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Veterinary Focus

Numéro du magazine 1 Communication

La communication est une compétence clinique (partie 1)

Publié 20/02/2020

Ecrit par Miguel Ángel Díaz , Iván López Vásquez , Cindy Adams et Antje Blättner

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Português , Română , Español et English

Les qualités de communication suivantes sont indispensables pour développer des relations basées sur le respect et la confiance entre le vétérinaire et ses clients, entre les membres de l’équipe et les clients, et entre collègues. Elles constituent les bases de la communication et permettent d’atteindre des objectifs plus larges : amélioration du relationnel, meilleure coordination des soins, réduction des conflits et des réclamations… Commençons par aborder la communication non verbale.

La communication est une compétence clinique (partie 1)

Points Clés

Savoir interpréter le non-verbal est essentiel pour comprendre les attentes et prendre les bonnes décisions.


Communication non verbale

La communication non verbale inclut tous les signaux comportementaux échangés entre individus, à l’exclusion du contenu oral. Bien que les estimations varient, environ 80 % de notre communication passe par le non-verbal. Nos sentiments et nos émotions sont véhiculés de manière non verbale, même si ce que nous disons est en accord avec ce que nous pensons. Dans la plupart des cas, nous communiquons nos sentiments et émotions involontairement et sans contrôle.

Quatre catégories de communication non verbale sont définies (Figure 1) 1:

  • le langage corporel
  • le proxémique
  • le paraverbal
  • les modifications neurovégétatives
 
Il existe quatre types de communication non verbale. Savez-vous lequel vous utilisez le plus ?
Figure 1. Il existe quatre types de communication non verbale. Savez-vous lequel vous utilisez le plus ? © Manuel Fontègne

 Le langage corporel

Exercice 1.
Figure 2. Exercice 1. © IHC Veterinary Communication Project, New Haven, CT

Le langage corporel renvoie aux comportements exprimés par les expressions faciales, le niveau général de tension du corps, les gestes, les postures et les mouvements. Ce sont typiquement des comportements non verbaux sur lequels nous pouvons exercer un certain contrôle (Figure 2).

Exercice 1

  • Que remarquez-vous dans la posture et les expressions faciales de cette cliente ?
  • Que pouvez-vous supposer qu’elle ressent ?
  • Que pouvez-vous faire ou dire pour vérifier vos hypothèses ?

 [Vous trouverez des réponses à ces questions à la fin de cette section.]

Le proxémique

Exercice 2.
Figure 3. Exercice 2. © IHC Veterinary Communication Project, New Haven, CT

Le proxémique renvoie à la façon dont les gens établissent leur espace personnel, par exemple la distance entre le vétérinaire et son client, l’angle d’inclinaison du corps du vétérinaire face à son client, les différences de taille et les barrières physiques telles que la table d’examen, l’ordinateur ou l’animal lui-même (Figure 3).

Exercice 2

  • Quel type d’information est échangé entre cette cliente et la vétérinaire ?
  • En vous basant sur sa communication non verbale, quelles hypothèses pouvez-vous émettre sur ce que la cliente ressent ?
  • Que pouvez-vous faire pour prendre en compte ce que vous percevez de sa communication non verbale ?

 [Vous trouverez des réponses à ces questions à la fin de cette section.]

La communication paraverbale

Le paraverbal concerne tout ce qui a trait à la voix.
Figure 4. Le paraverbal concerne tout ce qui a trait à la voix. © Shutterstock

Le paraverbal concerne tout ce qui a trait à la voix : le ton, la vitesse d’élocution, le rythme, le volume et l’accentuation (Figure 4). Nous utilisons ces qualités pour délivrer des messages différents avec les mêmes mots : une même phrase prononcée avec une intonation différente peut prendre un sens complètement différent.

Notez qu’il existe des différences culturelles. Dans certains pays, l’importance est donnée au ton et au tempo alors que dans d’autres, on met l’accent sur certains mots. Une voix chaude et agréable peut détendre le client, le mettre à l’aise et l’aider à parler plus volontiers de ses attentes réelles. Cela peut aussi augmenter la réceptivité du client quand le vétérinaire donne des informations et fait des recommandations.

Les modifications neurovégétatives

Exercice 3.
Figure 5. Exercice 3. © IHC Veterinary Communication Project, New Haven, CT

Le système neurovégétatif est à l’origine de certains comportements spécifiques. Notre contrôle est faible ou inexistant sur ce type de communication non verbale. Il est très utile d’apprendre à remarquer ces comportements car ils indiquent souvent que ce qui vient d’être dit ou fait a provoqué des sentiments forts chez l’intéressé (Figure 5). Le visage peut rougir ou blanchir, les pupilles peuvent se mettre à briller, des larmes peuvent apparaître, la transpiration peut devenir visible ou perceptible lors d’une poignée de mains… Vous pouvez noter si la respiration est haute (par la poitrine) ou basse (par le ventre) ; la respiration peut aussi être bloquée quand un sujet particulier est abordé.

Exercice 3

  • Que remarquez-vous dans la posture et les expressions faciales de cette cliente ?
  • Quelles sont les hypothèses que vous pouvez émettre sur ce qu’elle ressent ?
  • Que pouvez-vous faire ou dire pour vérifier vos hypothèses ?

 [Vous trouverez des réponses à ces questions à la fin de cette section.]

