Consolidation des établissements de soins vétérinaires
Depuis environ deux décennies, le phénomène de consolidation des cliniques vétérinaires a pris une ampleur phénoménale...
Numéro du magazine 30.3 Autre scientifique
Publié 10/12/2020
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Selon Tara Edwards, les chiens d’utilité jouent un rôle important dans notre société, et la responsabilité du vétérinaire est de veiller à ce que ces chiens atteignent et gardent un état de santé optimal.
Les chiens d’utilité présentent un risque élevé de troubles orthopédiques et de blessures musculo-squelettiques, surtout à cause de prédispositions raciales et de leur engagement sur le terrain.
Un programme d’entraînement peut jouer un rôle précieux pour améliorer la condition physique, accroître les performances et réduire le risque de blessures ultérieures.
Pendant la convalescence après une blessure, un programme de rééducation est nécessaire pour s’assurer que les tissus sont capables de résister au stress du travail et pour réduire le risque de récidive.
Des évaluations régulières par le vétérinaire et le maître-chien permettent d’identifier précocement des anomalies ou des blessures, permettant ainsi d’intervenir avec plus de succès.
En 2016, nous avons dit au revoir au dernier chien d’utilité qui a participé aux opérations de sauvetage du 11 septembre à Ground Zero ; des moments comme celui-ci nous rappellent à quel point nous comptons sur ces chiens héros qui nous servent et nous protègent loyalement. Des brigades canines sont maintenant couramment employées dans la recherche et le sauvetage, le maintien de l’ordre, les opérations militaires et d’autres aspects de la sécurité ; en Amérique du Nord, ils sont notamment utilisés par le Federal Bureau of Investigation, les douanes, l’administration de la sécurité des transports, les forces armées canadiennes et le ministère de la Défense nationale. Les tâches exécutées par ces chiens varient énormément et peuvent inclure : la patrouille, le pistage, la détection (explosifs, armes à feu, munitions, drogues et cadavres), la dissuasion, ainsi que la recherche et le sauvetage de personnes disparues ou victimes d’un événement touchant toute une population (Figure 1). Les chiens d’utilité sont des membres précieux d’une équipe plus grande, et ils jouent un rôle incroyablement important pour garantir et améliorer notre sécurité. À cause de leurs tâches quotidiennes et du fait qu’ils sont susceptibles de travailler dans des situations très risquées, les soins vétérinaires préventifs doivent chercher à assurer leur sécurité, à leur éviter des blessures et à favoriser la longévité de leur carrière.
Selon leur mission, les chiens de travail ont des silhouettes et des tailles variées pour que leur conformation s’adapte au mieux à l’exécution de leurs tâches spécifiques. Les races de chiens d’utilité le plus souvent rencontrées sont, entre autres, le berger allemand, le berger belge malinois (Figure 2), le labrador retriever, le rottweiler et le beagle. Les maladies orthopédiques héréditaires telles que les dysplasies du coude et de la hanche, la dégénérescence des disques intervertébraux, la luxation de la rotule et la rupture du ligament croisé crânial sont particulièrement fréquentes chez ces races 1. Une étude ayant examiné la prévalence des affections musculo-squelettiques chez les chiens de travail et d’utilité a ainsi révélé que 41 % d’entre eux souffraient manifestement d’une affection orthopédique sous-jacente 2!
D’autres dangers sont également présents. Les chiens déployés sur les lieux d’une catastrophe sont souvent victimes de déshydratation et de troubles gastro-intestinaux. Les chiens de recherche et de sauvetage sont aussi exposés à des blessures superficielles (par exemple, des plaies ou des abrasions des coussinets et des griffes) en raison de l’environnement agressif 3 4 (Figure 3). Chez les chiens militaires et policiers, la détresse émotionnelle et des traumatismes graves occasionnés par des armes font partie des risques inhérents à leur travail.
