Vasculopathies cutanées
Le système vasculaire de la peau joue un rôle essentiel...
Numéro du magazine 28.1 Autre scientifique
Publié 03/09/2020
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Les maladies communes se rencontrent fréquemment, mais n’oublions pas que les maladies rares existent aussi. Dans cet article, Patricia White décrit quelques-unes des maladies systémiques susceptibles de se manifester par des signes cutanés, et donne quelques conseils pour leur diagnostic.
Les lésions cutanées étant souvent peu spécifiques, il peut être difficile de différencier une manifestation cutanée d’une maladie systémique (MDMS).
Les signes cutanés qui fluctuent avec ou sans traitement, ou qui ne répondent pas aux traitements adaptés, doivent faire suspecter une MDMS.
Certaines silhouettes, notamment lorsqu’elles présentent une distribution symétrique, suggèrent une origine interne, et des anomalies observées à l’examen clinique général peuvent être en lien avec le trouble cutané.
Le traitement et la prise en charge des MDMS peuvent être longs, et il est donc essentiel d’établir un diagnostic précoce.
En pratique, il arrive souvent aux vétérinaires de traiter des signes cutanés sans en avoir identifié précisément la cause. En général, le vétérinaire recueille une courte anamnèse, effectue un examen clinique, traite toute surinfection et s’en tient à un diagnostic présumé. Sachant que les lésions cutanées sont souvent peu spécifiques, une telle approche risque de faire passer le vétérinaire à côté d’un diagnostic de manifestation cutanée d’une maladie systémique (MDMS).
Bien que rares, les MDMS peuvent ressembler à de nombreuses dermatoses recontrées plus fréquemment. Il est donc essentiel de recueillir une anamnèse détaillée et d’interpréter les observations cliniques à la lumière de ces informations. L’anamnèse détaillée inclut l’âge à l’apparition des symptômes et leur durée, tous les médicaments, traitements topiques et compléments alimentaires (de l’animal et du propriétaire) ayant été administrés, la qualité et la composition de l’alimentation en cours (pour rechercher d’éventuelles carences), les maladies et problèmes concomitants et leur traitement, les contacts avec d’autres animaux (autres animaux dans la maison, garde, pension, voyage…), la présence d’un prurit, la réponse aux traitements antérieurs et tout signe d’atteinte d’autres systèmes organiques.
Les examens complémentaires habituels (raclages cutanés, trichogramme, scotch-test, calque par impression, culture fongique) doivent être réalisés pour chaque animal afin d’identifier et de traiter toute surinfection (prolifération bactérienne, démodécie…). Si le vétérinaire peut identifier des lésions cutanées caractéristiques de certaines affections internes, il pourra alors choisir des examens complémentaires spécifiques afin d’établir un diagnostic définitif et proposer le traitement le plus adapté. Cet article présente un bref aperçu de quelques-unes des maladies systémiques pouvant se traduire, parfois de façon initiale, par des signes cutanés.
Les dermatoses paranéoplasiques sont la conséquence d’une tumeur située ailleurs que dans la peau 1. Le mécanisme à l’origine des lésions cutanées associées est généralement inconnu mais peut être lié à une activité à médiation immune, à l’effet d’une protéine tumorale sur la peau, ou à la production d’enzymes interférant avec la fonction normale de la peau. Ces animaux peuvent présenter des symptômes généraux peu spécifiques (léthargie, perte de poids, anorexie, vomissements, diarrhée) mais les signes cutanés peuvent constituer un signe d’appel.
