Diagnostic de la pancréatite canine
Même si la pancréatite est une maladie courante dans le cadre d’une clientèle généraliste...
Numéro du magazine 29.3 Pancréas exocrine
Publié 27/02/2020
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L’imagerie du foie et du pancréas peut donner des informations précieuses pour explorer les éventuelles maladies liées à ces organes ; Laurent Blond passe ici en revue les différentes options.
La radiographie permet d’évaluer la taille et les contours du foie mais pas les changements au sein du parenchyme, sauf en présence de gaz ou de minéralisation.
L’échographie est une technique très utile pour compléter l’évaluation du foie car elle est peu coûteuse, non invasive et, dans la plupart des cas, elle peut être réalisée sans sédation.
La tomodensitométrie implique une anesthésie générale du patient mais elle est très utile pour visualiser l’ensemble du foie, en particulier chez les grands chiens pour qui l’échographie peut présenter des limites.
L’échographie est utile pour l’évaluation du pancréas mais elle exige de l’expérience pour la réalisation et l’interprétation de cet examen.
Les diverses modalités d’imagerie maintenant disponibles en clientèle canine et féline offrent des possibilités exceptionnelles pour le diagnostic de nombreuses affections touchant le foie et le pancréas. Cet article passe brièvement en revue l’anatomie des deux organes et présente les avantages et les inconvénients de chaque technique.
Le foie est le plus gros organe de l’abdomen. Il occupe la plus grande partie de sa région crâniale. Situé entre le diaphragme et l’estomac, le foie est divisé en plusieurs lobes : les lobes latéral et médial droits, les lobes latéral et médial gauches, le lobe carré et le lobe caudé, qui possède un processus papillaire et un processus caudé. Le foie possède deux systèmes veineux, porte et systémique.
Le foie est étroitement associé à la vésicule biliaire, située entre le lobe médial droit et le lobe carré ; le rein droit est en contact avec le processus caudé du foie.
Les radiographies permettent d’évaluer la taille et les contours du foie mais pas les changements au sein du parenchyme, sauf en présence de gaz ou de minéralisation. Deux vues orthogonales de l’abdomen du patient sont nécessaires (latérale et ventrodorsale) et doivent être prises en expiration. Il est important d’inclure le bord crânial du diaphragme sur les radiographies abdominales pour évaluer entièrement le foie.
La silhouette hépatique ne peut être différenciée du diaphragme et elle est délimitée caudalement par l’estomac. Le rebord caudoventral du foie normal est angulaire (Figure 1a) (Figure 1b). L’axe gastrique peut aider à évaluer la taille du foie : sur une vue radiographique latérale, il devrait être compris entre une ligne tracée à 90 degrés par rapport à la colonne vertébrale et une ligne parallèle à la dernière paire de côtes. Si l’axe gastrique est déplacé au-delà de la dernière paire de côtes ou si le rebord caudoventral du foie s’étend caudalement à l’aspect ventral de l’estomac, cela indique une hépatomégalie. Si l’estomac est déplacé crânialement, le foie est alors probablement petit mais cela peut être normal chez les chiens à thorax profond comme le Boxer, le Doberman ou le Dogue allemand. Les maladies hépatiques sont souvent associées à une ascite qui peut empêcher d’observer le foie mais la présence de liquide péritonéal, entraînant une perte de détail des séreuses et, dans les cas graves, un abdomen pendulaire, devrait être facilement identifié sur les radiographies abdominales.
Une masse hépatique peut déformer les contours du foie et induire divers effets de masse (c’est-à-dire un déplacement des tissus environnants). Une tumeur du foie déplacera le pylore caudomédialement si elle provient du côté droit, ou déformera le contour crânial du fundus de l’estomac si elle provient du centre ou du côté gauche.
La vésicule biliaire n’est normalement pas visible à la radiographie. Cependant, chez certains chats, la partie ventrale de la vésicule biliaire peut se projeter au-delà du bord ventral de la silhouette hépatique sur la graisse falciforme, et cela ne doit pas être confondu avec une masse. Une cholélithiase est une cause fréquente de minéralisation du foie et, si elle touche les voies biliaires intra-hépatiques, une opacité minérale ramifiée apparaîtra à la radiographie (Figure 2).