Les personnes qui travaillent avec des chiens d’utilité doivent être non seulement capables de leur fournir des soins en urgence mais aussi de traiter de nombreux autres problèmes. En plus des affections orthopédiques sous-jacentes, jusqu’à 14 % des blessures (non liées aux combats) chez les chiens d’utilité concernent le système musculo-squelettique 5, et celles-ci peuvent aussi avoir des conséquences sur les performances et la longévité de la carrière du chien. Par exemple, des enquêtes rétrospectives auprès des propriétaires de chiens d’agility ont montré qu’environ 30 % des chiens de compétition avaient présenté au moins une blessure liée au sport 6 7 ; les lésions documentées étaient dues à des chocs contre des objets et à des mouvements incontrôlés tels que les virages, les torsions, les glissades et les chutes. De nombreuses lésions concernaient les tissus mous, surtout au niveau des épaules, du dos et du cou, et il est probable qu’une grande partie de ces blessures étaient dues à une utilisation excessive du chien, chronique et répétitive. Comme les chiens d’utilité sont confrontés à des environnements imprévisibles, des terrains irréguliers, des obstacles variés, et qu’ils évoluent à grande vitesse, ils sont susceptibles de présenter des lésions similaires à celles des chiens d’agility, suite à une utilisation excessive chronique. Certaines blessures et problèmes courants sont en effet identifiés chez les chiens d’utilité.
Les articulations du carpe et de l’épaule sont susceptibles de souffrir d’impacts consécutifs aux sauts. Les lésions d’hyperextension du carpe sont généralement d’origine traumatique et résultent de sauts en hauteur ou du travail sur un terrain accidenté. Le carpe est une structure complexe dont la stabilité est assurée par des ligaments, des tendons et le fibrocartilage palmaire. Des sauts répétés pourraient augmenter significativement le risque de dégénérescence de ces structures de soutien. Ces chiens pourraient donc bénéficier d’un aménagement particulier pour sortir des véhicules de service.
Il s’agit d’une affection particulière des tissus mous qui provoque une boiterie biomécanique touchant les membres postérieurs. Les chiens de berger sportifs semblent être les plus sensibles à ce problème : des publications indiquent que 90 % des chiens affectés sont des bergers allemands ou belges, dont environ 40 % participent activement à un travail de protection 8. Cette maladie entraîne le remplacement du tissu musculaire normal par du tissu conjonctif fibreux et non élastique, et affecte principalement les muscles gracile et semi-tendineux, qui partagent des caractéristiques communes (Encadré 1). Il en résulte un raccourcissement fonctionnel des muscles affectés et une boiterie mécanique due à l’incapacité d’étendre le grasset. Ce processus fibreux peut être déclenché par des microtraumatismes chroniques de faible intensité sur les fibres musculaires, à cause d’une activité excessive et explosive. Le traitement ou la stratégie d’intervention la plus efficace sont encore inconnus, mais si cette affection est liée à des lésions musculaires répétées, un programme d’étirement ciblé pourrait être utile pour réduire sa prévalence. Des évaluations myofasciales régulières peuvent également faciliter la détection précoce et éventuellement favoriser des interventions plus efficaces dans le futur.
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La tendance à l’augmentation de la prévalence de la sténose lombosacrée dégénérative est préoccupante chez les chiens militaires, car elle risque non seulement d’abréger leur carrière, mais aussi de nuire à la qualité et à la durée de vie de ces chiens. Une étude s’est penchée sur les dossiers médicaux de 927 chiens militaires et a constaté que, parmi les causes courantes d’euthanasie, les maladies articulaires dégénératives étaient impliquées dans 19,2 % des cas, et les douleurs médullaires ou le syndrome de la queue de cheval dans 15,6 % des cas 9. Une autre étude a montré que 30 % des chiens militaires souffraient d’affections médullaires et qu’elles étaient une cause courante de réforme 10. Les contraintes liées à l’activité physique et les caractéristiques anatomiques associées à chaque race peuvent favoriser des remaniements dans la région lombosacrée et provoquer une sténose lombosacrée dégénérative à l’origine d’altérations biomécaniques, de douleurs nerveuses ou neuropathiques et d’un dysfonctionnement neurologique 11 (Figure 4).
Pour les chiens athlètes et la médecine vétérinaire du sport, tenter de prévenir les blessures est un élément important. Il est crucial d’éviter les problèmes chez les chiens d’utilité, car les blessures finissent par avoir un impact sur leurs performances individuelles et ces chiens risquent d’être réformés prématurément à cause des blessures subies. De nombreux chiens ont été sélectionnés parce qu’ils présentent la conformation et les caractéristiques comportementales souhaitées pour effectuer leur travail de manière efficace et efficiente. Notre rôle est de les aider à travailler sans se blesser, en agissant sur leur condition physique.
