Comment j’aborde... La diarrhée chronique chez le chat
Les cliniciens sont plus qu’habitués à recevoir des chats présentant des diarrhées récidivantes...
Numéro du magazine 27.1 Gastro-intestinal
Publié 05/09/2019
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Facile à faire et remarquablement efficace, l’alimentation d’un chien malade par sonde nasale peut être très bénéfique dans toutes sortes de situations cliniques différentes ; dans de nombreux cas, c’est souvent un facteur décisif pour que l’issue soit favorable. Dans cet article, Joris Robben et Chiara Valtolina insistent sur les aspects pratiques permettant d’optimiser les résultats.
Les sondes d’alimentation nasales sont faciles à mettre en place et permettent une nutrition entérale aisée à court terme chez les chiens qui ne peuvent pas ou ne veulent pas manger.
Il est possible d’utiliser des sondes naso-oesophagiennes ou des sondes nasogastriques, chacune ayant leurs avantages et leurs inconvénients.
Il est essentiel de s’assurer du bon positionnement de la sonde lors de sa mise en place puis à intervalles réguliers pendant son utilisation.
Des mesures simples d’entretien permettent de limiter les problèmes avec la sonde.
Les sondes nasales sont faciles à utiliser en pratique canine et conviennent à un certain nombre de situations cliniques. Destinées à un usage de courte durée (1 à 7 jours), elles permettent de mettre en place de manière précoce une nutrition entérale chez l’animal convalescent. Mais seuls des aliments liquides peuvent être administrés en raison du diamètre de la sonde qui est limité par la taille du méat nasal ventral de l’animal.
Une sonde nasale est plus rapide et moins délicate à poser qu’une sonde oesophagienne, surtout si l’animal est instable pour subir une anesthésie générale ou si le risque de saignements est élevé (lors de coagulopathie, par exemple). La sonde d’alimentation permet au vétérinaire de déterminer si le tube digestif d’un animal anorexique peut tolérer une alimentation entérale et de contrôler les paramètres d’une nutrition optimale (volume des repas, composition de l’aliment, alimentation continue versus en bolus.
Plusieurs critères permettent de choisir une sonde d’alimentation adaptée (Tableau 1). Le matériel nécessaire à la pose de sonde est basique et présenté en Figure 1.
Taille | 4 à 12 Fr ; 6, 8 ou 10 Fr étant les plus utilisées chez le chien. |
Longueur | 50 à 100 cm en fonction de la taille du chien, mais la sonde doit être suffisamment longue pour permettre de fixer l’embout sur le cou du chien. Si nécessaire, une extension pourra être utilisée. |
Matériel |
La paroi de la sonde doit être mince, pour avoir une lumière aussi large que possible, mais également suffisamment souple pour limiter le risque de pliure, notamment à l’endroit où la sonde est courbée à la sortie du nez. Les options incluent :
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Embouts |
Il existe différents types d’embouts :
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Extrémité distale | Si de nombreuses sondes d’alimentation possèdent des trous latéraux, les sondes à extrémité ouverte ont l’avantage de réduire le risque d’obstruction. Une sonde à extrémité ouverte est aussi plus facile à déboucher par un simple rinçage en cas d’obstruction. |
Tableau 1. Choix de sondes d’alimentation.
Il existe deux options :
• Une sonde naso-oesophagienne dont l’extrémité distale est située dans l’oesophage au niveau du 9e espace intercostal. Celle-ci a l’avantage de réduire les reflux gastriques et donc de limiter les risques d’oesophagite ou de sténose oesophagienne par reflux. En revanche, elle augmente le risque de passage d’aliment dans les poumons notamment si l’animal est en décubitus latéral.
• Une sonde nasogastrique, dont l’extrémité distale se situe dans l’estomac caudalement à la dernière côte. Celle-ci permet au vétérinaire de vérifier s’il existe une rétention d’aliment dans l’estomac avant d’administrer le bolus suivant. Le risque de fausse-route si l’animal est en décubitus latéral est moindre. En revanche, elle augmente le risque de reflux gastrique et donc d’oesophagite par reflux car elle interfère avec le fonctionnement du cardia.
