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Veterinary Focus

Numéro du magazine 30.2 Autre gestion

Comment satisfaire ses clients félins

Publié 29/10/2020

Ecrit par Natalie L. Marks

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Español , English et ภาษาไทย

Natalie Marks a récemment participé à un projet visant à rendre les cliniques plus accueillantes pour les chats et leurs propriétaires ; elle décrit ici comment elle réussit à inspirer et à motiver les équipes vétérinaires.

Comment satisfaire ses clients félins

Points Clés

Beaucoup d’idées fausses circulent dans le milieu vétérinaire au sujet des chats, notamment à propos du comportement, de la médecine, des manipulations, et même de la nutrition.


Il est essentiel de veiller à ce que l’équipe vétérinaire se sente responsabilisée ; on peut y contribuer en désignant un(e) « spécialiste » des chats à la clinique.


Passer du temps à autoévaluer honnêtement les différents points de contact entre un propriétaire de chat et la clinique est un bon investissement car cela nous oblige à porter un regard critique sur l’ensemble de l’organisation.


Créer un « comité dédié au chat » facilite la mise en place d’actions pratiques et fait que l’initiative reste au cœur du fonctionnement de la clinique.


 

Introduction

Il y a aujourd’hui près de 80 millions de chats aux États-Unis mais, selon l’étude Bayer sur l’accès aux soins vétérinaires 1 et l’American Association of Feline Practitioners (AAFP) 2, plus de la moitié d’entre eux n’ont pas vu un vétérinaire pour des examens et des bilans de contrôle depuis un an. Il s’agit là d’une statistique inquiétante pour les vétérinaires et les professionnels du secteur car ce défaut de soins découle de nombreuses perceptions et idées fausses chez les propriétaires de chats. Certains chiffres de l’étude précitée 1 montrent par exemple que :

De nombreux propriétaires disent qu’ils pensent que leur chat déteste être placé dans une boîte de transport pour être emmené en voiture à la clinique vétérinaire.

Figure 1. De nombreux propriétaires disent qu’ils pensent que leur chat déteste être placé dans une boîte de transport pour être emmené en voiture à la clinique vétérinaire. 
© Shutterstock

  • dans les foyers n’ayant que des chats, 63 % de ceux-ci vivent exclusivement à l’intérieur et de nombreux propriétaires pensent malheureusement que les chats d’intérieur ne sont ni exposés ni réceptifs aux maladies.
  • 58 % des propriétaires déclarent que leur chat « déteste aller chez le vétérinaire » car ils savent que leur chat a peur d’être enfermé dans une boîte de transport et d’être transporté en voiture (Figure 1) ;
  • 81 % des propriétaires de chats pensent que leur chat est en excellente santé ; pour eux, indépendance et bien-être du chat vont de pair, alors qu’il excelle dans l’art de cacher ses symptômes ;
  • près de 70 % des clients ont obtenu leur chat gratuitement et ils n’ont reçu que peu ou pas de conseils à propos des soins vétérinaires nécessaires à leur animal.

Ces résultats peuvent certainement sembler décourageants pour quiconque s’implique dans la médecine vétérinaire féline, mais en même temps, ils révèlent les opportunités énormes accessibles à la profession vétérinaire afin d’améliorer collectivement l’approche de la médecine féline dans le monde.

Le programme des clients « mystère »

Dans le cadre d’une initiative mondiale visant à faire évoluer ces statistiques félines, Royal Canin, en partenariat avec le CSS1, a récemment mis au point un programme de « clients mystère » afin de mieux comprendre et d’analyser le « parcours du client et de son chat » dans les cliniques vétérinaires. Les trois objectifs de l’enquête sont présentés dans l’Encadré 1. Quinze paramètres réunis sous le nom de critères COPE (pour Cat Owner Positive Experience) ont été identifiés afin que les « clients mystère » puissent les évaluer (Figure 2). Ces critères ont été conçus pour couvrir chaque étape du parcours client, de la pré-visite à l’arrivée en passant par l’attente et la consultation, et certains résultats clés sont présentés dans l’Encadré 2.

 

  • Évaluer objectivement la qualité de l’accueil des propriétaires de chats dans les cliniques vétérinaires sélectionnées, grâce à des visites de clients mystère.
  • Fournir des recommandations pratiques aux cliniques participantes pour éventuellement progresser, en utilisant les informations fournies par l’AAFP et Royal Canin.
  • Fournir des recommandations sur la manière d’affiner et d’améliorer le processus de certification de l’AAFP en matière d’accueil des chats.
Encadré 1. Les trois objectifs de recherche de l’enquête.

