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Veterinary Focus

Numéro du magazine 29.2 Autre scientifique

Comment j’aborde… Les calculs et la densité urinaire chez le chat

Publié 10/10/2019

Ecrit par Cecilia Villaverde

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Español , English , ภาษาไทย et Українська

La prévention et le traitement des urolithiases chez nos patients félins repose sur une approche multifactorielle. Cecilia Villaverde passe ici en revue les aspects les plus importants, notamment le maintien d’une densité urinaire basse, et présente des moyens pour y arriver.

Comment j’aborde… Les calculs et la densité urinaire chez le chat

Points Clés

Chez le chat, les urolithiases sont cause de morbidité et de mortalité. Dans cette espèce, les calculs de struvite et d’oxalate de calcium sont les plus fréquents.


Encourager la dilution urinaire est une des stratégies recommandées pour lutter contre tous les types de calculs, en visant une densité urinaire restant autour de 1 030, voire moins.


La dilution urinaire peut être favorisée par différentes méthodes (aliments humides, ajout d’eau à la nourriture) pour accroître la quantité d’eau consommée.


Nourrir avec un aliment enrichi en sodium peut être indiqué pour stimuler la diurèse.


Introduction

Les urolithiases sont l’une des causes les plus fréquentes des maladies du bas appareil urinaire (MBAU) chez le chat. Sur la base des calculs soumis à l’analyse, plus de 80-90 % des urolithiases félines sont dues à des calculs de struvite (phosphates ammoniaco-magnésiens) et d’oxalate de calcium 1 2. Jusqu’au milieu des années 1990, les calculs de struvite étaient responsables de la grande majorité des urolithiases mais la situation a évolué : aujourd’hui, avec une incidence de 40-50 %, ce sont les calculs d’oxalate de calcium qui sont les plus fréquemment identifiés, immédiatement suivis par les calculs de struvite 1 2. On ignore la raison de ce changement mais les modifications de formulation des aliments pour chats visant à lutter contre les struvites sont probablement en cause. Parmi ces modifications, il faut citer la réduction de la teneur en magnésium des aliments et les mesures prises pour acidifier l’urine 3.

La nutrition a une importance indéniable, à la fois pour le traitement et la prévention des calculs urinaires : certains aliments à objectifs nutritionnels particuliers peuvent favoriser la dissolution des calculs et limiter le risque de récidives 4 5. A l’inverse, les calculs d’oxalate de calcium ne peuvent pas être dissous médicalement et, bien que la nutrition participe à la prévention, son rôle exact n’est pas encore clair. On manque d’études cliniques pour établir l’effet des modifications alimentaires sur le taux de récidive. L’American College of Veterinary Internal Medicine (ACVIM) a publié un consensus sur le traitement et la prévention des urolithiases canines et félines 6 mais il faut savoir que toutes les recommandations incluses dans ce texte n’ont pas fait l’unanimité chez les spécialistes de la nutrition vétérinaire. Cependant, la plupart des experts sont d’accord pour encourager la dissolution médicale des calculs de struvite (sauf contre-indication) avec des aliments spécialement formulés en ce sens ou avec des médicaments.

La supersaturation relative (RSS)

Etant donné l’importance de la nutrition pour le traitement et la prévention des urolithiases, il est essentiel d’utiliser une méthode fiable pour évaluer l’effet de l’alimentation sur l’environnement urinaire et sa composition. La cristallisation, étape initiale de formation d’un calcul, se produit quand les précurseurs du calcul sont libres (sous une forme chimique adéquate) de réagir entre eux, et que leur concentration dans l’urine est élevée : l’urine est alors supersaturée en précurseurs. Cependant, la supersaturation seule n’est pas le seul facteur qui permet la formation d’un calcul : l’urine des chats est par exemple souvent supersaturée en oxalate de calcium 7 et pourtant, des calculs ne se forment que dans un faible pourcentage de cas.

