Petit guide sur... Les sondes d’alimentation nasales chez le chien
Facile à faire et remarquablement efficace, l’alimentation d’un chien malade par sonde nasale peut être...
Numéro du magazine 27.1 Gastro-intestinal
Publié 05/09/2019
Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Español et English
Les cliniciens sont plus qu’habitués à recevoir des chats présentant des diarrhées récidivantes. Le traitement de ces cas peut être frustrant à la fois pour le vétérinaire et le propriétaire mais Craig Webb présente sa façon de s’occuper au mieux de ces chats, dans un article basé sur des cas cliniques qui donne des clés pour trouver des solutions.
Le clinicien peut aborder un chat souffrant de diarrhée chronique de diverses manières. Les deux méthodes les plus utiles sont le Raisonnement Clinique et la Reconnaissance par tableau clinique.
Il faut privilégier l’approche clinique : les examens à réaliser doivent découler d’un diagnostic clinique.
Les incohérences et éléments clés sont à rechercher par l’anamnèse et par l’examen clinique.
Définir le problème de manière précise, complète et concise aide au diagnostic.
La valeur prédictive positive d’un examen dépend de la prévalence de la maladie dans la population testée.
L’alimentation est un élément essentiel à la fois du diagnostic et du traitement des chats à diarrhée chronique.
Il y a une grande différence entre la manière dont sont abordés un signe clinique ou un processus pathologique dans les livres de référence et la façon dont un chat vous est réellement présenté pour ce même signe ou processus pathologique. Par conséquent, bien que la compréhension de la littérature soit essentielle, celle-ci sera toujours très éloignée de la réalité qui se tient sur votre table d’examen. Dans les lignes qui suivent, je vais tenter de décrire ce qui se passe réellement entre le chat et le clinicien que je suis.
Mon approche du chat à diarrhée chronique – définie comme une diarrhée continue ou intermittente (consistance réduite, volume augmenté ou fréquence augmentée) de plus de 3 semaines – peut en réalité découler de plusieurs cheminements. Envisageons les options suivantes :
• J’aime commencer par la prise en compte du chat et de son propriétaire. Je me sers des antécédents du chat, des commémoratifs et de l’examen clinique pour établir mon diagnostic différentiel en le classant par ordre de probabilité décroissante. D’après cette liste, je hiérarchise les examens complémentaires qui semblent les plus appropriés pour confirmer ou infirmer mon hypothèse n° 1. Les examens complémentaires vont modifier l’ordre de mes hypothèses jusqu’à ce que j’identifie celle qui reste en haut de la liste. Cette approche est appelée Raisonnement Clinique car le vétérinaire va progressivement, de manière logique, d’un diagnostic de suspicion vers un diagnostic de certitude.
• La prochaine approche est beaucoup moins complexe. De nouveau, je commence par regarder le chat et écouter le propriétaire. Puis j’observe la présentation globale du cas, le scénario clinique en quelque sorte, et je fais appel simplement à mon intuition. Cette approche est appelée Reconnaissance par tableau clinique et repose très fortement sur le ressenti et l’instinct du vétérinaire.
• Au fil de l’anamnèse et de l’examen clinique, je fais particulièrement attention aux aspects du cas qui semblent illogiques ou non concordants : ces incohérences se révèlent souvent être des indices importants. Je me repasse également le cas dans ma tête, du début à la fin, comme un film en boucle, et en essayant de décrire à chaque fois le cas de manière plus complète et précise, à la recherche de toute pièce manquant au puzzle. Ce sont les étapes de l’Approche par Points Clés, qui permet de dissocier les points essentiels du bruit de fond.
• Enfin, malgré un bon argumentaire en faveur d’une démarche consacrée et souvent à cause de contraintes financières, le propriétaire peut opter pour un « diagnostic thérapeutique ». Je prescris alors un traitement x et programme une visite de contrôle deux semaines plus tard. Cette approche est appelée Prêt-Feu-Visez mais évolue souvent vers une approche Prêt-Feu-Feu-Feu.
