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Veterinary Focus

Numéro du magazine 30.3 Nutrition

Comment battre « Docteur Google »

Publié 07/01/2021

Ecrit par Antje Blättner

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Español et English

En matière de conseils nutritionnels, les vétérinaires sont meilleurs que « Docteur Google » mais les praticiens peuvent-ils en convaincre efficacement les propriétaires d'animaux ? Antje Blättner explique comment réussir à aborder ce sujet au cours d’une consultation.

COMMENT BATTRE « DOCTEUR GOOGLE »

Points Clés

Une approche proactive est nécessaire pour garantir que l'équipe vétérinaire dispose d'une méthode structurée pour mener la discussion autour de la nutrition.


L'alimentation d'un animal de compagnie fait partie intégrante des soins et les chiens seront souvent nourris avec un régime qui suit les préférences personnelles de leur propriétaire.


Certaines personnes ne changeront pas d’opinion quels que soient les conseils qui leur seront prodigués : même le communicant le plus doué atteindra parfois ses limites.


Les propriétaires d'animaux de compagnie peuvent désormais accéder à d'innombrables sites web où des experts font la promotion de certains concepts nutritionnels ou de régimes à la mode qui n'ont pas de fondements scientifiques


Introduction

Dans votre pratique quotidienne, êtes-vous souvent frustré lorsqu'un client veut discuter d'un sujet particulier mais que vous avez du mal à l'aborder correctement ? Ou bien y a-t-il des sujets que vous souhaiteriez aborder lors d'une consultation, comme la vaccination et la nutrition, mais qui peuvent donner lieu à des débats longs et souvent fastidieux, de sorte que vous avez tendance à les éviter ? Informer les clients à propos du premier sujet est primordial puisque les recommandations actuelles changent radicalement, avec une tendance générale à diminuer le nombre de vaccins, adopter des calendriers de vaccination individuels et allonger l’intervalle entre les vaccins. En ce qui concerne le second sujet, l'exposition constante à de nouvelles recommandations alimentaires et à de nouveaux produits nutritionnels de la part d'un nombre infini d'experts peut entraîner une certaine confusion chez les propriétaires. Ces deux sujets ont un point commun : « Docteur Google » s’est imposé parmi les propriétaires d’animaux de compagnie qui ont désormais accès à d'innombrables sites internet et applications qui cherchent à capter leur attention, et dont le contenu semble souvent, à première vue, intéressant et convaincant. Que peut faire le vétérinaire dans ces situations ?

Une approche adéquate de la communication

Pour offrir à nos clients une qualité de service supérieure, nous devons disposer – en sus de notre expertise purement technique – d'un modèle que nous pouvons utiliser pour communiquer avec les clients autour de certains sujets spécifiques. Qu’en pensez-vous ? Avez-vous recours à une méthode spécifique pour dispenser des conseils nutritionnels ou vous fiez-vous à votre intuition ? En d'autres termes, votre approche varie-t-elle en fonction des jours, des clients et de votre propre motivation ? Si vous êtes l'un des rares vétérinaires qui planifient et mènent leurs consultations de manière précise et structurée, alors vous pouvez lire cet article, conforter votre stratégie et peut-être profiter de quelques conseils supplémentaires. Cependant, l'approche adoptée en général par les vétérinaires n'est pas la meilleure pour donner des conseils efficaces, quel que soit le sujet traité, et donne inévitablement lieu à des conflits entre le clinicien et le propriétaire. Cela peut être caché sous le tapis (en adoptant un comportement d'évitement) ou traité d'une manière qui demande du temps et des efforts. C'est par exemple le cas lorsqu’un client s’intéresse à un sujet comme les avantages et les inconvénients comparés des rations ménagères et des aliments industriels pour animaux de compagnie.


Message à retenir : vous devez décider si vous voulez intégrer la nutrition dans votre pratique quotidienne et comment mettre ce projet en œuvre. C'est la seule approche qui sera couronnée de succès.

