La consultation optimale (partie 3)
Cette dernière partie porte sur l’importance de la pédagogie...
Numéro du magazine 1 Communication
Publié 14/05/2020
Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Português , Română , Español et English
Ce chapitre aborde certaines situations difficiles auxquelles un vétérinaire doit faire face. Influencés par « Docteur Google », certains possesseurs d’animaux font de plus en plus d’objections : ils critiquent ce que le vétérinaire dit et fait… Cela peut conduire à des situations conflictuelles. D’autre part, de nombreux vétérinaires sont mal à l’aise pour parler d’argent. Des suggestions pour savoir comment aborder ce sujet sont proposées dans ce chapitre.
Notre carrière professionnelle dépend fortement de notre capacité à développer des compétences pour gérer les réclamations et rétablir une bonne relation émotionnelle avec nos clients, et un climat de confiance.
Une objection n’est pas une réclamation ni un rejet : c’est l’occasion de clarifier les informations, de développer la confiance et de renforcer la communication afin de parvenir à un accord.
Les clients attendent du vétérinaire qu’il soit le premier à parler du prix des soins vétérinaires mais cela se produit rarement.
Saviez-vous que des études montraient qu’un des moyens les plus efficaces pour fidéliser les clients était de réagir de manière satisfaisante en cas de réclamation 1 ?
Cependant, nous savons que c’est plus facile à dire qu’à faire. Notre cerveau primitif a été formé par des millions d’années d’évolution pour répondre automatiquement à tout ce qui pourrait être perçu comme une menace. Ses deux réponses immédiates, lutter ou fuir, ne nous aident pas vraiment à gérer les réclamations de nos clients ! Tout le monde peut faire une erreur, tôt ou tard. Notre carrière professionnelle dépend fortement de notre capacité à développer des compétences pour gérer les réclamations et rétablir la confiance.
1 25 % des rencontres positives ont débuté avec un défaut de service 1
Nos clients ont rarement les connaissances scientifiques suffisantes pour juger la valeur de notre travail en clinique. La plupart des réclamations ne sont pas dues à un manque de professionnalisme mais à des choses telles que celles indiquées dans le tableau (Tableau 1) ci-dessous 2.
Les réclamations les plus fréquentes.
Attitude froide ou distante du personnel ou du véto
Explications sommaires ou obscures, langage technique incompréhensible
Promesses non tenues (ponctualité, rappels téléphoniques, etc.)
Absence d’écoute, interruptions permanentes
Arrogance
Manque de respect
Air indifférent
Entretien de faux espoirs
Mauvaises surprises (factures supérieures au devis initial, santé de l’animal plus altérée que prévu, etc.)
Disposer d’une méthode est une bonne chose car vous pouvez la suivre pour restaurer la confiance de vos clients et l’enseigner aux autres membres de l’équipe pour qu’ils soient préparés à faire face à un éventuel problème.
Étape 1. Restez calme et faites-leur dire « exactement »
Une des plus fréquentes erreurs est de laisser notre amygdale prendre le contrôle et envoyer des signaux d’alarme en cas de réclamation : opter, par exemple, pour une attitude défensive, se chercher des excuses, interrompre ou contre-attaquer. Pour éviter cela, nous devons nous concentrer calmement sur le client, l’écouter pour comprendre, ne pas juger, poser des questions pour éclaircir et éviter les malentendus, demander la permission de prendre des notes si nécessaire, résumer ce que nous avons entendu avec nos propres mots et demander au client, à la fin, si c’est bien ça la cause du conflit, afin de l’amener à dire : « exactement ».
Si nous obtenons du client qu’il dise : « Exactement, c’est ça qui ne va pas », nous aurons fait un pas de géant vers la résolution du problème.
• Vétérinaire : Mme Gomez, si j’ai bien compris, vous êtes contrariée d’avoir dû attendre une heure votre rendez-vous. Non seulement nous avons abusé de votre temps mais personne ne vous a dit que vous devriez attendre si longtemps, ni pourquoi.
• Cliente : Exactement, ce n’est pas seulement l’attente, c’est le sentiment que mon temps à moi n’est pas respecté.
Étape 2. Demandez ce qui s’est passé
Un client va parfois trop loin dans l’interprétation de ce qui s’est passé. Par exemple, il pourrait revenir en disant : « Bla-bla-bla… il est évident que vous vous moquez du fait que j’aie attendu une heure en salle d’attente ».
