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Veterinary Focus

Numéro du magazine 30.3 Finance

Consolidation des établissements de soins vétérinaires

Publié 14/01/2021

Ecrit par Philippe Baralon et Lucile Frayssinet

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Español et English

Depuis environ deux décennies, le phénomène de consolidation des cliniques vétérinaires a pris une ampleur phénoménale ; cet article propose un aperçu de la situation actuelle et donne quelques indications aux propriétaires de cliniques indépendantes.

Consolidation des établissements de soins vétérinaires

Points Clés

Pour la plupart des services proposés, les cliniques vétérinaires indépendantes sont compétitives par rapport aux groupes.


Les groupes qui achètent des cliniques payent souvent plus cher pour celles où ils prévoient qu’un bénéfice rapide et durable peut être obtenu.


Pour la plupart des services proposés, les cliniques vétérinaires indépendantes sont compétitives par rapport aux groupes.


La consolidation de la profession vétérinaire est un phénomène mondial qui est amené à se pérenniser.


Introduction

Dans de nombreuses régions du monde, le phénomène de consolidation des établissements de soins vétérinaires représente une tendance majeure, qui peut changer les règles du jeu pour les vétérinaires indépendants, soit ceux qui possèdent et gèrent eux-mêmes leur clinique. Cet article présente le développement des groupes consolidés depuis quelques années et envisage également la place des vétérinaires indépendants sur le marché actuel.

25 ans d’évolution

La consolidation vétérinaire a démarré au milieu des années 1990 aux États-Unis, notamment en 1994, lorsque le groupe Mars Petcare a pris une participation au capital de Banfield Pet Hospitals. De l’autre côté de l’Atlantique, à la fin des années 1990, le groupe CVS a commencé à consolider des cliniques vétérinaires au Royaume-Uni. Ce n’est cependant qu’au début des années 2010 que d’autres groupes se sont développés ailleurs dans le monde. Il est intéressant de noter que les deux groupes qui exercent maintenant un rayonnement mondial, Mars Petcare et National Veterinary Associates (NVA), ont tous deux débuté aux États-Unis. Aujourd’hui, 25 ans après les débuts de la consolidation, on constate qu’environ 35 % des vétérinaires canins états-uniens travaillent dans des groupes qui emploient plus de 500 vétérinaires. En 2020, Mars Petcare dispose de 6 filiales qui exploitent plus de 2 300 cliniques et hôpitaux vétérinaires à travers 17 pays, et emploient plus de 14 000 vétérinaires (Figure 1a) (Figure 1b). NVA est aussi présent internationalement, avec 950 établissements de soins vétérinaires situés en Amérique du Nord, en Australie, en Nouvelle-Zélande et à Singapour. Les marchés australien et néo-zélandais hébergent un acteur international qui possède quelque 250 cliniques (NVA), mais également deux acteurs nationaux, tous deux cotés en bourse : Greencross (et ses 200 cliniques) et Apiam Animal Health, qui possède 50 cliniques et qui a la particularité d’être aussi présent pour la clientèle rurale.

Mars Petcare possède actuellement plus de 2 300 cliniques regroupées sous des noms variés, tels que Banfield aux États-Unis.
Figure 1a. Mars Petcare possède actuellement plus de 2 300 cliniques regroupées sous des noms variés, tels que Banfield aux États-Unis. © Shutterstock
Mars Petcare possède actuellement plus de 2 300 cliniques regroupées sous des noms variés, tels que Anicura dans plusieurs pays européens.
Figure 1b. Mars Petcare possède actuellement plus de 2 300 cliniques regroupées sous des noms variés, tels que Anicura dans plusieurs pays européens. © Shutterstock

En Europe, la situation actuelle est aujourd’hui très hétérogène. D’une part, la Suède, le Royaume-Uni, la Finlande, la Norvège, le Danemark et les Pays-Bas sont des pays très avancés dans le processus de consolidation : un quart à plus de la moitié des vétérinaires pour petits animaux travaillent dans des groupes. D’autre part, l’Espagne, la France, l’Allemagne, l’Autriche, l’Irlande, la Suisse, la Belgique et le Portugal en sont encore au début de l’histoire, les groupes y employant moins de 10 % des vétérinaires canins et félins. En Chine, le marché s’est fortement consolidé en quelques années ; il y a aujourd’hui deux groupes majoritaires dans le pays, dont un possède plus de 1 000 cliniques et projette d’entrer rapidement en bourse.