L’échographie est une technique très utile pour compléter l’évaluation du foie car elle est peu coûteuse, non invasive et, dans la plupart des cas, elle peut être réalisée sans sédation. L’échographie est particulièrement recommandée si une hépatomégalie ou du liquide péritonéal sont détectés à la radiographie ; son intérêt peut cependant être limité chez les grands chiens ou lorsque l’estomac est fortement distendu par du gaz. Le foie peut être visualisé en plaçant la sonde juste en dessous du processus xiphoïde ; il est possible d’évaluer l’organe entier en scannant de gauche à droite dans un plan sagittal, ou de crânial à caudal dans un plan transversal. La profondeur doit être réglée de façon à inclure tout le foie. Le diaphragme ne peut être différencié du parenchyme hépatique et le bord du diaphragme délimite la partie crâniale du foie, comme sur une radiographie. Ce bord diaphragmatique est caractérisé par une ligne courbe d’artefacts de réverbération provoqués par l’air dans les poumons. Une image en miroir est un artefact courant lors d’échographie hépatique : elle est caractérisée par la projection de l’image du foie sur le diaphragme ; elle doit être reconnue et ne pas être confondue avec une hernie diaphragmatique ou une masse thoracique.
Le foie a un parenchyme homogène dont l’échotexture est légèrement granulaire ; il est hypoéchogène par rapport à la graisse falciforme et à la rate (Figure 3a) (Figure 3b) (Figure 3c) et iso- à hypoéchogène par rapport au rein droit 1. Les contours du foie doivent être lisses et réguliers, délimités par une fine capsule hyperéchogène. La séparation des lobes hépatiques ne peut être visible, à moins que du liquide ne soit présent dans la cavité péritonéale. Les veines hépatiques sont facilement identifiables dans le parenchyme hépatique : elles apparaissent comme des structures tubulaires anéchogènes, et les veines portes se distinguent des veines systémiques grâce à leur paroi hyperéchogène. Le degré de visibilité du système porte peut d’ailleurs être utilisé pour évaluer l’échogénicité hépatique.
Comme lors de radiographie, la taille du foie sera évaluée subjectivement car sa partie caudoventrale ne doit pas s’étendre au-delà du fundus gastrique. Les lobes droits se projettent plus dorsalement et sont souvent mieux évalués en utilisant une fenêtre intercostale caudale, entre le 10e et le 11e espace intercostal droit. Cette fenêtre sert également à évaluer la vésicule biliaire, qui est normalement repérée grâce à son contenu anéchogène et à sa très mince paroi hyperéchogène. Chez la plupart des chiens d’âge moyen, des éléments échogènes mobiles sont présents dans la vésicule biliaire. Ceci est assez inhabituel chez le chat et peut inciter à approfondir l’exploration de la fonction biliaire. Les canaux biliaires intra-hépatiques ne sont normalement pas visibles.
Les principales anomalies détectables à l’échographie sont les altérations de la taille du foie (le plus souvent l’hépatomégalie), de l’échogénicité ou la présence d’un nodule ou d’une masse. L’échographie est très sensible pour détecter des modifications du parenchyme mais elle est non spécifique ; toute anomalie sera donc interprétée en fonction des signes cliniques. Par exemple, une hépatomégalie hyperéchogène peut conduire à un diagnostic de lipidose chez un chat ictérique et il s’agit d’une découverte courante chez un chien diabétique. Dans ces deux maladies en particulier, le parenchyme hépatique sera également hyperatténuant (Figure 4). Une hépatite aiguë peut être caractérisée par une hépatomégalie hypoéchogène alors que dans les cas chroniques, le foie peut devenir hétérogène, avec des contours irréguliers.
L’aspect d’une masse hépatique peut varier mais elle apparaît généralement comme hétérogène et peut déformer le contour hépatique. La partie du foie touchée peut être repérée mais il est parfois difficile d’identifier correctement le lobe hépatique qui est affecté. D’autre part, l’échographie peut être utile pour identifier le foie lorsque l’on recherche l’origine d’une grosse masse abdominale.