Dans ce cas, quand le client se calme et qu’il a dit : « Exactement », nous pouvons commencer à remettre en question son hypothèse. Mais il faut rester prudent car il s’agit d’une étape à risque : un faux pas risque d’aggraver la tension initiale. Vous devez réfléchir sérieusement à cela avant de décider si cette étape en vaut la peine.
• V : Mme Gomez, je comprends que nous ayons pu vous donner cette impression et je suis vraiment désolée. Mais je vous assure que nous nous soucions beaucoup de nos clients et que cette erreur n’est pas due à un manque d’intérêt.
Étape 3. Classez la réclamation dans une catégorie
Évitez la question : « À qui la faute ? » et demandez au contraire : « Qu’avons-nous fait de mal ? »
Bien que la frontière entre les différents types de réclamations soit parfois floue, elles peuvent en général être classées en trois catégories (Figure 1) 3 :
1. Réclamation à propos d’un acte. Quelque chose n’a pas été bien fait. Par exemple, un pansement a été mal posé, il est tombé et le propriétaire doit revenir à la clinique pour le faire remplacer.
2. Réclamation à propos d’un protocole dont une étape a été ratée. Par exemple, le chirurgien a oublié de téléphoner au client après l’opération de son animal alors qu’il avait dit qu’il le ferait.
3. Comportement : cela concerne l’effet que nous produisons sur les gens. Par exemple, la réceptionniste était froide, mal embouchée et n’a pas informé le client du retard à prévoir pour la consultation.
Ne prenez rien à titre personnel, rappelez-vous.
• Quelque chose a-t-il été mal fait, par exemple un chien est-il rentré avec des taches de sang après une hospitalisation ?
• Etait-ce une erreur de protocole, comme omettre d’appeler un client après une opération ?
• Un comportement inapproprié est-il à l’origine du problème, par exemple le vétérinaire était-il impatient et peu aimable lors d’une visite ?
Dans le cas de Mme Gomez, l’erreur provient peut-être de l’organisation de la clinique (trop de rendez-vous en un temps limité), de la vétérinaire (consultations trop longues et accumulation de retard), de la réceptionniste ou de l’ASV (elles n’ont pas informé le client du retard, de sa durée et de sa raison, et n’ont pas proposé d’autres options).
Iván López Vásquez
Identifier la nature de la réclamation est indispensable pour apporter une réponse satisfaisante mais aussi pour en profiter pour apprendre et s’améliorer. Lorsque vous recevez une réclamation, demandez-vous s’il s’agit de quelque chose qui a été mal fait, d’un mauvais protocole ou d’un comportement inapproprié. Soyez reconnaissant d’avoir l’occasion de le découvrir pour progresser.
Étape 4. Excusez-vous sincèrement
Vous avez écouté calmement votre client, vous le voyez se calmer en se sentant compris, et vous réalisez maintenant l’origine du problème. Il est temps de dire :
• Je suis désolée, Mme Gomez.
• J’assume l’entière responsabilité.
• Je comprends ce que vous ressentez après avoir dû attendre si longtemps sans être prise en considération, et ne pas avoir été informée ou n’avoir pu choisir une autre option.
• Puis-je vous demander ce que je peux faire pour minimiser le désagrément occasionné ?
Bien que de nombreux vétérinaires pensent que cette dernière question est très risquée, l’expérience des auteurs montre qu’il est exceptionnel que les clients fassent alors une demande excessive ou disproportionnée. Si c’était le cas, il faudrait négocier. Et si le client ne sait pas ou n’ose pas proposer une solution, nous devons alors en proposer une qui puisse le satisfaire. Rappelez-vous, la plupart de nos clients fidèles le sont devenus parce que nous avons bien su résoudre un problème et qu’ils nous font maintenant confiance.
• C : Rien ne peut me rendre le temps que j’ai perdu, j’ai bien peur que vous ne puissiez rien faire.
• V : Mme Gomez, c’est vrai et j’aimerais retourner en arrière pour effacer cet incident mais je ne peux pas. Je peux en revanche vous proposer quelque chose : la prochaine fois que vous viendrez à la clinique, nous en informerons le vétérinaire, nous vérifierons qu’aucune urgence n’est en cours et nous nous assurerons que tout est prêt pour votre rendez-vous. Cela vous convient-il ?