 

  • 42 % des appels initiaux incluaient des conseils au propriétaire sur la façon de transporter le chat à la clinique avec un minimum de stress.
  • 40 % des propriétaires de chats seulement étaient conduits directement en salle de consultation à leur arrivée à la clinique.
  • 55 % des cliniques disposaient d’un espace séparé pour les chats dans la salle d’attente.
  • 79 % des propriétaires constataient la présence d’une serviette ou d’un tapis sur la table d’examen pendant l’examen du chat.
  • 80 % des cliniciens se sont intéressés au régime et aux habitudes alimentaires du chat pendant la consultation mais seulement 55 % ont effectivement donné des conseils nutritionnels.
Encadré 2. Quelques conclusions majeures tirées de l’étude américaine.

ZMOT
(moment de vérité zéro)
Il y a au moins le même nombre de photos de chats que de chiens sur le site web de la clinique ou sur sa page Facebook (consultez les 20 derniers messages).
Appel téléphonique Vous avez reçu de bons conseils sur la manière d’emmener votre chat à la clinique (comment le mettre dans sa boîte de transport, comment installer la boîte de transport dans la voiture, comment utiliser un spray calmant…)
Clinique
Pas d’odeurs désagréables dans la clinique
Vous êtes conduit directement en salle de consultation (pas de temps passé en salle d’attente)
Salle d’attente
Un espace séparé pour les chats est disponible en salle d’attente.
Il n’y a pas de bruit à l’accueil (par exemple, la sonnerie du téléphone est très faible, pas de vidéo bruyante, etc.).
Aucun chien n’aboie en salle d’attente ou n’essaie d’atteindre votre chat.
Il y a des étagères ou un support pour poser la boîte de transport de votre chat en hauteur.
Mise en avant des aliments
Les aliments pour chats sont visibles sur les présentoirs.
Les aliments pour chats sont faciles à trouver (séparés des aliments pour chiens).
Le prix des aliments pour chats est affiché sur les sacs et les étagères.
Consultation
Le vétérinaire a manipulé votre chat avec respect.
Il y a une serviette ou un tapis sur la table d’examen pour éviter tout contact avec la surface froide.
Le vétérinaire a demandé ce que votre chat mange, en quelle quantité et quelles sont ses habitudes alimentaires.
Le vétérinaire ou l’ASV vous ont donné des conseils nutritionnels.
Figure 2. Les 15 critères COPE qui ont été développés pour l’enquête couvrent chaque étape du parcours client, de la pré-visite à l’arrivée en passant par l’attente et la consultation.

 

1 Brian S. Zaff, directeur de recherches, CSS ([email protected]).

Il convient ici de souligner que, pour un propriétaire de chat, le parcours client commence bien avant qu’il entre pour la première fois dans la clinique vétérinaire. Il commence dès que le propriétaire cherche des informations à propos de la clinique : avis trouvés sur Internet, recommandations d’amis, de la famille et d’autres personnes (travaillant, par exemple, dans une animalerie ou un salon de toilettage) ; l’apparence extérieure de la clinique et son implication dans la communauté locale sont aussi importantes. Cette première étape de collecte de renseignements est appelée « moment de vérité zéro » (ZMOT) et elle décrit la façon dont les propriétaires de chats se font une idée de la clinique et du niveau de soins espéré pour eux et leurs animaux.

L’enquête a d’abord été réalisée dans quelques cliniques vétérinaires de la région d’Atlanta, aux États-Unis 3. En partenariat avec Royal Canin, et en utilisant les résultats de l’enquête, l’auteur a ensuite travaillé avec six des cliniques participantes pour concevoir un programme de formation qui permettrait à chaque clinique vétérinaire de développer un plan d’action visant à améliorer l’expérience féline au sein de la clinique. Le programme final suivant a été adopté :

  • un questionnaire de pré-visite, basé sur les critères utilisés dans l’étude avec les clients mystère, était initialement envoyé à la direction de la clinique pour être complété, à des fins d’autoévaluation ;
  • une visite était ensuite programmée pour toute l’équipe de la clinique ;
  • la première heure de la visite consistait à observer le déroulement des consultations, à questionner les membres de l’équipe et à évaluer la « félinité » de la clinique ;
  • pendant une deuxième heure, l’ensemble de l’équipe était réunie (Figure 3) ; une présentation PowerPoint expliquait le projet COPE et proposait dix conseils pour mieux accueillir les chats à la clinique, ainsi que d’autres conseils utiles concernant les patients félins et leurs propriétaire.
  • la dernière heure était consacrée à une réunion (Figure 4) avec le personnel divisé en petits groupes ; chaque membre de l’équipe devait réfléchir à une action susceptible d’améliorer la qualité des soins aux chats et être responsable de sa mise en œuvre.
Une réunion à laquelle l’ensemble du personnel de la clinique est convié est une étape essentielle pour commencer à accorder plus d’attention aux chats à la clinique.