Tara R. Edwards
Une bonne condition physique aux deux extrémités de la laisse est nécessaire pour qu’une équipe fonctionne bien. Un programme d’entraînement présente donc de nombreux avantages : il augmente le niveau de performance, réduit le risque de lésions et améliore la récupération après une blessure. Ce programme doit être ciblé sur les besoins et les missions spécifiques de chaque chien, car leurs différentes tâches s’accompagnent d’exigences physiques et de stress différents pour l’organisme. Historiquement, l’entraînement adéquat des chiens d’utilité a souvent pâti d’un manque de temps, mais comme il conditionne la longévité et la durabilité du travail du chien, les bénéfices l’emportent sur les contraintes. Idéalement, l’entraînement doit être considéré comme une activité additionnelle et distincte du dressage et du travail du chien.
Le programme d’entraînement des chiens qui requièrent une amélioration de leur endurance visera l’utilisation maximale de l’oxygène, tandis qu’un programme pour des chiens travaillant en force privilégiera l’augmentation de la puissance et l’accélération. Un haut niveau d’endurance est important pour les chiens d’utilité qui travaillent sur des séquences longues (comme le pistage) tandis que la puissance est nécessaire aux chiens devant fournir des efforts intenses et courts 12. Les chiens d’utilité sont des athlètes qui ont besoin d’associer un entraînement en aérobie et en anaérobie pour améliorer leur puissance et leur endurance. Le premier objectif d’un programme d’entraînement est d’optimiser la condition physique du chien et d’améliorer à la fois ses systèmes cardio-vasculaire et musculo-squelettique. Le programme doit permettre d’augmenter progressivement la durée, la fréquence et l’intensité des exercices pour permettre aux systèmes cardio-vasculaire et musculo-squelettique de s’adapter. Un programme d’entraînement idéal inclura des exercices d’endurance, de puissance, d’équilibre, de force centrale, de proprioception, d’étirements, sans oublier l’échauffement et la récupération.
Tara R. Edwards
L’amélioration de l’endurance du chien d’utilité aide à optimiser les performances et à limiter la fatigue. Les exercices qui conduisent les rythmes cardiaque et respiratoire à accélérer visent à développer l’endurance, une qualité travaillée, par exemple, grâce à la natation et à la course prolongée. Pendant l’entraînement à l’endurance, l’allure à privilégier lors du travail sur terre est le trot, une allure symétrique à deux temps qui fait travailler les deux côtés du corps de manière égale par rapport au galop. Augmenter la durée ou le volume de l’entraînement n’est cependant pas toujours la solution pour gagner en endurance ; chez les athlètes humains de haut niveau, on observe que l’amélioration de l’endurance ne peut être obtenue que par un entraînement fractionné de haute intensité. En d’autres termes, les coureurs de longue distance incluent un programme de course de vitesse à leur entraînement 13.
Un manque d’entraînement peut nuire à l’endurance, entraîner de la fatigue et/ou un épuisement dus à la chaleur. La prévention du coup de chaleur est une préoccupation majeure pour les chiens qui travaillent dans un environnement chaud ou humide, et l’entraînement en endurance permet au corps de réagir plus efficacement. Les maîtres-chiens ne peuvent pas contrôler la température ambiante, mais la condition physique de chaque chien influence sa capacité de thermorégulation et la température interne du corps. Un manque d’entraînement fait augmenter la température corporelle, accroît le halètement et la respiration par la bouche, ce qui finalement nuit à l’olfaction et diminue la capacité de détection des odeurs. Certains médicaments, tels que le métronidazole, peuvent également avoir un impact sur l’olfaction et doivent être évités ou utilisés avec prudence chez les chiens utilisés pour le pistage ou la détection 14.