Étape 5. Mettez l’étape précédente en pratique immédiatement
Tout ce que vous avez promis de faire, faites-le tout de suite. La confiance ne peut être restaurée que par des actions, pas par des mots aimables ou de bonnes intentions. Nous ne sommes pas ce que nous disons être, mais ce que nous faisons.
• V : Mme Gomez, j’aimerais régler ça moi-même avec la réception afin que vous n’ayez pas à tout expliquer encore. Est-ce que cela vous convient ?
Malheureusement, la résolution correcte de 100 % des réclamations n’est pas garantie. Mais lorsque nous parvenons à le faire, non seulement nous rétablissons une connexion émotionnelle avec nos clients mais ils peuvent même, alors, nous recommander.
Vous avez fait de gros efforts pour explorer le problème de santé de votre patient, pour expliquer les symptômes, les différentes hypothèses diagnostiques et les meilleures options à suivre. Vous avez été clair dans vos recommandations et vous êtes sûr d’avoir employé les bons mots et le bon langage corporel. Et soudain, boum ! Le client se plaint de manière inattendue, demande qu’on lui explique encore pourquoi certains tests sont nécessaires, semble mal à l’aise avec le prix et traîne les pieds en disant qu’il doit réfléchir.
Votre amygdale s’active ! Votre cœur s’accélère, vos mâchoires se serrent, votre sourire se transforme en une expression sérieuse et vous sentez votre sang ne faire qu’un tour. Vous êtes contrarié alors que vous devriez être reconnaissant. Une objection n’est pas une réclamation ni un rejet (bien que son impact émotionnel soit semblable), c’est l’occasion de clarifier les informations, de développer la confiance et de renforcer la communication pour parvenir à un accord (Figure 2) 4.
D’après les données actuelles des neurosciences, nous pouvons distinguer deux types d’objections. Les premières proviennent de messages que nous avons envoyés inconsciemment et qui ont déclenché un niveau d’alerte élevé dans la partie primitive du cerveau de notre client. Par exemple : une poignée de main molle, la rupture du contact visuel, l’usage d’onomatopées telles que « hum… euh… », ou un visage contrarié.
En réaction, les clients perçoivent quelque chose qui les rend moins confiants. Ils n’écoutent plus notre raisonnement, même si nous sommes convaincants, parce que leur amygdale leur commande de fuir. Et ils le font en disant poliment quelque chose comme : « J’ai besoin d’y réfléchir », « Peut-être plus tard », « Envoyez-moi toutes les informations par mail et je vous tiendrai au courant »…
L’autre type d’objection est plus rationnel. Par exemple : « Ma situation financière n’est pas bonne actuellement, ce n’est pas le meilleur moment » ; « C’est trop cher pour moi » ; « J’aimerais un second avis avant de me décider ».
Dans le tableau ci-dessous, vous lirez une liste d’objections souvent entendues en clinique vétérinaire (Tableau 2).
Liste d’objections souvent entendues en clinique vétérinaire.
« Je dois y réfléchir. »
« Je dois en parler à la maison. »
« Je n’ai pas les moyens en ce moment. »
« Donnez-moi des documents à consulter. »
« Cela semble très cher et n’offre aucune garantie. »
« On l’a fait au chat de mon ami et ça n’a pas bien marché. »
« La dernière fois, on m’a indiqué un prix et en fait, j’ai fini par payer beaucoup plus. »
« S’il doit souffrir, je préfère le faire euthanasier. »
Si vous prenez un moment pour réfléchir, vous verrez qu’en général, nous ne rencontrons pas plus de 10 types d’objections. Nous vous conseillons de faire votre propre liste avec votre équipe et de les classer du plus au moins fréquent.
Élaborez ensuite une réponse pour chacune des objections les plus fréquentes.
Admettre l’objection, bien que cela soit désagréable, est sans doute ce que nous devons faire pour obtenir un « oui » de nos clients. Ignorer une objection ne la fait pas disparaître, c’est en général le contraire qui se passe. Au fil du temps, elle deviendra une source de malentendus, de faux espoirs et de réclamations. Assimiler une objection à une réclamation, voire à une attaque personnelle, augmente inutilement la tension.
Alors, que devons-nous faire ?
Clé 1. Soutenez votre client
Vous rappelez-vous que l’amygdale influence beaucoup plus nos décisions que notre cortex ? La première étape consiste donc à calmer notre cerveau primitif. Il est essentiel de commencer par dire « oui ». Essayer de forcer le client à changer d’avis ne fera que l’énerver encore plus, voire l’exaspérer et le rendre hostile. Le principe est de reconnaître son point de vue, de le respecter, et alors seulement de donner le nôtre.