Il est important de ne pas confondre les modifications de la vésicule biliaire avec une masse hépatique, en particulier lors de mucocèle, quand la vésicule biliaire est pleine de matériel hétérogène, organisé et statique. La grande sensibilité de l’échographie permet également de détecter des nodules hépatiques mais pas leur nature, à cause d’une spécificité insuffisante ; de nombreux nodules hépatiques peuvent représenter des anomalies bénignes. Un kyste hépatique apparaîtra comme une structure anéchogène et arrondie dans deux plans orthogonaux et induira un renforcement acoustique. Si nécessaire, des ponctions à l’aiguille fine écho-guidées ou des biopsies peuvent être pratiquées.
Une diminution de volume du foie peut être due à une hépatite chronique et à une cirrhose ; dans ce cas, le foie aura des contours irréguliers et une ascite est également souvent présente. Un petit foie peut aussi indiquer un shunt portosystémique congénital chez les patients jeunes, surtout si ce shunt est extra-hépatique. En général, un shunt intra-hépatique sera facilement repéré : il apparaît comme un vaisseau anormalement large, courbe et tortueux dans le parenchyme hépatique, reliant le flux porte à la portion hépatique de la veine cave caudale.
Laurent Blond
En cas d’obstruction biliaire chronique, les canaux biliaires intra-hépatiques peuvent être vus à l’échographie comme des structures tubulaires anéchogènes légèrement tortueuses ; la technique Doppler couleur peut aider à distinguer ces canaux des vaisseaux sanguins.
L’imagerie par TDM implique que le patient soit sous anesthésie générale et reçoive une injection intraveineuse d’un produit de contraste iodé. Elle est très utile pour imager le foie dans sa globalité, surtout chez les grands chiens chez lesquels l’échographie présente des limites. Les chiens seront placés en décubitus dorsal ou ventral et les images acquises dans le plan transversal peuvent être reformatées dans différents plans. Normalement, le foie présente une atténuation homogène de type tissu mou. La TDM est particulièrement intéressante pour évaluer l’emplacement exact et la possible extension d’une masse hépatique lorsqu’une chirurgie est envisagée (Figure 5). Elle est également très utile pour évaluer les anomalies vasculaires, en particulier les shunts portosystémiques (intra- ou extra-hépatiques) ; dans ce cas, après l’injection du produit de contraste, trois temps d’acquisition sont nécessaires, pendant les phases artérielle, porte et veineuse 2.
L’IRM du foie est rarement utilisée en médecine vétérinaire et ses applications sont encore limitées. Cependant, grâce à sa résolution de contraste élevée, elle peut aider à différencier les lésions hépatiques bénignes des lésions malignes. Elle nécessite une anesthésie générale du patient, une injection d’un produit de contraste au gadolinium et une IRM haut champ (au moins 1,5 Tesla) pour éviter les artefacts dus aux mouvements respiratoires.
Le pancréas est un petit organe qui peut être divisé en trois : le lobe droit qui est situé le long du bord mésentérique du duodénum, le corps du pancréas qui s’étend le long de la face caudale de l’estomac et le lobe gauche qui est situé le long du côlon descendant. Les contours de l’organe sont typiquement irréguliers.
Le pancréas normal ne peut en général pas être observé à la radiographie car il est trop petit. Cependant, chez certains chats en surpoids présentant beaucoup de graisse péritonéale, le lobe gauche du pancréas peut être vu à côté de la face médiale de la rate, adjacent au pôle crânial du rein gauche, et cela ne doit pas être considéré comme une anomalie. Des radiographies peuvent cependant être utiles en cas de suspicion de maladie pancréatique car une pancréatite peut induire des changements indirects tels que : la perte du détail des séreuses dans l’abdomen crânial, l’élargissement de l’angle pyloro-duodénal et une dilatation du duodénum par du gaz, effet secondaire provoqué par un iléus fonctionnel. De plus, certaines tumeurs pancréatiques peuvent être minéralisées et une masse abdominale crâniale avec des foyers de minéralisation peut être d’origine pancréatique.