La supersaturation relative (RSS) reflète le degré de supersaturation urinaire pour un type de cristal donné et ce paramètre est utilisé pour calculer le risque d’urolithiase chez les chiens et les chats. Le calcul de la RSS 8 9 10 implique de nourrir une cohorte d’animaux pendant plusieurs jours avec un aliment particulier et de collecter toutes les urines afin de mesurer le volume, le pH, la densité urinaire (DU) et les concentrations de l’urine en plusieurs ions susceptibles de cristalliser (Figure 1). Le produit d’activité du cristal est ensuite comparé au produit de solubilité, en utilisant un logiciel spécial permettant d’obtenir la RSS. La valeur de RSS obtenue pour un cristal donné aidera à faire la différence entre une urine métastable et une urine supersaturée.

Figure 1. Détermination de la supersaturation relative (RSS) vis-à-vis d’un cristal donné en conditions expérimentales. © Cecilia Villaverde/Redrawn by Sandrine Fontègne
Figure 1. Détermination de la supersaturation relative (RSS) vis-à-vis d’un cristal donné en conditions expérimentales. © Cecilia Villaverde/Redrawn by Sandrine Fontègne

Le calcul de la RSS est coûteux et complexe à réaliser, c’est pourquoi ce paramètre est surtout mesuré dans les structures de recherche. De plus, les valeurs de RSS ont été principalement déterminées chez des chats en bonne santé et il est possible que les résultats soient différents chez les chats prédisposés à former des calculs. Nous devons donc être prudents quand il s’agit d’extrapoler des résultats obtenus chez des chats sains à ceux souffrant d’urolithiase.

Les données disponibles montrent que distribuer un aliment dont la RSS pour les struvites est inférieure à 1 permet d’obtenir la dissolution des calculs 11 12 et des études suggèrent que la RSS est un bon indicateur de la cinétique de dissolution des struvites 13. Pour les calculs d’oxalate de calcium (et les autres), moins d’éléments sont disponibles. Des études ont pourtant montré que, chez des chats et des chiens prédisposés aux calculs d’oxalate de calcium, des aliments spéciaux à visée urinaire peuvent faire baisser la RSS dans la zone métastable 14 15 (Figure 2). Cela suggère que l’aliment joue un rôle significatif pour diminuer le risque de formation de calculs d’oxalate de calcium chez les animaux mais plus de recherches sont nécessaires pour confirmer que cela se vérifie bien cliniquement, en matière de prévention ou d’espacement des récidives 6.

Figure 2. Au sein de chacune des zones de RSS, la probabilité de formation de calculs est différente, comme cela est montré ici. Le tableau résume la situation pour les cristaux de struvite et d’oxalate de calcium.
Figure 2. Au sein de chacune des zones de RSS, la probabilité de formation de calculs est différente, comme cela est montré ici. Le tableau résume la situation pour les cristaux de struvite et d’oxalate de calcium.

Rôle de la dilution urinaire pour prévenir les urolithiases

Le degré de dilution urinaire est un des facteurs qui influencent la supersaturation de l’urine et chez l’Homme, la prévention des urolithiases repose d’abord et avant tout sur l’augmentation de la dilution urinaire. Les climats chauds ont été identifiés comme un facteur de risque vis-à-vis des urolithiases 16, sans doute à cause d’une augmentation des pertes hydriques. Cependant, l’étiologie et la pathogénie des urolithiases sont complexes et il est difficile de déterminer l’influence des modifications nutritionnelles chez un individu. On manque d’éléments sur l’intérêt de favoriser la dilution urinaire uniquement en augmentant la consommation d’eau (indépendamment de la concentration en minéraux, du pH urinaire et d’autres aspects nutritionnels) mais tout le monde est d’accord pour dire que la dilution urinaire fait baisser la RSS et aide donc à la prévention de la formation des calculs.

Une étude épidémiologique, réalisée avec 173 chats présentant des calculs d’oxalate de calcium, 290 chats avec des calculs de struvite et 827 témoins (sans affection urinaire), a cherché à identifier les facteurs nutritionnels risquant de favoriser les urolithiases à struvite et à oxalate de calcium 17. Les résultats indiquent que les aliments les plus riches en eau sont associés à un risque plus faible de calculs d’oxalate de calcium mais aucun effet n’était visible pour les calculs de struvite. Ce travail présente cependant les limites habituelles des études rétrospectives et d’autres modifications nutritionnelles ont pu influencer les résultats. On ne dispose pas d’études cliniques prospectives sur l’effet concret de la dilution urinaire seule chez les chats prédisposés aux calculs.