Votre décision

Pour instaurer une méthode de communication forte et convaincante en matière de nutrition animale, il est essentiel de reconnaître d'abord l'importance de ce sujet au sein de la clinique. Sans un engagement actif, la discussion avec vos clients n’aboutira pas ou sera tout simplement inefficace et vous fera perdre du temps. Si vous décidez de ne pas dispenser des conseils nutritionnels, le propriétaire de l'animal cherchera ailleurs les réponses à ses questions sur la nutrition ; le choix vous appartient donc d’abandonner ou non ce service aux moteurs de recherche. Pourtant, offrir des conseils judicieux et pratiques en matière de nutrition n'est pas particulièrement difficile et peut même être gratifiant.

La perspective du client

Quel que soit le type de régime alimentaire choisi par un propriétaire pour son animal, des facteurs émotionnels sont presque toujours impliqués car l'amour passe par l'estomac. À part quelques personnes ayant une relation limitée au travail avec leur chien, la plupart des propriétaires sont fortement attachés émotionnellement à leur animal. L'alimentation faisant partie intégrante des soins prodigués, c’est un facteur majeur de lien entre l'Homme et l'animal, et la plupart des gens pensent qu'une alimentation saine et équilibrée est très importante pour leur animal. Il n'est pas surprenant de voir qu’il existe actuellement différentes tendances pour les animaux de compagnie, prônant l’alimentation fraîche préparée à la maison, et celles-ci reflètent souvent les préférences alimentaires du propriétaire : végétarien, végétalien, etc. De nombreux propriétaires cherchent des recettes et préparent les repas de leur animal par amour, en particulier les personnes de la génération des « Millénials » et les célibataires endurcis. Ce sujet est donc évidemment très émotionnel et ne peut être traité en se contentant de faire un exposé scientifique devant le client.

Les bases

Bien qu'un cours magistral sur la nutrition n’inspire probablement pas le client, une solide connaissance du sujet et d'excellentes compétences en matière de communication sont des conditions préalables essentielles à une conversation réussie. Un propriétaire attend que l'équipe vétérinaire connaisse les dernières découvertes en matière de nutrition et lui donne des conseils individualisés pour son animal (Figure 1).

Un propriétaire attend de sa clinique vétérinaire qu'elle fasse des recommandations individualisées au sujet de l'alimentation de son animal ; toute l'équipe doit donc savoir comment aborder ce sujet
Figure 1. Un propriétaire attend de sa clinique vétérinaire qu'elle fasse des recommandations individualisées au sujet de l'alimentation de son animal ; toute l'équipe doit donc savoir comment aborder ce sujet. © Shutterstock

Le mot clé est ici « individuel » car c'est exactement ce que les moteurs de recherche ne peuvent pas faire, du moins pas encore. Bien que de nombreuses recommandations, recettes et conseils soient disponibles sur Internet, il n’est pas sûr que ces sources puissent réellement offrir des solutions sur mesure pour un animal donné, même si un client peut par exemple croire que c'est le cas lorsqu’il remplit un « questionnaire » en ligne pour identifier la « meilleure » alimentation. Il est évident que c'est l'équipe vétérinaire qui connaît le mieux l’animal et son propriétaire mais, pour entretenir la relation, tous les membres de la clinique qui conseillent les clients doivent avoir d'excellentes connaissances en matière de nutrition.

Il s'agit toutefois ici d'un sujet qui fâche ; une étude faite récemment dans des cliniques vétérinaires réputées en Autriche et en Allemagne 1 a posé la question : « disposez-vous à la clinique, d’une personne spécialement formée dans le domaine de la nutrition animale et de la diététique ? ». La plupart des personnes interrogées ont répondu « non », même si plus de 90 % d’entre elles vendaient des aliments pour animaux à la clinique. N'oublions pas que nous sommes spécifiquement formés dans d'autres domaines, tels que la vaccination, et que nous ne recommanderions pas un vaccin si nous ne connaissions pas bien le sujet. Une connaissance approfondie de la nutrition animale est un prérequis essentiel pour le vétérinaire.

Message à retenir : les clients souhaitent généralement offrir à leurs animaux de compagnie la meilleure alimentation possible. Avec une expertise solide, une bonne communication et de l’intelligence émotionnelle, vous pouvez les convaincre !

