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Veterinary Focus

Numéro du magazine 28.1 Autre scientifique

Comment j'aborde... Les pododermatites du chien

Publié 06/08/2020

Ecrit par Rosanna Marsella

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Polski , Português , Русский , Español et English

Les pododermatites du chien peuvent, à première vue, sembler banales et faciles à traiter, mais il existe des pièges à éviter. Rosanna Marsella apporte sa vision de ce problème parfois très complexe et donne quelques conseils utiles pour le diagnostic et le traitement.

Comment j'aborde... Les pododermatites du chien

Points Clés

Les pododermatites canines peuvent être primaires ou secondaires, le vétérinaire doit adopter une démarche rigoureuse pour déterminer leur origine.


Identifier la distribution et le type de lésions primaires est essentiel pour établir le diagnostic.


La démodécie doit toujours être envisagée comme une cause possible de pododermatite.


Certaines causes de pododermatite touchent non seulement la peau mais aussi les griffes, ce qui peut aider à leur identification.


Les pododermatites sont fréquemment rencontrées chez le chien. Les causes sont nombreuses, et il est donc important d’adopter une démarche rigoureuse pour aboutir au diagnostic. Cela permet de proposer le traitement le plus adapté. Malheureusement, comme souvent en dermatologie, des surinfections et la chronicité du phénomène modifient souvent l’expression clinique initiale. Il est important de connaître les facteurs primaires, secondaires et d’entretien responsables de pododermatite (Tableau 1). 

Facteurs primaires 

Prurigineux

  • Dermatite atopique
  • Hypersensibilité alimentaire
  • Dermatite de contact
  • Hypersensibilité aux piqûres de puces
  • Démodécie
  • Dermatite ankylostomienne1

Non prurigineux

  • Hypothyroïdie
  • Démodécie
  • Dermatophytose 1,2
  • Leishmaniose 2
  • À médiation immune (p. ex. vascularite2, onychodystrophie lupoïde symétrique2)
  • Auto-immuns (p. ex. pemphigus foliacé)
  • Métaboliques (p. ex. dermatite nécrolytique superficielle1)
  • Tumoraux (p. ex. mycosis fongoïde1)
Facteurs secondaires
  • Infection bactérienne
  • Infection à Malassezia
Facteurs d’entretien
  • Fibrose/réaction cicatricielle
  • Kystes interdigités
Tableau 1. Causes de pododermatite.

1 Affections pouvant aussi se manifester par une kératodermie des coussinets.
2 Affections pouvant toucher les griffes.

Même lorsque le prurit n’est pas initialement présent, il apparaît fréquemment lorsque des complications infectieuses se développent et constitue le principal motif de consultation. La persistance d’un prurit résiduel après traitement des surinfections permet d’affiner le diagnostic différentiel.

Quelle est la distribution des lésions?

L’identification de la distribution des lésions permet de distinguer les affections se traduisant par des lésions strictement podales de celles responsables de lésions plus étendues.

Certaines affections touchent les quatre membres, tandis que d’autres touchent uniquement les membres antérieurs, au moins au départ. Citons, par exemple, les dermatites de contact et la dermatite atopique, qui commencent généralement sur les membres antérieurs puis progressent pour atteindre les quatre membres. L’hypersensibilité aux piqûres de puces, en revanche, a tendance à toucher principalement les membres postérieurs.

À quoi ressemblent les lésions primaires? 

Figure 1. La présence de papules prurigineuses sur la face palmaire/plantaire des extrémités des quatre membres est un tableau clinique typique d’une dermatite de contact avec un tapis ou une pelouse. © Rosanna Marsella
Figure 1. La présence de papules prurigineuses sur la face palmaire/plantaire des extrémités des quatre membres est un tableau clinique typique d’une dermatite de contact avec un tapis ou une pelouse. © Rosanna Marsella

Il est important de savoir quel type de lésions primaires est associé à chaque maladie (c.-à-d. papules, pustules, bulles...). Par exemple, la dermatite de contact est associée à une éruption papuleuse primaire, donc lors de dermatite de contact avec un tapis ou une pelouse, des papules prurigineuses sur la face palmaire/plantaire des extrémités des quatre membres devraient être observées 1. Une atteinte des autres zones de contact avec le sol – face, région périnéale et abdomen – est fréquente (Figure 1) (Figure 2a) (Figure 2b). 