La dermatite nécrolytique superficielle (DNS, ou syndrome hépatocutané, érythème nécrolytique migrant (ENM), nécrose épidermique métabolique) est une maladie rare et souvent mortelle du chien âgé (> 10 ans) de petite race et des deux sexes 2 3 4 5. Elle est très rare chez le chat 6 7. Fréquemment, un léchage permanent des extrémités des membres ou une difficulté à marcher constituent des signes d’appel. Les commémoratifs incluent une léthargie d’apparition brutale, une boiterie, une anorexie, une perte de poids, une polyuro-polydipsie (PUPD) et une douleur et un prurit cutanés. Les lésions cutanées sont souvent sévères : ulcération et dépigmentation des jonctions cutanéo-muqueuses, erythème, croûtes et exsudation au niveau des points de pression et des zones de frottements incluant les coudes, les grassets et les creux axillaires et inguinaux, et une kératodermie marquée des coussinets (Figure 1) (Figure 2) (Figure 3). Les surinfections bactériennes et fongiques sont fréquentes. Ces lésions cutanées sont liées à une hépatopathie avancée ou à une tumeur pancréatique et peuvent précéder les signes généraux de plusieurs semaines voire quelques mois. Chez l’Homme, la DNS est le plus souvent associée à un glucagonome, mais cette tumeur est rare chez le chien. Des antécédents de traitement potentiellement hépatotoxiques (kétoconazole, rifampicine, phénobarbital...) peuvent évoquer cette hypothèse, mais l’étiologie reste la plupart du temps inconnue 2 3 4 5. Le diagnostic différentiel chez le chien inclut : pemphigus foliacé (PF), lupus érythémateux systémique (LES), éruption médicamenteuse, dermatose répondant au zinc, lymphome cutané (LSC) ou mycosis fongoïde (MF) et leishmaniose. Chez le chat, les hypothèses incluent : PF, LES, dermatite exfoliative, alopécie paranéoplasique féline, syndrome acquis d’hyperfragilité cutanée et Cushing.
Les bilans sanguins révèlent souvent une hypoalbuminémie, une anémie normocytaire normochrome arégénérative, une hyperglycémie, une hausse des phosphatases alcalines et des ALAT, une augmentation de la bilirubine totale et des acides biliaires et une glucosurie. Quelle que soit la cause, une hypoaminoacidémie est toujours présente et elle serait responsable des signes cutanés 2 3 4 5 6 7. L’échographie abdominale peut révéler un aspect caractéristique du foie en nid d’abeille (hépatopathie vacuolaire idiopathique) mais permet rarement d’identifier une tumeur pancréatique. L’examen histopathologique de biopsies cutanées (prélèvements concernant obligatoirement les lésions les plus récentes avec inclusion des croûtes) est diagnostique, révélant typiquement une hyperkératose parakératosique diffuse, un œdème épidermique intra- et intercellulaire et un infiltrat périvasculaire à lichénoïde du derme superficiel (bandes rouge-blanc-bleu) à la coloration Hémalun-Eosine 2 3 4 5 6 7. L’œdème épidermique peut disparaître dans les lésions chroniques. Des surinfections bactériennes et fongiques peuvent être identifiées dans les croûtes superficielles.
Patricia D. White
La DNS est une maladie grave et complexe dont le pronostic est sombre car l’hépatopathie sous-jacente est souvent avancée et irréversible au moment du diagnostic. Le traitement consiste si possible à corriger la maladie sous-jacente et à fournir des traitements symptomatiques. Les cas de tumeur pancréatique ou d’hépatopathie médicamenteuse ont les meilleures chances de survie quand la tumeur peut être réséquée ou le médicament arrêté suffisamment tôt pour permettre au foie de récupérer. Le traitement de l’hépatopathie vacuolaire idiopathique est uniquement symptomatique : traitement des surinfections cutanées et soutien nutritionnel permettant de corriger les déficits en acides aminés. Un apport intraveineux d’un complément hypertonique d’acides aminés pendant 6-8 heures 1 à 2 fois par semaine jusqu’à amélioration des lésions se révèle bénéfique chez certains individus, mais en l’absence de réponse observée au cours des deux premières semaines, il est peu probable que ce traitement soit utile. Le soutien nutritionnel consiste aussi à incorporer dans l’alimentation des acides gras oméga-3, du zinc et des protéines de qualité. Une corticothérapie peut permettre d’améliorer temporairement les signes cutanés, mais une intolérance au glucose avec risque de diabète sucré peut contre-indiquer son utilisation.