Beaucoup de facteurs peuvent influencer la manière dont j’aborde un cas, certains de façon positive et d’autres d’une façon conduisant (assez prévisiblement) à une erreur de jugement médical. Les méthodes précédentes ne sont pas exclusives l’une de l’autre : dans de nombreux cas, une approche peut en compléter une autre. Je vous encourage fortement à réfléchir à la manière dont vous réfléchissez aux cas 1 et cela s’illustrera mieux avec quelques exemples cliniques.
Je commence avec les informations notées sur le planning de rendez-vous : détails sur le chat et son signalement, et motif de consultation de diarrhée chronique. Uniquement avec le signalement et le motif de consultation, je commence à élaborer un scénario pathologique, c’est-à-dire un tableau du cas dans ma tête. Si le planning m’indique que je vais voir un chaton souffrant de diarrhée chronique, mon scénario pathologique sera très différent de celui que j’élaborerai si c’est un Siamois de 14 ans à diarrhée chronique (Tableau 1). Quand je rencontre enfin le chat, que je l’examine et que j’interroge le propriétaire, j’utilise toutes ces informations pour ajouter des détails à mon tableau et le clarifier. A ce stade de mon approche, j’établis un diagnostic de suspicion par la reconnaissance de scénario.
Signalement, motif de consultation, anamnèse, examen clinique |
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Signalement : âge, sexe, race |
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Age |
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Chaton | Adulte | Gériatrique | ||
Digestif primaire > digestif secondaire | Digestif primaire & digestif secondaire | Digestif primaire < digestif secondaire | ||
• Alimentation
• Stress |
• Répondant à l’alimentation • MICI • LSA digestif • Infection • Iléus |
• MRC • Pancréatite • Tumeur • Cholangite • Hyperthyroïdie • IPE |
Tumeur intestinale | Tumeur extra-intestinale |
Toutes les causes listées |
Aussi simple que cela puisse paraître, il a été démontré que plus un clinicien est expérimenté, plus la reconnaissance de scénario joue un rôle important dans son approche des cas. L’efficacité de cette approche dépend du degré de précision et d’exhaustivité de mon scénario pathologique. Elle dépend aussi de ma capacité, par mon expérience, ma formation et ma mémoire, à reconnaître et à identifier ce scénario particulier.
Un chat à diarrhée chronique peut souffrir d’à peu près n’importe quoi. Cependant, une chatte européenne stérilisée de 5 mois (signalement) présentant une diarrhée chronique intermittente du gros intestin (motif de consultation et anamnèse), adoptée dans un refuge et par ailleurs en bonne santé (anamnèse), avec un score d’état corporel de 5/9 et une légère inflammation péri-anale (examen clinique) et n’ayant pas répondu aux traitements répétés de métronidazole et de fenbendazole (anamnèse) est un cas d’infection à Tritrichomonas foetus* jusqu’à preuve du contraire 2 (Figure 1).
*Tritrichomonas foetus pourrait être bientôt rebaptisé T. blagburni, sur la base de tests moléculaires, de sa spécificité d’hôte et de sa pathologie. Ceci simplement pour distinguer T. foetus du chat de celui des bovins. Cela n’a aucun impact sur le diagnostic ou le traitement de la trichomonose féline.
Dans ce cas, l’approche Prêt-Feu-Visez a déjà abouti à plusieurs traitements empiriques prescrits par le vétérinaire référent, avec un anthelminthique large spectre (fenbendazole 50 mg/kg 1 fois par jour pendant 5 jours) et du benzoate de métronidazole (25 mg/kg 1 fois par jour pendant 7 jours). Cette pratique est monnaie courante chez les chatons étant donné la prévalence des parasites dans une population de refuge de cet âge. Dans le cas présenté, l’absence de réponse aux traitements essayés constitue une caractéristique clé du scénario pathologique.