Figure 3. Il peut être utile de s’appuyer sur un schéma simple pour expliquer aux propriétaires comment la dilution urinaire réduit la concentration en solutés et diminue donc la probabilité de cristallisation. © Cecilia Villaverde/Redrawn by Sandrine Fontègne
Figure 3. Il peut être utile de s’appuyer sur un schéma simple pour expliquer aux propriétaires comment la dilution urinaire réduit la concentration en solutés et diminue donc la probabilité de cristallisation. © Cecilia Villaverde/Redrawn by Sandrine Fontègne

L’augmentation du volume urinaire, associée à la dilution urinaire, peut aider à prévenir la formation de calculs, à la fois en réduisant la concentration en précurseurs (Figure 3) et en augmentant la fréquence des mictions, ce qui diminue le temps de rétention des minéraux dans les voies urinaires. Plusieurs articles de synthèse présentent la dilution urinaire et l’augmentation du volume urinaire comme l’une des clés de prévention des récidives d’urolithiase 3 18. De nombreux cliniciens recommandent que le traitement des calculs, indépendamment de leur composition, s’appuie sur la dilution urinaire pour réduire ou prévenir les récidives et l’objectif est d’atteindre une DU constamment inférieure ou égale à 1 030 6. Selon mon expérience, il est préférable d’avertir les propriétaires que l’objectif est de provoquer une polyurie, et que le bac à litière devra être nettoyé plus souvent quand la stratégie de baisse de la DU sera mise en œuvre.

Comment obtenir la dilution urinaire

Les chats ont une capacité remarquable à concentrer leur urine quand ils consomment des aliments secs ou qu’ils ont un accès limité à l’eau. Des valeurs de DU de 1 065 voire plus sont mentionnées 18. Du fait de cette donnée physiologique, il est plus difficile d’obtenir une dilution urinaire chez le chat que chez le chien mais je propose plusieurs options pour favoriser la consommation d’eau et donc la dilution urinaire (Figure 4).

Résumé des méthodes pouvant favoriser la consommation d’eau et la dilution urinaire.

Stimulation de l’abreuvement

  • Eau propre et fraîche
  • Multiples points d’eau
  • Eau courante disponible (fontaines d’eau, etc.)
Résumé des méthodes pouvant favoriser la consommation d’eau et la dilution urinaire.

Distribution d’aliments humides

  • Taux d’humidité > 70 %
  • Certains aliments humides contiennent plus de 80 % d’eau
  • De l’eau peut être ajoutée dans les aliments humides pour atteindre le niveau visé
Résumé des méthodes pouvant favoriser la consommation d’eau et la dilution urinaire.
Ajout d’eau à l’aliment
  • Incorporation progressive pour favoriser l’acceptance
  • Quantités indicatives : 2 volumes d’eau pour 1 volume d’aliment sec (à ajuster selon l’objectif)
  • Le mélange peut être mixé pour former une pâtée si l’humidification ne plaît pas au chat
Résumé des méthodes pouvant favoriser la consommation d’eau et la dilution urinaire.

Utilisation d’aliments enrichis en sel

  • Si le chat et/ou son propriétaire ne veulent pas des aliments humides
  • A éviter si des maladies sensibles au sel sont présentes
Figure 4. Résumé des méthodes pouvant favoriser la consommation d’eau et la dilution urinaire.

Augmenter l’eau dans l’alimentation

Une des méthodes les plus sûres pour augmenter la consommation d’eau consiste à distribuer des aliments humides en boîte ou à ajouter de l’eau aux aliments secs. Cette seconde approche peut se révéler plus économique que d’acheter des aliments humides. Des études ont montré que si l’aliment est riche en eau, le volume urinaire augmente et la DU diminue 19 20. Une étude 21 a été réalisée avec 6 chats sains nourris de 4 façons différentes : tous recevaient le même aliment de base mais avec une quantité variable d’eau ajoutée (pour obtenir un taux d’humidité final de 6,3 %, 25,4 %, 53,3 % et 73,3 %). L’étude a duré 3 semaines, selon un protocole d’étude croisée. La quantité d’eau bue, la production urinaire, la DU et la RSS ont été mesurées pour chaque chat. Les auteurs ont remarqué qu’augmenter l’humidité de la ration entraînait une diminution de la quantité d’eau bue. Cependant, les chats nourris avec la ration la plus riche en eau (73,3 %) ont globalement consommé plus d’eau (eau de boisson plus eau de l’aliment) que dans les trois autres groupes. Quand les chats suivaient ce régime, le volume urinaire sur 24 heures (86,7 mL en moyenne) était supérieur à celui des autres. De plus, le régime le plus humide induisait une DU plus faible (1 036 en moyenne) que chez les chats consommant les autres régimes (1 052-1 054). La RSS des oxalates de calcium était également plus basse, mais le régime n’a eu aucun effet visible sur la RSS des struvites.

