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Numéro du magazine 29.1 Autre scientifique

Tritrichomonas fœtus chez les jeunes chats

Publié 06/06/2019

Ecrit par Dan Thompson

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Português , Español et English

Une diarrhée du côlon est un motif fréquent de consultation vétérinaire pour les jeunes chats et Dan Thompson insiste ici sur le fait que Tritrichomonas fœtus fait partie des causes importantes à envisager lors du diagnostic différentiel.

Tritrichomonas fœtus chez les jeunes chats

Points Clés

Tritrichomonas fœtus est un protozoaire responsable de diarrhées chroniques du côlon chez les jeunes chats.


Le diagnostic doit s’appuyer sur l’observation directe d’un écouvillon de matières fécales au microscope, d’une analyse PCR et d’une coproculture.


C’est chez les chats de pure race et les animaux logés en collectivité que la prévalence de T. fœtus semble la plus élevée. Le partage des bacs à litière et la pratique du toilettage mutuel ont aussi été incriminés comme des facteurs de risque pour l’infection.


Lors de suspicion d’infection par T. fœtus, l’administration empirique d’un traitement antiparasitaire est déconseillée avant d’avoir pratiqué d’autres examens.


Introduction

La diarrhée constitue un motif de consultation vétérinaire fréquent pour les jeunes chats. Les praticiens prennent en général très au sérieux le risque de parasitisme intestinal lorsqu’il s’agit d’identifier la cause d’une diarrhée et de nombreux patients sont ainsi traités empiriquement avec des médicaments antiparasitaires, sans examens complémentaires. Dans beaucoup de cas, cela se révèle efficace : les signes cliniques s’améliorent vite puis disparaissent. Si ces traitements empiriques sont effectivement susceptibles d’agir sur des parasites tels que les Giardia et différents helminthes, ils ne peuvent en revanche pas éliminer Tritrichomonas fœtus, un protozoaire qui ressemble aux Giardia mais dont la présence est moins souvent envisagée. Cette parasitose peut être très frustrante pour les propriétaires de chats et leurs vétérinaires : les signes cliniques semblent en effet d’abord régresser grâce aux médicaments antiparasitaires standards mais ils récidivent souvent rapidement dès que le traitement est arrêté. De plus, le parasite peut être difficile à repérer sauf si on le cherche. Il est probable qu’une meilleure prise en compte de cet agent pathogène permettrait d’accélérer le diagnostic et de traiter plus efficacement les jeunes chats présentant une diarrhée récidivante apparemment réfractaire aux traitements.

Incidence, prévalence et prédispositions

Tritrichomonas fœtus (T. fœtus) a une distribution mondiale et sa prévalence est estimée entre 10 et 59 % 1. Les données plus précises de prévalence géographique sont rares mais une étude faite en Grande-Bretagne a montré qu’environ 20 % des chats apparemment sains pourraient héberger des protozoaires ; une autre enquête a évalué la prévalence de T. fœtus dans des prélèvements de selles provenant de chats diarrhéiques et analysés dans un laboratoire britannique : le parasite était présent dans 14,4 % des échantillons 2. Aux USA, une prévalence plus élevée de T. fœtus a cependant été relevée dans une population de chats d’exposition, soit 31 % 3.

C’est chez les chats de pure race et les animaux logés en collectivité que la prévalence de T. fœtus semble la plus élevée. Il a été montré que les individus vivant en groupe et disposant de peu d’espace étaient aussi plus susceptibles d’être porteurs du parasite, ce qui suggère que la densité de population joue un rôle significatif dans le risque infectieux. Le partage des bacs à litière et la pratique du toilettage mutuel ont aussi été associés à un risque plus élevé d’infection 2 3.

Les chats présentant une diarrhée causée par T. fœtus sont le plus souvent jeunes, 8 mois en moyenne, et plus de 75 % des individus atteints ont moins d’un an. Les chats peuvent cependant être porteurs du parasite à n’importe quel âge et certains d’entre eux développeront des signes cliniques 1 4.