Figure 3. Une réunion à laquelle l’ensemble du personnel de la clinique est convié est une étape essentielle pour commencer à accorder plus d’attention aux chats à la clinique. 
© Black Dog Productions

De nombreux membres du personnel d’une clinique vétérinaire peuvent se sentir négligés et laissés de côté par l’encadrement ; des discussions permettront aux différentes équipes de la clinique d’évaluer leurs pratiques et d’identifier les points à travailler pour rendre la clinique plus accueillante pour les chats.

Figure 4. De nombreux membres du personnel d’une clinique vétérinaire peuvent se sentir négligés et laissés de côté par l’encadrement ; des discussions permettront aux différentes équipes de la clinique d’évaluer leurs pratiques et d’identifier les points à travailler pour rendre la clinique plus accueillante pour les chats. 
© Black Dog Productions

Idéalement, ce programme devrait être mené avec toutes les cliniques vétérinaires qui le souhaitaient. Dans la pratique, cette étude pilote pourra peut-être aider d’autres cliniques grâce au partage d’expérience, à l’identification des facteurs clés de succès et à l’accès à des ressources pour améliorer le parcours du chat et de son propriétaire au sein de la clinique. Quelques conseils utiles suivent, pour aider à mettre en œuvre ce programme avec succès.

Réunissez votre équipe et comprenez le « pourquoi »  

L’élément le plus important pour faire évoluer la clinique vers une meilleure prise en charge des chats est de faire participer toute l’équipe et de s’assurer qu’elle comprend bien l’importance de « penser chat ». Cela permettra de communiquer un message cohérent aux clients. Malheureusement, beaucoup d’idées fausses circulent encore, dans le domaine vétérinaire, à propos du comportement des chats, de la médecine féline, de la gestion du stress et même de la nutrition féline. La présentation faite aux équipes abordait un grand nombre de ces idées préconçues, tant du point de vue de l’industrie que des clients, et montrait comment les identifier et changer de point de vue.

Étudier le parcours du chat et de son propriétaire

Une clinique vétérinaire ne réalise pas toujours à quel point son fonctionnement peut provoquer le mécontentement des propriétaires ; par exemple, devoir attendre dans une pièce bondée de chiens sera très perturbant pour un propriétaire de chat.

Figure 5. Une clinique vétérinaire ne réalise pas toujours à quel point son fonctionnement peut provoquer le mécontentement des propriétaires ; par exemple, devoir attendre dans une pièce bondée de chiens sera très perturbant pour un propriétaire de chat. 
© Shutterstock

Seules quelques cliniques vétérinaires ont pu participer à l’étude initiale avec les clients mystère, qui visait à analyser objectivement le parcours d’un propriétaire de chat à la clinique, mais c’est une chose que chaque clinique peut tenter à son échelle, en interne. L’équipe dirigeant la clinique peut également s’inspirer des principaux objectifs de l’étude avec les clients mystère et tenter d’autoévaluer honnêtement les différents points de contact avec les clients : le premier appel téléphonique, l’accueil, l’attente (Figure 5), la consultation (Figure 6) sans oublier le règlement et le départ (Figure 7). Bien que cela puisse prendre du temps, cette analyse est précieuse. Nous sommes souvent très sévères envers nous-mêmes et une évaluation interne nous oblige à porter un regard critique sur tous les aspects de la clinique, en particulier dans les domaines que nous ne maîtrisons pas directement au quotidien. Par exemple, envoyez-vous un questionnaire après chaque rendez-vous pour que les clients puissent réagir en temps réel ? Si ce n’est pas le cas, c’est une démarche à encourager car elle fait partie des bonnes pratiques commerciales.

Les propriétaires de chats jugent la clinique sur plusieurs critères mais l’un des plus importants est la façon dont les vétérinaires interagissent avec leur chat sur la table d’examen.