Par exemple :
• « Oui, je comprends la pression liée à la nécessité d’une opération à un moment financièrement délicat. »
• « Je comprends parfaitement qu’il soit difficile de décider alors qu’il n’existe pas de garantie à 100 %… »
Clé 2. Amenez le client à dire « oui » autant que possible et faites-lui dire : « Exactement ! »
Il est maintenant temps de poser des questions et d’écouter activement. Posez beaucoup de questions pour clarifier les choses et amenez le client à dire : « Oui », « Oui, c’est ce que je veux dire », « Oui, exactement », « C’est vrai, oui ».
Par exemple :
• V : « Si j’ai bien compris, vous avez peur de l’anesthésie, c’est ça ? »
• C : « C’est vrai ».
• V : « Et vous êtes aussi inquiet quant au coût de l’opération parce que cela survient à un mauvais moment, c’est ça ? »
• C : « Exactement ».
• V : « Y a-t-il autre chose que vous craignez et dont nous n’avons pas discuté ? »
• C : « Non, aujourd’hui ce sont ces questions qui m’inquiètent le plus. »
Clé 3. Soyez cohérent
Le but maintenant est de rappeler au client pourquoi il est à la clinique (ses peurs, ses besoins, les menaces et opportunités) et de connecter ces raisons avec le « oui » qui a été exprimé. Une loi d’influence inexorable dit qu’une fois qu’il a donné son avis, l’être humain ressent le besoin d’agir conformément à celui-ci.
Par exemple :
• V : « Si j’ai bien compris, vous ne voulez pas que Laïka souffre inutilement. Elle fait partie de la famille au point que vous craignez l’effet que cela pourrait avoir sur votre jeune fils si Laïka n’allait pas bien. Si vous décidez de faire quelque chose, vous voulez avoir la garantie qu’elle ne souffrira pas, qu’elle sera très bien soignée et qu’elle guérira aussi vite que possible. Comment vous sentiriez-vous si nous étions capables de faire cela tout en minimisant le coût financier ? »
• C : « Bien mieux ! »
Clé 4. Proposez des alternatives, minimisez les risques et les inconvénients
Il est temps de répondre en proposant des alternatives qui vont correspondre aux attentes exprimées par le client. Reprenez le tableau des objections fréquentes que nous avons fait et répondez à chacune d’elles en vous aidant d’un autre tableau (Tableau 3) proposant des solutions, tel que celui figurant ci-dessous.
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Par exemple :
• V : « C’est pourquoi il est si important de faire un bilan pré-anesthésique et un électrocardiogramme. Ils nous révéleront des risques éventuels. Et l’hospitalisation, même si elle augmente le coût, est indispensable pour être sûr que Laïka n’aura pas mal après l’opération. Nous avons réalisé cette intervention des centaines de fois, avec un taux de succès de plus de 80 %. Puisque la période est délicate sur le plan financier, est-ce que votre décision serait plus simple à prendre si je vous disais que vous pouvez payer l’opération en plusieurs fois ? Nous avons des conditions de paiement très intéressantes dans ce type de situation. »
Clé 5. Confirmez que vous avez réussi et posez encore des questions
À ce stade, vous devez encourager l’action.
• V: « Donc, nous allons nous occuper au mieux de Laïka, et rendre le traitement plus abordable. Pensez-vous que nous pouvons démarrer ? Chaque minute compte. »
« C’est vraiment difficile de lui faire perdre du poids. Mon mari lui donne des chips et des restes de table. »
1– Oui, lui faire perdre du poids est difficile et je comprends que votre mari veut faire plaisir à Max, –2– comme nous tous. N’est-ce pas ? 3– Nous voulons que le foie et le cœur de Max aillent mieux et c’est pourquoi je recommande ce régime, c’est la meilleure option. 4– Serait-il utile que je vous donne plus d’informations sur l’impact des chips sur l’obésité, et à quel point c’est mauvais pour le foie et le cœur des chiens ? 5– Pensez-vous que cela pourrait aider votre mari à devenir plus conscient de la situation et à mieux comprendre l’influence de l’alimentation de Max sur sa qualité de vie et sa longévité ?