S’entraîner à la communication

Même si un client s’entête à garder une opinion bien arrêtée sur certains aspects de la nutrition, on peut au moins en déduire qu'il est intéressé ! Il est beaucoup plus facile de parler d'un sujet qui captive et engage quelqu'un que d’un sujet moins passionnant, comme les protocoles de prévention contre les parasites. Cet avantage doit être pleinement exploité et, pour s'assurer de canaliser l'intérêt du client dans la bonne direction lorsqu'il s'agit de nutrition animale, il faut s’appuyer sur un protocole de communication bien conçu. Trois questions clés peuvent guider ce processus.

  • Qui est la personne responsable de la nutrition à la clinique ? C'est-à-dire qui est en charge de la veille et de l’actualisation des connaissances en la matière, qui commande les aliments pour les animaux et s’assure de la disponibilité des produits ?
  • Comment les nouvelles informations sont-elles transmises à l'ensemble de l'équipe ?
  • Qui aborde le sujet avec les clients et comment est-il traité spécifiquement ? C'est-à-dire comment la communication est-elle intégrée à la pratique quotidienne de la clinique ?

Bien que les membres de la clinique sachent souvent quels sujets aborder avec leurs clients, ils peuvent ne pas avoir les connaissances nécessaires pour y répondre correctement ; ils peuvent également craindre les conflits potentiels, les sujets de controverse et les questions auxquelles ils ne sauront pas répondre. Malheureusement, seule une minorité de cliniques fournissent régulièrement des conseils nutritionnels à leurs clients (Figure 2) mais, comme la nutrition animale est très importante, une approche proactive est essentielle.

Figure 2. Dans 67,5 % des cliniques interrogées, les vétérinaires ne parlent de nutrition aux propriétaires que lorsque des problèmes surviennent, par exemple si l'animal est trop maigre, trop gros ou s'il a l'air malade
Figure 2. Dans 67,5 % des cliniques interrogées, les vétérinaires ne parlent de nutrition aux propriétaires que lorsque des problèmes surviennent, par exemple si l'animal est trop maigre, trop gros ou s'il a l'air malade ( 1 ).

La Figure 3 présente les facteurs essentiels requis pour bien communiquer et l'équipe doit travailler collectivement une technique à cet effet. Dans un premier temps, il faut bâtir une approche pour le client « standard » puis évoluer vers le dialogue avec les clients « difficiles ». Les jeux de rôles peuvent être très utiles pour développer sa technique et, même si cela semble étrange, ils peuvent être plaisants car ils offrent un espace protégé où chacun est autorisé à faire des erreurs. Les scénarios de consultation seront répétés si nécessaire et les conversations seront travaillées jusqu'à ce que tout soit en place. Jouer le rôle d’un propriétaire difficile qui pose des questions problématiques aide à la préparation correcte de l'équipe, afin que tout le monde puisse finalement discuter en toute confiance des bases de la nutrition avec les clients.

Figure 3. Les clés du succès pour mettre en œuvre des conseils nutritionnels professionnels au sein de la clinique.
Figure 3. Les clés du succès pour mettre en œuvre des conseils nutritionnels professionnels au sein de la clinique.

Quels sont les besoins du client ?

En tant que vétérinaires, nous donnons souvent des informations à nos clients sur un sujet qui, de notre point de vue d'expert, est important. Si cette approche est incontestablement professionnelle, elle ne répond généralement pas aux besoins des propriétaires et à ce qui les intéresse. Ils vivent dans leur propre monde et ont souvent une perspective complètement différente de la nôtre. Tout l'art d'un dialogue passionnant et mutuellement fructueux consiste à savoir inspirer les clients et aller sur leur terrain. Le plus simple est de demander au client ce dont il a besoin et ce qu'il veut. Ainsi, lorsque vous parlez de nutrition, posez une question ouverte spécifique pour lancer la conversation et mettez l'accent sur votre objectif. Par exemple :

  • « Que donnez-vous à manger à Rex ? »
  • « Que puis-je faire pour vous ? »
  • « Quels bénéfices espérez-vous en donnant des aliments frais à Rex ? »
  • « Pourquoi trouvez-vous le BARF (« Bone and Raw Food » en anglais, os et viande crue NDLR) si intéressant ? »
  • « Quelles informations puis-je vous donner à propos des aliments pour chiens sans céréales ? »
Antje Blättner

Nous pouvons offrir à nos clients une qualité de service supérieure si, en plus de notre expertise purement clinique, nous disposons d'un modèle pour communiquer avec les clients autour de certains sujets spécifiques.