L’alopécie paranéoplasique féline (APF) correspond à une alopécie non prurigineuse d’apparition brutale et d’évolution rapide localisée au thorax, aux creux axillaires, à l’abdomen et aux faces caudales et médiales des cuisses, et s’étendant au périnée, à l’extrémité des membres et à la truffe (Figure 4). Un aspect typiquement brillant ou luisant de la peau la distingue des autres causes d’alopécie, mais ne s’observe pas dans tous les cas. Quelques croûtes peuvent être présentes en périphérie des zones d’alopécie, là où les poils s’arrachent facilement. Lorsqu’un prurit est présent, il est souvent lié à la prolifération de Malassezia au niveau des marges croûteuses. Les signes généraux non spécifiques incluent perte de poids et anorexie. L’examen histopathologique de biopsies cutanées révèle des follicules pileux en phase télogène sans kératinisation trichilemmale, un épiderme hyperplasique, et un infiltrat modéré de cellules mononucléées dans le derme superficiel 8 9 10. C’est une maladie rare du chat âgé (> 10 ans) associée à diverses tumeurs : carcinome pancréatique, cholangiocarcinome, carcinome hépatocellulaire, carcinome intestinal métastatique, tumeur pancréatique neuroendocrine et lymphome hépatosplénique 8 9 10. Au moment où les signes cutanés apparaissent, la tumeur a déjà métastasé. Les principales hypothèses du différentiel sont : dermatophytose, démodécie, dermatose allergique, hypercorticisme, dysfonction thyroïdienne (hyper- et hypothyroïdie) et dermatite exfoliative. L’ablation de la tumeur est possible dans certains cas, mais le pronostic reste généralement sombre.
La dermatite exfoliative associée au thymome du chat peut se présenter sous la forme d’une dermatite exfoliative diffuse marquée, avec de grandes squames sèches et plates se détachant par plaques, un signe caractéristique de cette affection 11 12 (Figure 5). Au fur et à mesure que la maladie progresse, une érythrodermie généralisée se développe et les poils peuvent s’arracher facilement, mais cette affection est non prurigineuse, à moins d’une prolifération à Malassezia associée. Les individus touchés présentent des signes généraux (anorexie, abattement, maigreur). L’identification d’une masse médiastinale (à la radiographie ou à l’échographie thoracique) corrobore le diagnostic, mais la dermatite peut apparaître avant qu’une masse médiastinale ne soit détectable. La NFS et le bilan biochimique montrent des résultats variables et non significatifs. Les résultats histologiques des biopsies cutanées incluent hyperkératose orthokératosique diffuse marquée, dermatite d’interface pauvre en cellules avec dégénérescence hydropique des cellules basales, et apoptose des kératinocytes 11 12.
Le mécanisme pathogénique de cette dermatose est inconnu mais pourrait être une réaction de type greffon contre hôte, où des lymphocytes T immunoréactifs s’attaquent à la peau. Les principales hypothèses du diagnostic différentiel incluent : APF, dermatophytose, érythème polymorphe, LES, LSC & MF et dermatite exfoliative non associée à un thymome. L’exérèse du thymome constitue le traitement de choix.
La dermatite exfoliative non associée à un thymome 12 est une hypothèse importante du diagnostic différentiel, car elle est de meilleur pronostic et se traite différemment. L’approche diagnostique est la même, mais la recherche de tumeur médiastinale se révèle négative, et la maladie répond positivement au traitement immuno-suppresseur (ciclosporine et corticoïdes).
Les dysendocrinies sont dues à un déséquilibre hormonal (généralement un excès d’hormones). Classiquement, une hypotrichose voire une alopécie bilatérale symétrique non prurigineuse est observée 13. Un prurit peut être présent lorsqu’une surinfection bactérienne ou fongique s’est développée en raison d’un affaiblissement de la barrière cutanée et de l’immunité. Les dysendocrinies fréquentes incluent les dysfonctionnements gonadiques, surrénaliens et thyroïdiens. Les signes cutanés s’observent souvent avant l’apparition des signes systémiques et sont les mêmes quelle que soit la dysendocrinie. Le signalement, l’anamnèse détaillée et l’examen dermatologique approfondi donnent des clés importantes pour le diagnostic différentiel. Les dysendocrinies peuvent se traduire par un pelage sec et fragile, une alopécie symétrique non prurigineuse sur le tronc (la tête et les extrémités étant souvent épargnées), une perte de poils primaires (pelage de chiot), une hyperpigmentation cutanée symétrique localisée aux zones d’alopécie et pouvant se généraliser, une lichénification, notamment au niveau des zones de frottement, une absence de repousse des poils après une tonte, et une dermatite séborrhéique squameuse sèche ou grasse 1. Ces dysendocrinies peuvent également être qualifiées de paranéoplasiques, car elles sont souvent dues à une quantité excessive d’hormones produites par une tumeur d’une glande endocrine. Les dermatoses courantes qui peuvent ressembler à une dysendocrinie incluent toutes les dermatoses prurigineuses chroniques induisant une alopécie, une hyperpigmentation et une lichénification, ainsi que la dermatite (chronique) à Malassezia ou les effets d’un excès d’hormones iatrogènes.