Figure 2a. Une autre zone de contact fréquemment touchée est le museau. © Rosanna Marsella
Figure 2a. Une autre zone de contact fréquemment touchée est le museau. © Rosanna Marsella
Figure 2b. Une autre zone de contact fréquemment touchée est l’abdomen © Rosanna Marsella
Figure 2b. Une autre zone de contact fréquemment touchée est l’abdomen © Rosanna Marsella

La lésion primaire lors de pemphigus foliacé est une pustule. Les pustules étant fragiles, des croûtes résultant de l’assèchement de celles-ci sont plus souvent observées (Figure 3). Chez le chien, le pemphigus foliacé est généralement localisé sur la face (formant un masque en « ailes de papillon » s’étendant sur la région périoculaire, le chanfrein et le nez) et la face intérieure des pavillons auriculaires 2. Des croûtes feuilletées résultant de l’assèchement successif de plusieurs pustules peuvent être observées sur les coussinets (Figure 4), notamment sur leurs bords. 

Figure 3. Chien atteint de pemphigus foliacé. Les pustules étant fragiles, des croûtes (restes de pustules séchées) peuvent être observées. © Rosanna Marsella
Figure 3. Chien atteint de pemphigus foliacé. Les pustules étant fragiles, des croûtes (restes de pustules séchées) peuvent être observées. © Rosanna Marsella
Figure 4. Couches de pustules séchées sur les coussinets d’un chien souffrant de pemphigus foliacé. © Rosanna Marsella
Figure 4. Couches de pustules séchées sur les coussinets d’un chien souffrant de pemphigus foliacé. © Rosanna Marsella

Autre cause primaire fréquemment responsable de pododermatite : les Demodex, qui doivent donc toujours être envisagés. La démodécie peut se traduire par un érythème podal avec prurit et ainsi mimer une pododermatite allergique. Les chiens touchés présentent souvent de façon concomitante un prurit facial qui renforce la suspicion d’allergie (Figure 5). C’est pourquoi des raclages cutanés doivent toujours être réalisés lors de pododermatite prurigineuse pour rechercher des Demodex spp. Les comédons sont une autre manifestation de la démodécie (Figure 6), ils sont caractérisés par une coloration grise résultant de l’obstruction des follicules pileux par les acariens. Leur présence doit toujours amener le vétérinaire à réaliser des raclages cutanés. Un trichogramme est parfois plus facile à réaliser si la patte est trop gonflée et si l’animal a mal (Figure 7) même si sa sensibilité est inférieure à celle des raclages. Du fait de l’inflammation des follicules pileux, la majorité (mais pas la totalité) des chiens atteints présentent une perte de poils associée. Curieusement, les races à poil long telles que le Yorkshire et le bichon maltais ne semblent pas développer de dépilations aussi souvent que les races à poil court. 

Figure 5. Chien atteint de démodécie. Les chiens touchés ont souvent un prurit facial et peuvent facilement être confondus avec des individus allergiques. © Rosanna Marsella
Figure 5. Chien atteint de démodécie. Les chiens touchés ont souvent un prurit facial et peuvent facilement être confondus avec des individus allergiques. © Rosanna Marsella
Figue 6. Beaucoup de chiens atteints de démodécie développent des comédons de couleur grise caractéristique. © Rosanna Marsella
Figue 6. Beaucoup de chiens atteints de démodécie développent des comédons de couleur grise caractéristique. © Rosanna Marsella
Figure 7. Certains chiens souffrant de démodécie développent des lésions interdigitées extrêmement douloureuses. © Rosanna Marsella
Figure 7. Certains chiens souffrant de démodécie développent des lésions interdigitées extrêmement douloureuses. © Rosanna Marsella

Quels autres éléments peuvent aider au diagnostic ?

Concernant les autres causes de pododermatite, il est important de rappeler que certaines maladies touchent à la fois la peau et les coussinets, et d’autres pas. Par exemple, la dermatite atopique touche uniquement la peau, mais des maladies auto-immunes comme le pemphigus foliacé peuvent également atteindre les coussinets, avec des croûtes et une kératodermie. Les hypothèses diagnostiques sont nombreuses lors de pododermatite avec kératodermie. L’une des plus importantes est la dermatite nécrolytique superficielle (DNS), qui touche à la fois les coussinets et d’autres régions du corps comme les organes génitaux et les commissures des lèvres (Figure 8) (Figure 9) 4. C’est une maladie du vieux chien qui est liée à un trouble métabolique avec déficit en acides aminés. Les coussinets présentent des craquelures et fissures, plutôt que des croûtes feuilletées résultant de pustules asséchées comme en cas de pemphigus. L’aspect des lésions, leur distribution et l’âge du chien sont autant de facteurs permettant au vétérinaire de classer les hypothèses par ordre de probabilité et de s’orienter entre pemphigus foliacé et DNS.