Une autre question importante de mon scénario pathologique pour ce cas est de savoir si la diarrhée provient majoritairement de l’intestin grêle ou du gros intestin (Tableau 2). Souvent, la réponse est mixte et les deux catégories partagent de nombreuses causes communes. Mais cette distinction se révèle importante dans le cas présent, puisque le chaton n’était pas infesté de parasites digestifs sensibles aux anthelminthiques classiques. Ainsi, mes deux principales hypothèses infectieuses sont alors T. foetus et une espèce de Giardia spp. résistante aux médicaments. Je pencherai donc pour la première hypothèse au vu des signes cliniques qui indiquent une diarrhée du gros intestin.
Signes cliniques | Intestin grêle | Gros intestin |
Mucus | Absent | Fréquent |
Sang en nature | Absent | Fréquent |
Méléna | +/- | Absent |
Volume | Augmenté | Normal, diminué |
Consistance | Molle à liquide | Molle à moulée |
Fréquence | Normale, légèrement augmentée | Augmentée |
Dyschésie | Absente | +/- |
Ténesme | Absent | +/- |
Urgence | Absente | Fréquente |
Perte de poids | Fréquente | Rare |
Vomissements | +/- | Rares |
Appétit | Variable | Souvent normal |
Activité | Souvent diminuée | Souvent normale |
Borborygmes | +/- | Absents |
Flatulences | +/- | +/- |
La coproscopie (Figure 2) serait une étape diagnostique évidente et importante dans l’approche de la majorité des cas de diarrhée chronique féline, surtout dans cette tranche d’âge et avec ces antécédents environnementaux. Les techniques coproscopiques dépassent le cadre de cet article mais il existe d’excellentes sources bibliographiques pour aider les vétérinaires à faire des choix diagnostiques raisonnés** 3.
**Companion Animal Parasite Council (CAPC)™ www.capcvet.org
L’importance de l’intervention nutritionnelle dans les cas de diarrhée chronique sera soulignée un certain nombre de fois dans cet article et j’insisterai également sur le régime alimentaire en tant qu’outil diagnostique. Vu l’importance des diarrhées d’origine alimentaire chez les chatons (Tableau 1), un régime d’éviction aurait certainement dû être envisagé dans ce cas. L’utilisation d’aliments hydrolysés ou à protéines sélectionnées sera discutée plus loin pour une tranche d’âge supérieure mais chez ce chaton, j’aurais opté pour un aliment hyperdigestible 4 ou éventuellement (la diarrhée étant localisée au gros intestin) un aliment riche en fibres 5. Les besoins énergétiques du chaton en croissance doivent être pris en compte. Ma source de fibres préférée pour le traitement non spécifique de la diarrhée est le psyllium (poudre non aromatisée, 425 mg pour 1/8 de cuiller à café ; 0,25 à 0,5 cuiller à café par repas). Il s’agit d’une fibre soluble ayant montré son intérêt dans les cas de diarrhée du gros intestin chez le chien 6.
Plus largement, l’intervention nutritionnelle ne se limite pas au choix de tel aliment particulier mais nécessite l’ajout de probiotiques. Qu’il soit une cause ou une conséquence, le déséquilibre du microbiote intestinal, appelé dysbiose, est un facteur contributif probablement très important des maladies gastro-intestinales et de leurs signes cliniques associés chez l’Homme comme chez les animaux. Une étude a montré que la consommation d’un probiotique chez des chats vivant en refuge entraînait une réduction significative du nombre de jours de diarrhée 7. Si le ronidazole est le traitement de choix pour la diarrhée due à T. foetus (30 mg/kg/j pendant 14 jours) 8, il semble que l’association du ronidazole avec un probiotique puisse permettre de réduire les risques de rechutes 9. Bien que notre capacité à évaluer et à surveiller le microbiote soit actuellement assez limitée, un laboratoire a récemment développé et commercialisé un test fécal indicateur de dysbiose***. Ce test pourrait m’aider à préciser le scénario pathologique ainsi qu’à évaluer les effets des traitements chez les cas atteints de diarrhée chronique. Il convient d’être vigilant quant au choix du probiotique car des études ont montré qu’il peut y avoir un écart considérable entre ce qui est écrit sur la notice des probiotiques en vente libre et ce qu’il y a réellement à l’intérieur du flacon 10. Je me cantonne donc aux marques réputées de laboratoires ayant un solide ancrage en médecine vétérinaire.