Les avantages et inconvénients de ces deux méthodes n’ont pas, à la connaissance de l’auteur, été convenablement examinés en médecine vétérinaire et aucune recommandation sur la méthode à privilégier n’est proposée. Les préférences personnelles, les caractéristiques de l’animal et les éléments liés à la maladie détermineront le choix de la sonde à poser.
• Il est essentiel de mesurer et de marquer des repères sur la sonde avant de la poser. L’endroit où la sonde doit arriver à l’entrée du thorax est marqué avec un feutre indélébile (Figure 2). Si une sonde naso-oesophagienne est choisie, son extrémité devra arriver au niveau du 9e espace intercostal. Pour la sonde nasogastrique, son extrémité devra arriver en arrière de la dernière côte. Dans un cas comme dans l’autre, un repère est posé avec un sparadrap à ailettes pour identifier la longueur à introduire (Figure 3).
• Il est important que la sonde soit suffisamment longue ; au besoin, une extension pourra être utilisée. Le diamètre extérieur de la sonde ou de l’extension doit pouvoir passer du bout du nez à l’encolure du chien sans tension excessive.
• La sonde d’alimentation peut être mise en place chez l’animal vigile ou légèrement tranquillisé. Dans un cas comme dans l’autre, une analgésie locale de la muqueuse nasale est nécessaire. Appliquer une goutte de lidocaïne dans les deux narines (si la sonde est difficile à poser d’un côté, le vétérinaire pourra essayer l’autre) 2 à 5 minutes avant d’introduire la sonde. La lidocaïne adrénalinée est privilégiée car elle induit une vasoconstriction des capillaires nasaux.
• La sonde doit être lubrifiée avec un spray de lidocaïne ou de silicone. Le chien est placé en position debout, assise ou en décubitus sternal. La tête est positionnée de face avec le nez relevé à l’aide du pouce ou d’un doigt. L’extrémité de la sonde est introduite en direction médioventrale pour la guider vers le méat ventral du nez : la sonde doit glisser dans le nez sans résistance (Figure 4).
• Pousser la sonde dans le pharynx et surveiller la déglutition. Quand le chien a dégluti, continuer de pousser la sonde jusqu’au niveau du premier repère (indiquant que l’extrémité de la sonde est à l’entrée du thorax) (Figure 5). Vérifier que le chien ne tousse ou ne s’étouffe pas, ce qui pourrait indiquer que la sonde a été introduite accidentellement dans la trachée.
• Si un fil-guide a été utilisé pour rigidifier la sonde, il faut alors l’enlever (Figure 6). Utiliser une seringue de 10- 20 mL pour vérifier le bon positionnement dans l’oesophage (Figure 7a) (Figure 7b). Premièrement, tirer sur le piston de la seringue pour vérifier l’absence d’air. Deuxièmement, insuffler de l’air pour vérifier que la sonde n’est pas bouchée et qu’elle ne s’est pas accidentellement enroulée dans la trachée (voir ci-après).
• Si la sonde est bien placée, elle peut maintenant être avancée jusqu’à sa position finale, où le sparadrap à ailettes sera au bord de la narine.
• La sonde peut être suturée à la peau du museau, le plus près possible de la truffe (Figure 8) en suivant la commissure latérale des narines. Il est important de ne pas trop la plaquer et de lui laisser un peu de mou pour éviter qu’elle ne s’écrase.
• Il n’est généralement pas recommandé de fixer la sonde avec du sparadrap car, si cette méthode est simple et permet initialement de bien maintenir la sonde, la colle aura tendance à sécher et la sonde se détachera rapidement.
• La sonde peut être remontée au-dessus du nez et suturée sur le front entre les deux yeux ou bien ramenée sur la joue (au-dessus des vibrisses et sous l’arcade zygomatique) puis suturée.
• Enfin, la sonde peut être scotchée à un pansement pas trop serré autour du cou (Figure 9).
• Une collerette est souvent nécessaire pour éviter que l’animal n’arrache sa sonde mais elle risque d’altérer sa consommation volontaire de nourriture et devra donc être enlevée régulièrement pour voir si le chien veut manger seul.