« Qu’est-ce que vous faites ?! Le vétérinaire que je voyais avant ne faisait pas comme ça ! »
1– Désolé, vous semblez surpris que j’agisse d’une manière différente de votre précédent vétérinaire. 2– Je comprends que cela vous inquiète –3– car vous prenez grand soin de Laïka, mais soyez sûr que c’est aussi ce que je veux. 4– Merci de me laisser vous expliquer pourquoi je m’y prends de cette façon et vous me direz si je dois vous donner d’autres précisions… 5– Êtes-vous d’accord ?
« Mais je m’attendais à voir le Dr Dubois aujourd'hui, où est-il ? »
1– Je sais que vous espériez le voir. Je suis désolé mais il ne peut pas être là ; je crains qu’il n’ait eu une urgence et n’ait dû partir. 2– Le Dr Dubois connaît bien Souk, n’est-ce pas ? 3– Nous voulons tous son bien, ici. 4– Si vous êtes d’accord, je vais examiner Souk et je vais également vous faire part de mes observations et discuter ensuite avec vous de ce qu’il faudrait faire, en tenant bien sûr le Dr Dubois au courant. 5– D’accord ?
En résumé, le meilleur moyen de répondre aux objections est de comprendre qu’elles sont naturelles et de les voir comme des occasions de renforcer la confiance de nos clients en les traitant méthodiquement. Bien qu’elles nous déstabilisent au début, plus nous pratiquons, plus nous devenons convaincants lorsqu’il s’agit de réfuter les objections les plus fréquentes.
Lorsqu’un client décide de payer sans discuter le prix des services fournis, cela résulte d’une bonne communication et d’une interaction saine avec lui : il estime que les informations et les services rendus valent le prix facturé.
Parler de prix ou d’honoraires fait partie de la discussion en médecine vétérinaire et pourtant les praticiens sont généralement mal à l’aise avec le sujet parce que : « Nous sommes des médecins et nous ne voulons pas mélanger la médecine avec l’argent », « Nous avons décidé de ne pas nous en occuper » (nous déléguons cette responsabilité aux autres membres de l’équipe), ou sincèrement « Nous nous sentons incompétents pour le faire ». Pourtant, les clients attendent du vétérinaire que ce soit lui qui aborde le sujet du prix des soins vétérinaires (Figure 3) mais cela n’est pas toujours le cas. Parfois, lorsque le vétérinaire parle d’argent en consultation, certains clients se disent qu’il « se soucie plus de l’argent que du bien-être de leur animal », et ils deviennent méfiants vis-à-vis de ses recommandations 5.
La conversation autour de l’argent est difficile, et voici quelques conseils qui pourraient faire la différence.
Les clients devraient se rendre compte que les factures vétérinaires qu’ils payent sont inférieures à la valeur perçue de la qualité des services reçus (Figure 4). Cela permet de faire de l’argent un des éléments de l’interaction et de faciliter les choses pour le vétérinaire.
Comment ajouter de la valeur ?
1. La communication doit se concentrer sur la relation et éviter le modèle « expert »
Il doit y avoir « accord et coopération » avant de démarrer une procédure médicale car cela satisfait mieux toutes les personnes impliquées. Prenez garde à votre langage corporel et à votre apparence car les clients se forgent rapidement une opinion quand ils entrent dans votre salle de consultation.
2. Identifier les souhaits, les opinions, les idées et les doutes de vos clients
Essayez de poser des questions comme :
• Quelles sont vos attentes en termes de récupération pour Mobi ?
• Quelles sont les options que vous seriez prêt à envisager pour soigner Diva ?
• Selon vous, quel est le meilleur plan d’action pour Cookie ?
• Avez-vous d’autres questions que vous souhaitez me poser ?
Si vous associez ces informations sur vos clients aux commémoratifs de l’animal et aux résultats de votre examen clinique, vous saurez quoi dire et comment le dire 6.
3. Réduire l’incertitude de votre client
Assurez-vous que votre client comprend la situation, l’état de son animal et les raisons de vos recommandations. Donnez-lui des informations et faites-le fréquemment confirmer qu’il comprend ce qui a été dit. Essayez de ne pas le noyer sous trop d’informations à la fois ou en utilisant un langage trop technique 6.
Miguel Ángel Díaz
Restez attentif aux signaux verbaux et non verbaux du client. Maintenir un contact visuel est essentiel pour capter toutes ses réactions. Si vous pensez que le client ne vous suit pas, posez des questions ouvertes telles que :
• Que pensez-vous de l’opération dont nous venons de parler ?
• Quelle est votre opinion à propos du protocole de traitement que j’ai proposé ?