La consolidation de la médecine vétérinaire a généralement eu lieu très rapidement. Entre 2017 et 2019, IVC Evidensia (leader européen en termes de nombre de structures acquises et de vétérinaires employés) est passé de 500 à plus de 1 200 cliniques et de 2 000 à plus de 4 000 vétérinaires. La Figure 2 présente les événements majeurs qui ont eu lieu entre 2016 et 2020 au sein du monde vétérinaire.

Comme dans la plupart des phénomènes de consolidation, une croissance rapide est la règle, et non l’exception. Cela amène donc la question : y a-t-il encore de la place sur le marché pour des vétérinaires indépendants ? La consolidation vétérinaire est un phénomène irréversible : les cliniques qui sont aujourd’hui dans les groupes ne redeviendront pas indépendantes. Au contraire, le phénomène de consolidation a vocation à se répandre sur la majorité des marchés dans le monde et à s’intensifier là où il est déjà présent. En revanche, cela ne signifie pas qu’il n’y aurait plus d’avenir pour les cliniques vétérinaires indépendantes, bien au contraire.

Quelques événements majeurs à propos de la consolidation de la profession vétérinaire au cours des quatre dernières années.
Figure 2. Quelques événements majeurs à propos de la consolidation de la profession vétérinaire au cours des quatre dernières années.
Philippe Baralon

Lorsque les prix ne sont pas conformes au marché local et au positionnement de l’entreprise, il est possible d’augmenter son chiffre d’affaires en augmentant ses tarifs, mais la priorité consiste à vérifier que l’intégralité des services et des produits délivrés soient facturés.

Philippe Baralon

Modes de propriété des cliniques vétérinaires

Sur quoi sont fondés les groupes ?

Selon son stade de développement, un groupe n’a pas la même structure financière. Classiquement, un établissement de soins vétérinaires appartient à un ou plusieurs vétérinaires. En revanche, lorsqu’un groupe se constitue, il se finance d’abord par de la dette bancaire. Et dès que la croissance s’accélère, il devient nécessaire de le financer par des fonds propres, le plus souvent en faisant entrer un fonds d’investissement au capital. À ce stade, le but visé est la croissance externe rapide (en augmentant le nombre de cliniques acquises par le groupe) afin d’augmenter la valeur de la société en un laps de temps court, soit en général entre 3 et 7 ans. Il est alors fréquent que le fonds de placement en tire alors profit en le cédant à un autre fonds. Après plusieurs cycles d’investissements similaires, le groupe peut rejoindre une société multinationale (comme lorsque Nestlé a pris des parts dans IVC Evidensia) ou entrer en bourse. À partir de cet instant, la croissance rapide n’est plus la seule priorité : acquérir de nouvelles structures reste important, mais la croissance interne des cliniques devient l’objectif majeur. Il s’agit d’augmenter le chiffre d’affaires et le bénéfice de chaque clinique du groupe.

C’est cette différence de phase capitalistique qui explique l’écart entre un groupe comme IVC Evidensia, qui présente une croissance externe spectaculaire, et un groupe comme VCA (filiale de Mars Petcare), qui continue à se développer rapidement, mais dont une grande partie de la croissance est réalisée à périmètre constant.

Une seule marque pour plusieurs centaines de cliniques permet-elle de recruter plus de clients ?

Tous les groupes n’adoptent pas la même stratégie de marques. La filiale européenne de Mars Petcare, Anicura, appose par exemple son nom sur toutes les façades de ses cliniques ; le groupe CVS (coté au London Stock Exchange) conserve en revanche l’identité historique des cliniques et n’a pas de marque nationale connue, et encore moins européenne, en dehors des marchés financiers. Si certains groupes ont une stratégie claire, certains, tels que BluePearl aux États-Unis, mélangent les styles et adaptent leur stratégie de marque au cas par cas, en fonction des intérêts particuliers de chaque clinique. En médecine vétérinaire, les propriétaires d’animaux de compagnie ne fréquentent le plus souvent qu’une seule clinique généraliste : il est donc important d’avoir une marque forte, connue et sans ambiguïté au niveau local. En première analyse, il semble donc qu’une image de marque nationale voire internationale n’apporte sur notre marché que très peu d’avantages concurrentiels, à condition que chaque clinique ou groupe de cliniques soit bien implanté localement.