Une autre étude 14 a été réalisée avec 10 chats présentant des calculs d’oxalate de calcium ; ils avaient été nourris avec différents aliments, de composition nutritionnelle variable, et dont le taux d’humidité variait entre 9 et 18 %. Un aliment humide à visée urinaire, dont le taux d’humidité était de 78 %, a été prescrit à ces chats. Ce régime a fait augmenter le volume urinaire, diminuer la DU et a entraîné une baisse significative de la RSS des oxalates de calcium. De multiples différences existaient cependant entre le régime initial de ces chats et l’aliment expérimental, et les effets observés pourraient être attribuables à plusieurs facteurs nutritionnels combinés.

Il a été recommandé que des aliments à visée urinaire présentent une humidité minimale de 75 % 8. Selon mon expérience, un niveau de 85 % (Encadré 1) est plus efficace pour obtenir une valeur de DU basse pendant la journée, en particulier dans les cas de récidives. Mais tous les chats n’aiment pas qu’on rajoute de l’eau sur leurs croquettes et il est important de mettre cette approche en place progressivement, ou de donner des aliments très riches en eau (> 80 %).

Taux d’humidité visé = 85 % = 85 grammes d’eau pour 100 grammes d’aliment
 
Une fois que l’eau a été ajoutée à 100 grammes d’aliment, le nouveau taux d’humidité s’obtient par la formule suivante, où x indique la quantité en mL (ou en grammes) d’eau ajoutée à 100 g d’aliment :
 
85 % humidité totale = [% humidité de l’aliment + x/100 g + x] x 100

Exemple avec un aliment sec (10 % d’humidité)
 
85 % = [10 % + x/100 g + x] x 100
85/100 = [10 + x/100 + x]
0,85(100 + x) = 10 + x
85 + 0,85x = 10 + x
75 = 0,15x
500 = x
 
Pour 100 grammes d’aliment sec, ajouter 500 mL (environ 2 tasses) d’eau (1:5 en poids, 1:2 en volume)

Exemple avec un aliment humide (70 % d’eau)
 
85 % = [70 % + x/100 g + x] x 100
85/100 = [70 + x/100 + x]
0,85(100 + x) = 70 + x
85 + 0,85x = 70 + x
15 = 0,15x
100 = x
 
Pour 100 grammes d’aliment humide, ajouter 100 mL d’eau (1:1 en volume)

Encadré 1.
Exemple de calcul de la quantité d’eau à ajouter à l’aliment pour obtenir le niveau d’humidité souhaité ; ici, le taux d’humidité visé est 85 % dans l’aliment sec et dans l’aliment humide.

Les aliments secs peuvent aussi faire baisser la RSS des struvites et des oxalates de calcium 7 dans l’urine des chats sains en jouant sur d’autres facteurs nutritionnels qui influencent la formation de calculs, comme le pH, la concentration en précurseurs et en inhibiteurs. Certains aliments secs peuvent aussi induire une RSS basse en utilisant d’autres stratégies pour augmenter la consommation d’eau, comme l’enrichissement en sel.

Il est important d’être conscient que l’ajout d’eau à un aliment modifie son appétence et sa texture, et que certains chats refusent alors de manger. Cela réduit aussi la densité énergétique, ce qui peut entraîner une perte de poids indésirable chez des chats de poids normal ou trop bas, ainsi que chez ceux qui ont un appétit capricieux. Lorsque de l’eau est ajoutée aux croquettes, cela entraîne également souvent du gaspillage quand l’aliment n’est pas consommé tout de suite. Enfin, des croquettes ramollies font perdre aux croquettes leur rôle potentiellement bénéfique sur l’hygiène dentaire (nettoyage mécanique des dents).