Rosanna Marsella

L’hypersensibilité aux piqûres de puces est la cause la plus fréquente de dermatite miliaire chez le chat et elle doit donc être systématiquement envisagée.

Rosanna Marsella

Figure 8. Chien souffrant de dermatite nécrolytique superficielle. Lors de DNS, les coussinets présentent des craquelures et des fissures, plutôt que des couches de pustules séchées comme c’est le cas lors de pemphigus. © Rosanna Marsella
Figure 8. Chien souffrant de dermatite nécrolytique superficielle. Lors de DNS, les coussinets présentent des craquelures et des fissures, plutôt que des couches de pustules séchées comme c’est le cas lors de pemphigus. © Rosanna Marsella
Figure 9. La dermatite nécrolytique superficielle peut également toucher les commissures des lèvres (a) et les organes génitaux (b). © Rosanna Marsella
Figure 9. La dermatite nécrolytique superficielle peut également toucher les commissures des lèvres (a) et les organes génitaux (b). © Rosanna Marsella

Pour ces deux maladies, l’examen histopathologique de biopsie cutanée est indispensable pour établir le diagnostic. Les cellules acantholytiques et les pustules superficielles orientent vers un pemphigus foliacé, la parakératose, la spongiose et l’hyperplasie épidermique de la couche de cellules basales (aspect « bleu-blanc-rouge ») vers un DNS. Le traitement du pemphigus repose sur l’utilisation d’immuno-modulateurs comme les corticoïdes alors qu’ils sont contre-indiqués en cas de DNS, car les chiens touchés sont souvent diabétiques ou en état prédiabétique. Chez ces animaux, une supplémentation nutritionnelle adaptée en acides aminés, zinc et acides gras essentiels peut améliorer les lésions.

Figure 10. Certains cas d’infection à Trychophyton peuvent développer d’importantes lésions pouvant cliniquement ressembler à un pemphigus foliacé. © Rosanna Marsella
Figure 10. Certains cas d’infection à Trychophyton peuvent développer d’importantes lésions pouvant cliniquement ressembler à un pemphigus foliacé. © Rosanna Marsella

Il est important de souligner que les cellules acantholytiques, habituellement considérées comme caractéristiques du pemphigus, peuvent également être rencontrées dans d’autres maladies comme les dermatites de contact et la dermatophytose. Dans toutes les dermatoses accompagnées d’un infiltrat inflammatoire neutrophilique sévère, une acantholyse peut se produire en raison de l’effet protéolytique des neutrophiles dégénérés. Certains cas de dermatophytose à Trychophyton ressemblent cliniquement au pemphigus foliacé (Figure 10), il est donc important d’envisager cette hypothèse dans le diagnostic différentiel. Confondre une dermatophytose avec un pemphigus peut être problématique, la corticothérapie n’étant bien entendu pas adaptée aux cas de teignes. Chez ces chiens, un traitement antifongique systémique de plusieurs mois est nécessaire, l’itraconazole (à raison de 5 mg/kg PO toutes les 24 heures) est le plus couramment utilisé en raison de sa forte concentration dans la kératine et de son activité résiduelle après l’arrêt du traitement. Pour des raisons similaires, la terbinafine (20 mg/kg PO toutes les 12 heures) est aussi un excellent choix.

Quelles sont les autres causes d‘atteintes podales ? 

Figure 11. La vascularite touche généralement les extrémités des membres, avec des ulcères au centre des coussinets. © Rosanna Marsella
Figure 11. La vascularite touche généralement les extrémités des membres, avec des ulcères au centre des coussinets. © Rosanna Marsella

Une vascularite ou un érythème polymorphe peuvent être en cause. Une vascularite est le plus souvent due à une hypersensibilité de type III pouvant être déclenchée par différents stimuli antigéniques 5, le dépôt d’immuns complexes peut avoir lieu au niveau des extrémités des membres et des oreilles, mais aussi des vaisseaux du reste du corps. Cette entité peut être provoquée par des médicaments, des vaccins ou des infections, notamment certaines maladies transmises par les tiques. Au niveau des pattes, les signes cliniques classiques sont des ulcères localisés au centre des coussinets (Figure 11), dont la taille varie selon la sévérité et le diamètre des vaisseaux sanguins touchés. Le diagnostic repose sur le tableau clinique et l’analyse histopathologique d’une biopsie d’une lésion débutante. Il est important que le vétérinaire identifie et traite (si possible) la cause sous-jacente. Nombre de ces cas nécessitent des corticoïdes à doses immunosuppressives associés à de la pentoxifylline, parfois de façon prolongée. 