Lorsqu’un client pose des questions sur les prix, c’est une étape normale au cours de sa prise de décision d’achat de produits ou de services. Vous devez alors répondre à ses préoccupations. Il est souvent préférable de donner une fourchette plutôt qu’un prix trop précis.
Quand faut-il en parler ? Idéalement, une fois que vous avez obtenu la plupart des informations sur le patient (antécédents et résultats cliniques) et que vous avez compris les attentes du client et ses doutes. Les prix détaillés relatifs aux interventions chirurgicales, à l’hospitalisation (etc.) peuvent être communiqués par votre réceptionniste ou votre ASV.
Si le client ne demande pas le prix, parlez-en… Il doit toujours être informé des conséquences financières des protocoles recommandés. Ceci vous assurera que la facture finale ne sera pas une « surprise » pour le client. C’est en effet ce qui arrive lorsqu’un protocole est réalisé et que vous découvrez ensuite que le client ne peut pas ou ne veut pas payer pour cela. Rappelez-vous aussi qu’une acceptation n’est pas un accord : votre client peut accepter l’idée que son chat ait besoin d’un scan, mais être d’accord pour le faire et le payer est autre chose 5.
Si vous devez parler d’argent, soyez direct, explicite et ne vous excusez pas pour vos tarifs. Présentez vos suggestions calmement et attendez la réaction du client.
V : « Je propose ici le meilleur traitement médical que je connaisse pour la maladie de Prince. Dites-moi si le prix est un obstacle et nous pourrons alors envisager des options moins coûteuses (7) ».
Vos collaborateurs ne pensent pas nécessairement que vos tarifs sont élevés ou qu’ils posent problème mais ils pourraient inconsciemment communiquer non verbalement aux clients un sentiment de malaise ou de méfiance envers les prix facturés. Ils doivent comprendre qu’ils travaillent dans une « entreprise de services vétérinaires » qui a des charges et qui doit faire des bénéfices.
Faites les exercices suivants avec votre équipe.
1. De nombreux vétérinaires ne connaissent pas les charges de fonctionnement de la clinique.
Demandez-leur s’ils connaissent le budget mensuel de fonctionnement de la clinique, les charges salariales, les frais inhérents à la société, en supposant que la clinique ne reçoive personne pendant un mois… Le fait de faire les calculs avec eux devrait faire évoluer la façon dont ils voient les choses. N’oubliez pas que cet exercice est destiné à votre équipe ; n’en parlez pas à vos clients parce qu’il est préférable de se concentrer sur la création de valeur lorsque vous interagissez avec eux.
2. Préparez une réponse professionnelle au client qui se plaint que vos tarifs sont très élevés.
Calmement et avec empathie, en faisant attention à votre langage corporel, dites quelque chose comme :
• « J’entends ce que vous me dites et je suis sûr qu’il existe des cliniques moins chères. Cependant, ici, ce sont ces prix qui sont pratiqués. »
• « J’entends votre inquiétude quant au prix ; ici, nous cherchons à tout faire pour que Folie reçoive ce dont elle a besoin Je vous recommande les deux premiers examens pour avoir déjà une idée de sa santé… »
Les vétérinaires tiennent souvent à expliquer les raisons qui justifient leurs prix, en parlant du temps investi ou des caractéristiques des services proposés. Exemple :
« Pour opérer Magot, nous allons travailler dans une salle de chirurgie très bien équipée et un anesthésiste sera à côté du chirurgien. »
Cela compte peu pour le propriétaire parce qu’il s’agit seulement des caractéristiques du service. Ce qu’il veut savoir, ce sont les avantages pour lui et pour l’animal, ou l’intérêt potentiel sur sa relation avec son animal (maintenant et plus tard).
Les vétérinaires praticiens doivent apprendre à parler des fonctionnalités d’un service en même temps que de ses avantages. Par exemple :
« Pour l’opération de Magot, nous disposons d’une salle de chirurgie très bien équipée et un anesthésiste sera à côté du chirurgien (caractéristiques)… afin que nous puissions bien le surveiller pendant toute l’opération, réduisant ainsi au minimum les risques anesthésiques et chirurgicaux (avantages). »
• Un client a pris rendez-vous mais il arrive en retard à la consultation, juste au moment où la clinique ferme.
• Après un traitement long, un client demande une réduction de prix injustifiée.
• Un client critique toujours le confrère d’une autre clinique.