*** Gastrointestinal Laboratory, Texas A&M University – bien que le test de dysbiose intestinale ne soit actuellement validé que chez le chien, des preuves récentes indiquent qu’il pourrait également être utile chez le chat.
Dans le cas présent, j’ai intégré un certain nombre d’approches différentes, évité diverses erreurs possibles de jugement d’ordre médical et, suite au résultat positif d’un test PCR fécal de T. foetus, traité le chat avec du ronidazole, un aliment hyperdigestible, du psyllium et un probiotique. La diarrhée a ainsi rétrocédé.
Mon rendez-vous suivant est une chatte européenne stérilisée de 3 ans (signalement) présentant une diarrhée chronique intermittente de l’intestin grêle (motif de consultation et anamnèse). Elle a été adoptée dans un refuge et est par ailleurs en bonne santé, en dehors de vomissements occasionnels de boules de poils (anamnèse). Le score d’état corporel est de 4/9 et une légère inflammation interdigitée (examen clinique) est observée. Les essais thérapeutiques avec du métronidazole et du fenbendazole n’ont donné lieu à aucune amélioration (anamnèse) (Figure 3).
Les examens de laboratoire révèlent un test PCR positif pour T. foetus. Je suis ravi d’obtenir un résultat positif à moindres frais. Puisque je viens juste de traiter efficacement le Cas n° 1 avec du ronidazole, je prescris naturellement ce même médicament pour ce nouveau chat à diarrhée chronique. Cette fois-ci, aucune amélioration clinique n’est constatée.
Cet exemple souligne combien mon approche d’un cas peut être significativement influencée par la réussite ou l’échec de mes précédents cas cliniques. C’est logique car nous sommes supposés apprendre de nos expériences. Malheureusement, dans cet exemple, mon récent succès m’a distrait de la construction d’un scénario pathologique. Ce 2e cas impliquait un jeune chat adulte et non un chaton ; il présentait une diarrhée de l’intestin grêle et non du gros intestin ; les chats provenant de refuges n’ont pas tous des parasites ; les vomissements de boules de poils ont été jugés secondaires ; le score BCS était de 4/9 ; l’inflammation interdigitée a été jugée secondaire ; et l’échec de la vermifugation a été interprété comme corroborant l’hypothèse de T. foetus... après tout, le test de laboratoire l’a confirmé.
Ce cas souligne aussi ce que je considère comme un élément essentiel de mon approche des cas de médecine vétérinaire : le bon usage des examens diagnostiques. Le dépistage des agents infectieux associés à la diarrhée chronique féline en est un parfait exemple. Toutes les études nous rappellent que l’indentification d’un organisme avec un test diagnostique ne revient pas à l’identification de la cause de la diarrhée. Même avec des technologies de pointe comme la PCR, le raisonnement clinique reste essentiel à la réussite du traitement 11. Alors, quand proposer l’utilisation de tests diagnostiques ? Et quels tests choisir lors de diarrhée chronique chez le chat ?
La valeur prédictive positive d’un examen dépend de la prévalence de la maladie dans la population que je teste. Et chaque chat devient une partie d’une population de patients que je décide de tester pour telle ou telle maladie… ou de ne pas tester... Plus l’identification des patients à risque de maladie x est précise et plus la prévalence de la maladie x dans ma population de patients sera élevée. Ainsi, la valeur du test diagnostique que je demanderai et ma capacité à interpréter correctement son résultat dépendront de ma capacité de clinicien à établir un diagnostic clinique avant. En d’autres termes, les résultats de mon test diagnostique ne seront pas meilleurs que moi !