Figure 12. Les lésions typiques de l’érythème polymorphe sont des macules érythémateuses en cocarde (centre plus clair) pouvant s’observer sur différentes parties du corps, dont les extrémités des membres. © Rosanna Marsella
Figure 12. Les lésions typiques de l’érythème polymorphe sont des macules érythémateuses en cocarde (centre plus clair) pouvant s’observer sur différentes parties du corps, dont les extrémités des membres. © Rosanna Marsella

L’érythème polymorphe fait également partie des hypothèses diagnostiques. Il s’agit d’un syndrome clinique plus que d’un diagnostic spécifique donc, là encore, le vétérinaire doit identifier l’affection déclenchante pour proposer un traitement efficace. Les lésions typiques sont des macules érythémateuses en cocarde (plus claires au centre) (Figure 12), pouvant s’observer sur de nombreuses parties du corps, dont les extrémités des membres. Il est important de recueillir un historique complet des médicaments et vaccins reçus puisqu’ils peuvent déclencher ce type de réaction cutanée, même après une période de tolérance. Le diagnostic définitif repose sur l’examen histopathologique de biopsies qui met en évidence des cellules apoptotiques isolées. Un traitement immuno-suppresseur est généralement prescrit, parallèlement à la prise en charge de la cause déclenchante.

Ne négligez pas les griffes !

Certaines causes de pododermatite touchent non seulement la peau, mais aussi les griffes 6, différentes anomalies de leur structure pouvant alors être observées (Tableau 2). L’onychodystrophie lupoïde symétrique et la dermatophytose en sont deux exemples classiques (Figure 13). Dans les régions du globe où la leishmaniose est présente, cette maladie doit être envisagée lors d’onychogryphose (hypertrophie avec courbure anormale de la griffe). Le Tableau 3 dresse une liste plus exhaustive des maladies pouvant entraîner une pododermatite avec atteinte des griffes. 

Figure 13. Infection à Microsporum gypseum chez deux chiens. Certains cas de dermatophytose peuvent atteindre les griffes, avec une pododermatite secondaire. © Rosanna Marsella
Figure 13. Infection à Microsporum gypseum chez deux chiens. Certains cas de dermatophytose peuvent atteindre les griffes, avec une pododermatite secondaire. © Rosanna Marsella

 

Onychoclasie Fracture de la griffe
Onychocryptose Griffe incarnée
Onychodystrophie Développement anormal de la griffe
Onychogryphose Hypertrophie et courbure anormale de la griffe
Onychomadèse Décollement et chute de la griffe
Onychomalacie Ramollissement de la griffe
Onychorrhexie Striations longitudinales associées à une fragilité et fracture de la griffe
Onychoschisie Fissuration et/ou stratification de la griffe, commençant généralement dans la partie distale
Paronychie Inflammation du pourtour de la griffe
Tableau 2. Terminologie relative aux anomalies courantes des griffes.

Lésions symétriques
  • Dermatophytose
  • Onychodystrophie lupoïde symétrique
  • Inflammation de la base de la griffe
    • bactérienne
    • démodécique
    • auto-immune (p. ex. pemphigus)
    • médicamenteuse
    • métabolique (p. ex. dermatite nécrolytique superficielle - le terme de dermatite nécrolytique superficielle est utilisé dans le reste du texte, ce sont des synonymes)
  • Anomalies de la kératinisation (p. ex. séborrhée primaire du cocker)
  • Anomalies congénitales et héréditaires
    • dermatomyosite du Shetland et du Colley
    • acrodermatite létale du Bull Terrier
  • Carences nutritionnelles (p. ex. zinc)
  • Vascularite
  • Onychomadèse idiopathique (Berger Allemand, Whippet, Springer Anglais)
  • Onychodystrophie symétrique idiopathique (Husky, Rhodesian Ridgeback, Teckel)
  • Leishmaniose
  • Malassezia – (coloration brune des griffes et des poils adjacents)
Lésions asymétriques
  • Bactériennes – les plus fréquentes ; toujours un problème secondaire
  • Traumatiques
  • Tumorales (p. ex. carcinome épidermoïde, mélanome, mastocytome, kératoacanthome, papillome inversé)
Tableau 3. Diagnostic différentiel des affections des griffes.