Chaque jour, nous faisons face à des situations où nous devons dire NON à nos clients. Et pourtant, nous avons du mal à le faire, parce que :
• Nous ne voulons pas perdre les clients et nuire à la clinique
• Nous ne voulons pas altérer la relation
• Nous avons peur de leur réaction
• Nous avons un sentiment de culpabilité.
Pour beaucoup d'entre nous, la meilleure solution à ce dilemme est de :
• Céder : dire oui alors que nous voulons en fait dire non.
• Attaquer : en ne sachant pas comment dire non ou en ne le disant pas de la bonne manière.
• Fuir : en restant impassible et en ne disant rien.
Mais cela ne doit pas être nécessairement ainsi. Nous, les humains, sommes naturellement plus accommodants qu'égoïstes. Faire preuve d'empathie envers les autres nous aide à établir des relations plus saines. Cependant, dans le monde professionnel avec nos clients, être parfois trop empathique (penser plus à « vous » qu'à « moi ») rend le fait de « dire non » plus difficile pour nous quand nous en avons vraiment besoin, parce que nous ne voulons pas paraître égoïstes, distants ou froids.
Il existe une méthode en trois étapes qui peut nous aider à dire non en souriant, en disant « oui » avant et après le « non » 8.
OUI ! à NON à OUI ?
Il s’agit de dire intérieurement oui à vos valeurs, à ce qui est important pour vous.
Ne sautez pas sur le fusil ! Faites une pause et réfléchissez d’abord :
• Y a-t-il des points particuliers qui m’affectent ?
• Quelles sont mes possibilités ?
• J’ai envie de dire non, j’ai le droit de le faire mais pourrais-je le payer cher ?
• Ai-je bien écouté et compris l’autre partie ?
Il s’agit d’une étape très délicate parce que personne n’aime se sentir rejeté. Le secret de la réussite consiste à ne rien prendre personnellement, à ne pas juger, à s’en tenir aux faits et à utiliser un langage descriptif.
Pour faciliter le refus, il peut être utile de citer des intérêts partagés (comme votre intérêt pour la santé de l’animal) ou des valeurs de référence (respect, temps en famille, etc.)
Voici plusieurs façons de commencer à dire non :
• « Non, merci, ___ »
• « Nous avons une règle qui ___ »
• « J’ai déjà un engagement ___ »
• « Ce n’est pas possible maintenant, ___ »
• « Je préfère ne pas accéder à votre demande plutôt que de le faire mal ___ »
Quand une porte se ferme, une autre s’ouvre ! Essayez de proposer une solution, une troisième alternative qui tienne compte de l’intérêt des deux parties.
C’est là où vous devez faire attention aux réactions de l’autre personne, qui peuvent vous affecter. Rappelez-vous : ne cédez pas et n’attaquez pas, restez fidèle à vous-même.
Comparez ces réponses :
• « M. Segré, nous ne pouvons rien faire. Vous arrivez juste au moment où nous fermons et vous voulez que nous nous occupions de la boiterie de Laïka, qui a commencé il y a sept jours ! Bon, d’accord, entrez dans le bureau avec Laïka mais nous ne pourrons pas faire ceci ou cela, etc. ». M. Segré entre et le vétérinaire en colère a cédé.
• « M. Segré, vous avez dit que la boiterie avait commencé il y a une semaine et avait empiré progressivement mais que Laïka mangeait, buvait et vivait sa vie normalement. M. Segré, ma famille m’attend et j’ai l’intention de dîner avec eux et de voir mes enfants avant qu’ils se couchent. Je crains de ne pas pouvoir vous recevoir à cette heure-ci car cela me ferait finir très tard et il ne s’agit pas d’une urgence. Ce que je propose, c’est que nous trouvions une solution ensemble à un jour et une heure qui nous conviennent à tous les deux afin que je puisse donner à Laïka toute mon attention. Ainsi, Laïka et ma famille auront tous le temps qu’ils méritent. »
Laquelle choisiriez-vous ?
La seconde est un bon exemple de la notion d’affirmation de soi, soit la capacité à exprimer son point de vue tout en respectant celui des autres, sans être agressif ou blessant. Affirmation de soi et empathie sont des éléments qui doivent être en équilibre lorsque nous communiquons.
Dans la Figure 5 ci-dessus, nous pouvons voir que l’affirmation de soi se place entre « penser à moi » et « penser à vous ».