Des vérifications doivent être effectuées au moment de la pose de la sonde puis avant chaque utilisation. La méthode décrite ci-dessus 1 doit permettre de bien placer la sonde mais voici deux autres conseils :
• Si le chien déglutit quand l’extrémité de la sonde est dans le nasopharynx ou dans l’oropharynx, vous aurez une meilleure garantie que la sonde pénètre l’oesophage.
• Inspectez visuellement et manuellement le côté gauche du cou pour vous assurer que la sonde est au bon endroit quand vous la poussez dans l’oesophage.
Une fois la sonde en place, il est prudent de vérifier son positionnement avant chaque repas. Cela peut se faire de plusieurs manières :
• Vérifiez avec une seringue comme indiqué précédemment. Notez toutefois qu’un chien dyspnéique ou nauséeux peut avaler de l’air. Vous pourrez ainsi initialement aspirer de l’air dans la seringue, vous donnant l’impression que la sonde est passée dans la trachée. Mais en cas d’aérophagie, la quantité d’air que vous pourrez aspirer sera limitée. En outre, si vous pouvez insuffler facilement de l’air dans la sonde avec la seringue, cela prouvera que la sonde ne s’est pas enroulée.
• Rincez la sonde avec 2 à 20 mL (selon la taille du chien) de soluté isotonique. Si la sonde est dans la trachée, cela devrait faire tousser le chien (mais notez que les animaux très malades et peu conscients ou les animaux tranquillisés peuvent ne pas tousser).
• En cas de sonde nasogastrique, vous pouvez injecter 5 à 15 mL d’air dans la sonde et des borborygmes pourront s’entendre à l’auscultation de l’abdomen crânial.
• A moins de pouvoir visualiser ou palper la sonde dans l’oesophage cervical, aucune de ces techniques n’est infaillible. En cas de doute, une radiographie thoracique pourra être réalisée (Figure 10).
Il existe différentes situations où les sondes d’alimentation sont contre-indiquées ou à utiliser avec prudence. Celles-ci incluent les vomissements, la dyspnée et les situations comportant un risque accru de passage des contenus gastriques dans les poumons (si le réflexe de déglutition est absent, si l’animal a une conscience réduite ou s’il est en décubitus latéral). En outre, l’utilisation d’une sonde peut être inappropriée si l’animal présente une blessure à la tête impliquant le nez, la cavité nasale ou le pharynx, ou s’il existe une coagulopathie car la pose de sonde risque d’entraîner une épistaxis.
L’utilisation d’une sonde d’alimentation peut également s’accompagner de complications variées, notamment :
• epistaxis ;
• rhinite ou sinusite ;
• dacryocystite ;
• pneumonie par aspiration (si la sonde est passée accidentellement dans les voies respiratoires ou en cas de reflux gastrique) ;
• pliure de la sonde (généralement à l’endroit où la sonde sort du nez et cela dépend du matériau de la sonde et de son positionnement) ;
• obstruction de la sonde (plus fréquente avec une sonde de petit diamètre ou à trous latéraux plutôt qu’à extrémité ouverte, ou lorsque l’entretien de la sonde est insuffisant). Il est important de rincer la sonde fréquemment (voir ci-dessous). Une sonde obstruée peut être débouchée en y injectant de l’eau, une boisson gazeuse ou une solution d’enzymes pancréatiques ;
• irritation oesophagienne ou oesophagite par reflux gastrique ;
• déplacement de la sonde par des vomissements ou des éternuements.
La sonde peut également être arrachée par l’animal, volontairement ou involontairement. L’animal peut arracher volontairement sa sonde s’il ressent une gêne, par exemple une irritation liée aux sutures de fixation, une rhinite douloureuse, ou si la sonde interfère avec son champ de vision ou ses vibrisses (plus souvent chez le chat).
Si la cause ne peut être déterminée ou le problème résolu, il pourra être nécessaire d’utiliser une collerette (Figure 11) ou d’envisager une autre méthode de nutrition assistée (par sonde oesophagienne, par exemple).