Figure 14. Onychodystrophie lupoïde symétrique chez de jeunes chiens. Les griffes anormales sont douloureuses et friables, et se décollent facilement. © Rosanna Marsella
Figure 14. Onychodystrophie lupoïde symétrique chez de jeunes chiens. Les griffes anormales sont douloureuses et friables, et se décollent facilement. © Rosanna Marsella

L’onychodystrophie lupoïde symétrique est décrite chez le Labrador, le Berger Allemand, le Rottweiler et le Boxer 7 et possède certaines caractéristiques communes avec le lupus, bien que les chiens atteints ne souffrent pas d’atteinte systémique. Elle touche, généralement, les animaux jeunes et se traduit par une chute soudaine des griffes (Figure 14) associée, à des degrés variables, à de la douleur et à du prurit. Une paronychie peut également s’observer. Les surinfections bactériennes sont fréquentes et contribuent à la douleur et au prurit. L’évolution naturelle de la maladie implique une repousse partielle des griffes, qui sont cassantes et anormales et restent partiellement décollées. Le bilan sanguin (c.-à-d. numération formule sanguine (NFS), bilan biochimique et dosage des anticorps antinucléaires (AAN)) est normal, et le diagnostic nécessite l’amputation de la troisième phalange d’un doigt pour histopathologie. Le traitement inclut de fortes doses d’acides gras essentiels ou de corticoïdes. La tétracycline et la niacinamide sont parfois utilisées pour leurs propriétés immunomodulatrices, mais l’amélioration peut prendre quelques mois. La pentoxifylline (15-20 mg/kg PO toutes les 8 heures, administrée avec de la nourriture pour améliorer la tolérance digestive) possède des propriétés immunomodulatrices et se révèle utile dans certains cas. Les surinfections doivent être traitées de manière concomitante. Dans certains cas, la maladie traduit une hypersensibilité alimentaire, et certains dermatologues recommandent un régime d’éviction pour l’exclure. La prise en charge passe, parfois, par l’amputation de la troisième phalange et de la griffe des doigts touchés.

Qu‘en est-il des anomalies chroniques et des facteurs d‘entretien ?

Comme nous l’avons déjà vu, quelle que soit la cause primaire de la pododermatite, une réaction inflammatoire contre la kératine libre présente dans le derme peut se développer suite à une infection et à la destruction des follicules pileux (furonculose). La réponse inflammatoire dirigée contre les bactéries et les fragments de poils entraîne progressivement œdème, douleur et fibrose (Figure 15). Certains chiens ont tendance à développer des lésions kystiques, l’organisme se défendant contre les corps étrangers constitués par les fragments pilaires libérés dans le derme en essayant de les encapsuler (Figure 16) 8. Ces lésions sont souvent une source de récidive car elles peuvent servir de point de départ à de nouveaux épisodes infectieux. Les chiens à poil court sont plus sujets à ce type de réaction, car les poils courts et piquants de leurs espaces interdigités auraient plus tendance à créer des lésions des follicules pileux, facilitant ainsi le développement des bactéries. Ces cas peuvent être frustrants à traiter et nécessitent, souvent, de longues cures d’antibiotiques par voie orale ainsi que des shampoings antiseptiques contenant de la chlorhexidine ou du peroxyde de benzoyle. Une culture avec antibiogramme est fortement conseillée dans ces cas pour identifier l’antibiotique le plus efficace, même si la clindamycine ou les fluoroquinolones (NDLR : antibiotiques critiques en France, à ne jamais utiliser en première intention) sont généralement de bons choix du fait de leur excellente capacité de pénétration dans les couches profondes du derme. En outre, de nombreux cas tirent avantage d’une corticothérapie et d’une antibiothérapie locale à base, par exemple, de mupirocine. Les corticoïdes peuvent aider à réduire la fibrose et l’inflammation excessive, qui empêchent parfois la résolution de la pododermatite. Les bains additionnés de produits facilitant l’ouverture et le drainage des nodules (sulfate de magnésium, par exemple) sont également bénéfiques. Dans les cas sévères, une chirurgie au laser 9 ou une podoplastie peuvent être nécessaires. 