L’hypercorticisme (HC) ou syndrome de Cushing spontané correspond à un excès de cortisol dû à une tumeur de l’hypophyse ou des surrénales. Il touche les chiens d’âge moyen à avancé, et les races Boxer, Caniche, Boston Terrier, Scottish Terrier et Teckel 13 sont surreprésentées. L’excès de cortisol a un effet significatif sur le fonctionnement épidermique et folliculaire ainsi que sur la production du collagène et de l’élastine. L’HC spontané peut entraîner PUPD, halètement, distension abdominale, atrophie musculaire, poil fin, ecchymoses, hyperpigmentation cutanée, alopécie bilatérale symétrique, dermatite séborrhéique, peau fine et hypotonique, comédons et télangiectasie (Figure 6)(Figure 7). Une calcinose cutanée peut s’observer dans environ 10 % des cas. De manière concomitante, une pyodermite superficielle chronique récidivante, une démodécie généralisée, une dermatite à Malassezia ou une dermatophytose peuvent se développer, traduisant une baisse de l’immunité. Les autres effets d’un excès de cortisol incluent le diabète sucré, les infections urinaires récidivantes, la pancréatite aiguë et la glomérulonéphrite. L’hypercorticisme est très rare chez le chat âgé, et les lésions cutanées peuvent inclure une perte de poils symétrique, une peau fine et fragile qui se déchire et saigne facilement, un recourbement du bout des oreilles, des comédons et une télangiectasie (Figure 8). L’hypercorticisme iatrogène peut toucher tous les chiens et chats recevant un excès de corticoïdes.
Patricia D. White
Différentes anomalies sont souvent détectées sur les analyses sanguines 13, et un test de stimulation à l’ACTH ou un test de freinage à la dexaméthasone faible dose permet de confirmer le diagnostic. L’échographie abdominale peut révéler une tumeur surrénalienne unilatérale avec atrophie de la glande controlatérale, ou une hypertrophie bilatérale des surrénales lors d’HC d’origine hypophysaire.
Chez certains animaux, les valeurs de cortisol obtenues lors des tests sont normales malgré la présence d’anomalies cutanées typiques de l’HC 13 14 15 16 17 18. Différentes dénominations ont été utilisées pour décrire ce phénomène (syndrome de type hyperplasie surrénalienne, déséquilibre des hormones sexuelles d’origine surrénalienne, alopécie X, pseudo-Cushing), mais « arrêt du cycle pilaire » est le terme actuellement privilégié 16 17. Les chiens adultes (2-10 ans), mâles ou femelles, stérilisés ou non, présentent une perte symétrique et progressive de poils primaires avec conservation des poils secondaires, localisée à l’encolure, au tronc et à la face caudale des cuisses, et épargnant la tête, la face et les extrémités des membres (Figure 9). Avec le temps, la peau devient alopécique, hyperpigmentée, squameuse, sèche et hypotonique. Un prurit est rarement présent. Les races surreprésentées incluent le Spitz Nain, le Chow-Chow, le Spitz Loup, le Samoyède et le Caniche, bien que des chiens croisés puissent également être touchés. La pathogénie exacte reste à élucider 14 15. Le diagnostic différentiel inclut la plupart des dysendocrinies. Diverses options thérapeutiques ont été proposées (mélatonine, mitotane, trilostane, phyto-œstrogènes, micropuncture) mais la réponse au traitement est impossible à prédire 13 16 17 18 19, et le mitotane comme le trilostane peuvent bloquer le fonctionnement des surrénales, d’où une surveillance rapprochée nécessaire.
L’hyperœstrogénisme (syndrome de féminisation) est la plus courante et la plus grave des dysendocrinies sexuelles et peut résulter de kystes ovariens, d’une tumeur testiculaire (souvent associée à une cryptorchidie), d’un contact avec un complément œstrogénique appartenant au propriétaire, ou d’un traitement œstrogénique contre l’incontinence urinaire. L’anamnèse est dans ce cas un élément clé du diagnostic. Les signes cutanés peuvent être les seuls indices présents, et ils incluent alopécie symétrique, hyperpigmentation cutanée du cou et du tronc, dermatite séborrhéique et prurit lors de surinfection bactérienne ou fongique (Figure 10). Les femelles peuvent montrer des signes d’œstrus prolongé et une hypertrophie vulvaire.