Distribuer des aliments enrichis en sodium

Certains aliments secs indiqués pour les chats sensibles aux urolithiases contiennent des niveaux de sodium plus élevés que les aliments d’entretien classiques (jusqu’à 3,5 g/1 000 kcal vs environ 1 g/1 000 kcal, voire moins). Les aliments riches en sodium peuvent favoriser la dilution urinaire en accroissant la diurèse 22. L’étude rétrospective mentionnée plus haut qui a évalué les facteurs de risques nutritionnels vis-à-vis des urolithiases félines à struvite et à oxalate de calcium 17 a montré que les aliments les moins riches en sodium sont associés à un risque plus élevé de formation de calculs d’oxalate de calcium. Ce résultat doit encore être interprété avec précaution, puisque cette corrélation peut être influencée par d’autres facteurs et n’implique pas un lien de causalité.

Une étude à long terme chez des chats (conduite pendant plus de 2 ans) a évalué les effets d’un aliment riche en sodium (3,1 g/1 000 kcal) vs un aliment témoin (1 g/1 000 kcal) sur la fonction rénale, la pression artérielle et les paramètres urinaires 23. Le traitement n’a pas entraîné d’effet négatif sur la fonction rénale ni sur la pression artérielle, et a effectivement fait diminuer la DU par rapport à l’aliment témoin, mais seulement au 3e mois, ce qui suggère que l’effet des aliments riches en sodium pour encourager la diurèse ne se maintiendrait pas dans le temps. Dans un abstract 24, l’effet positif d’un aliment riche en sodium sur le volume urinaire est observé chez des chats sains après deux semaines mais aucune différence n’est mise en évidence sur la DU ou la RSS des oxalates de calcium ou des struvites. Ces résultats sont similaires à ceux d’une autre étude, réalisée également avec des chats sains, sur une période de 3 semaines 25. Ces deux études étaient courtes et ne concernaient qu’un nombre réduit de chats.

La stratégie consistant à distribuer un aliment riche en sodium ne peut pas être appliquée sans précaution à des chats présentant des affections sensibles au sel (des maladies rénales ou cardiaques, par exemple) et cela n’est pas indiqué dans le cas d’urolithiase à urate ou cystine. Le fait que des aliments riches en sodium puissent provoquer une calciurie a fait l’objet de débats mais des données à court terme obtenues chez des chats sains 25 suggèrent que, même si l’excrétion rénale de calcium augmente, cela ne fait pas varier la concentration urinaire en calcium, grâce à l’effet concomitant du sel sur l’augmentation du volume urinaire.

Il serait utile de disposer d’autres études prospectives sur l’effet des aliments enrichis en sodium sur la DU, la RSS, les autres paramètres urinaires et les résultats cliniques. Alors que le consensus de l’ACVIM recommande d’utiliser plutôt des aliments très humides que des aliments enrichis en sodium 6, ces derniers peuvent représenter une alternative quand les clients ne peuvent pas ou ne veulent pas acheter des aliments humides.

Encourager l’abreuvement

Parmi les conseils donnés aux propriétaires de chats formant des calculs, encourager le chat à boire revient souvent. L’eau courante (avec une fontaine à eau), l’eau aromatisée, des bols d’eau supplémentaires et le choix de matériaux spécifiques pour les bols sont autant de moyens pour y parvenir 26. Ajouter 15 mL au maximum de jus de boîtes de thon ou de bouillon de volaille (fait maison ou acheté, sans ail ni oignon) dans 500 mL d’eau de boisson peut en effet fonctionner. Cependant, nous manquons de données pour confirmer l’efficacité de telles mesures sur la dilution urinaire et sur les résultats cliniques. Les effets de différents types d’abreuvement sur la RSS de l’oxalate de calcium et du struvite, la DU, l’osmolarité et le volume urinaires ont été évalués dans des colonies de chats 27. Trois systèmes étaient comparés pendant deux semaines dans une étude réalisée en mode croisé : l’eau stagnante, l’eau courante et l’eau en cascade. Il n’y a pas eu de différences concernant la RSS, l’abreuvement moyen, le volume urinaire ou la DU. L’osmolarité était plus élevée chez les chats ayant accès à l’eau courante par rapport à l’eau stagnante ou tombant en cascade. De plus, la valeur minimale de DU enregistrée dans cette étude fut de 1 044, un niveau toujours trop élevé pour prévenir les calculs.