Qu’en est-il du recrutement ?

Il semble qu’il y ait actuellement une véritable pénurie de main-d’œuvre vétérinaire dans de nombreux pays, et c’est un domaine dans lequel les groupes peuvent avoir un net avantage sur les cliniques indépendantes. Tous les grands groupes vétérinaires ont développé des programmes de recrutement, d’intégration et de formation en investissant des moyens et des ressources considérables, dont les bénéfices peuvent être partagés par un grand nombre de cliniques à l’échelle nationale, voire internationale. Les vétérinaires indépendants peuvent rarement se permettre de consacrer le temps ou l’argent nécessaires à la mise en place de tels programmes.

Pourquoi les groupes valorisent-t-ils plus les structures vétérinaires que les vétérinaires indépendants ?

Pour se développer rapidement, les groupes achètent de nombreux établissements de soins, généralement en payant plus cher (parfois deux à trois fois plus) que ne le ferait classiquement un repreneur indépendant, comme un vétérinaire praticien. La valeur d’une entreprise est le plus souvent déterminée en appliquant un coefficient multiplicateur au profit net, évalué par l’excédent brut d’exploitation (EBE). Ce multiple est d’autant plus élevé que l’acheteur anticipe une croissance future rapide de l’EBE. S’il est confiant dans sa capacité à faire croître rapidement l’EBE de l’entreprise, l’acquéreur sera enclin à payer plus cher.

Évaluation d’un établissement de soins vétérinaires

Pour analyser la rentabilité d’une clinique traditionnelle, le coût total des achats pour la clinique (comprenant habituellement les médicaments, les équipements de laboratoire et les déchets cliniques, souvent appelés « achats consommés ») est soustrait du chiffre d’affaires annuel pour obtenir la marge brute (ou bénéfice brut) (Figure 3). Dans une entreprise, la marge brute doit couvrir les charges de structure (incluant les salaires, les autres achats et les charges externes) ainsi que les impôts et les taxes, tout en générant un profit (EBE) pour les propriétaires. Notons que les charges de personnel n’incluent pas le coût du travail des associés. Ainsi calculé, l’EBE permet surtout de rémunérer les associés et d’investir dans l’entreprise. Dans une clinique privée, l’objectif implicite de la gestion de l’entreprise est d’assurer une rémunération correcte des propriétaires ou des associés de la structure, en prenant en compte leur temps de travail, leurs aspirations, etc. Toute augmentation de la rentabilité améliore la rémunération des associés mais, une fois atteint un niveau de rémunération jugé « confortable », l’incitation à augmenter encore le profit faiblit en raison des prélèvements sociaux et fiscaux, d’autant plus que ceux-ci sont de plus souvent progressifs (plus les bénéfices sont importants, plus élevées sont les taxes). C’est ce qu’on appelle souvent « la loi des rendements décroissants », c’est-à-dire que l’augmentation du bénéfice peut sembler trop faible pour justifier l’effort nécessaire pour l’obtenir. Habituellement, un praticien repreneur estime la valeur d’une entreprise vétérinaire en appliquant un multiple faible (1 à 2, le plus souvent) à l’EBE.

Analyse financière traditionnelle d’une entreprise vétérinaire.
Figure 3. Analyse financière traditionnelle d’une entreprise vétérinaire.
Évaluation financière d’une entreprise vétérinaire par un groupe.

Figure 4. Évaluation financière d’une entreprise vétérinaire par un groupe.

Pour estimer la valeur d’une entreprise vétérinaire, un groupe utilisera en revanche un modèle d’analyse financière qui intègre la rémunération du travail des associés au sein des charges fixes (Figure 4). L’EBE qui en résulte donne alors une bonne idée du profit permettant de rémunérer les actionnaires, et donc de l’assiette de valorisation de l’entreprise. Si ce profit augmente, même marginalement, c’est une bonne nouvelle pour les actionnaires, malgré l’impôt sur les sociétés, qui est proportionnel, et non pas progressif. Il est alors toujours dans leur intérêt de continuer à améliorer la rentabilité de l’entreprise.