Figure 6. Les propriétaires de chats jugent la clinique sur plusieurs critères mais l’un des plus importants est la façon dont les vétérinaires interagissent avec leur chat sur la table d’examen. 
© Shutterstock

Une autoévaluation honnête des différents points de contact entre le client et la clinique (du premier appel téléphonique au paiement final) est essentielle pour bien analyser l’accueil réservé aux chats et à leurs propriétaires à la clinique.

Figure 7. Une autoévaluation honnête des différents points de contact entre le client et la clinique (du premier appel téléphonique au paiement final) est essentielle pour bien analyser l’accueil réservé aux chats et à leurs propriétaires à la clinique. 
© Shutterstock

Nommez un « champion » ou un(e) spécialiste du chat

Les visites de cliniques ont montré un résultat inattendu : l’importance de l’autonomie des équipes techniques et l’émergence d’un spécialiste des chats à la clinique. Dans les cliniques vétérinaires, trop souvent, seules quelques voix se font entendre et ce sont généralement celles du propriétaire, du directeur médical, du responsable de la clinique et des superviseurs. Cette situation est contre-productive quand il s’agit de se concentrer sur le chat et sur tous les aspects du parcours client. Tout comme nos clients propriétaires de chats, certains membres de l’équipe peuvent se sentir négligés, peu importants et déconsidérés. Cette démarche est donc une formidable opportunité de mettre l’accent sur le chat au sein de la clinique mais aussi d’améliorer la culture de l’entreprise et le statut de certains membres de l’équipe. Créez un poste de spécialiste des chats et donnez à cette personne la liberté et l’autorité de créer une commission axée sur les chats afin d’explorer le parcours félin dans la clinique. Des ressources et de la formation seront mises à sa disposition afin d’apprendre à mieux manipuler les chats, à utiliser des phéromones, à donner des conseils quant au transport des chats, etc. Elle pourra aussi déléguer des responsabilités quant à la conception des outils numériques et à l’actualisation des médias sociaux sur le sujet.

Natalie L. Marks

Trop souvent, lors des réunions en clinique vétérinaire, seules quelques voix se font entendre, généralement celles des managers ; donner plus de pouvoir aux équipes techniques peut pourtant changer la donne lorsqu’il s’agit de rendre la clinique plus accueillante pour les chats.

Natalie L. Marks

Organisez des séances de formation

Au final, il est presque impossible de créer et de maintenir de nouvelles habitudes durables sans suivi, renforcement, évaluation ou répétition. Une fois que chaque membre de l’équipe a ses objectifs, il faut créer un plan d’action et aborder les points suivants :

  • Que faut-il pour mettre en œuvre ces propositions ?
  • Quelles équipes doivent être coordonnées ?
  • Quel est le coût de ces propositions et le temps nécessaire pour les mettre en œuvre ?
  • Quelle est la date limite pour appliquer le plan ?

Il est important de souligner que chaque membre de l’équipe ne pourra peut-être pas réaliser individuellement certains des points du plan et que la participation de la direction ou du « spécialiste des chats » à la clinique pourra se révéler nécessaire.

Une fois que tous les plans ont été créés, ils doivent être soumis aux superviseurs et à la direction, et un « comité félin » doit être formé ; celui-ci inclura le spécialiste des chats et tous les autres membres et chefs d’équipe clés au sein de la clinique. Ce comité a trois objectifs : il établira des calendriers pour la mise en œuvre pratique des mesures à prendre, il permettra à toutes les équipes de s’exprimer sur la manière dont un nouveau processus ou protocole influeront sur la clinique afin d’optimiser le déroulement des opérations, et il constituera une seconde paire d’yeux pour responsabiliser les membres de l’équipe.

L’attention se tournant de plus en plus vers le chat, il faut espérer que ces programmes se répandent, soient largement acceptés et considérés comme une composante essentielle de la formation des équipes vétérinaires. La profession devrait être prête à s’engager dans des projets avant-gardistes comme celui-ci, afin de faire évoluer positivement la perception des patients félins et de leurs propriétaires dans le monde entier.

Bibliographie

  1. Volk JO, Felsted, KE, Thomas JG, et al. Executive summary of the Bayer veterinary care usage study. J Am Vet Med Assoc 2011;238;1275-1282.
  2. https://catvets.com/education/solutions-increase-cat-visits Accessed 21st March 2020
  3. Lambert A. Improving the cat owner experience. Vet Focus 2020;30.2;20-24.
Natalie L. Marks

Natalie L. Marks

Le Dr Marks est diplômée de l'Université de l'Illinois depuis 2002. Avant d’accéder à son poste actuel en 2006, elle a travaillé en clientèle généraliste pour En savoir plus

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