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Malformation Chiari-like et syringomyélie

Publié 05/12/2019

Ecrit par Sandra Sanchis Mora et Ludovic Pelligand

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Español et English

Particulièrement fréquente chez l’épagneul cavalier King Charles, cette maladie peut avoir de graves conséquences sur la qualité de vie des chiens affectés. Sandra Sanchis Mora et Ludovic Pelligand présentent ici cette maladie, la physiopathologie qui la sous-tend et les options thérapeutiques disponibles pour la traiter.

Malformation Chiari-like et syringomyélie

Points Clés

La malformation de type Chiari et la syringomyélie sont deux affections associées qui induisent une douleur neuropathique.


Une proportion élevée des Cavalier King Charles est affectée, bien que d’autres races (en général petites) soient aussi concernées.


Les signes cliniques de douleur neuropathique ne sont pas spécifiques et la confirmation de la maladie s’appuie sur l’imagerie par résonnance magnétique.


Le traitement s’appuie sur l’association de différents analgésiques ou sur la décompression chirurgicale de la fosse crânienne caudale mais les propriétaires doivent savoir que la douleur neuropathique est difficile à traiter et que le but principal est de maintenir une bonne qualité de vie pour le chien.


Introduction

 IRM d’un chien atteint d’une malformation de type Chiari et de syringomyélie. L’image montre un large syrinx impliquant la moelle épinière au niveau des vertèbres cervicales C2-C5, ainsi qu’en régions thoracique et lombaire.
Figure 1. IRM d’un chien atteint d’une malformation de type Chiari et de syringomyélie. L’image montre un large syrinx impliquant la moelle épinière au niveau des vertèbres cervicales C2-C5, ainsi qu’en régions thoracique et lombaire.© Sandra Sanchis Mora 

La syringomyélie (SM) se définit comme l’accumulation anormale de liquide à l’intérieur du parenchyme de la moelle épinière, conduisant à la formation d’une cavité nommée syrinx (Figure 1). L’origine de la SM est probablement liée à des anomalies de circulation du liquide céphalo-rachidien (LCR) et plusieurs affections semblent jouer le rôle de facteur prédisposant chez le chien, la malformation de type Chiari (MC) étant la plus fréquente 1. La MC et la SM peuvent se manifester indépendamment ou concomitamment (MC/SM) chez les individus touchés. Suivant les cas, des signes cliniques sont présents ou non.

IRM d’un chien atteint de malformation de type Chiari montrant une hernie du cervelet au travers du foramen magnum.
Figure 2. IRM d’un chien atteint de malformation de type Chiari montrant une hernie du cervelet au travers du foramen magnum.© Prof. Holger Volk

Chez le chien, la MC se caractérise par la présence d’une anomalie de la conformation de l’os supra-occipital, entraînant la compression rostrale de la partie caudale du cervelet (Figure 2). Il existe une inadéquation entre les structures de la fosse crânienne caudale qui est à l’origine une hernie du cervelet à l’intérieur du foramen occipital (foramen magnum) 2 3. La MC canine a des caractéristiques communes avec la malformation de Chiari de type 1 (MC1) chez l’Homme 4, chez qui il s’agit d’une maladie congénitale ou acquise lorsque les proportions de la cavité crânienne sont modifiées d’une quelconque façon. Chez l’Homme, une SM est présente dans 70 à 80 % des cas de MC1.

Mécanismes physiopathologiques

Modifications anatomiques

Certaines races Toy, comme le Cavalier King Charles (CKC), possèdent une fosse postérieure réduite et un os occipital anormal par rapport aux chiens mésocéphaliques 2. Ils ont aussi 80 % de risques supplémentaires de montrer une fusion prématurée de la jonction sphéno-occipitale dans leur jeune âge par rapport à d’autres races brachycéphales ou à des chiens mésocéphales 5 ; les individus concernés ont alors une capacité réduite à s’adapter aux modifications de volume de la partie caudale de l’encéphale 3 4.