Étiologie et pathogenèse 

T. fœtus mesure environ 10-26 µm de long et 3-5 µm de large, et il a une forme fuselée, souvent qualifiée de « poire ». Chaque parasite possède 3 flagelles antérieurs pour la mobilité.
Figure 1. T. fœtus mesure environ 10-26 µm de long et 3-5 µm de large, et il a une forme fuselée, souvent qualifiée de « poire ». Chaque parasite possède 3 flagelles antérieurs pour la mobilité. © Sandrine Fontègne

T. fœtus est un protozoaire flagellé qui existe seulement sous la forme trophozoïte. A la différence de ce qui passe en cas de giardiose, il n’y a donc pas de formation de kystes et la reproduction a lieu par simple division binaire. Visuellement, les parasites mesurent environ 10 à 26 μm de long et 3 à 5 μm de large et leur forme est fuselée, souvent qualifiée de « poire ». Chaque parasite possède trois flagelles antérieurs (en comparaison Pentatrichomonas en a cinq), permettant au protozoaire d’être mobile (Figure 1) 1 5.

Chez les chats, T. fœtus est d’abord un parasite du tube digestif ; il se fixe essentiellement au niveau du côlon et, à un moins degré, au niveau de l’iléon distal 6. Il provoque une inflammation de la muqueuse responsable d’une colite lymphoplasmocytaire ou neutrophilique 7. Parmi les autres signes cliniques régulièrement relevés, il faut citer l’irritation anale, et une incontinence fécale occasionnelle. Quand il est présent au niveau du côlon, le protozoaire vit au voisinage immédiat de la surface de la muqueuse intestinale, et il est souvent associé aux cellules épithéliales du côlon et aux cryptes. Une fois au contact de la paroi du côlon, les parasites se fixent grâce des interactions spécifiques entre récepteurs et ligands, de sorte que la liaison est à la fois compétitive et saturable. Le lien se crée avec plusieurs molécules en surface des cellules, comme les lectines de l’acide sialique, les lipophosphoglycanes, les cystéine-protéases et les protéines d’adhésion. Une fois fixés, les parasites semblent capables de lyser les immunoglobulines et les lactoferrines, échappant ainsi au système immunitaire 8.

La transmission du parasite a lieu exclusivement par voie oro-fécale. Des trophozoïtes sont excrétés dans les selles des chats contaminés sous forme infestante et consommés par un autre chat. Aucun hôte intermédiaire n’est actuellement identifié, bien qu’il soit prouvé que les trophozoïtes de T. fœtus peuvent survivre à l’ingestion et au transit chez des mollusques gastéropodes terrestres tels que les limaces ; ils restent infestants pour un chat qui les consommerait ensuite (Figure 2) 9. Dans l’environnement, les trophozoïtes peuvent résister plusieurs jours au sein de selles humides mais, dans un environnement sec et aérobie, ils se dessèchent et meurent 10

Le cycle parasitaire de T. fœtus est typiquement direct (oro-fécal) bien que l’infection via l’ingestion de trophozoïtes ayant transité par des mollusques ait été rapportée.
Figure 2. Le cycle parasitaire de T. fœtus est typiquement direct (oro-fécal) bien que l’infection via l’ingestion de trophozoïtes ayant transité par des mollusques ait été rapportée. © Sandrine Fontègne

Présentation clinique

Un chat peut être infesté quel que soit son âge, sa race ou son sexe. Cliniquement, l’affection se manifeste classiquement par une diarrhée chronique et fluctuante du côlon. Les selles sont souvent semi-formées (en bouse de vache) plutôt que liquides et dans certains cas, du sang en nature ou du mucus sont présents. Du ténesme n’est pas rare et certains individus deviennent partiellement incontinents, par intermittence. Les selles sont souvent très malodorantes. A cause de la diarrhée et de l’augmentation du toilettage qui en découle (Figure 3), un érythème important et un œdème de la région périnéale et de l’anus se développent fréquemment, qui peuvent paraître douloureux pour le chat. Un prolapsus rectal apparaît parfois, conséquence de l’inflammation et du ténesme 1 5

Chez un chat infecté, la diarrhée peut conduire à un toilettage excessif et favoriser le développement d’un érythème et d’un œdème importants en région périnéale.
Figure 3. Chez un chat infecté, la diarrhée peut conduire à un toilettage excessif et favoriser le développement d’un érythème et d’un œdème importants en région périnéale. © Shutterstock

En dehors de la diarrhée et de l’inflammation de la région périnéale, la plupart des chats affectés paraissent en général en bonne santé. Certains semblent un peu chétifs et la note d’état corporel peut parfois diminuer excessivement. Les autres anomalies décrites ne sont pas spécifiques (par exemple : pelage de mauvaise qualité) mais aucune autre anomalie clinique spécifique n’est à rechercher 1 5.

