FCoV pour faire un diagnostic de PIF. La sérologie ne peut pas faire la différence entre les anticorps dirigés contre le FCOV ubiquitaire et le FCOV déclenchant une PIF.

Traitement

La PIF est considérée comme inéluctablement fatale, bien que de rares cas de maladie prolongée ou même de guérison soient rapportés. La maladie progresse en général rapidement et le temps médian de survie est de 9 jours après le diagnostic 15. De nombreux médicaments antiviraux ont été proposés sur la base d’études in vitro ou de leur utilisation dans des affections touchant d’autres espèces ; par exemple : ribavirine, vidarabine, interféron humain alpha et interféron félin oméga 13 Ils se sont avérés globalement inefficaces pour la PIF. Les traitements palliatifs facilement accessibles incluent les immunosuppresseurs qui peuvent ralentir la progression des signes cliniques ; la prednisolone ou la dexaméthasone sont les plus utilisés mais cyclophosphamide ou chlorambucil sont également indiqués 13. Des immunostimulants non-spécifiques ont été employés et quelques cas de survie plus longue des chats sont mentionnés mais ils sont peu nombreux et ne peuvent pas encore être recommandés lors de PIF 16.

Le traitement de la PIF suscite des recherches actives et certains résultats sont très prometteurs. De multiples études en laboratoire et des essais cliniques ont porté sur un immunostimulant, le polyprényl (PPI), qui s’est montré efficace dans des cas précoces de PIF non exsudative 17 ; le PPI est commercialisé et autorisé pour le traitement des affections respiratoires supérieures du chat dans certains pays. D’autres essais intéressants portent sur un inhibiteur des protéases (GC376) qui a permis une régression temporaire des signes cliniques chez des chats affectés en conditions de laboratoire et lors d’essais cliniques 18. La vente du GC376 devrait être autorisée aux USA dans les années à venir 19. Des recherches récentes à propos des inhibiteurs de la transcription de l’ARN (EVO984/GS441524) ont montré une réduction très importante de la réplication virale dans des études in vitro et une inversion de l’évolution clinique chez 10 chats infectés expérimentalement sur 10 20.

Elizabeth A. Berliner

Dans de nombreux cas, rechercher un iritis, une uvéite ou des lésions rétiniennes lors de l’examen ophtalmologique est utile au diagnostic de la PIF.

Elizabeth A. Berliner

Vaccination

Un vaccin contre la PIF est commercialisé aux USA, en Europe et au Canada. Il s’agit d’un vaccin vivant modifié intranasal, contenant le FCoV muté. L’American Association for Feline Practitioners (AAFP) classe les vaccins en trois grandes catégories : essentiels, accessoires et généralement non recommandés ; selon le Feline Vaccination Advisory Panel de l’AAFP, ce vaccin actuel contre la PIF n’est pas recommandé car il n’existe pas de preuves suffisantes qu’il confère une protection clinique importante 21.

Conséquences pour les chats exposés au VPIF

Comme évoqué précédemment, la transmission horizontale du VPIF est la plupart du temps improbable, c’est pourquoi les foyers de PIF sont très rares. Pourtant, quand une PIF apparaît chez un chat ou un chaton, on doit toujours évaluer le niveau de risque pour les chats avec qui l’animal a été en contact. Selon la théorie de la mutation interne discutée plus haut, le risque de maladie est considéré comme très faible pour les chats non apparentés ayant été exposés au chat présentant une PIF. En revanche, les chats génétiquement proches sont plus à risque, étant donné l’exposition probable à la même souche de FCoV et une prédisposition génétique identique de mutation ; sans compter que les chats apparentés partagent souvent le même environnement et peut-être les mêmes facteurs de stress. En conséquence, la fratrie des chatons affectés présente un risque de développement de PIF et son état clinique doit être surveillé.

La période d’incubation de la PIF peut certainement durer des mois à des années. Les tests diagnostiques actuellement disponibles ne permettent pas de prévoir sa durée pour les chats qui ont été exposés au virus mais qui ne présentent pour l’instant pas de signes cliniques ; le séquençage moléculaire des mutations ponctuelles du FCoV pourrait cependant permettre de le faire dans le futur.

Conséquences pour la prévention du PIF dans les populations félines

Le FCoV peut survivre jusqu’à 7 semaines dans un environnement sec mais il est facilement inactivé par des détergents et des désinfectants usuels. Dans les populations félines, les mesures de prévention et de contrôle de la PIF visent à limiter les facteurs de risque de développement, ce qui implique de réduire autant que possible l’exposition au FCoV. Les refuges et les fourrières doivent mettre en œuvre des protocoles complets et réguliers de nettoyage et désinfection. L’hygiène des bacs à litière passe par un enlèvement fréquent des selles, au minimum une fois par jour, et des litières jetables seront utilisées pour les chatons et les chats présentant une diarrhée. Eviter la surpopulation est une mesure fondamentale dans les refuges et respecter de bonnes pratiques 22 pour limiter la population à un niveau raisonnable aide à garder les chats en bonne santé. Idéalement, les portées de chatons non apparentés ne devraient pas être mélangées, afin d’éviter les échanges de souches virales et de recombinaisons éventuelles. Une incidence de PIF allant jusqu’à 1 % est cependant généralement considérée comme inévitable dans les collectivités félines. Lorsque l’incidence augmente dans une chatterie ou un refuge, il est nécessaire d’analyser la situation ; cela implique d’évaluer l’hygiène et la désinfection, les conditions de manipulation, d’élevage et d’hébergement, ainsi que la gestion du stress.

La PIF est une maladie terrible qui résulte d’interactions complexes entre des souches mutées de FCoV, l’immunité de l’hôte et les conditions et la charge virale environnementales. Des recherches sont en cours pour mieux comprendre les mutations, mettre au point des outils de diagnostic précoce et d’évaluation du risque, et trouver des traitements pour ralentir ou inverser l’évolution clinique. Des avancées prometteuses ont été faites dans le domaine thérapeutique depuis deux ans ; elles peuvent s’appliquer aux chats malades présentés en clinique pour améliorer les soins palliatifs. Eradiquer le FCoV n’est pas un objectif réaliste et minimiser la charge virale et l’exposition au virus restent les meilleurs moyens pour réduire la prévalence de la PIF dans des populations félines.

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Elizabeth A. Berliner

Elizabeth A. Berliner

Le Dr Berliner a obtenu son doctorat à l’Université Cornell en 2003 et, au sein de l’American Board of Veterinary Practitioners, elle est spécialiste en médecine vétérinaire en refuges En savoir plus

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