L’échographie est très utile pour visualiser le pancréas, bien qu’une évaluation approfondie nécessite une certaine expérience. Le pancréas normal est discrètement hétérogène avec des contours mal définis et généralement légèrement hypoéchogène par rapport à la graisse environnante, 3. Il peut être isoéchogène par rapport à la graisse environnante chez le chat et hyperéchogène chez le Yorkshire Terrier 4. L’évaluation du pancréas repose principalement sur l’identification de repères spécifiques. Pour évaluer le lobe droit, il est important de visualiser le duodénum à partir du rein droit caudalement jusqu’au pylore crânialement. Chez le chien, la veine pancréatico-duodénale peut être facilement repérée : c’est une structure tortueuse et tubulaire anéchogène, parallèle à la face interne du duodénum (Figure 6a) ; le tissu qui entoure ce vaisseau est le pancréas. Le Doppler couleur sera utile pour mieux caractériser ce vaisseau. Chez le chat, c’est le canal pancréatique qui apparaît à cet endroit, servant à localiser le lobe droit du pancréas. Le canal pancréatique est physiologiquement dilaté chez le chat (chez les chats âgés, le diamètre peut atteindre 3 mm) ; dans cette espèce, il rejoint le canal biliaire commun au niveau de la papille duodénale principale. Le corps du pancréas est situé caudalement au pylore et ventralement à la veine porte, entre l’estomac et le côlon transverse. Le lobe pancréatique gauche peut être visualisé sur la face latérale du côlon descendant, caudalement au fundus gastrique, médialement à la rate et crânialement au pôle crânial du rein gauche. Le canal pancréatique peut également aider à localiser ce lobe chez le chat (Figure 6b). L’épaisseur du pancréas peut être mesurée chez le chat et ne doit pas dépasser 1 cm 5.
Une pancréatite aiguë se caractérise généralement par un épaississement hypoéchogène et hétérogène du pancréas, entouré de graisse hyperéchogène et hyper atténuante. Du liquide est également fréquemment présent à proximité du pancréas. La paroi duodénale adjacente est souvent épaissie et plissée, avec une perte de définition de ses couches (Figure 7). La douleur abdominale limite souvent l’examen du pancréas et nécessite une analgésie ou une sédation. Un abcès ou un kyste peuvent se former concomitamment, repérables comme des structures arrondies remplies de liquide hypoéchogène à anéchogène. De telles lésions peuvent être drainées sous guidage échographique. Une pancréatite chronique sera plus difficile à reconnaître : elle est caractérisée par des zones hétérogènes dans le parenchyme pancréatique et par des foyers de graisse hyperéchogène adjacents.
L’hyperplasie nodulaire est fréquente chez les chats âgés et se caractérise par des nodules hypoéchogènes bien nets, inférieurs à 1 cm de diamètre 6. Les tumeurs pancréatiques sont souvent hypoéchogènes et légèrement hétérogènes, et déforment les contours pancréatiques (Figure 8). Un carcinome pancréatique est souvent associé à une carcinomatose, entraînant une accumulation de liquide péritonéal et des nodules hypoéchogènes dispersés dans le mésentère et sur le péritoine.
Les insulinomes se présentent généralement sous forme de petits nodules hypoéchogènes et peuvent être difficiles à visualiser. Les métastases hépatiques ou sur les nœuds lymphatiques adjacents sont souvent détectées avant que la tumeur primaire soit identifiée.
Un scan est utile pour évaluer complètement le pancréas, qui apparaît comme un organe aux contours irréguliers, avec une atténuation des tissus mous, à proximité des points de repère décrits dans le paragraphe précédent. Cette technique peut être particulièrement utile pour rechercher un insulinome car elle n’est pas perturbée par le gaz présent dans le tube digestif et sa sensibilité permet la détection de petites lésions, bien que cela nécessite habituellement deux phases d’acquisition post-injection de produit de contraste. L’insulinome se caractérise par un nodule hypo atténuant qui connaîtra un important renforcement pendant la phase artérielle de l’étude mais pas pendant les autres phases 7.
L’imagerie peut se révéler extrêmement précieuse pour explorer les maladies du foie et du pancréas mais il est essentiel que le clinicien connaisse bien l’anatomie et l’aspect normal des organes avec la technique d’imagerie choisie. Il est également nécessaire d’être conscient des limites d’utilisation de ces techniques diagnostiques mais en adoptant une approche rigoureuse et standardisée, des informations pertinentes devraient être obtenues dans la plupart des cas.
Laurent Blond
Diplômé de l’École nationale vétérinaire de Toulouse en 1999, le Dr Blond a effectué un internat à l’Université de Montréal, au Québec (Canada) En savoir plus
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