Chez l’Homme, l’amélioration de la force passe souvent par des exercices de résistance avec des poids ou vise à cultiver la puissance, en associant la force et la vitesse (c’est-à-dire la pliométrie). Chez les athlètes canins, l’entraînement en force consiste à faire se déplacer les chiens sur de courtes distances. Les équipements d’agility sont excellents pour développer la puissance, car les chiens doivent se déplacer au-dessus, au-dessous et à travers des obstacles. Des obstacles tels que les tunnels obligent les chiens à évoluer plus près du sol et sollicitent les groupes musculaires des membres antérieurs au niveau des épaules, notamment les biceps, les triceps et les pectoraux. Dans les parcours d’obstacles, la passerelle, le cadre en A, les marches, les filets et les sauts sollicitent les membres postérieurs et la musculature paravertébrale (Figure 5).
Les muscles centraux du chien comprennent les muscles abdominaux et paravertébraux, qui jouent un rôle important pour stabiliser le corps pendant les mouvements. Développer la force de ces muscles puissants améliore leur fonctionnalité et la capacité à effectuer des mouvements agiles. Les mouvements réalisés par les chiens d’utilité soumettent le dos à un stress important et, sans la force centrale, le dos n’est pas soutenu de manière appropriée et peut être blessé par des rotations et des activités de type explosif (Figure 6). Les chiens atteints de sténose lombosacrée dégénérative présentent une atrophie des muscles paravertébraux, ce qui est également fréquemment constaté chez les humains souffrant de lombalgie chronique 15. Face à des races ou des conformations prédisposées aux affections médullaires, travailler sur les muscles centraux est précieux ; des études sont actuellement en cours pour déterminer l’intérêt potentiel d’un programme d’entraînement pour augmenter la masse musculaire paravertébrale chez les chiens souffrant de douleurs lombosacrées légères ou modérées. Des exercices effectués sur des équipements gonflables mettent l’accent sur l’équilibre et encouragent le développement de la force centrale (Figure 7).
La proprioception fait référence au concept de conscience spatiale, c’est-à-dire la capacité du corps à percevoir le mouvement et à savoir où se trouvent les membres et les articulations dans l’espace. La proprioception est nécessaire au quotidien, mais elle est encore plus essentielle à l’exécution de mouvements sportifs coordonnés et compliqués. Le système proprioceptif est constitué de nerfs spéciaux qui relaient l’information, et ce système peut être perfectionné par l’entraînement, favorisant ainsi la coordination, l’agilité, la stabilité et l’équilibre, tout en réduisant le risque de blessure. Enrichir l’univers de l’entraînement en travaillant sur des terrains variés, des équipements gonflables, des cavalettis et des obstacles d’agility ou des parcours d’obstacles sont des moyens pratiques de stimuler la conscience spatiale d’un chien.
L’étirement consiste à exercer une petite tension sur un muscle ; il améliore non seulement la souplesse musculaire mais aussi la mobilité articulaire. En plus de limiter les blessures musculaires, un programme d’étirements réguliers chez l’Homme peut augmenter la force et la vitesse des contractions musculaires, ce qui se traduit par une plus grande puissance musculaire. En médecine humaine, le consensus fait défaut à propos de l’intérêt potentiel de l’étirement avant l’exercice pour réduire le risque de blessures. S’étirer juste avant un exercice pourrait en fait réduire les performances en diminuant la vitesse et la force des contractions musculaires (16). Le principal bénéfice de l’amélioration de la souplesse musculaire est la réduction du risque de micro-blessures par déchirure. Dans les races qui présentent un risque élevé de développer une myopathie fibreuse, un programme régulier d’étirement des ischio-jambiers peut être bénéfique (Figure 8a) (Figure 8b) (Figure 8c). Les plus grands gains de souplesse sont obtenus lorsque les étirements sont pratiqués régulièrement au fil du temps. Idéalement, les exercices d’étirement devraient être effectués sur des muscles chauds, car l’extensibilité et la compliance des tissus sont alors meilleures. Un programme d’étirement des muscles qui contribue à des actions puissantes et rapides, à faire un jour sur deux, devrait être envisagé pour les chiens athlètes.