Les tumeurs des cellules de Sertoli sont les tumeurs testiculaires le plus souvent à l’origine d’un excès d’œstrogènes chez le chien. Les mâles peuvent présenter une gynécomastie, une ptose du fourreau, une mélanose maculaire (Figure 11) de la région inguinale, un érythème linéaire préputial et une attirance pour les autres mâles. L’excès d’œstrogènes peut entraîner une aplasie médullaire à l’origine d’une anémie arégénérative et d’une thrombocytopénie potentiellement mortelles, et il est donc obligatoire de réaliser une NFS chez les animaux suspects. L’exérèse chirurgicale de la source de l’excès d’œstrogènes est curative en l’absence de métastases.
Les dermatoses à médiation immune peuvent entraîner des signes cutanés variés et peu spécifiques. Là encore, une anamnèse détaillée incluant les traitements médicamenteux systémiques et topiques, les compléments alimentaires, les aliments récents et en cours est essentielle pour établir le bon diagnostic.
Les réactions cutanées médicamenteuses (RCM) correspondent à une réaction négative, nocive et fortuite suite à l’administration ou à l’application d’un médicament, ou suite à une interaction entre deux produits chimiques ou médicamenteux 20. Les mécanismes pathogéniques se divisent globalement en non immunologiques (surdosage, réaction d’irritation, interaction médicamenteuse) et immunologiques (réaction auto-immune ou réaction à un antigène exogène) mais la pathogénie réelle est inconnue. Les lésions peuvent se développer après une seule administration du médicament ou plusieurs administrations étalées sur plusieurs mois ou années. Les RCM peuvent ressembler à quasiment n’importe quelle dermatose et elles font toujours partie des hypothèses diagnostiques des MDMS. Chez un animal ayant des antécédents d’allergie, le vétérinaire peut, s’il n’envisage pas cette hypothèse, croire à tort à une poussée sévère d’allergie. Lorsqu’un traitement habituellement efficace chez un animal allergique devient soudainement inefficace, une réévaluation du diagnostic est justifiée.
Il n’existe aucune prédisposition liée à l’âge, à la race ou au sexe. N’importe quel médicament qui a été récemment ou est encore administré peut être responsable, mais les médicaments le plus souvent en cause incluent les vaccins, les sulfamides, les céphalosporines, les pénicillines, le carprofène, les insecticides topiques et les shampooings 20. Certains ingrédients alimentaires ont également été incriminés. Les signes cutanés incluent éruptions maculo-papulo-pustuleuses, érythrodermie exfoliative, dépigmentation, dermatite pustuleuse superficielle avec croûtes, érythème avec érosions et ulcérations des muqueuses et des jonctions cutanéo-muqueuses, urticaire avec angioedème, et nécrose sur toute l’épaisseur de la peau. Les lésions sont généralement localisées aux régions ventrales (creux axillaires, région inguinale, organes génitaux) (Figure 12), aux points de pression, aux jonctions cutanéo-muqueuses et aux muqueuses et aux extrémités (pavillons auriculaires, coussinets, replis unguéaux). Des commémoratifs de dermatite d’apparition brutale et d’évolution rapide justifient une évaluation minutieuse et l’arrêt immédiat de tout traitement médicamenteux. La réaction peut être limitée à la peau ou impliquer plusieurs organes.
L’érythème polymorphe (EP) et la nécrolyse épidermique toxique (NET) sont les deux tableaux les plus sévères observés en cas de réaction cutanée médicamenteuse. Chez le chien, l’EP serait une réaction d’hypersensibilité à médiation cellulaire spécifique de l’hôte, dirigée contre un stimulus antigénique 20. Cliniquement, l’EP se traduit par des macules érythémateuses planes ou surélevées qui s’effacent au centre pour s’étendre en périphérie et qui fusionnent pour donner des lésions en cocarde ou serpigineuses avec ou sans croûtes adhérentes en surface (Figure 12). Ces lésions peuvent apparaître au niveau des creux axillaires, de la région inguinale, de la cavité orale, des jonctions cutanéo-muqueuses, des pavillons auriculaires et des coussinets. Les lésions orales et cutanéo-muqueuses sont érythémateuses à vésiculo-bulleuses voire ulcératives. Certains individus sont fébriles, moribonds et anorexiques. L’examen histopathologique d’une biopsie cutanée prélevée sur une lésion non ulcérée avec épiderme intact est nécessaire pour établir le diagnostic. Lors d’EP, les résultats de l’histologie incluent une dermatite d’interface riche en cellules et une apoptose des kératinocytes.