Revenons donc au Cas n° 2 où le ronidazole s’est montré inefficace. Découragé par l’échec de mon traitement, je me tourne vers la littérature sur la diarrhée chronique féline dans l’espoir de trouver une approche plus concluante pour ce cas. Une récente série d’articles s’est intéressée au diagnostic et à l’histologie de la maladie chronique de l’intestin grêle chez le chat adulte 12 13. Un élément clé de l’approche diagnostique de ces cas est l’échographie abdominale qui montre fréquemment un épaississement des anses grêles. Les biopsies transpariétales consécutives révèlent qu’environ la moitié des chats de l’étude souffrent d’entérite chronique et la majorité des autres chats de lymphome digestif. Pour ce chat, je pourrais donc réaliser une échographie abdominale, observer un épaississement de la paroi de l’intestin grêle, prélever endoscopiquement des biopsies du grêle pour examen histopathologique, diagnostiquer une entérite lymphoplasmocytaire (MICI) et mettre le chat sous prednisolone.
Mais avant de me lancer dans cette démarche, je commence par me repasser en boucle le film du scénario pathologique. Je fais des allers-retours, à la recherche d’incohérences et de caractéristiques clés que j’aurais pu rater. Je me demande : « Et si ce même chat m’avait été présenté pour inflammation interdigitée ? ». Un jeune adulte présentant une inflammation prurigineuse des espaces interdigités constitue un scénario pathologique compatible avec une allergie. J’ajoute maintenant les signes digestifs et grâce au raisonnement clinique, mon hypothèse diagnostique n° 1 devient l’allergie alimentaire. Et l’examen diagnostique de choix pour l’allergie alimentaire n’est ni l’échographie abdominale ni l’analyse de biopsies intestinales mais un régime d’éviction.
Une série d’articles essentiels sur les chats à diarrhée chronique 14 15 décrit un nombre significatif de chats (30 %) présentés pour des signes digestifs chroniques (diarrhée ou vomissements) et/ou un prurit dont les signes cliniques ont rétrocédé avec un régime d’éviction. Un aliment industriel humide hypoallergénique contenant une seule source de protéines a été utilisé. Les auteurs emploient le terme de sensibilité alimentaire pour caractériser l’origine de la diarrhée chronique chez ces chats, incluant intolérances et allergies alimentaires. Sur le plan clinique, il est important de noter que les chats à sensibilité alimentaire de ces études ont montré une disparition de leurs signes digestifs après seulement 2 semaines de régime avec l’aliment hypoallergénique. L’approche diagnostique de ces chats a été approfondie. En effet, 50 % des chats à sensibilité alimentaire confirmée ont fait l’objet d’un examen histopathologique qui a révélé une entérite lymphoplasmocytaire modérée à sévère, c’est-à-dire une maladie inflammatoire de l’intestin. Paradoxalement, si des radiographies abdominales ont été réalisées pour exclure la présence d’une obstruction digestive et de masses abdominales, l’échographie abdominale n’a pas fait partie de l’approche diagnostique des cas.
Le message que je retiens est que, face à un chat jeune adulte ou adulte présenté pour diarrhée chronique, par ailleurs en bonne santé (sans signes de maladie digestive secondaire) et stable (sans perte de poids ou anorexie significative), je dois penser à l’alimentation d’abord comme outil diagnostique précoce adapté. Je peux donc préparer le propriétaire à une série de plusieurs régimes de 2 semaines si le premier aliment ne donne pas de résultat. Je commence par prescrire un aliment à base de protéines sélectionnées ou un aliment hydrolysé (allergie alimentaire) car il ne semble pas y avoir de différence clinique significative entre les deux 16. En cas d’échec, j’envisagerais de donner un aliment facilement digestible (efficacité prouvée par les faits) ou un aliment riche en fibres (lors de diarrhée du gros intestin) 17 18. Enfin, je pourrais réaliser un test d’éviction-provocation personnalisé dans l’espoir d’identifier un unique allergène.