Diagnostic

Un signalement et des commémoratifs compatibles avec Tritrichomonas fœtus doivent créer la suspicion. Le diagnostic différentiel est présenté dans le Tableau 1 et un examen clinique détaillé s’impose pour faire la différence entre T. fœtus et d’autres affections. 

 

• Cause parasitaire ; par exemple : Cystoisospora, Cryptosporidia, helminthes
• Cause bactérienne ; par exemple : C. perfringens, E. coli, Salmonella spp.
• Intolérance ou hypersensibilité alimentaire
• Maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI)
• Médicaments/toxines
• Tumeur
• Maladie rénale
• Pancréatite
• Toxoplasmose
• Cause virale ; par exemple : FIV, FeLV, PIF, FCoV
• Sténose
• Stress
Tableau 1. Diagnostic différentiel des diarrhées du côlon chez les chats.

 

En cas d’infection à T. fœtus, l’analyse de sang classique ne montre généralement rien de spécifique et les valeurs se situent souvent à l’intérieur des intervalles de références. Etant donné que les patients les plus à risque vis-à-vis de T. fœtus sont jeunes, il est cependant important de ne pas surinterpréter certaines anomalies parfois notées à l’analyse de sang, comme l’augmentation des phosphatases alcalines et des phosphates. D’autres paramètres peuvent avoir évolué à cause des signes cliniques chroniques. Les modifications électrolytiques induites par la diarrhée, en particulier l’hypokaliémie, l’hyponatrémie et l’hypochlorémie, sont les exemples les plus fréquents. Il s’agit en général de modifications modérées et subcliniques, bien que des variations plus importantes puissent survenir en cas d’infection sévère 1 5.

Bien que T. fœtus n’entraîne aucune modification spécifique à l’analyse de sang, cet examen fait quand même partie intégrante du bilan clinique et du diagnostic différentiel, afin de pouvoir exclure d’autres causes, repérer des comorbidités et évaluer les modifications électrolytiques qui ont besoin d’être prises en compte lors du traitement.

De même que l’analyse de sang, l’imagerie diagnostique apporte peu d’informations spécifiques chez les chats infectés par T. fœtus 5. Dans les cas graves où la colite est importante, un épaississement de la muqueuse du côlon peut être visible à l’échographie (localement ou de manière diffuse), bien que l’absence de ce type de signes ne permette pas d’exclure l’hypothèse parasitaire. Lorsqu’un épaississement de la muqueuse est observé, la structure de la paroi intestinale n’est normalement pas modifiée ; sinon, cela oriente vers une suspicion d’affection tumorale infiltrative plutôt que vers T. fœtus.

Comme pour l’analyse de sang, il y a quand même de bonnes raisons de faire appel à l’imagerie dans ces cas-là. L’absence d’autres éléments cliniques confirme indirectement le fait que T. fœtus puisse être l’agent causal et l’imagerie est un outil utile au diagnostic différentiel.

Diagnostic définitif

La mise en évidence définitive de T. fœtus peut être faite soit par la visualisation directe des protozoaires, soit par un test PCR (polymerase chain reaction) sur les selles. Une coproculture peut aussi être réalisée avant de préparer l’échantillon destiné à la PCR, pour augmenter le nombre de parasites présents et donc améliorer la sensibilité du test.

La visualisation directe se fait via l’observation au microscope optique d’un frottis de matières fécales. Cet examen relativement simple, qui ne nécessite qu’un microscope et des lames, sera idéalement fait en première intention pour identifier T. fœtus. Il doit donc être pratiqué systématiquement lors de la première consultation lorsqu’un chat présente une diarrhée du côlon. Lorsqu’on observe un frottis de matières fécales au microscope optique, il faut savoir que les Giardia et Pentatrichomonas hominis peuvent ressembler beaucoup à T. fœtus ; il faut donc faire attention à bien identifier tous les parasites observés 3 11. Ceci est important pour le traitement ultérieur car P. hominis est un protozoaire non-pathogène qui ne nécessite pas de traitement 1, alors qu’une giardiose répond en général mieux au traitement que T. fœtus. Contrairement à ce dernier, les Giardia peuvent être éliminées avec des médicaments antiparasitaires classiques.