Une séance d’échauffement actif fait augmenter la température des muscles et leur assure un apport suffisant en oxygène. Cela leur permet de se contracter plus fortement et améliore l’extensibilité des muscles, réduisant ainsi le risque de blessure. Les muscles qui travaillent sont mieux irrigués par le sang, ce qui favorise l’élimination de l’acide lactique, un sous-produit important des contractions musculaires, qui joue un rôle dans la fatigue. Un simple échauffement de 5 à 10 minutes, à base d’activités modérées telles que la marche et le trot, peut aider à préparer les muscles du chien à un entraînement ou un travail ultérieur plus exigeants. Idéalement, lorsque le temps le permet, l’échauffement avant les exercices, l’entraînement ou le travail aide à améliorer les performances et à prévenir les blessures 17. La durée de l’échauffement sera ajustée en fonction de la température ambiante : l’échauffement sera plus long par temps froid et plus court par temps chaud et/ou humide 18.
La période de récupération serait tout aussi importante que l’exercice ou l’activité principale. Pendant cette période, l’objectif majeur est de ramener lentement la fréquence respiratoire, le rythme cardiaque et la température corporelle à la normale. Comme il a été dit précédemment, des contractions musculaires intenses produisent de l’acide lactique, qui peut entraîner une diminution du pH, une fatigue et un inconfort musculaire. Une récupération de 5 à 10 minutes avec un léger trot suivi d’une marche permet de redistribuer le sang et peut aider à éliminer l’excès de sous-produits du métabolisme. Cette routine de récupération donne également aux chiens d’utilité très motivés l’occasion de se détendre émotionnellement avant d’être enfermés ou ramenés dans un véhicule.
Des blessures sont inévitables en raison de la nature du travail fourni par les chiens d’utilité. Les blessures musculaires sont extrêmement fréquentes chez les athlètes humains et canins, et peuvent être aiguës ou chroniques. Elles peuvent résulter d’une souplesse insuffisante, d’un échauffement inadéquat, de la fatigue, de contractions soudaines et fortes, du déséquilibre des forces et du surentraînement. Les blessures musculaires aiguës sont la conséquence d’une déchirure soudaine des fibres musculaires, tandis que les blessures chroniques résultent de l’accumulation de déchirures mineures qui n’ont jamais guéri de manière appropriée en raison d’une surutilisation constante (Figure 9).
La rééducation consiste à fournir les soins appropriés pour traiter une affection orthopédique ou une blessure musculo-squelettique sous-jacente afin de faciliter la récupération, de limiter le risque de récidive et de favoriser le retour au travail du chien. La plupart des tissus passent par des stades similaires de guérison, c’est-à-dire l’inflammation, la réparation et la maturation. C’est pendant la phase de réparation que la rééducation peut permettre d’optimiser la récupération de la résistance tissulaire (Figure 10). Les étapes typiques de la rééducation comprennent une phase aiguë, une phase intermédiaire, une phase de renforcement avancée et un retour au sport ou à l’entraînement spécifique pour le travail. Les capacités proprioceptives seront souvent amoindries à la suite d’une blessure et peuvent entraîner des changements subtils du contrôle musculaire. Améliorer la proprioception grâce à des exercices spécifiques peut aider à revenir à un niveau compétitif.
Au cours d’une maladie prolongée ou après une chirurgie abdominale (par exemple, une dilatation-torsion de l’estomac, l’extraction d’un corps étranger, une splénectomie), il est important de reconnaître que le corps subit un état de « désentraînement ». Il perd ses capacités cardio-vasculaires et son intégrité musculo-squelettique lorsque l’exercice est limité. Un programme de rééducation structuré sera axé sur le concept de retour progressif à l’activité pour s’assurer que le chien est physiquement prêt, quelle que soit son envie de reprendre le travail.
Pour identifier plus précocement des problèmes musculo-squelettiques chez les chiens d’utilité, il faut pratiquer régulièrement un bilan orthopédique, des examens musculo-squelettiques ou des « évaluations sportives » (Encadré 2) (Figure 11). Des troubles musculo-squelettiques peuvent en effet engendrer une baisse des performances chez ces chiens à cause de douleurs sous-jacentes et accélérer l’évolution d’un processus pathologique dû à une usure excessive.