Age | Etiologie* |
Chaton | Infection |
Jeune adulte | Alimentation |
Adulte | Inflammation |
Agé | Tumeur |
Si la diarrhée chronique concerne un chat adulte ou âgé (Tableau 3), un chaton ou un jeune adulte avec des signes d’atteinte systémique sévère, mon approche devient plus agressive, à la fois en termes de rapidité d’exécution et d’examens diagnostiques. Bien que la sensibilité alimentaire et les causes infectieuses de diarrhée puissent également donner lieu à des signes systémiques, ces hypothèses se retrouveront bien plus bas dans ma liste de diagnostics différentiels. Ce cas n° 3 est un Persan mâle castré de 12 ans présentant une diarrhée chronique du grêle, incluant une perte de poids importante et un mauvais état corporel (Figure 4).
Ici, l’approche Prêt-Feu-Visez consistant en une vermifugation, des régimes d’éviction, des suppléments ou des antibiotiques empiriques ne convient plus. Dans cette situation, puisque les causes digestives secondaires de diarrhée deviennent plus prédominantes avec l’âge (problèmes liés au foie, au pancréas ou à la thyroïde, par exemple), j’essaierai d’exclure les plus importantes par la réalisation d’examens complémentaires. Si j’ai bien fait mon travail de clinicien, je dois alors, à priori, faire la distinction entre une MICI et un lymphome digestif. Je commence avec un scénario pathologique et une reconnaissance de scénario – ce chat a-t-il l’air, visuellement et à la palpation, d’avoir un cancer (cachexie, fonte musculaire, intestins épaissis) et se comporte-t-il comme un chat cancéreux (léthargique et hyporexique)?
Puis j’applique le raisonnement clinique, en faisant attention aux incohérences et aux caractéristiques clés – est-il logique que les signes cliniques d’un lymphome digestif aient été décelés il y a deux ans ? Est-il logique qu’une MICI ait entraîné une perte de poids de 35 % en 2 mois ? Est-il logique que ce chat soit cachectique et en même temps polyphage ? Ce chat pourrait-il avoir plus d’un problème important, comme lors de triade féline ?
Je contrôlerai la T4 totale pour évaluer la fonction thyroïdienne et doserai à jeun l’acide folique, la cobalamine, la fTLI et la PLI. Des concentrations basses de folates et de cobalamine sont compatibles avec une maladie localisée à l’intestin grêle respectivement proximal et distal. Une discordance entre les deux, c’est-à-dire des folates élevés et une cobalaminémie basse, est compatible avec un certain degré de dysbiose. Une augmentation de la fPLI est compatible avec une pancréatite mais je rechercherai toutefois la présence d’autres signes tels que dysorexie et léthargie, ou une augmentation de la glycémie et de la bilirubinémie totale. Enfin, bien que l’insuffisance pancréatique exocrine soit rare chez le chat, elle peut provoquer une diarrhée chronique du grêle avec perte de poids malgré un appétit souvent correct 19. Pour moi, la cobalaminémie est généralement le paramètre le plus instructif dans un bilan digestif 20. Les valeurs basses sont associées à une maladie importante du grêle et les valeurs très basses peuvent être associées à un lymphome digestif 21. En outre, il est facile de supplémenter un animal en cobalamine (Tableau 4).