Les frottis peuvent être préparés à partir de plusieurs échantillons. La technique la plus simple consiste à prélever des selles lors d’une défécation spontanée mais si le patient refuse de déféquer dans l’environnement hospitalier, d’autres méthodes peuvent être envisagées. Il est important de noter que des échantillons prélevés à partir de selles normales, non-diarrhéiques, donneront rarement un résultat positif et il est donc déconseillé de faire le test sur ce type d’échantillons 1.

Un prélèvement de selles peut aussi se faire à l’intérieur du côlon à l’aide d’une boucle rectale ou après rinçage. 1. Le rinçage du côlon se fait comme un rinçage trachéal, sauf que le liquide est injecté dans le rectum et le côlon pendant que le chat est tranquillisé. Après l’injection, une palpation transabdominale douce du gros intestin peut être effectuée, pour favoriser le mélange, avant d’aspirer le liquide. Cette technique produit deux types d’échantillons : le premier est une suspension qui sera versée sur une lame afin d’obtenir une préparation humide destinée à l’observation au microscope optique ; le second est un prélèvement plus important, qui sera centrifugé pour produire une petite sphère servant ensuite de support à la PCR.

Un frottis de matières fécales destiné à être examiné sera produit en mode humide. A partir des échantillons obtenus par rinçage du côlon, une goutte de matériel en suspension sera immédiatement placée sur une lame et séchée à l’air. Quant aux prélèvements faits à partir de selles diarrhéiques ou à l’aide d’une boucle rectale, ils seront d’abord suspendus dans une solution saline avant de suivre la même procédure. Une fois sec, l’échantillon sera fixé et coloré en utilisant la coloration de Romanowsky pour faciliter la visualisation. Après avoir posé une lamelle au-dessus, l’échantillon sera observé au microscope optique en grossissant 20 à 40 fois. Descendre le condenseur facilite l’identification.

Il est nécessaire d’observer un frottis quand il est frais (maximum 6h après le prélèvement) 10 et l’envoi à un laboratoire externe n’est donc pas idéal. Après six heures, la sensibilité du test diagnostique de T. fœtus à partir d’un frottis commence à diminuer et il est donc recommandé de l’examiner à la clinique, juste après l’avoir préparé 12. L’examen d’un frottis de matières fécales est une technique très simple et économique de diagnostic ; ce test présente une très haute spécificité (l’identification apparente du parasite signifie que l’infestation est très vraisemblable) mais la sensibilité est faible. Une étude a montré que, avec un seul frottis, la sensibilité de l’examen n’est que de 14 % ; il est donc hautement recommandé d’examiner plusieurs frottis, préparés à partir de plusieurs prélèvements, pour augmenter les chances d’identifier le parasite 3. La sensibilité peut être encore diminuée si des contaminants sont présents dans l’échantillon, comme de la litière. Lorsque des prélèvements sont envoyés à un laboratoire extérieur pour analyse, il est souhaitable que ces contaminants soient enlevés avant l’envoi 12. La sensibilité du test est également altérée par des médicaments antimicrobiens, tels que le métronidazole, et tous les traitements antimicrobiens devraient donc être arrêtés plusieurs jours au moins avant l’examen, pour limiter leurs effets 1.

Dan Thompson

Une meilleure prise en compte de Tritrichomonas fœtus permettrait d’accélérer le diagnostic et de traiter plus efficacement les jeunes chats présentant une diarrhée apparemment réfractaire ou récurrente.

Dan Thompson

L’analyse PCR des selles est une technique alternative d’identification de T. fœtus. Cela peut être fait en première intention mais ce test est plus cher et prend plus de temps que l’examen d’un frottis de matières fécales. Il est donc souvent réalisé lorsque le frottis est négatif. Etant donné la faible sensibilité de la coproscopie, lorsque l’on suspecte la présence de T. fœtus mais que l’examen microscopique ne donne rien, une PCR doit être réalisée. Ce test peut aussi servir à confirmer le diagnostic fait, s’il existe un doute concernant l’identification du parasite.

La PCR est basée sur la détection de certaines portions hautement conservées du génome de T. fœtus et il s’agit ici en général d’amorces pour les gènes ITS1 et ITS2 13. La PCR détecte à la fois des parasites vivants et morts ; une dizaine de parasites au sein d’un échantillon pourraient être suffisants pour la détection 14. La sensibilité de la PCR n’a pas été publiée, bien qu’elle soit certainement bien plus élevée que celle de l’examen d’un frottis de matières fécales. Il est aussi probable qu’elle dépend de la densité des parasites au sein de l’échantillon : plus il y en a, plus la sensibilité est importante.