Cette étude n’a pas réussi à démontrer que l’utilisation de fontaines à eau influençait la dilution urinaire. Cependant, certains chats de l’étude ont exprimé une préférence nette envers un bol particulier, et il est donc important de proposer différentes options à nos patients afin de repérer les préférences individuelles. Cela s’applique aussi au matériel et à la forme des récipients contenant l’eau. Les bols doivent être placés dans des endroits propres, sans odeur et éloignés du bac à litière et de la nourriture. Multiplier les points d’eau à différents endroits de la maison pourrait éventuellement être utile, en garantissant au chat un accès à l’eau en toutes circonstances.

Suivi

Chez les chats à urolithiase, le suivi à long terme est important pour prévenir les récidives. Il permet au moins de détecter précocement des calculs et d’utiliser des techniques relativement non invasives pour les enlever si nécessaire. La fréquence et le type de tests réalisés au cours du suivi (analyse d’urine, imagerie, culture, etc.) varieront selon les cas individuels (type de calculs, infection associée, comorbidité, historique, etc.) et le budget du client.

Cecilia Villaverde

Aromatiser l’eau de boisson encourage les chats à boire plus mais on manque d’études pour évaluer l’efficacité réelle de cette mesure sur la dilution urinaire et les résultats cliniques éventuels.

Cecilia Villaverde

Pour apprécier la dilution urinaire, la technique le plus fréquemment utilisée en clientèle consiste à mesurer la DU avec un réfractomètre. Les valeurs données par les bandelettes ne sont pas fiables. Les propriétaires peuvent acheter un réfractomètre ou le praticien peut faire le test sur un échantillon d’urine prélevé par le client grâce à une litière non absorbante utilisable pour collecter l’urine au domicile. La première mesure interviendra 4 à 6 semaines après que les mesures préventives auront été mises en place. Au cours du suivi, l’urine devra toujours être collectée au même moment car la DU varie dans la journée ; par exemple, les premières urines du matin peuvent être plus concentrées que celles recueillies dans l’après-midi.

Si la DU se situe hors de la plage souhaitée (soit < 1 030), il est important de vérifier l’observance du traitement recommandé (régime, médicaments, addition d’eau, etc.). Si l’observance est bonne, il sera conseillé de passer à une alimentation plus riche en eau (ou d’ajouter plus d’eau dans l’aliment) jusqu’à ce que la DU devienne correcte. Si cela n’a pas déjà été tenté, les propriétaires seront encouragés à multiplier les points d’eau et à explorer les préférences de leurs chats en matière d’abreuvement (taille et matériau du bol, eau stagnante ou courante, aromatisée ou pas).

Le choix d’un aliment pour un chat à urolithiase dépendra des calculs en cause, de l’objectif poursuivi (dissolution ou prévention), de la comorbidité éventuelle, des épisodes précédents et des moyens du client. Dans tous les cas, l’aliment choisi devra favoriser la dilution urinaire, soit parce qu’il sera très humide, soit parce qu’il sera enrichi en sel (en l’absence de contre-indication). Si l’aliment ne remplit pas l’une de ces conditions, de l’eau sera progressivement mélangée à l’aliment. Quelle que soit la stratégie, je préconise des changements progressifs afin de favoriser l’acceptance et d’éviter des problèmes fréquents liés à une transition brutale, comme une diarrhée. Des analyses régulières de l’urine sont obligatoires pour s’assurer que la santé du patient reste optimale. Enfin, il est important de reconnaître que la RSS demeure le facteur le plus intéressant pour estimer le risque de formation de calculs chez les chats et que toutes les stratégies de prévention élaborées pour aider les patients à risque doivent être holistiques par nature.

 

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Cecilia Villaverde

Cecilia Villaverde

Le Dr Villaverde est diplômée de l’Université Autonome de Barcelone, où elle a obtenu un PhD. En savoir plus

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