Comme chez l’Homme atteint de CM1, le volume du parenchyme cérébral est augmenté par rapport au volume de la fosse postérieure chez les chiens affectés 6 7. On sait aussi que plus le foramen magnum est de grande taille, plus le risque de hernie cérébrale est élevé 8 9.

Dynamique des fluides

En temps normal, le LCR circule du système ventriculaire vers l’espace sous-arachnoïdien. Une diminution du drainage veineux secondaire à une réduction du volume des sinus veineux et à un foramen jugulaire étroit peut conduire à une absorption réduite du LCR 10. Le mouvement du LCR à l’intérieur de l’espace subarachnoïdien de la cavité crânienne vers la moelle épinière dépend de la systole cardiaque et des pulsations artérielles intracrâniennes. Le développement d’un syrinx lors de SM est lié à l’obstruction du flux normal du LCR et à l’aspiration (effet Venturi) causées par le rétrécissement de l’espace sous-arachnoïdien en région cervicale entre C1 et C3 11. Ces forces sont liées aux gradients de pression s’exerçant pendant les pulsations et elles sont significativement plus importantes chez les CKC atteints de SM 12. Une étude précise que les turbulences du flux du LCR au niveau du foramen magnum sont associées à la gravité de la SM et que la vitesse du flux du LCR dorsalement à C2/C3 est inversement corrélée à la présence de SM 13.

Prévalence et génétique

La MC est surtout observée chez le CKC. En additionnant les cas cliniques et les chiens asymptomatiques, on peut estimer que 92 % de la population serait touchée 9. La maladie est aussi fréquente chez le Griffon Bruxellois 14 ainsi que dans plusieurs autres races de petit format telles que le Bouledogue Français, le Chihuahua, le Spitz Nain, le Bichon Maltais, Le Carlin et le Yorkshire Terrier.

Une étude a rapporté qu’une SM asymptomatique était présente chez 25 % des CKC de moins d’un an, 70 % des chiens développant une SM (clinique ou asymptomatique) avant l’âge de 6 ans 15. Une autre étude s’est intéressée aux signes cliniques de 54 chiens de plus de 5 ans, atteints de MC/SM : ils apparaissaient en moyenne 71 mois après le diagnostic initial et lors de la réévaluation, et 32 % des chiens initialement asymptomatiques développaient des signes cliniques 16.

Un rapport récent a estimé à 1,6 % la prévalence de la MC/SM clinique chez les CKC présentés en clientèle généraliste en Grande-Bretagne 17, bien que ce chiffre soit probablement sous-estimé selon les auteurs. Des cas de MC/SM cliniques ont également été diagnostiqués dans d’autres races incluant le King Charles Spaniel, l’Affenpinscher, le Chihuahua et le Spitz Nain.

Chez le CKC, l’héritabilité de la SM a été estimée comme modérément élevée. Une étude récente a montré que le risque de MC/SM était moins élevé chez les chiens de races croisées 18 bien qu’il soit quand même nécessaire de soigneusement sélectionner les chiens sur certaines caractéristiques morphologiques pour réduire l’importance des anomalies morphologiques de l’os supra-occipital. L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) a d’ailleurs permis d’établir le diagnostic de MC/SM clinique chez des chiens croisés avec des CKC 17.

Une étude de locus de caractères quantitatifs (QTL) de MC/ SM a été réalisée chez le Griffon Bruxellois et six régions associées significativement au caractère de la MC/SM ont été identifiées 19. Elles sont associées avec l’autosome 2 du Canis familiaris, fortement corrélé à la hauteur de la fosse cérébrale et qui contient un unique gène candidat, Sall-1, déjà relié à la MC1 chez l’Homme. Des recherches génétiques sont nécessaires pour comprendre comment se transmet la maladie et pour tenter d’éliminer la malformation au sein de certaines lignées. En attendant d’améliorer les stratégies d’élevage, il est cependant prioritaire de mettre en place des actions palliatives pour améliorer le bien-être des chiens affectés par la MC/SM, prendre en compte le fait que cette maladie a également un impact sur la qualité de vie des propriétaires et développer les stratégies de prise en charge par le vétérinaire.