Antje Blättner

Donc, si le client répond : « Je voulais vous parler des aliments frais », deux options de base sont possibles : soit commencer par discuter des avantages et des inconvénients des aliments frais, en donnant toutes les informations que vous jugez nécessaires et importantes, soit commencer par une contre-question pour connaître les raisons et les motivations du client. Cela vous permettra de répondre plus précisément et plus qualitativement, tout en montrant votre intérêt pour le client et en instaurant un climat de confiance. Une conversation éventuelle pourrait donc se dérouler comme suit.

Client : « Je voulais vous parler de l’alimentation fraîche. »

Vétérinaire : « Qu'est-ce qui vous intéresse particulièrement à propos des aliments frais ? »

Client : « J'ai lu dans un magazine sur les chiens que c'était mieux, parce que tous les ingrédients sont naturels et plus sains. »

Vétérinaire :
« Je comprends qu'une alimentation saine pour votre chien est très importante pour vous. Quels sont les ingrédients frais que vous utilisez ? »

Client : « Eh bien, essentiellement ceux que je mange aussi, surtout des ingrédients ; par exemple : des courgettes, des pâtes, des tomates et des herbes, bien que j’évite bien sûr les épices pour mon chien, qui sont censées être moins bonnes pour sa santé ».

Vétérinaire : « Ça a l'air délicieux ! Mais je crains que ce type de régime ne contienne pas assez de nutriments pour Rex. Avez-vous fait analyser la ration pour voir si elle contient tout ce dont un jeune chien a besoin ? C'est très important, surtout pendant la phase de croissance. »

Client : « Non, est-ce nécessaire ? »

Vétérinaire : « Ce serait une bonne idée si vous voulez être rassuré. J’ai bien compris que la santé est très importante pour vous ? »

Client : « C'est vrai. Que faisons-nous maintenant ? »

Vétérinaire : « Pour l'instant, je vous donne un petit sachet d’un aliment formulé pour les jeunes chiens et apportez-moi vos recettes, que mon assistant analysera avec notre programme informatique ; nous pourrons alors discuter des résultats et trouver le meilleur régime ».

Client : « Mais il doit contenir des ingrédients frais ! »

Vétérinaire : « Je comprends cela et je suis sûr que nous trouverons la bonne façon de les incorporer ».

Continuez à poser des questions

La meilleure façon de développer la conversation est de continuer à poser des questions. Cela permet de s'assurer que le dialogue avec le propriétaire est constructif et reste centré sur les besoins nutritionnels du chien. Les questions suivantes doivent donc être un peu plus directes, afin de partager le point de vue du client et d’investiguer ses connaissances et ses croyances. Cela est particulièrement important pour faire tomber les barrières existantes car argumenter n'aide pas à comprendre le raisonnement qui sous-tend les propos et les souhaits d'un client, alors qu’il est essentiel de le comprendre. Les questions suivantes pourraient donc être :

  • « Où avez-vous lu ou entendu que le BARF est le meilleur régime pour tous les chiens ? »
  • « Selon vous, quel est l'intérêt de préparer les repas vous-même ? »
  • « Quelles sont vos inquiétudes à propos des aliments secs ? »

Message à retenir : poser des questions est le meilleur moyen d'entamer un dialogue, de connaître les besoins d'un client et d'obtenir des informations sur son opinion et ses préoccupations ; autant d'ingrédients importants pour communiquer votre point de vue.

Utilisez les déclarations

Celui qui pose des questions obtient des réponses ; celui qui pose de bonnes questions obtient de bonnes réponses. Il est donc essentiel de savoir exactement ce que vous voulez découvrir avant d'entamer la conversation. C'est seulement ainsi que vous pourrez identifier les bonnes questions et obtenir des réponses qui seront utilisables. L'étape suivante consiste à évaluer les réponses du client quand il a exposé son opinion, ses connaissances et son point de vue. L'objectif est de rester en contact avec le client, de favoriser un véritable échange et de trouver des points d’accroche pour le conseiller. N'oubliez pas que les croyances d'une personne correspondent généralement à son univers, alors soyez prudent lorsque le client a un point de vue solide. Votre expertise technique est certainement supérieure mais votre diplôme vétérinaire ne compte pas pour grand-chose. Pour qu'un client vous croie, il doit vous faire confiance et celle-ci sera gagnée et entretenue avec le temps. Les (Encadré 1), (Encadré 2) et (Encadré 3) présentent des exemples de questions/réponses, les informations fournies par les réponses et leur signification, et la façon dont vous pouvez y répondre (Figure 4).