Avec cette analyse, l’EBE de la société représente une assiette plus étroite que dans le modèle traditionnel. Cependant, si l’acquéreur estime pouvoir faire croître rapidement les profits, il sera prêt à appliquer un multiple plus élevé (le plus souvent de 5 à 12, parfois davantage) pour déterminer le prix qu’il est prêt à payer. Les grands groupes payent donc plus cher que des acquéreurs traditionnels car ils sont raisonnablement confiants dans leurs capacités à faire progresser rapidement l’EBE, donc la valeur de l’entreprise, alors que les cliniques indépendantes visent d’abord à bien rémunérer les associés, en associant la valeur de l’entreprise à cette rémunération.

Stratégies pour les vétérinaires indépendants

Face à la concurrence des grands groupes, comment un vétérinaire indépendant devrait-il planifier sa stratégie de développement ? Envisager l’avenir de son entreprise à travers une approche financière n’est jamais suffisant, mais cela est malgré tout indispensable. Cette étude implique de se demander si le vétérinaire ou les associés actuels sont les meilleurs gestionnaires de leur entreprise. Puisque la valeur d’une clinique vétérinaire est basée sur le profit récurrent engendré par son activité, le meilleur gestionnaire (ou le meilleur acquéreur) sera donc celui qui sera capable d’améliorer les performances à long terme. Anticiper des échéances importantes, comme le fait qu’un vétérinaire veuille prendre sa retraite ou vendre ses parts de la clinique, est très important pour réfléchir à la valorisation de la clinique dans le futur.

Est-il possible de se concentrer sur un seul site ?

Dans un modèle de développement classique, il est intéressant de disposer d’une clinique vétérinaire établie sur un seul site, en supposant que l’emplacement soit bon et que l’on dispose d’un bassin de population suffisant. Le principal avantage de ce modèle réside dans le fait qu’il est relativement simple à gérer : toute l’activité est concentrée au même endroit, le ou les dirigeants peuvent suivre la bonne marche de leur entreprise avec des outils de management simples. Cependant, la croissance de ce type d’activité risque d’être limitée par le critère de proximité, qui freine l’arrivée de nouveaux clients. Le développement est donc basé essentiellement sur l’augmentation du chiffre d’affaires par patient ; cela peut permettre d’obtenir une croissance soutenue et régulière pendant de nombreuses années, mais avec de fortes variations du taux de croissance selon plusieurs paramètres, dont la localisation de la clinique.

Quel intérêt de répartir l’activité sur plusieurs sites ?

Afin de dépasser la contrainte de proximité liée au développement sur un seul site, l’activité peut se répartir sur plusieurs cliniques, souvent selon un modèle en étoile, chaque site se situant en général à plus de 15 minutes (mais moins de 30 minutes) en voiture de la base centrale (Figure 5) où sont concentrées les fonctions de back-office telles que la paie et les autres tâchées liées au management. Les cliniques périphériques ne doivent pas être considérées comme « secondaires », car elles peuvent offrir le même niveau de service que le site principal : heures d’ouverture, espace d’accueil, salles de consultation, personnel disponible, équipements diagnostiques de premier niveau, etc. La recherche de synergies entre les sites se situe au cœur de ce modèle de développement : par exemple, toute la chirurgie pourra être concentrée sur le site principal (y compris les opérations simples). Ce modèle permet de mutualiser la gestion et de mieux exploiter le plateau technique et les équipements majeurs du site principal, sans perdre l’avantage de la proximité grâce aux sites périphériques. Le développement de l’entreprise passe donc à la fois par l’augmentation du ratio du chiffre d’affaires par patient et par l’intégration de nouveaux clients, notamment lors de l’ouverture des sites périphériques. La gestion de ce modèle est plus complexe que celle d’un site unique, car elle nécessite l’installation d’un responsable performant dans chaque site ; il faut aussi s’assurer que les méthodes de travail et les positionnements marketing soient standardisés dans tous les sites. Néanmoins, cela reste accessible grâce au périmètre restreint dans lequel s’inscrit la grappe.

Modèle d’un site multiple en étoile, avec une grappe de cliniques entourant un hôpital central.
Figure 5. Modèle d’un site multiple en étoile, avec une grappe de cliniques entourant un hôpital central.
Lucile Frayssinet

La gestion de plusieurs sites est plus complexe que celle d’un site unique parce qu’elle réclame de mettre en place un responsable performant sur chaque site ; il est aussi essentiel que les méthodes de travail et le positionnement marketing soient standardisés sur tous les sites.