Dans notre exemple, en plus de s’inquiéter de la façon dont nous disons les choses, nous devons également comparer combien de mots prononcés parlent de nous et combien montrent que nous pensons à l’autre.
Quand « dire non » est difficile pour moi et que je donne plus d’importance à M. Segré qu’à mon engagement familial, je cède et je tombe dans la case : « Je perds-Vous gagnez ». Faire cela souvent n’est pas bon car cela nuit peu à peu à notre bien-être personnel et à notre satisfaction au travail ; nous perdons le contrôle de notre temps et nous devenons incapables de faire quoi que ce soit pour changer cela. Cela peut conduire à un sentiment d’impuissance, une étape vers le burn out.
Établir des limites fait partie d’une communication efficace : limiter son rôle et ses responsabilités, poser des limites physiques, sur les délais et les priorités, sur ce que nous pouvons dire, etc. Tous ces paramètres font partie d’une interaction normale et nous ne devrions pas avoir peur de les exprimer.
La méthode « OUI ! à NON à OUI ? » est un excellent outil pour fixer des limites et trouver des solutions gagnant-gagnant. Elle permet en effet d’exprimer sa confiance en soi, montrant ainsi clairement que ce qui est dit rétablit un équilibre bénéfique entre « penser à moi » et « penser à mon client ».
Si je décide d’appliquer plus strictement mes principes et d’arrêter de céder aux demandes de clients tels que M. Segré, je dois aussi être prudent. Sinon, je pourrais facilement tomber dans l’option « Je gagne-Vous perdez » si ce que je dis est plus centré sur mes intérêts et mes valeurs que sur ceux du client.
Au cas où vous sentiriez que vous devez faire une exception, malgré les sacrifices personnels requis, et que vous décidiez de céder et de tendre la main, nous suggérons ce qui suit : pensez à faire comprendre à votre client que les efforts consentis pour s’occuper de lui constituent une exception, afin de fixer les limites pour vous et pour les autres. Ainsi, la prochaine fois, vous pourrez dire « non » avec un sourire.
« Un "non" émis par conviction profonde est mieux qu’un "oui" prononcé simplement pour faire plaisir ou, pire, pour éviter des ennuis ». Mahatma Gandhi
La plupart d'entre nous n’aimons pas les conflits. Pour les éviter ou bien les traiter, il est nécessaire de suivre différentes étapes. Par exemple, la prise en compte des objections implique 5 étapes. Afin de progresser dans ce domaine, il est intéressant de répertorier les objections les plus fréquentes dans votre clinique et de réfléchir avec votre équipe à la façon d’y réagir avec cohérence.
Bitner MJ, Booms BH, Tetreadult MS (1990). “The Service Encounter: Diagnosis Favorable and Unfavorable Incidents”, Journal of Marketing 54:71-84. The Power of Moments, Chip and Dan Heath, 2017, Bantman press, page 29.
Glen P. 8 Steps to Restoring Client Trust. Leading Geeks Press, 2012.
Díaz MÁ. 7 Keys to Successfully Running a Veterinary Practice. Servet Editorial, 2015
Blount J. The Ultimate Guide for Mastering Objections. Wiley. 2018
Adams C, Kurtz S. Skills for Communicating in Veterinary Medicine. Otmoor Publishing, Oxford and Dewpoint Publishing, New York 2017.
Ury W. The Power of A Positive No. Granica, 2007
Miguel Ángel Díaz
Miguel est vétérinaire diplômé depuis 1990. Après avoir travaillé dans différentes cliniques, il a ouvert sa propre structure en 1992 En savoir plus
Iván López Vásquez
Iván vient d’une famille de vétérinaires : son père et son frère aîné partagent la même passion. Il a obtenu son diplôme à l’Université de Concepción En savoir plus
Cindy Adams
Cindy Adams est professeure au Département de Clinique Vétérinaire et Sciences Diagnostiques, à la Faculté de Médecine Vétérinaire de l’Université de Calgary En savoir plus
Antje Blättner
La Dre Blaettner a grandi en Afrique du Sud et en Allemagne et a obtenu son diplôme en 1988 après avoir étudié la médecine vétérinaire à Berlin et à Munich. En savoir plus
Cette dernière partie porte sur l’importance de la pédagogie...
Les praticiens se concentrent souvent sur l’animal et oublient le propriétaire…
Dans cette partie, nous donnons des exemples précis des différentes questions...
Poser des questions ouvertes au client, notamment en début de consultation...