Figure 4. La réponse du clinicien aux questions d'un client peut faire toute la différence pour savoir si le propriétaire accepte ou non les conseils qui lui sont donnés.
Figure 4. La réponse du clinicien aux questions d'un client peut faire toute la différence pour savoir si le propriétaire accepte ou non les conseils qui lui sont donnés. © Shutterstock
Question
« Pourquoi trouvez-vous le BARF (Bone and Raw Food – os et viande crue NDLR) si intéressant ? »
Réponse
« Eh bien, parce que l'éleveur l'a recommandé. Et il s'y connaît ! »
Information et importance
L'éleveur a recommandé le BARF : aux yeux du client, l'éleveur est un expert en nutrition canine.
L'éleveur est déjà reconnu comme un spécialiste mais le vétérinaire ne l'est pas (encore). Attention, interroger l'éleveur ou vouloir trop insister sur sa propre expertise pourrait se retourner contre vous.
Réponse possible Surprise : « Oh, c'est intéressant ! L'éleveur vous a-t-il également donné des conseils nutritionnels pour les différentes étapes de la vie ? Puis-je les regarder avec vous ? »
Encadré 1.
Question
« Quel est l’intérêt de préparer vous-même les repas ? »
Réponse
« J’ai entendu dire au club canin que je pourrais prendre mieux soin de la santé de Lucky de cette façon : parce que tout est frais ! »
Information et importance
Le club canin dit que les ingrédients frais sont bons pour la santé de Lucky.
Soyez prudent, vous ne savez pas à quel point le club canin est important pour le propriétaire.
Réponse possible Renforcement et invitation : « Ça a l'air passionnant. Avez-vous quelque chose par écrit à ce sujet ou un site web dont nous pourrions discuter ensemble ? »
Encadré 2.
Question
« Pourquoi un régime sans céréales vous paraît-il intéressant ? »
Réponse
« Moi-même je ne tolère pas le blé et j’ai lu sur Internet qu’il peut être difficile à digérer pour les animaux. »
Information et importance
Les informations sur Internet sont parfois douteuses...
Faites attention : le propriétaire est « pré-informé » et sans doute fier d’avoir fait des recherches.
Réponse possible Invitation : « Nous devons en parler. Tous ce qui se dit sur Internet n’est pas valide et ce qui concerne l'alimentation humaine ne peut pas toujours être transposable à l'animal. Pourquoi ne pas m'apporter vos informations imprimées lors du prochain rendez-vous ? Nous pourrons alors en discuter. »
Encadré 3.

Différentes catégories de clients

Le client gêné

Avec certaines personnes, nous constatons que l'interaction n'est tout simplement pas bonne. Au tout début d'une consultation, avant que quoi que ce soit ne soit dit, une tension et un léger malaise peuvent déjà être perçus. Il est important de comprendre que, pour une raison quelconque, le client a déjà activé une ou plusieurs sonnettes d’alarme chez vous. Celles-ci sont généralement liées au langage corporel perçu dans les premières secondes de la rencontre et traduisent la capacité primitive du cerveau à prendre des décisions rapides telles que : « Qui est en face de moi : ami ou ennemi ? Dois-je fuir, me battre ou est-ce que tout va bien ? » Si notre cerveau considère une situation comme menaçante, nous nous sentons mal à l'aise, nous développons des préjugés envers l'autre personne et la conversation qui suivra ne sera pas optimale car nous nous concentrerons sur la menace perçue et non sur la personne (et l'animal) en face de nous. Cependant, reconnaître ce mécanisme permet d'appliquer des contre-mesures actives et, si nous nous sentons mal à l'aise avec un client, nous devons donc faire une brève pause et analyser la situation :

  • Quel est mon propre état d'esprit ? Suis-je détendu et de bonne humeur ? Ou ai-je été perturbé par le dernier client ? Notre état d'esprit et notre humeur au début d'une rencontre déterminent en grande partie son résultat.
  • Qu'est-ce que le client a dit ou fait qui m’a mis en alerte ? Cela peut être quelque chose d’aussi simple que de vous avoir fait penser à un parent ou à un ami qui, lors de chaque rencontre, en profite pour donner une opinion non désirée à toutes les personnes présentes, bloquant ainsi la vraie conversation.

