Dépistage précoce de l’hématurie féline
Le dépistage précoce de l’hématurie féline est maintenant possible...
Numéro du magazine 29.2 Autre scientifique
Publié 17/10/2019
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La plupart des cliniques disposent d’un échographe. Greg Lisciandro présente une approche structurée de l’examen échographique de l’abdomen pour aider à identifier rapidement d’éventuelles anomalies de la vessie et les problèmes qui s’y rapportent.
L’échographie exploratoire est de plus en plus utilisée en première intention. Elle peut être considérée comme la technique d’imagerie à utiliser en priorité par le vétérinaire.
Structurer l’approche de l’échographie abdominale permet de limiter le risque de passer à côté d’affections importantes.
L’évaluation du volume de la vessie par échographie est une méthode indirecte, non-invasive pour estimer le débit urinaire, un critère important pour traiter certains cas graves.
Enregistrer les données échographiques en s’appuyant sur des modèles spécifiques aide à préciser les objectifs pendant l’examen, et fournit des données de référence pour de futures évaluations du patient.
La méthode « Global FAST » ou GFAST (Focused Assessment with Sonography in Trauma/Triage) vise à réaliser rapidement des examens échographiques de base sur les petits animaux. Cette technique est maintenant largement diffusée au sein de la communauté vétérinaire. Elle inclut des protocoles d’échographie abdominale (AFAST), thoracique (TFAST) et pulmonaire (Vet BLUE : Veterinary Bedside Lung Ultrasound Examination). L’objectif initial du GFAST était de standardiser les examens échographiques des petits animaux pour répondre à des questions cliniques spécifiques, différentes de celles qui sont habituellement posées lorsque des examens échographiques ou échocardiographiques plus complets sont mis en œuvre. Précisons que les examens AFAST, TFAST et Vet BLUE ne consistent pas juste à flasher l’abdomen, le thorax et les poumons.
La technique GFAST s’appuie sur des fenêtres acoustiques prédéfinies (i.e., des projections) qui permettent d’explorer les organes cibles en manipulant la sonde de manière spécifique et standardisée. Cet article est consacré à l’évaluation de la vessie du chat et à l’interprétation des observations réalisées, en utilisant la vue Cysto-Colique (CC) AFAST. Ceci inclut la détection des épanchements liquidiens et des anomalies vésicales le plus facilement décelables. La compilation des résultats sur des fiches organisées par objectifs permet de donner une valeur objective à l’examen.
Précisons d’abord, en préambule, que l’échographie vétérinaire exploratoire (veterinary point-of-care ultrasound ou V-POCUS) peut facilement donner des résultats erronés à cause du caractère sélectif de l’examen (collecte et choix des images). S’il ne suit pas un protocole général standardisé, le clinicien risque de passer à côté de certaines affections et d’oublier d’intégrer des observations échographiques importantes 1 2 3 4 5. L’approche échographique GFAST est destinée à compléter l’examen physique et cette technique standardisée est accessible au vétérinaire non spécialisé en imagerie. Elle vise à faciliter l’accès du clinicien à des examens d’imagerie de première intention, c’est donc un test d’évaluation rapide.
Cet article présente l’utilisation en première intention du GFAST pour évaluer une atteinte du bas appareil urinaire chez un chat. La technique AFAST est utilisée pour faire un examen général de l’abdomen, en incluant un système de quantification des épanchements, et est une approche ciblée sur les organes, incluant la vessie. La stratégie à employer avec des patients atteints de maladie rénale sera précisée dans un autre article. Les méthodes TFAST et Vet BLUE devraient aussi être utilisées pour apprécier le statut volumique des chats. L’approche GFAST devrait être intégrée à l’examen de tous les chats présentant des signes cliniques urinaires ou une obstruction urinaire. Utilisé en première intention, ce test d’imagerie permet aussi de faire des découvertes fortuites et inattendues dans les voies urinaires.