Signes cliniques

Chez l’Homme atteint de MC1, les signes cliniques rapportés incluent la douleur, les migraines, les sensations altérées, la faiblesse, la dysphagie, l’apnée du sommeil, les déficits sensitifs et l’amyotrophie. La douleur associée à la SM a été classée comme une douleur neuropathique centrale (DNC). Celle-ci est définie comme « une douleur causée par une lésion ou une maladie du système nerveux somato-sensoriel » et elle peut être la conséquence de n’importe quelle lésion du système nerveux central. Dans le cas de la SM, la DNC est due aux lésions localisées à la corne dorsale et aux voies spinothalamiques. Chez les patients humains, la DNC provoque des sensations variées de brûlure ou de gelure, picotements, fourmillements, fibromyalgie, aiguë ou lancinante, tension, engourdissement ou compression. Cela est important à garder en mémoire car les chiens peuvent ressentir tous ces signes de DNC sans que nous soyons capables de les percevoir.

Une MC peut être diagnostiquée chez des chiens de tous âges. Cependant, les signes les plus fréquents sont notés chez des individus jeunes, entre 2 et 4 ans, bien que l’intervalle s’étende de quelques mois à plus de 10 ans 8 20. Les chiens symptomatiques peuvent aussi présenter une MC sans SM. Les signes cliniques le plus souvent rapportés lors de MC/SM sont des manifestations d’une douleur généralisée (Figure 3) ou localisée à la moelle épinière (en particulier en région cervicale) : vocalisations spontanées, sensibilité à la palpation, évitement de certaines postures ou mouvements potentiellement douloureux 11 17. Les propriétaires peuvent également remarquer des modifications comportementales, comme une anxiété accrue. Les chiens cliniquement affectés par la MC/SM expriment aussi souvent un prurit fantôme (le chien se gratte sans se toucher la peau) (Figure 4), un comportement pouvant être associé à de la dysesthésie (sensation anormale) ou à du prurit. Une douleur neuropathique peut aussi être à l’origine d’une allodynie (douleur provoquée par un stimulus normalement indolore), d’une hyperalgésie (amplification de la douleur provoquée par un stimulus douloureux) et d’une paresthésie (sensation spontanée de picotements).

Diagramme présentant les signes cliniques chez des chiens atteints de MC/SM présentés en clientèle vétérinaire généraliste, classés par catégorie : grattage (mauve), douleur (orange), signes neurologiques (vert), modifications du comportement (bleu) et signes non spécifiques (rose).
Figure 3. Diagramme présentant les signes cliniques chez des chiens atteints de MC/SM présentés en clientèle vétérinaire généraliste, classés par catégorie : grattage (mauve), douleur (orange), signes neurologiques (vert), modifications du comportement (bleu) et signes non spécifiques (rose).© Sandra Sanchis Mora
Cavalier King Charles avec une malformation de type Chiari et une syringomyélie présentant un prurit cervical fantôme.
Figure 4. Cavalier King Charles avec une malformation de type Chiari et une syringomyélie présentant un prurit cervical fantôme.© Sandra Sanchis Mora

Comme chez l’Homme, la douleur ressentie par les chiens atteints de SM est probablement due à la perturbation des fibres, dont les synapses sont situées dans les lames de la corne dorsale. L’asymétrie des syrinx peut également être la cause d’une DNC, la largeur du syrinx (estimée par IRM) étant le principal élément associé à la douleur, au grattage et à la scoliose dans une étude 21. La même étude a montré que les concentrations en substance P (un neuromédiateur excitateur) et en interleukine-6 étaient significativement plus élevées dans le LCR des chiens présentant une DNC et une SM que chez des chiens asymptomatiques. La libération de ces substances pourrait initier les effets pro-nociceptifs, conduisant ainsi au développement de la DNC, et entretiendrait la sensibilisation et l’activation des récepteurs impliqués.