Ce rapide état des lieux permet généralement de savoir exactement ce qui se passe. Vous pouvez vous libérer et approcher ensuite le client avec un esprit ouvert.

Message à retenir : les clients difficiles peuvent être approchés avec un esprit ouvert, des questions spécifiques et un peu de sang-froid. Traitez-les avec compétence et vous aurez souvent une deuxième chance !

Le client qui dit « non »

Les propriétaires d'animaux qui disent « non » à tout ce que vous suggérez ou qui en savent toujours plus peuvent être épuisants ; une solution ne sera peut-être pas trouvée dans tous les cas. Ces clients se basent en général sur des références émanant de quelqu’un ou de quelque chose d’autre, peut-être quelqu'un qui a plus d'influence sur eux ou qu'ils ont simplement consulté avant vous, ou une source Internet. Il peut alors être intéressant d'essayer la stratégie « et si » qui suit pour savoir si le client a des arguments valables (de son point de vue) ou s'il veut simplement vous contrarier.

Client : « Votre aliment est beaucoup trop cher ; les produits en animalerie sont tout aussi bons et plus économiques ! »

Vétérinaire : « Je comprends que le prix de l’aliment de Lucky soit important pour vous mais si mon prix était au même niveau, me l'achèteriez-vous ? »

Deux réponses de base sont alors possibles : le client peut dire « oui, alors nous pourrions en parler » ou « non, à mon avis, l'autre aliment est toujours meilleur ». Avec la première réponse, vous savez maintenant que c'est le prix qui compte et vous pouvez décider jusqu'où vous voulez aller, tout en offrant des services supplémentaires (contrôle du poids, calcul des rations, remise lors de l'achat de certaines quantités). Avec la seconde réponse, vous savez que le client a plus confiance dans un autre aliment et qu'il est moins préoccupé par son prix. Cela vous permet alors de parler spécifiquement de votre aliment et de sa qualité ; même si vous ne parvenez pas à convaincre le client, cela ouvre la porte à un dialogue constructif.

Client : « Non, à mon avis, l’autre aliment est toujours meilleur. »

Vétérinaire : « Je vois que vous êtes concerné par la qualité de l’alimentation. Qu'est-ce qui, selon vous, fait que notre aliment est moins bon ? »

Client : « Mon aliment ne contient pas de riz. Le riz est mauvais pour Lucky ! »

Vétérinaire : « Je comprends que vous vous préoccupiez du riz. Qu'avez-vous lu ou entendu à ce sujet ? »

Client : « Il provoque des allergies et ce n'est qu'un produit de remplissage ! »

Vétérinaire : « Qui dit ça ? »

Client : « L'éleveur. Il m’a recommandé de donner beaucoup de viande et très peu de glucides ».

Vétérinaire : « Ok, alors que diriez-vous de prendre rendez-vous pour que vous apportiez votre sac d’aliment et que nous analysions le contenu nutritionnel, comparions les deux aliments à l'aide d'un programme informatique, et décidions ensuite ce qui est le mieux pour Lucky ? »

En gros, le client peut soit répondre « bonne idée ! », soit « non, je crois l'éleveur, il sait ce qu'il dit et ce qu'il fait ! » Avec la seconde réponse, il est inutile d'investir plus de temps et d'énergie avec ce client à ce stade. Il a sa propre opinion et veut s'y tenir, même si cela pourra changer lorsque son chien abordera la prochaine étape de sa vie, s'il tombe malade ou si à long terme, il ne tolère pas l’aliment de l'éleveur. Et si vous continuez à lui donner des conseils nutritionnels à chaque occasion, vous aurez peut-être une nouvelle chance plus tard !