Figure 15. Les anomalies secondaires lors de pododermatite peuvent inclure une réaction inflammatoire sévère aux bactéries et aux fragments de poils, entraînant œdème, douleur et fibrose. © Rosanna Marsella
Figure 15. Les anomalies secondaires lors de pododermatite peuvent inclure une réaction inflammatoire sévère aux bactéries et aux fragments de poils, entraînant œdème, douleur et fibrose. © Rosanna Marsella
Figure 16. Certains chiens ont tendance à développer des lésions kystiques secondairement à la pododermatite, l’organisme cherchant à encapsuler les corps étrangers représentés par les fragments pilaires libres dans le derme. © Rosanna Marsella
Figure 16. Certains chiens ont tendance à développer des lésions kystiques secondairement à la pododermatite, l’organisme cherchant à encapsuler les corps étrangers représentés par les fragments pilaires libres dans le derme. © Rosanna Marsella

Quelle est donc la démarche diagnostique à adopter ?

Au vu des multiples causes de pododermatite, l’approche initiale doit inclure au minimum une cytologie, un raclage cutané profond et une culture fongique (Tableau 4). Pour la cytologie, un scotch-test ou un écouvillonnage peuvent être réalisés selon le type de lésion. Les lésions sèches se prêtent plus à la réalisation d’un scotch-test, tandis que les lésions exsudatives conviennent mieux aux impressions directes ou aux écouvillonnages. Les prélèvements sont faciles à colorer et à analyser pour évaluer la présence et le type de l’infiltrat inflammatoire, la présence de bactéries et de levures et, éventuellement, de cellules acantholytiques. Le diagnostic des infections fongiques implique une culture sur milieu DTM (Dermatophytes Test Medium) de prélèvements de griffe (copeaux prélevés sur les parties les plus proximales de la griffe). 

Approche clinique d’un cas de pododermatite – Première visite
  • Traiter toute surinfection en se basant sur les résultats de la cytologie. Une culture bactérienne peut être nécessaire, en fonction de l’anamnèse et des réponses préalables aux antibiotiques.
  • Réaliser des raclages cutanés profonds et, en cas de résultat positif, instaurer un traitement contre les Demodex. Notons que les trichogrammes négatifs ne permettent pas d’exclure totalement une démodécie.
  • Envisager une biopsie si nécessaire.
  • Effectuer une culture fongique (sur DTM de prélèvements de poils, peau et griffes éventuellement, selon le tableau clinique).
  • Faire un bilan sanguin (NFS et biochimie) si indiqué, en particulier chez les chiens âgés et notamment lors de suspicion de DNS.
Approche clinique d’un cas de pododermatite – Visite de contrôle
  • Si l’infection est toujours présente, refaire une culture et un antibiogramme.
  • Si l’infection a disparu, examiner les lésions primaires puis lister les hypothèses et établir une démarche diagnostique en fonction de la distribution des lésions et de la présence de prurit.
  • Rappelons que le diagnostic de certaines affections nécessite une biopsie (p. ex. maladies auto-immunes, à médiation immune), mais que cela n’est pas utile lors de dermatoses allergiques.
  • Envisager un test d’éviction alimentaire.
Tableau 4. Les aspects essentiels à envisager face à un chien atteint de pododermatite peuvent se résumer ainsi.

Un bilan sanguin (NFS et bilan biochimique) peut être indiqué chez les chiens âgés, notamment lors de suspicion de DNS, et la décision d’effectuer ou non une biopsie dépendra du signalement, de l’anamnèse et des signes cliniques. Rappelons que certaines affections (maladie auto-immune ou à médiation immune, par exemple) nécessitent une biopsie pour leur diagnostic, alors que cela n’est pas utile pour d’autres (dermatoses allergiques, par exemple). Selon la distribution des lésions et la présence de prurit, le vétérinaire devra établir une liste des hypothèses diagnostiques et décider d’une démarche diagnostique.

L’approche clinique des pododermatites exige une bonne connaissance de ce sujet et une identification précise des facteurs primaires, secondaires et d’entretien. Si le vétérinaire n’effectue pas les examens complémentaires de base lors de l’examen initial, il risque de passer à côté de problèmes courants, et il est essentiel qu’il traite correctement les surinfections. Enfin, sachant que beaucoup d’affections se ressemblent, il est indispensable qu’il établisse un diagnostic et qu’il n’essaie pas seulement de traiter les signes cliniques.

Bibliographie

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Rosanna Marsella

Rosanna Marsella

Le Dr Marsella est diplômée du Collège Américain de Dermatologie Vétérinaire et Professeure titulaire à l‘Université de Floride. En savoir plus

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