Gérer des messages complexes

Il est indispensable d’étudier l’ensemble des réponses non verbales plutôt qu’un signal isolé car les réponses mixtes sont fréquentes. La première chose qui doit nous alerter, c’est quand la communication non verbale d’un client va à l’encontre de ce qu’il dit. Il faut alors accorder encore plus d’attention à la communication non verbale : des larmes, une absence de contact visuel, un coup d’œil à la montre, l’expression d’émotions telles que l’angoisse, la confusion, le découragement, la colère… Dans un deuxième temps, il s’agit d’exprimer ce que vous voyez ou croyez déceler chez votre client. Un message mixte est envoyé quand les messages verbaux et non verbaux sont en discordance. Certains experts en comportement non verbal parlent des messages mixtes comme des « fuites non verbales » ou des « supercheries ». Très souvent, un message mixte signifie cependant que le client ne se sent pas suffisamment en confiance pour dire au vétérinaire ce qu’il pense ou ce qu’il veut. Cela est fréquemment lié à un désaccord avec le vétérinaire à propos d’un conseil donné.

Que faut-il donc faire des messages mixtes ? D’abord et avant tout, créez les conditions requises pour encourager au maximum la communication, grâce à des signaux non verbaux émis par vous et par l’environnement. Assurez-vous que partout dans la clinique, les clients et leurs enfants se sentent bienvenus. Aménagez la clinique et les salles d’examen pour les rendre confortables et pratiques pour les clients et les patients.

Ensuite, évaluez votre propre communication non verbale, en commençant par prêter attention à la différence de taille. Est-ce que vous dominez le client quand vous examinez son animal ? Quel type de distance interpersonnelle créez-vous pour communiquer ? Etes-vous trop près ou trop loin du client pour avoir une conversation détendue ? La communication non verbale est-elle entravée par des barrières telles que la table d’examen ou l’ordinateur ? Faites attention au ton de votre voix et à votre temps de parole comparé à celui du client.

Maintenant, il est temps de souligner le décalage entre la communication verbale et non verbale du client en disant, par exemple :

« Suzanne, même si vous avez donné votre accord pour pratiquer des examens complémentaires afin de nous aider à savoir ce qui se passe avec Sadie, j’ai le sentiment que vous n’êtes pas vraiment à l’aise avec cette décision. » [Faire une pause et laisser Suzanne répondre.]

Remarquez les signaux non verbaux du client, décodez-les et surtout, vérifiez que vous avez bien interprété le non-verbal. C’est indispensable pour comprendre les émotions et les sentiments du client.

La troisième étape consiste à prendre en compte la réponse du client dans la question ou le commentaire qui suit. Par exemple, supposons que Suzanne ait répondu :

« Oui, j’ai des doutes. Nous avons déjà fait plein d’examens et ils ne nous ont rien appris de plus à propos de l’état de Sadie ; donc j’hésite à dépenser encore de l’argent. »

Comment répondriez-vous ?

Réfléchissez un moment aux mots que vous utiliseriez avant de lire la proposition qui suit.

Une possibilité serait…

« Merci de me le dire sincèrement, Suzanne. Les deux tests que je propose, le frottis et le raclage cutané, sont deux étapes supplémentaires après l’analyse de sang que nous avons réalisée. Ces tests nous aideront à savoir ce qui provoque les démangeaisons chez votre chien. »

Ainsi que vous pouvez le voir dans l’exemple ci-dessus, la vétérinaire a compris que Suzanne était déçue et qu’elle n’avait pas envie de dépenser plus d’argent juste pour entendre que la praticienne ne savait toujours pas ce qui n’allait pas chez son chien. Elle a continué à prendre en compte la réticence de Suzanne en lui expliquant pourquoi ces deux tests supplémentaires pouvaient les aider à trouver ce qui serait utile à Sadie.

On n’insistera jamais trop sur l’importance d’un comportement non verbal approprié pour améliorer le relationnel. Repérer les signaux non verbaux des clients, les décoder et surtout vérifier que vous avez bien interprété le non-verbal est indispensable pour comprendre les émotions et les sentiments des clients. Cela permet ensuite de prolonger la conversation en ayant plus de chances de prendre les décisions favorables à l’intérêt des patients tout en prenant en compte les croyances, les attentes et les besoins des clients.

Réponses aux exercices sur la communication non verbale

Bibliographie

  1. Bonvicini K. (2003) Bayer Animal Health Communication Project. It goes without saying. New Haven (CT): Institute for Healthcare Communication.

Miguel Ángel Díaz

Miguel Ángel Díaz

Miguel est vétérinaire diplômé depuis 1990. Après avoir travaillé dans différentes cliniques, il a ouvert sa propre structure en 1992 En savoir plus

Iván López Vásquez

Iván López Vásquez

Iván vient d’une famille de vétérinaires : son père et son frère aîné partagent la même passion. Il a obtenu son diplôme à l’Université de Concepción En savoir plus

Cindy Adams

Cindy Adams

Cindy Adams est professeure au Département de Clinique Vétérinaire et Sciences Diagnostiques, à la Faculté de Médecine Vétérinaire de l’Université de Calgary En savoir plus

Antje Blättner

Antje Blättner

La Dre Blaettner a grandi en Afrique du Sud et en Allemagne et a obtenu son diplôme en 1988 après avoir étudié la médecine vétérinaire à Berlin et à Munich. En savoir plus

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