L’analyse PCR possède une caractéristique importante : sa haute spécificité envers Tritrichomonas. Cela signifie que, quand un chat est porteur de Giardia ou de Pentatrichomonas pouvant être confondus avec T. fœtus sur un frottis, la PCR ne détectera pas ces autres parasites et sera négative sauf s’il existe une co-infection avec T. fœtus 11. Cela fait de la PCR un test de confirmation fiable après identification sur un frottis et dans tous les cas, il est fortement recommandé de réaliser ce test en parallèle de l’examen coproscopique 15.

Les échantillons destinés à la PCR peuvent être préparés de la même manière que ceux destinés à un frottis. Afin d’augmenter la sensibilité du test, il est à nouveau recommandé de mélanger plusieurs prélèvements réalisés à des jours différents car une excrétion intermittente a été rapportée 7. Les prélèvements faits lors de diarrhée peuvent être envoyés à l’état frais ou le produit de rinçage du côlon peut être centrifugé pour produire une petite sphère qui sera soumise à l’analyse.  

Bien que la sensibilité de la PCR soit sans doute plus élevée que celle d’un frottis de matières fécales, ce test peut aussi produire des résultats faussement négatifs lorsque le nombre de parasites est très faible. Mettre préalablement le prélèvement en culture pour augmenter le nombre de parasites peut permettre d’accroître la sensibilité du test. 

Un kit commercial pour la culture de T. fœtus à partir de prélèvements de matières fécales est disponible dans de nombreux pays.
Figure 4. Un kit commercial pour la culture de T. fœtus à partir de prélèvements de matières fécales est disponible dans de nombreux pays. © Biomed Diagnostics/Vetlab

Un kit commercial (Figure 4) de culture de T. fœtus à partir de prélèvements de selles est disponible 1. Ce kit est une unité fermée dans laquelle un petit morceau de matières fécales (à peu près de la taille d’un grain de riz) est introduit. La culture dure environ 72 heures si le sachet est incubée à 37oC mais à température ambiante, cela peut prendre jusqu’à 12 jours 16. L’inconvénient de ce test est donc qu’il peut largement allonger le délai nécessaire au diagnostic mais il présente aussi des avantages. D’abord, disposer d’un plus grand nombre de parasites améliore la sensibilité de l’écouvillon de matières fécales et de la PCR. Ensuite, le kit contient certains inhibiteurs de croissance qui empêchent la co-culture de Giardia ou de Pentatrichomonas. Ces inhibiteurs préviennent le développement de ces deux parasites et tout protozoaire détecté sur un frottis après la culture sera donc très probablement T. fœtus plutôt qu’un autre parasite 16.

1 « InPouch TF » (Biomed Diagnostics, White City, OR)

Selon les informations ci-dessus, le « gold standard » de la mise en évidence de Tritrichomonas fœtus consiste à faire une coproculture suivie d’un examen microscopique d’un frottis de matières fécales ainsi qu’une analyse PCR à partir des selles.

Traitement

Le traitement et l’élimination de T. fœtus peuvent être difficiles et frustrants. Les patients paraissent souvent bien répondre cliniquement au métronidazole mais ce médicament n’est pas capable d’éliminer l’infection ; par conséquent, malgré une diminution initiale des signes cliniques, l’arrêt du traitement conduit à une récidive de la diarrhée 12. Le traitement au métronidazole est actuellement jugé responsable d’un allongement potentiel de la durée d’expression des signes cliniques et il est contre-indiqué lorsque l’infection est confirmée 1. De même, faire un test thérapeutique avec le métronidazole pour différencier une giardiose (qui peut parfois être traitée au métronidazole) et T. fœtus (contre lequel le métronidazole est inefficace) ne constitue pas une bonne approche.