Gregory Lisciandro
Les repères externes des vues AFAST servant de base au système d’évaluation des épanchements abdominaux sont respectivement présentés dans les Figure 1 et Figure 2. Une approche standardisée est nécessaire : d’abord la vue Diaphragmatico-Hépatique (DH), suivie par la vue la moins dépendante de la gravité, la vue Spléno-Rénale (SR) en décubitus latéral droit (ou la vue Hépato-Rénale (HR) en décubitus latéral gauche), puis la vue Cysto-Colique (CC) et enfin la vue la plus dépendante de la gravité, la vue Hépato-Rénale et Ombilicale (HRO – ou la vue Spléno-Rénale et Ombilicale (SRO) en décubitus latéral gauche). Cet ordre standardisé garantit que le thorax du patient est examiné en priorité (grâce à la vue DH) et évite de passer à côté d’un problème intra-thoracique comme un épanchement pleural ou péricardique qui pourrait mettre le patient en danger lors de la contention. La dernière vue AFAST concerne la région la plus sensible à la gravité, la région ombilicale, où une abdominocentèse peut être effectuée (après avoir terminé l’AFAST) si un épanchement est détecté.
Questions | Réponses |
---|---|
Existe-t-il un épanchement dans la cavité abdominale (péritonéale) ? | Oui ou Non |
Selon le système d’appréciation AFAST, quelle quantité de liquide y a-t-il dans la cavité abdominale ? |
Score : 0, ½ (≤ 5 mm) ou 1 (> 5mm)
|
A quoi ressemble la vessie ? | Normale ou anormale |
A quoi ressemble la lumière de la vessie ? | Normale ou anormale |
A quoi ressemble la paroi de la vessie ? | Normale ou anormale |
L’appareil reproducteur du patient est-il intact ? | Oui ou Non |
Un artéfact ou un piège risque-t-il de m’orienter par erreur vers une affection ? |
Detectar errores y artefactos |
L’AFAST permet le diagnostic échographique des affections urinaires faciles à identifier. L’échographiste doit seulement vérifier si la vessie est normale ou non et, dans le second cas, continuer l’examen en vue de faire un diagnostic définitif selon un protocole d’imagerie simplifié. Les anomalies observables grâce à l’AFAST sont détaillées dans le (Tableau 1). L’aspect normal de la vessie et de l’urètre abdominal sont présentés dans le Tableau 2.
Tableau 2. Il est essentiel que le clinicien connaisse bien l’aspect normal de la vessie et de l’urètre abdominal du chat pour pouvoir identifier des anomalies potentielles.
L’AFAST est réalisé en éventail, en explorant d’abord dans des plans longitudinaux, puis en basculant crânialement la sonde et en retournant au point de départ à chacune des vues. Par conséquent, la vue Cysto-Colique (CC) explore la vessie selon un plan longitudinal tout en recherchant la présence de liquide dans la région sensible à la gravité qu’on appelle la poche Cysto-Colique. Notons que l’urètre du chat est différent de celui du chien car une large portion de ce dernier peut être visualisée à l’intérieur de l’abdomen. Les vues Spléno-Rénale (SR) et Hépato-Rénale (HR) renseignent sur l’état tissulaire des reins et elles servent aussi à rechercher du liquide rétropéritonéal et péritonéal. Ces vues complètent également l’évaluation initiale de l’appareil urinaire félin. Cette partie de l’examen (qui peut être réalisée sur l’animal debout, en décubitus latéral ou sternal) sera détaillée dans un autre article.
La vue AFAST CC permet de détecter la présence mais aussi l’importance des sédiments présents dans la vessie, ce qui est particulièrement utile lors des affections urinaires et des obstructions chez le chat. Evaluer la quantité des sédiments peut aider à évaluer la réponse ultérieure au traitement (incluant les interventions diététiques). Chez les chats présentant une obstruction urinaire, la nécessité d’effectuer un rinçage vésical est conditionnée par la quantité de sédiments. Parmi les autres observations, on peut noter la présence de thrombus (caillots sanguins), de calculs vésicaux, d’anomalies de la paroi vésicale et la position d’un cathéter urinaire quand il est en place. Le Tableau 3 illustre certaines des observations les plus utiles, normales et anormales, qui peuvent être faites grâce à cette technique.