Le client « non-coopératif »

Le plus difficile est peut-être de traiter avec un client qui ne semble pas pouvoir être touché par un argument quelconque et qui s'en tient obstinément à son opinion, quelle que soit la stratégie utilisée. Il est rassurant de constater que même le communicant le plus compétent atteint de temps en temps ses limites, car personne ne peut réussir à 100 % dans la vie. Donc, si vous vous heurtez de temps en temps à un « mur de briques », la règle est la suivante : analysez comment vous auriez pu mieux faire, notez-le et affrontez le prochain client sans préjugés.

Une méthodologie robuste

Afin de fournir de bons conseils nutritionnels, trois conditions doivent être remplies.

  • Avoir des connaissances solides et actualisées en nutrition animale, acquises par exemple dans le cadre de séminaires ou de congrès en ligne.
  • Savoir communiquer (voir ci-dessus).
  • Vérifier qu'il existe des protocoles pour fournir des conseils nutritionnels au sein de la clinique : qui parle au client, où, quand et comment ?

L'expérience montre que ce dernier point est le plus difficile à réaliser en pratique quotidienne, car peu de cliniques ont établi des procédures à cet effet. Cela signifie que personne dans l'équipe ne sait exactement comment traiter le sujet et ne fait que réagir aux questions des clients, au lieu d'approcher le propriétaire de manière proactive. Pourtant, seule une approche positive peut réussir ; s’appuyer sur un protocole défini, tel que décrit ci-dessous, peut être très utile.

  • Peser chaque animal lorsqu'il vient à la clinique (même si le propriétaire ne se présente pas pour une consultation) et enregistrer le poids. Cela permet non seulement de pouvoir optimiser la posologie des médicaments prescrits mais c’est aussi un élément précieux pour les conseils nutritionnels.
  • Évaluer chaque patient nutritionnellement. Cela sera réalisé lorsqu'un propriétaire vient pour la première fois ; demandez ce qu'il donne à manger à son animal chaque jour, y compris les snacks, et enregistrez les données dans le dossier de l’animal. Il est également conseillé de faire remplir un questionnaire au client en attendant la consultation et d’insérer les résultats dans le dossier de l'animal.
  • Faire analyser l’alimentation actuelle par un responsable de l’équipe, en discuter et si nécessaire, l'adapter aux besoins et au stade physiologique de l'animal. Une consultation de suivi doit être programmée chaque année ou quand l'animal doit changer d’aliment pour des raisons de santé.

Une approche structurée garantira que le personnel de la clinique dispose toujours de données actualisées sur les besoins nutritionnels de ses patients. Cela permet de traiter le sujet en priorité, de sensibiliser les clients et de s'assurer que la clinique est l’endroit incontournable pour obtenir des conseils nutritionnels complets et fiables. Dans ces conditions, les propriétaires admettront et apprécieront progressivement que l'équipe de la clinique constitue la référence à consulter d’abord lorsqu'il s'agit de nourrir leurs animaux de façon saine. Mais sachez que rien de bon n'arrive si vous ne faites rien ! Une approche proactive de la nutrition des animaux de compagnie renforcera la fidélité des clients, améliorera l'image de votre clinique et augmentera vos bénéfices.

Bibliographie

  1. Handl S, Bruckner I. Survey on the role of nutrition in first opinion practices in Austria and Germany. J Anim Physio Anim Nut epub ahead of print DOI: 10.1111/jpn.13337.

Lectures Complémentaires

  1. Baralon P, Blättner A, Mercader P, et al. Improving the Pet Owner Experience in Your Practice. Veterinary Focus Special Edition Royal Canin 2018

  2. Adams C, Blättner A, Diaz M, et al. The C Factor; Vet Skills in Communication. Veterinary Focus Special Edition Royal Canin 2019

  3. Birkenbihl VF. Kommunikationstraining. Munich, MVG 1998

  4. Blättner A, Matzner W. Die gesunde Tierarztpraxis. Stuttgart, Enke 2010

Antje Blättner

Antje Blättner

La Dre Blaettner a grandi en Afrique du Sud et en Allemagne et a obtenu son diplôme en 1988 après avoir étudié la médecine vétérinaire à Berlin et à Munich. En savoir plus

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