Dans une étude rétrospective sur des chiens et des chats nourris par sonde naso-entérale pendant 24 heures, aucune différence significative en termes de complications digestives (vomissements, régurgitations et diarrhée) n’a été mise en évidence entre la nutrition continue et la nutrition par bolus 2. Toutefois, chaque cas doit être examiné individuellement et le vétérinaire doit avoir conscience des problèmes qui peuvent survenir. Par exemple, un article indique que les chats atteints de lipidose hépatique pourraient avoir un volume stomacal réduit, ce qui augmenterait initialement les risques de vomissements, de nausées et d’inconfort en cas de nutrition par bolus 3.
• La nutrition continue est recommandée chez les animaux débilités ayant vécu une longue période d’anorexie car leur capacité digestive peut être limitée. Dans ce type de situation, l’alimentation en continu est souvent associée à une administration de médicaments prokinétiques (métoclopramide ou cisapride, par exemple). Cette méthode demande moins de travail et risque moins d’entraîner une distension gastrique et un inconfort pendant les repas. Toutefois, la nutrition continue ne ressemble pas à la consommation alimentaire physiologique et l’accumulation d’aliment dans l’estomac peut passer inaperçue, entraînant régurgitations et vomissements. L’aliment liquide doit être conservé à température ambiante (non réfrigéré) et il est important de veiller à ce qu’il ne précipite pas dans la seringue ou la poche, en agitant régulièrement le mélange.
• La nutrition intermittente (en bolus) peut être utilisée chez les animaux moins débilités, par exemple quand un animal est rendu à son propriétaire avec sa sonde pour être alimenté à domicile. Cette méthode est plus physiologique et permet de contrôler le processus d’alimentation. Elle permet aussi d’éviter un éventuel tropplein de l’estomac. Toutefois, elle demande plus de travail et peut entraîner un inconfort et des nausées chez certains patients. Il faut toujours veiller à ce que l’aliment soit tiède et administré lentement (< 3 mL/kg/min), une dilatation rapide de l’estomac chez un animal anorexique pouvant provoquer nausées, inconfort et vomissements. Une seringue auto-pousseuse peut être utilisée pour administrer de faibles volumes d’aliment à une pression donnée car une poussée manuelle excessive sur le piston de la seringue peut faire vibrer l’extrémité de la sonde et induire des vomissements (plus probable avec une sonde naso-oesophagienne). Après le repas, la sonde doit être à nouveau rincée et l’embout rebouché pour éviter une fuite d’eau ou d’aliment.
La sonde doit être contrôlée régulièrement toutes les 2 à 4 heures minimum lors de nutrition continue et avant chaque administration de bolus lors d’alimentation intermittente. Cela inclut:
• un contrôle visuel pour s’assurer du bon positionnement de la sonde et de la tenue des sutures. Si la sonde n’est plus en place, vérifier que le chien ne l’a pas vomie ou n’en a pas mordillé la partie externe,
• une aspiration avec une seringue pour déterminer si de la nourriture peut être retirée de la sonde. Si une grande quantité d’aliment est retirée d’une sonde nasogastrique, cela peut être le signe d’une rétention de contenu stomacal due à une baisse de motilité digestive et à un retard de vidange gastrique. Les sondes de nutrition continue doivent être rincées régulièrement – au moins toutes les 4 à 6 heures, ou plus souvent si nécessaire – avec 5-10 mL d’eau tiède (selon la taille de la sonde) en surveillant tout signe d’inconfort (salivation, toux, étouffement ou vomissements, par exemple). La même technique doit être utilisée pour les sondes de nutrition intermittente avant chaque repas.
Dörfelt R. A quick guide to feeding hospitalized cats. Vet Focus 2016;26(2): 46-48.
Eirmann L, Michel KE. Enteral nutrition. In: Small animal critical care medicine, 2nd ed. Silverstein DC, Hopper K, eds. St. Louis: Elsevier Saunders 2015:681-686.
Campbell S, Harvey N. Assisted enteral feeding. In: Advanced monitoring and procedures for small animal emergency and critical care. Burkitt Creedon JM, Davis H, eds. Ames: Wiley-Blackwell 2012:496-512.
Joris Robben
Le Dr Robben est diplômé de l’Université d’Utrecht en 1988 et obtient un PhD sur les insulinomes canins en 2004. En savoir plus
Chiara Valtolina
La Dre Valtolina est diplômée depuis 2000 de la Faculté de médecine vétérinaire de Milan En savoir plus
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