L’association de l’effort (ou entraînement) et de l’adrénaline chez les chiens d’utilité masquent souvent les premiers signes d’une blessure. Les lésions légères peuvent être difficiles à détecter, car les changements tissulaires sont minimes à l’examen physique. Chez les humains légèrement blessés, le diagnostic repose souvent principalement sur la description de l’inconfort. Il est donc important que les maîtres-chiens procèdent systématiquement à des « évaluations rapides de 5 minutes » de leurs chiens après des séances de travail pénibles (Encadré 3). Des palpations régulières permettent de mieux sentir ce qui est « normal » chez un chien, ce qui augmente les chances de détecter tôt un changement mineur (Figure 12). Être capable de repérer une blessure dès les premiers stades favorise le succès du traitement et empêche qu’une lésion mineure ne progresse ou ne s’aggrave jusqu’à ce qu’un problème chronique altère les performances.
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Encourager le maintien d’une note d’état corporel idéale chez les chiens d’utilité est primordial pour la santé des articulations et les performances du chien à long terme. Les chiens sveltes peuvent mieux accomplir les tâches liées au travail, tandis qu’un excès de poids perturbe leur thermorégulation et nuit à leurs capacités olfactives. Plus la note d’état corporel augmente, plus la pression sur les articulations s’accroît, ainsi que la probabilité de blessures. L’obésité augmente non seulement la fréquence, mais aussi la gravité de l’arthrose. On dit souvent que 20 % des chiens adultes sont touchés par l’arthrose, mais une étude récente a révélé une prévalence de 37 % chez les chiens âgés de plus d’un an 19. Le nombre de chiens en surpoids augmente rapidement et l’association entre l’espérance de vie et la note d’état corporel est prouvée 20 ; chez les chiens soumis à une restriction calorique, l’arthrose se développe plus tardivement et l’espérance de vie est plus longue que celle des chiens nourris à volonté 21 22 23 24.
L’arthrose est la première cause de douleur chez les animaux de compagnie, et cette douleur peut nuire directement aux performances des chiens de sport et d’utilité. En raison des exigences de leur travail, le risque d’usure articulaire excessive est accru chez ces chiens. Les maladies articulaires dégénératives entraînent des modifications des mouvements qui sollicitent alors plus les autres articulations et les autres muscles. Ces phénomènes de compensation peuvent entraîner une fatigue musculaire et augmenter la prédisposition aux blessures. Il est primordial de se concentrer sur la prévention, le dépistage précoce et la mise en œuvre d’un plan multimodal de lutte contre l’arthrose (Encadré 4) pour prolonger la carrière des chiens d’utilité.
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Il faut également souligner que la nutrition joue un rôle important : non seulement elle fournit une source de carburant appropriée, mais elle atténue aussi le risque et la progression de la maladie. Il existe de nombreux compléments et aliments dont l’objectif premier est de favoriser la santé des articulations à long terme. Dans le cadre d’un plan multimodal de lutte contre l’arthrose, les agents chondroprotecteurs qui tendent à ralentir la progression de l’arthrose sont intéressants. Parmi les substances courantes, il faut citer en particulier les acides gras oméga 3 des huiles de poisson (EPA et DHA), les insaponifiables d’avocat et de soja, la curcumine, l’extrait de thé vert, les moules vertes, la glucosamine et le sulfate de chondroïtine.
La médecine préventive des chiens d’utilité a beaucoup progressé et s’appuie sur les examens physiques, les soins dentaires, les examens de laboratoire, la nutrition, le contrôle des parasites et les vaccinations. Dans le domaine émergent de la médecine sportive, il faut s’attacher à protéger la condition physique de ces animaux et à favoriser l’allongement de leur carrière, ce qui renforce finalement le lien entre les maîtres et leurs chiens. Grâce à de bonnes connaissances de base, l’équipe vétérinaire peut jouer un rôle essentiel en mettant en œuvre des stratégies appropriées pour prévenir au maximum les blessures.
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Tara R. Edwards
Le Dr Edwards est diplômée du Western College de médecine vétérinaire depuis 2002 et est thérapeute en rééducation canine depuis 2006. Elle travaille actuellement dans une clinique privée où elle s’occupe du service de rééducation et d'acupuncture. Elle s’intéresse notamment au progrès de la qualité des soins aux animaux gériatriques, à l'amélioration du contrôle de la douleur et aux orthèses vétérinaires. En savoir plus
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