Diagnostic

Du fait de la redondance et de la faible spécificité des signes cliniques qui peuvent être confondus avec ceux d’autres maladies (ex. : affections cutanées ou otite externe à l’origine d’un prurit), l’IRM est l’outil diagnostique de choix. Il peut être difficile de confirmer un diagnostic de MC/SM dans le cas où l’IRM n’est pas disponible ou inabordable pour le propriétaire. Une étude récente a montré que les chiens bénéficient d’un meilleur diagnostic (et sont donc mieux traités) s’ils sont assurés 17. Si le diagnostic de certitude ne peut pas être obtenu en raison de contraintes financières, il n’en demeure pas moins important que les vétérinaires praticiens sachent reconnaître la douleur chez ces patients et les traiter de façon appropriée, surtout s’il s’agit de douleurs chroniques.

L’anamnèse et les signes cliniques aident à établir le diagnostic, surtout en présence d’une DNC. Chez l’Homme, les critères diagnostiques de DNC sont les suivants :

(1) distribution neuro-anatomique (ex. : moelle épinière)
(2) anamnèse associant la douleur à une lésion objectivable (réticence à être touché sur le cou, en relation avec la localisation du syrinx)
(3) mise en évidence d’une lésion par IRM (ex. : détection d’un syrinx) et de perturbations somato-sensorielles cohérentes avec la localisation de la douleur (allodynie/hyperalgésie au niveau du cou, repérée par un test sensoriel quantitatif ou TSQ).

Test sensoriel quantitatif (TSQ) chez un chien atteint de malformation de type Chiari et de syringomyélie visant à repérer une allodynie mécanique en utilisant des filaments de von Frey.
Figure 5. Test sensoriel quantitatif (TSQ) chez un chien atteint de malformation de type Chiari et de syringomyélie visant à repérer une allodynie mécanique en utilisant des filaments de von Frey.© Sandra Sanchis Mora

Une approche similaire pourrait théoriquement être utilisée chez les chiens atteints, en utilisant des TSQ pour évaluer la DNC. Cela implique d’utiliser des instruments précis pour stimuler une région du corps et quantifier les seuils sensitifs et nociceptifs (Figure 5). Les tests employés à la fois en médecine humaine et vétérinaire utilisent aussi bien la détection de sensations tactiles ou vibratoires que des stimuli mécaniques et thermiques (chaleur et froid) et la détection de stimuli aversifs. En médecine vétérinaire actuelle, les TSQ ne sont utilisés qu’en recherche, pour mettre en évidence la sensibilisation centrale et l’hyperalgésie chez des chiens atteints de douleurs chroniques 22. Ces outils pourraient cependant être utiles pour les activités cliniques courantes dans un futur proche.

Les scores de douleur chronique sont très utiles pour diagnostiquer une DNC chronique et juger son évolution dans le temps et les effets du traitement. Le Canine Brief Pain Inventory* pourrait être applicable, bien qu’il n’ait pour l’instant été validé que pour l’arthrose et le cancer.

www.vet.upenn.edu/research/clinical-trials/vcic/pennchart/cbpi-tool *

Traitement

Comme chez l’Homme, le traitement de la MC/SM repose sur des options chirurgicales ou médicales. L’intervention chirurgicale vise à normaliser l’écoulement du LCR en décomprimant la partie caudale du foramen magnum via le retrait d’une partie de l’os supra-occipital. Un article concernant 15 CKC rapporte que 80 % des chiens se sont améliorés après l’intervention, les 20 % restants ne montrant aucune amélioration 20. Les chiens ont été suivis cliniquement plus de 12 mois après l’opération mais l’auteur rapporte que la procédure ne semble pas entraîner le collapsus du syrinx ni sa résolution. L’amélioration clinique n’est donc possiblement pas définitive et, en dépit d’une réponse initiale positive, l’état de certains chiens peut se dégrader par la suite.