Médicament | Mécanisme | Indication | Posologie | Effets secondaires |
Prednisolone | Immunosuppression |
Absence de réponse au régime d’éviction/ traitement antibiotique, ou MICI confirmée à l’histopathologie |
2-4 mg/kg/jour pendant 2-3 semaines puis diminuer la dose de 25-50 % toutes les 2-4 semaines jusqu’à atteindre la plus petite dose efficace qui contrôle les symptômes |
PU/PD Polyphagie Cardiomyopathie Infections |
Méthylprednisolone | Immunosuppression |
Alternative pour les animaux qui refusent la médication orale |
10 mg/kg SC toutes les 2-4 semaines, puis toutes les 4-8 semaines |
Idem ci-dessus Diabète sucré |
Chlorambucil | Agent alkylant |
LSApc ou cas réfractaires de MICI |
Chats > 4 kg : 2 mg PO toutes les 48 h Chats < 4 kg : 2 mg PO toutes les 72 h |
Dépression médullaire Neurotoxicité |
Ciclosporine | Inhibe le bon fonctionnement des lymphocytes T |
Cas sévères ou réfractaires de MICI |
5 mg/kg PO toutes les 12-24 h |
Vomissements, diarrhée, hépatopathie |
Azathioprine | Interfère avec la synthèse de l’ADN |
Cas sévères ou réfractaires de MICI |
0,3 mg/kg PO toutes les 48 h |
Dépression médullaire sévère |
Métronidazole | Activité anaérobie Eventuelles propriétés immunomodulatrices |
Cas sévères ou réfractaires de MICI |
10-15 mg/kg/jour PO 1 fois par jour (25 mg/kg/jour avec le benzoate de métronidazole) |
Neurotoxicité lors d’utilisation prolongée |
Cobalamine (B12) | Cofacteur de méthylation |
Cobalaminémie < 300 ng/L |
250 mg SC/chat 1 fois par semaine pendant 6 semaines, puis 1 dose après 30 jours et nouveau dosage après 30 jours. Continuer l’injection mensuelle si la cobalaminémie est dans les normes. |
Aucun décrit |
Dans ces cas plus graves, une échographie abdominale peut révéler des anomalies compatibles avec une maladie du grêle, bien que l’épaississement de la paroi intestinale ou l’hypertrophie des noeuds lymphatiques abdominaux ne soit pas spécifique (Figure 5). Le caractère et la distribution de l’épaississement pariétal peuvent me faire recommander une endoscopie ou une biopsie chirurgicale. Un épaississement localisé unique pourrait renforcer ma suspicion d’adénocarcinome intestinal. L’échographie peut aussi être un bon moyen de rechercher une maladie extra-intestinale (pancréatique, hépatique…) (Figure 6) mais comme tous les examens diagnostiques, il est plus efficace s’il découle d’un jugement clinique. Une échographie ne doit pas être une pêche aux informations. Quant à savoir s’il vaut mieux biopsier les tissus par endoscopie (épaisseur partielle de la paroi, accès limité) comme dans la Figure 7 ou par laparotomie (épaisseur totale de la paroi, accès non limité), la question a fait l’objet d’un certain nombre de publications récentes et de beaucoup de débats historiques mais ne connaît pas de réponse simple. Quelle que soit la manière dont je prélève le tissu, je vérifie d’abord avec mon laboratoire comment je dois préparer mes prélèvements pour tirer le meilleur parti des examens diagnostiques (milieu de conservation spécifique, par exemple). Je demande à l’histopathologiste d’interpréter son examen selon les recommandations de la WSAVA en indiquant le type cellulaire, la sévérité et les modifications architecturales. J’utilise pleinement les techniques diagnostiques de pointe, dont l’immunohistochimie, la cytométrie de flux et la PCR pour m’aider à déterminer le phénotype cellulaire et rechercher une clonalité 22.
Si les résultats de l’histopathologie et des tests moléculaires concordent bien avec ma reconnaissance de scénario et mon raisonnement clinique, je passe au traitement. Si ce n’est pas le cas, je me repasse le « film en boucle » et j’essaie de trouver une explication à cette incohérence.
Mon traitement de choix à la fois des MICI et du lymphome félins se résume à ce qui est décrit dans l’article : « Les entéropathies chroniques chez le chat ». Je limite le nombre de médicaments que je demande au propriétaire d’administrer à son chat et j’évite au maximum la polythérapie.
En résumé, j’aborde un chat à diarrhée chronique d’abord et avant tout en tant que clinicien. C’est ce à quoi j’ai été formé et ce pour quoi le client me rémunère. Heureusement, cette approche est également le meilleur moyen d’arriver à établir un diagnostic juste et un traitement efficace.
Craig B. Webb
Craig Webb est actuellement Professeur de médecine des animaux de compagnie et Directeur intérimaire de l'hôpital du CSU. Diplômé de l'Université Madison du En savoir plus
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