Lucile Frayssinet

Des cliniques indépendantes peuvent-elles se structurer en un groupe ?

Il s’agit ici d’une autre option de croissance. Le système en étoile décrit plus haut est dupliqué, mais en intégrant des structures éloignées du territoire d’origine. Il en résulte la construction d’un groupe régional (voire national, selon les distances considérées). Un tel groupe se crée en général progressivement, en assumant le fait qu’il y aura assez peu de synergies entre les sites. Une difficulté majeure apparaît cependant dans ce modèle : la gestion de sites distants exige une approche professionnalisée de la gestion, et donc la formation d’une équipe centrale. Pour amortir le coût de cette équipe dans un délai raisonnable, il est nécessaire de croître assez rapidement pour atteindre plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de sites. En pratique, cette option reste donc assez rare sur le marché vétérinaire, car les difficultés managériales sont nombreuses lorsque les sites sont éloignés les uns des autres.

Faut-il vendre à un groupe ?

L’étape ultime du développement indépendant consiste souvent (mais pas toujours) à transférer (soit à vendre) son entreprise à un groupe. Bien que toutes les cliniques ne soient pas aussi intéressantes à racheter pour un groupe, leur développement permet d’élargir le panel des possibilités stratégiques pour un vétérinaire indépendant qui cherche des options de sortie : il peut vendre s’il le décide et quand il le décide. Cette étape peut intervenir à différents moments de la vie de l’entreprise vétérinaire : après avoir développé la clinique sur un seul site, après la formation d’une grappe, après la formation d’un groupe régional ou national.

Pour le propriétaire, l’essentiel est de vendre l’entreprise au bon moment et avec une bonne valorisation. Il est important de préciser que céder son entreprise n’est pas synonyme d’échec. Cela peut même constituer une consécration de l’activité. En revanche, il est primordial de ne pas le faire par défaut, par exemple quand il s’agit de la seule option restante lorsque la succession a été mal ou pas du tout anticipée.

Que le propriétaire désire ou non vendre sa clinique à un groupe, l’essentiel est de gérer son activité à long terme, de manière à optimiser sa valeur. Comme cela est toujours lié à la rentabilité future, il est indispensable de générer un bénéfice récurrent comparable à celui qu’un groupe pourrait produire. Quelle que soit la stratégie de développement d’une structure vétérinaire indépendante, il faut se rappeler que le plus important est de gérer sa clinique comme si elle allait être vendue demain, même si elle ne le sera jamais.

Maximiser la rentabilité

Comment augmenter la rentabilité ?

Afin de faire progresser rapidement l’EBE de l’entreprise, il est possible d’agir sur trois leviers.

  • Le premier levier est la croissance du chiffre d’affaires. Il est possible de simplement augmenter les prix, mais la priorité consiste à facturer tout ce qui est réalisé. Une facturation correcte est indispensable dans tous les cas, mais encore plus si les tarifs doivent augmenter : si l’équipe ne facture déjà pas tout ce qui est réalisé, elle aura encore plus de difficultés à le faire avec des prix plus élevés. Quand les tarifs de la clinique ne sont pas adaptés au marché local et au positionnement visé, augmenter ses prix pour faire croître son revenu se justifie. Cependant, le levier essentiel pour augmenter le chiffre d’affaires réside dans le développement de l’offre, d’abord en matière de services, mais aussi de produits. Gardons à l’esprit qu’il est important de commencer par analyser la pénétration du marché : avant de créer de nouveaux services, assurons-nous que les clients consomment déjà les services existants.
  • Le deuxième levier est l’optimisation des achats, en travaillant à obtenir les meilleures conditions de ses fournisseurs afin de réduire le coût des achats, et donc d’augmenter la marge brute. Dans certains pays, ce levier est déjà largement actionné par les vétérinaires, mais dans d’autres, la marge de négociation est encore large.
  • Enfin, il est fondamental d’améliorer ses charges de structure, et en premier lieu les charges de personnel. Le point essentiel ici est d’obtenir la meilleure structure d’équipe en optimisant le rapport entre le nombre de vétérinaires et l’effectif du personnel support. Cette évolution poursuit un objectif de productivité : les vétérinaires doivent se concentrer sur toutes les tâches à valeur ajoutée qui requièrent effectivement leur technicité, et seulement sur ces tâches ; celles qui n’exigent pas expressément leur présence seront déléguées au personnel support. Cette stratégie est utile lorsque la main-d’œuvre vétérinaire fait défaut, ce qui est le cas dans certains pays.