Visual Analogue Scale (VAS)
Encadré 1. L’échelle simplifiée du Visual Analogue Scale (VAS) est une ligne horizontale, en général de 100 mm de long, dont les extrémités définissent les limites extrêmes du paramètre à mesurer. Une des extrémités correspond à l’absence de douleur tandis que l’autre extrémité correspond à la pire douleur imaginable. Les propriétaires évaluent la douleur ressentie par leur chien et l’inscrivent sur la ligne. Cette évaluation est répétée à intervalles réguliers et la comparaison des scores permet d’évaluer comment le paramètre évolue pendant une période donnée.

Le traitement médical de la MC/SM comprend trois volets principaux : l’analgésie, la réduction de la production de LCR et l’utilisation empirique des anti-inflammatoires tels que les glucocorticoïdes. Nous nous concentrerons ici sur l’analgésie. Le but est d’améliorer la qualité de vie du patient (QdV) en associant en général au moins deux médicaments car les protocoles habituels de traitement ne suffisent pas à faire disparaître complètement la douleur. Les propriétaires doivent être avoir conscience que ce type de douleur persistera probablement pendant toute la vie de leur chien et que la réussite du traitement n’est pas garantie. Dans une étude, le traitement médical n’a entraîné une amélioration que chez 13 % des chiens à MC/SM et l’état de 56 % des chiens s’est dégradé malgré le traitement 16. Il faut donc présenter clairement les objectifs du traitement aux propriétaires et leur apprendre à évaluer son efficacité en estimant le niveau de douleur de leur chien, par exemple grâce au Visual Analogue Scale (VAS) (Encadré 1).

Les médicaments les plus recommandés actuellement chez les animaux en cas de DNC sont la gabapentine, la prégabaline et les antidépresseurs tricycliques. Les traitements les plus fréquemment prescrits en cas de MC/SM sont la gabapentine et les AINS 17 mais la littérature vétérinaire ne fait pas état de beaucoup de preuves relatives à l’efficacité et à l’innocuité des médicaments analgésiques utilisables lors de DNC. Il peut être nécessaire d’ajuster la posologie et, en cas de réponse insuffisante, d’autres options thérapeutiques doivent être essayées. Si la douleur n’est pas bien contrôlée, il est souhaitable de référer l’animal à un spécialiste de la douleur. Des options non pharmacologiques (ex : électro-acupuncture) peuvent aussi être envisagées en complément du traitement médical.

Anticonvulsivants

La gabapentine a été développée en tant que médicament anticonvulsivant mais elle est également utilisée pour traiter la DNC chez l’Homme et le chien. La gabapentine empêche la libération d’un neuromédiateur excitateur, le glutamate, en bloquant les canaux calciques voltage-dépendants. Une seule étude montre un effet bénéfique chez des chiens souffrant de DNC 23. L’ajout de gabapentine (10 mg/kg) au carprofène a amélioré la QdV (estimée par le VAS) par rapport à la référence de départ et après introduction du carprofène seul. Une dose de 10-20 mg/kg de gabapentine PO toutes les 8 heures a été proposée, bien que le lien entre la concentration plasmatique et les effets cliniques ne soit pas clairement établi. Chez l’Homme, les effets secondaires les plus fréquents sont des vertiges, de la somnolence, un œdème périphérique, une prise de poids, une asthénie, une migraine et une xérostomie.

La prégabaline agit selon le même mécanisme que la gabapentine et elle est préférée chez l’Homme parce que son effet analgésique s’installe plus vite. Elle aussi plus puissante que la gabapentine et produit moins d’effets indésirables. Une étude pharmacocinétique chez le chien a montré qu’une dose de 2-4 mg/kg administrée oralement deux fois par jour serait associée à une concentration plasmatique adéquate pour atteindre l’intervalle thérapeutique extrapolé à partir des études humaines 24. Des CKC avec MC/SM ont été traités avec succès avec la prégabaline 25 et des études sont actuellement en cours pour évaluer son effet analgésique lors de MC/ SM. Le topiramate est un autre médicament anti-épileptique aux modes d’action variés, incluant l’inhibition de l’anhydrase carbonique. Ceci peut engendrer une réduction de la production de LCR, et donc une réduction de la taille du syrinx et possiblement un soulagement de la douleur. Cependant, aucune différence significative n’a été mise en évidence dans une étude comparant le topiramate et un placebo par rapport au niveau initial 23. Les propriétaires ont aussi noté que l’appétit des chiens traités avec le topiramate diminuait, ce qui est un effet secondaire également noté chez l’Homme.