Malheureusement, T. fœtus semble relativement résistant aux traitements antimicrobiens et antiparasitaires classiques. A ce jour, un seul médicament est considéré comme efficace pour éliminer l’infection. Il s’agit du ronidazole, une autre molécule de la famille du nitroimidazole 17. Au moment de la rédaction de cet article, le ronidazole n’est pas encore autorisé ou approuvé chez le chat dans aucun pays mais il est disponible dans certaines pharmacies vétérinaires spécialisées qui délivrent des préparations magistrales pour pouvoir être utilisé hors AMM en l’absence d’un traitement efficace avec AMM. Ce type de préparation pour un médicament est relativement chère mais elle est recommandée, à cause de la fiabilité du dosage et de la formulation lorsque c’est une pharmacie spécialisée qui le fournit. Si cette option n’est pas envisageable ou que le coût est rédhibitoire, le médicament peut aussi être obtenu sous forme de poudre, comme celle utilisée pour traiter les pigeons contre les parasites. Cette formulation ne peut pas être recommandée en priorité, à cause de l’incertitude concernant la qualité et la stabilité de la formulation, mais certaines infections félines ont pu être ainsi traitées.

La dose recommandée pour le ronidazole est de 30 mg/kg 24H PO pendant 14 jours 18. Le médicament est bien toléré par la plupart des chats, même si quelques effets secondaires ont été rapportés. Ce sont en général les mêmes que ceux observés avec des fortes doses de métronidazole, principalement de type neurotoxique. Les effets secondaires les plus fréquents sont une léthargie, une baisse de l’appétit, une ataxie et des convulsions si le traitement n’est pas arrêté 19. La plupart de ces effets disparaissent vite à l’arrêt de l’administration mais des soins substantiels peuvent devenir nécessaires si le traitement n’est pas stoppé dès qu’apparaissent des effets secondaires 1. Ils sont beaucoup plus fréquents qu’avec le métronidazole, sans doute à cause de la relative longue demi-vie du ronidazole, comparée à celle du métronidazole.

Si la diarrhée récidive après le traitement, il serait théoriquement logique de le répéter, surtout si une nette amélioration a été observée durant le traitement, suivie par une brusque régression une fois qu’il est terminé. Cependant, si le chat paraissait en bonne santé après le traitement initial et que la détérioration n’apparaît que quelques semaines à mois plus tard, il serait plus prudent de confirmer à nouveau la présence de T. fœtus, au cas où les signes cliniques seraient dus à une autre affection.

En dehors du traitement au ronidazole, il y a peu de données orientant vers d’autres stratégies thérapeutiques. L’auteur n’a pas connaissance de publications à propos de recommandations nutritionnelles spécifiques pour cette parasitose mais les règles générales concernant les entéropathies peuvent ici être suivies. Toute anomalie nutritionnelle doit être soigneusement prise en compte car elle peut éventuellement favoriser une diarrhée du côlon, surtout si l’alimentation est de piètre qualité ou déséquilibrée. Des compléments antimicrobiens sont ici inappropriés. Aucune donnée ne confirme ou infirme l’intérêt de donner des nutraceutiques et des probiotiques et aucune recommandation ne peut donc être faite ici à ce sujet.

Pronostic

Le traitement au ronidazole permet en général d’observer une amélioration relativement rapide de la consistance et de la qualité des selles au cours des 14 premiers jours de traitement. Dans les cas plus graves, le temps nécessaire à l’amélioration peut cependant être plus long, sans doute parce qu’une forte charge parasitaire entraîne une inflammation importante du côlon 1. Chez les chats qui n’ont pas été traités, la diarrhée due à T. fœtus pourra disparaître spontanément dans environ 88 % des cas mais le processus peut prendre au moins deux ans 20. De plus, 55 % des chats à résolution spontanée resteront infectés et continueront donc à excréter des trophozoïtes, ce qui entraîne un risque permanent d’infection pour les autres chats. Cette stratégie de management n’est donc pas recommandée.

Une diarrhée du côlon est relativement souvent observée chez les jeunes chats présentés à la consultation vétérinaire. Tritrichomonas fœtus fait partie des agents pathogènes importants à envisager lors de la recherche étiologique et doit donc être inclus très tôt dans les tests diagnostiques. Le « gold standard » du diagnostic s’appuie sur une coproscopie, suivie par l’examen d’un frottis de matières fécales et d’une analyse PCR des selles. Le traitement sera mis en œuvre dès que le diagnostic est confirmé et le ronidazole est aujourd’hui le seul médicament considéré comme efficace.

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Dan Thompson

Dan Thompson

Le Dr Thompson est diplômé de l’Université de Cambridge depuis 2013 et a d’abord travaillé en clientèle généraliste pour animaux de compagnie. En savoir plus

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