Comment muscler l’offre de services ?

En médecine générale, le développement de la médecine préventive (par exemple avec des plans de santé), le suivi des maladies chroniques (telles que l’arthrose) ou encore la mise en place d’une offre de télémédecine représentent des axes prioritaires et peuvent considérablement aider à augmenter les revenus. Prenons l’exemple de la télémédecine dans le cadre du suivi d’un patient chronique (Figure 6) ; la consultation initiale à la clinique sera réalisée par le vétérinaire, mais le service peut être enrichi en proposant un suivi par télémédecine à intervalles adéquats sur une période donnée ; ce suivi peut être délégué à un membre du personnel support. Il s’inscrit dans la durée tout en étant aisément monnayable. La télémédecine permet ainsi d’augmenter la capacité du vétérinaire à interagir avec ses clients au fil du temps.

Les téléconsultations sont un des moyens d’améliorer les services proposés aux clients.
Figure 6. Les téléconsultations sont un des moyens d’améliorer les services proposés aux clients. © Shutterstock

Outre la télémédecine, les nouvelles technologies offrent d’autres possibilités au marché vétérinaire. Dans de nombreux pays, le développement du e-commerce s’est fait, au moins partiellement, au détriment du circuit vétérinaire. Lorsqu’ils sont disponibles, il est important d’utiliser les outils permettant de rester compétitifs face à la concurrence représentée par exemple par des pharmacies en ligne aux États-Unis ou au Royaume Uni, ou par les services de click and collect existant en France. La révolution digitale en cours met à la disposition des vétérinaires des outils nouveaux, pas seulement la télémédecine et le e-commerce, mais aussi et surtout en matière de communication. La capacité à créer une « communauté » de propriétaires autour de la clinique grâce aux médias sociaux permet de renforcer et d’étendre la relation entre la clinique vétérinaire et ses clients actuels ou potentiels. De plus, d’autres options telles que les systèmes de rendez-vous en ligne ou les dossiers médicaux partagés offrent des moyens d’augmenter notre activité. Il est sain de se dire que nous ne distinguons pas encore tout le potentiel des nouvelles technologies, que celles-ci vont continuer à se développer, et que de nouvelles opportunités vont surgir dans les années à venir.

Philippe Baralon

Il semble qu’avoir une image de marque nationale, voire internationale, n’apporte que très peu d’avantages concurrentiels sur le marché, à condition que chaque clinique ou groupe de clinique ait une implantation locale forte.

Philippe Baralon

Le phénomène de consolidation du marché vétérinaire est destiné à durer et les groupes offrent maintenant aux praticiens indépendants un moyen intéressant d’arrêter leur activité, en achetant parfois leur structure à un prix bien plus élevé que le prix traditionnel. Bien que certaines cliniques indépendantes peinent actuellement à recruter des vétérinaires quand il existe une pénurie de jeunes diplômés sur le marché, les vétérinaires indépendants peuvent généralement toujours rivaliser avec les groupes, dans la mesure où ils ont encore les capacités économiques, financières et organisationnelles pour rester compétitifs. Il faut cependant qu’ils en aient l’envie, les compétences et qu’ils consacrent du temps à la gestion de leur entreprise.

Lectures Complémentaires

  1. Frayssinet L. Evolution of veterinary business models in France and worldwide, with a focus on companion animals. Sans Pierre (dir), thesis, veterinarian, Université Paul Sabatier, 2019. [Évolution des modèles d’affaires vétérinaires en France et dans le monde, focus sur les animaux de compagnie]

  2. Brealey R, Myers S, Allen F. Principles of corporate finance. 13th ed: New York McGraw Hill, 2019. ISBN-13: 978-1260013900

Philippe Baralon

Philippe Baralon

Philippe Baralon a obtenu son diplôme de l’École nationale vétérinaire de Toulouse, en France, en 1984 et a poursuivi ses études en économie (maîtrise d’économie, Toulouse, 1985) et en administration des affaires (MBA, HEC-Paris 1990). En savoir plus

Lucile Frayssinet

Lucile Frayssinet

Le Dr Frayssinet est diplômée de l'École Nationale Vétérinaire de Toulouse depuis 2019. En savoir plus

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