La NET est une affection ulcérative et vésiculo-bulleuse rare et potentiellement mortelle touchant la peau, les muqueuses et la cavité orale, et elle est le plus souvent due à une réaction médicamenteuse 20. Une fièvre, une perte d’appétit et une léthargie apparaissent brutalement et s’accompagnent d’éruptions cutanées pouvant s’étendre sur une grande partie du corps. Une simple manipulation de l’animal peut entraîner un décollement de la peau (Figure 13) (Figure 14). Les observations histologiques incluent nécrose de toute l’épaisseur de l’épiderme, faible infiltrat de cellules inflammatoires dans le derme et séparation dermo-épiderme avec formation de vésicules sous-épidermiques.
La prise en charge des éruptions médicamenteuses implique une identification et une élimination de la cause, un traitement par des médicaments immuno-suppresseurs (corticoïdes, ciclosporine) et immuno-modulateurs (niacinamide, pentoxifylline), associés à des soins symptomatiques adaptés. Les formes plus légères peuvent disparaître sans autre traitement en l’espace de quelques semaines, mais les formes plus sévères nécessiteront un traitement agressif.
Le pemphigus foliacé (PF) est la maladie auto-immune la plus fréquente chez le chien et le chat. Généralement considéré comme idiopathique, le PF a néanmoins déjà été observé suite à l’administration topique de pesticides et de médicaments ainsi que lors de syndrome paranéoplasique 20 21 22 23 24. Pour faire la différence entre PF idiopathique et PF d’origine médicamenteuse ou paranéoplasique, une anamnèse détaillée et approfondie est nécessaire, et cette distinction permettra de décider du type et de la durée du traitement. Le PF est une maladie pustulo-croûteuse localisée à la tête, à la face, aux oreilles et aux extrémités des membres. Le diagnostic différentiel inclut pyodermite, démodécie, dermatophytoses et allergies avec surinfection (Figure 15). Une ulcération et une dépigmentation nasale et cutanéo-muqueuse peuvent également s’observer, ajoutant à la liste des hypothèses diagnostiques à exclure, à savoir les autres formes de pemphigus, le lupus érythémateux discoïde, les éruptions médicamenteuses, le LSC, le LES, l’ENM et la leishmaniose. Le diagnostic est histopathologique et repose sur l’observation caractéristique de pustules sous-cornées et intra-cornéennes contenant des cellules acantholytiques. Le pemphigus paranéoplasique (PPN) est unique d’un point de vue histologique car il se caractérise par des pustules intra-épidermiques avec cellules acantholytiques comme lors de PF, associées à un décollement suprabasal comme lors de pemphigus vulgaire et à une apoptose intra-épidermique comme lors d’érythème polymorphe. Cette triade histopathologique justifie la recherche d’une tumeur. Le PPN a été décrit chez 3 chiens en association avec un thymome, un lymphome thymique et un sarcome splénique et chez un chat souffrant de thymome lymphocytaire 25. L’identification de la cause est importante pour le traitement, car son élimination peut entraîner une résolution définitive des signes cliniques.
En dermatologie vétérinaire, le recueil d’une anamnèse détaillée n’est jamais aussi importante que dans le cadre des MDMS. Les examens complémentaires habituels excluent les causes les plus évidentes (parasites, dermatophytes, bactéries, Malassezia). Une fois ces causes éliminées, le vétérinaire doit identifier les lésions cutanées constituant des signes d’appel d’une maladie systémique et établir un diagnostic différentiel. De la même façon, si l’animal ne répond pas positivement au traitement d’une dermatose courante que le vétérinaire pense avoir identifié, l’hypothèse d’une MDMS doit être envisagée et le diagnostic initial réévalué. Il est alors essentiel de reconsidérer l’anamnèse et les résultats des examens complémentaires. Une fois le diagnostic établi, la mise en place du traitement est plus simple.
Patricia D. White
Le Dr White est diplômée de l‘École Vétérinaire de l‘Université de Tuskegee. Après un résidanat, un Master et un post-doctorat en dermatologie à l‘Université En savoir plus
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