Tableau 3. Observations échographiques sur la vessie et l’urètre du chat.
Lors d’obstruction urinaire, les chats présentent couramment une ascite associée à l’obstruction 61112ainsi qu’un épanchement rétro-péritonéal. Selon l’étude la plus détaillée à ce jour (à la connaissance de l’auteur), environ 60 % des chats obstrués présentent un liquide péri-vésical (d’après la vue AFAST CC) et 35 % un épanchement rétro-péritonéal 6. Il faut être conscient que, dans la grande majorité des cas, l’état clinique de ces chats n’est pas altéré. Avec des soins adéquats, l’ascite et l’épanchement rétropéritonéal disparaissent pendant la convalescence du patient 6. Un prélèvement et une analyse du liquide peuvent confirmer un diagnostic d’uro-abdomen mais un traitement médical se révèle ici plus approprié qu’une intervention chirurgicale. La raison pour laquelle un épanchement se produit dans de tels cas fait débat. Selon l’auteur, l’inflammation tissulaire et la pression de l’urine contre la paroi vésicale et la capsule rénale seraient en cause 13. La technique AFAST permet d’apprécier la quantité de liquide abdominal : elle fournit non seulement une évaluation objective semi-quantitative du volume présent (habituellement noté de 0 à 4, bien que le système puisse être modifié lorsque le volume est réduit), mais elle définit aussi les régions positives et négatives 1141516. Ce système de notation présente un net avantage par rapport à l’emploi de termes subjectifs (négligeable, léger, modéré, marqué) souvent employés pour décrire l’épanchement. Il permet aussi de traiter le chat si nécessaire, en particulier lors des visites quotidiennes et des examens de contrôle. Selon l’expérience de l’auteur, un épanchement se résout en général dans les 24 à 36 heures après la levée de l’obstruction et la réanimation du patient.
Gregory Lisciandro
Quand un épanchement est repéré à l’échographie et qu’il est ponctionnable facilement, il faut faire un prélèvement pour préciser sa composition. Une analyse du liquide et un examen cytologique devraient être réalisés car ils facilitent le diagnostic et le traitement. Quand une rupture est suspectée dans l’appareil urinaire, il est souhaitable de comparer les niveaux de créatinine ou de potassium sériques à ceux de l’épanchement. Il est important de se rappeler que l’échographie ne peut pas préciser la nature de l’épanchement : lorsque celui-ci est important, une abdominocentèse est généralement réalisée juste après avoir réalisé l’AFAST, en regard de la vue ombilicale la plus dépendante de la gravité, là où le liquide intra-abdominal s’accumule.
La réalisation de mesures longitudinales (sagittales) et transverses lors de la vue AFAST CC peut permettre d’estimer le volume de la vessie et, en répétant les mesures au cours du temps, d’évaluer le débit urinaire 17 La vessie se mesure longitudinalement (en cm), en prenant en compte la plus grande longueur (L) et la hauteur (H) de l’ovale. Une rotation de 90° est ensuite appliquée à la sonde pour mesurer la largeur (l). L’estimation du volume de la vessie (en mL) est donnée par la formule : L x H x l x 0,625 (Figure 3a) (Figure 3b). C’est un moyen indirect et non invasif d’obtenir une information clinique importante, surtout quand une insuffisance rénale est possible ou présente chez les chats.