Antidépresseurs

L’amitriptyline est considérée comme un médicament de première intention pour traiter la DNC chez l’Homme. Il s’agit d’un inhibiteur du recaptage de la sérotonine et de la norépinéphrine, un antagoniste du N-méthyl D-aspartate (NMDA) et un antagoniste des canaux sodiques voltage-dépendants. De plus, l’amitriptyline augmente l’activité des récepteurs à l’adénosine et au GABAB et a des effets anti-inflammatoires. L’analyse d’une série de cas montre que deux chiens suspectés de DNC ont répondu positivement à l’administration d’amitriptyline 26.

Médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)

Les prostaglandines influencent de nombreux sites de la chaîne de nociception et stimulent à la fois la transduction et la transmission des informations nociceptives via l’activation du glutamate et de la substance P au sein de la moelle épinière (sensibilisation centrale). Il n’y a cependant pas pour l’instant de preuve clinique que les AINS réduisent la DNC. Un traitement d’une semaine avec du carprofène n’a pas amélioré la QdV (évaluée par le VAS par rapport à l’état initial) chez des chiens atteints de MC/SM dans un plan d’étude croisé 23.

Tramadol

Le tramadol est considéré comme un agoniste opioïde faible mais il peut aussi inhiber le recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline au niveau de la moelle épinière pour aider à contrôler la douleur neuropathique. Pour cette raison, le tramadol ne devrait pas être associé aux antidépresseurs mais empiriquement, des doses de 1-5 mg/kg PO toutes les 6- 8 heures ont été recommandées pour les chiens présentant une DNC. Des effets secondaires semblables à ceux des opioïdes (sédation et nausée) sont possibles.

Antagonistes du N-méthyl D-aspartate

Comme la kétamine, l’amantadine a des propriétés antagonistes vis-à-vis du NMDA. Elle peut réverser la sensibilisation du système nerveux central et diminuer la tolérance aux analgésiques comme les opioïdes. A la dose de 3-5 mg/kg PO toutes les 24 heures, l’amantadine peut être efficace chez les chiens à DNC mais la fréquence d’administration doit parfois passer à 1 fois toutes les 12 heures à cause de sa demi-vie courte 27. Seul un rapport de cas traite de son utilisation pour le traitement d’un chien atteint de DNC 28 mais aucune étude contrôlée n’a pour l’instant évalué son effet analgésique spécifique lors de DNC.

L’apparition progressive des symptômes, la gravité de la maladie et le coût élevé du diagnostic et du traitement de la MC/ SM ont des conséquences émotionnelles et économiques importantes pour les propriétaires. Davantage d’études sont nécessaires pour évaluer des traitements analgésiques pour la DNC en médecine vétérinaire. La plupart des médicaments actuellement utilisés le sont empiriquement, à des doses extrapolées à partir d’autres espèces. Une meilleure compréhension de la pathogénèse de la DNC lors de MC/SM permettrait également de mieux choisir les traitements adéquats à l’avenir.

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Sandra Sanchis Mora

Sandra Sanchis Mora

Le Dr Sanchis Mora est diplômée de l’Université CEU Cardenal Herrera de Valence (Espagne) depuis 2007. En savoir plus

Ludovic Pelligand

Ludovic Pelligand

Le Dr Pelligand est diplômé de l’Ecole nationale vétérinaire de Maisons-Alfort depuis 2001 et il occupe actuellement le poste de maître de conférences en pharmacologie clinique et anesthésie au Royal Veterinary College de Londres. En savoir plus