Il n’est pas rare qu’un vétérinaire repère une masse vésicale suspecte en réalisant une cystocentèse chez un chat. Ces cas devraient être explorés grâce à un GFAST, en particulier pour permettre d’établir un meilleur dialogue avec le client. Deux scénarios simples peuvent illustrer ce point :
(i) Le praticien découvre une masse vésicale pendant la cystocentèse, renonce à faire le prélèvement et dit finalement au propriétaire que les nouvelles sont mauvaises : un processus tumoral est probablement en cours et un bilan onéreux est recommandé. Si l’état général du chat est stable, le client peut décider de rentrer chez lui pour réfléchir et il ne reviendra pas. Cela nuit à la relation entre le vétérinaire et son client. De plus, ce dernier se sent coupable et se demande quelle serait la meilleure option pour le chat.
(ii) Le praticien découvre une masse vésicale mais revient en salle de consultation en ayant déjà réalisé une évaluation GFAST. Le dialogue peut alors être plus positif que dans le premier scénario si l’examen a mis en évidence une masse localisée, sans dilation du bassinet rénal ni masses détectables au niveau des reins, du foie, des poumons (grâce à une échographie Vet BLUE) et l’absence d’épanchement pleural ou péricardique. Si le chat est coopératif, une échographie TFAST peut aussi permettre de vérifier que les cavités cardiaques sont normales. Le vétérinaire peut alors recommander de faire ultérieurement des examens complémentaires adéquats. Inversement, si l’échographie révèle des éléments graves, tels que des nodules pulmonaires 18 alors le vétérinaire tentera d’aider au mieux le propriétaire et son animal en proposant, par exemple, des soins palliatifs. Grâce à l’approche GFAST, la relation entre le vétérinaire et son client se renforce.
L’espèce féline est en général très sensible à l’administration excessive de solutés et les chats présentant une obstruction urinaire sont concernés 19; Cela peut entraîner un œdème pulmonaire, une congestion veineuse hépatique, un épanchement pleural ou péricardique, ces phénomènes pouvant d’ailleurs être associés 20. Sur ce type de patients, une échographie GFAST peut être d’une aide précieuse. L’intégration des informations par la réalisation d’un TFAST et d’un Vet BLUE est utile pour déterminer si la surcharge volumique concerne plutôt la partie droite ou gauche. D’ailleurs, et c’est important, ces vues échographiques ne sont pas souvent nécessaires car ce qu’on appelle des vues de repli peuvent être suffisantes. Une surcharge ou insuffisance cardiaque congestive gauche entraîne un œdème pulmonaire cardiogénique pouvant facilement être détecté et évalué (ou infirmé) en utilisant le Vet BLUE202122. Une surcharge ou insuffisance cardiaque congestive droite provoque une congestion veineuse hépatique qui peut également être rapidement détectée en repérant la taille de la veine cave caudale et des veines hépatiques associées. De plus, un épanchement pleural et péricardique peut se produire en parallèle dans chaque cas et un TFAST pourra le repérer 1523242526. L’intégration des découvertes échographiques pendant le TFAST et la caractérisation de la veine cave caudale et des poumons durant le Vet BLUE augmentent la probabilité d’un diagnostic précis 3.
Des modèles d’interprétation sont obligatoires pour se fixer des objectifs clairs et pour enregistrer des données mesurables chez le patient, ces données de base pouvant être plus tard comparées à des résultats ultérieurs. Des exemples publiés peuvent être consultés sur le site FASTVet.com 1152728.
En s’appuyant sur une approche standardisée, l’échographie abdominale devrait être utilisée en priorité pour réaliser des examens d’imagerie chez un chat potentiellement touché par une affection vésicale ou ayant subi un traumatisme abdominal. L’utilisation de la méthode AFAST, selon des fenêtres acoustiques définies, en manœuvrant la sonde de manière spécifique et constante, permet d’explorer des organes précis et doit permettre une évaluation rapide du cas, ce qui facilite ensuite le traitement s’il se révèle nécessaire.
Gregory Lisciandro
Le Dr Lisciandro est diplômé de l’Université Cornell. Il a réalisé un internat en médecine et chirurgie des petits animaux à l’Animal Medical Center de New York En savoir plus
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