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Veterinary Focus

Numéro du magazine 28.3 Nutrition

Vitamine D et santé du chien

Publié 11/01/2018

Ecrit par Valerie J. Parker

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Español , English et 한국어

Les vitamines ne sont pas un sujet simple, personne ne dira le contraire, et bien qu’elles soient essentielles à la vie, un excès ou un manque de vitamines peut avoir un énorme impact sur la santé d’un animal. Valerie Parker rend les choses tout à fait claires dans cet excellent article sur la vitamine D.

Vitamine D et santé du chien

Points Clés

Selon la méthodologie utilisée, les concentrations des métabolites de la vitamine D peuvent varier considérablement, et les résultats d’analyse ne sont pas forcément comparables d’un laboratoire à l’autre.


Le métabolisme de la vitamine D est complexe et dépend de nombreux facteurs alimentaires et hormonaux.


Différentes formes de supplémentation en vitamine D existent, mais nous ignorons quelle est la meilleure pour la plupart des maladies.


L’apport alimentaire en vitamine D ne permet pas de prédire le statut d’un chien en 25(OH)D.


 Synthèse et métabolisme de la vitamine D 

Chez de nombreuses espèces, la biosynthèse de la vitamine D est initiée par l’exposition aux rayons ultraviolets, qui a pour effet de transformer le 7-déhydrocholestérol en provitamine D3 . Les facteurs qui influent sur la synthèse de la vitamine D3 incluent la quantité et la qualité des rayons ultraviolets ainsi que le type de pelage et la pigmentation de la peau de l’animal. À la différence de l’Homme, le chien (comme de nombreuses autres espèces) n’a pas la capacité de synthétiser la vitamine D3 au niveau cutané, probablement en raison de la forte activité de l’enzyme 7-déhydrocholestérol-Δ7-réductase. Par conséquent, les chiens ont besoin de suppléments alimentaires en vitamine D pour satisfaire leurs besoins nutritionnels. Il existe deux formes de suppléments en vitamine D : le cholécalciférol (vitamine D3 ), qui provient généralement de sources animales, et l’ergocalciférol (vitamine D2 ), qui provient généralement de sources végétales.

La vitamine D est incorporée dans les aliments préparés pour chiens sous la forme d’ingrédients divers (abats ou poisson gras, par exemple) et de complément de cholécalciférol. Les recommandations actuelles de l’AAFCO1 relatives aux quantités minimales et maximales d’apport alimentaire en vitamine D s’élèvent respectivement à 125 UI et 750 UI pour 1000 kilocalories. Si la concentration de cholécalciférol dans la majorité des aliments préparés a un impact minime sur la concentration sérique de 25(OH)D des chiens, elle peut, si elle est assez élevée (jusqu’à 2 700 UI/kg de poids corporel), altérer les concentrations sériques de 25(OH)D 1. Les vétérinaires doivent savoir que cette dose dépasse largement la limite supérieure établie par le NRC (National Research Council américain) qui est de 2,6 µg (104 UI) par kg de poids corporel (PC)0,75

1 AAFCO – Association of American Feed Control Officials

Une fois ingérée, la vitamine D est transportée jusqu’au foie via le système porte et les vaisseaux lymphatiques intestinaux (Figure 1). Ce processus fait intervenir divers éléments : enzymes digestives, chylomicrons, acides biliaires, protéine de liaison à la vitamine D (PLVD) et transcalciférine. Dans le foie, le cholécalciférol est hydroxylé par la 25-hydroxylase pour former la 25(OH)D (également appelée calcidiol ou calcifédiol), qui se lie à la PLVD dans la circulation. Avec une demi-vie d’environ 2 à 3 semaines, la 25(OH)D est considérée comme l’indicateur le plus fiable du statut de l’individu en vitamine D.

La 25(OH)D est ensuite hydroxylée (par la 1α-hydroxylase) pour former la 1,25(OH)2 D (également appelée calcitriol), le plus actif des métabolites naturels de la vitamine D, qui influe sur de nombreuses cellules cibles via un mécanisme initié par le récepteur de la vitamine D (RVD) (Figure 1). Le calcitriol se lie au RVD beaucoup plus facilement (environ 500 fois) que la vitamine D3 ou la 25(OH)D. Cette activation en calcitriol a lieu principalement dans les reins mais aussi dans d’autres tissus qui expriment 1α-hydroxylase. Chez le chien, l’expression du RVD a été identifiée dans plusieurs tissus, notamment le rein, le duodénum, la peau, l’iléon et la rate. Bien que son mécanisme exact n’ait pas été complètement élucidé, l’activité de la 1α-hydroxylase est étroitement régulée par les concentrations sériques de calcium, de parathormone (PTH), de calcitriol, de facteur de croissance des fibroblastes 23 (FGF-23), et par l’activité de l’enzyme Klotho (impliquée dans le vieillissement — NDLR). Au sein des cellules, le calcitriol peut stimuler ou inhiber la transcription et l’expression génique. La 25(OH)D comme le calcitriol sont inactivés par la 24-hydroxylase qui les convertit respectivement en 24,25(OH)2 D et en 1,24,25-trihydroxyvitamine D, et en d’autres métabolites (25[OH]D-23,23 lactone, par exemple), excrétés dans l’urine et la bile.

Rôles de la vitamine D 

La vitamine D est traditionnellement connue pour son influence sur l’homéostasie phosphocalcique via l’axe rein-osparathyroïde. Mais la vitamine D a de nombreux autres effets à travers l’organisme, comme en témoigne la multiplicité des cellules qui expriment le RVD. Chez l’Homme, les actions induites par l’activation du RVD incluent la différenciation des cellules immunitaires, la réduction de l’inflammation et de la protéinurie, l’augmentation de la sécrétion d’insuline et l’amélioration de l’hématopoïèse.

Mesure des métabolites de la vitamine D

Il n’existe pas d’intervalle normal de valeurs qui soit universellement accepté pour chacun des métabolites de la vitamine D. La difficulté d’interprétation des résultats de laboratoire est en partie liée à la diversité des techniques utilisées pour mesurer les métabolites, qui incluent des techniques de chromatographie en phase liquide, des dosages immunologiques, des dosages par chimiluminescence et des dosages radio-immunologiques. Il peut y avoir une grande variabilité entre les techniques, au sein même d’une technique et entre les laboratoires. Dans une volonté de développer des protocoles standardisés et d’examiner les différences de performance des dosages, le NIST (National Institute of Standards and Technology) et le Bureau des Suppléments Diététiques (ODS) du NIH (National Institutes of Health) ont mis en place un Programme d’Assurance Qualité pour les métabolites de la vitamine D appelé VitDQAP. La comparabilité entre les mesures des métabolites de la vitamine D s’est considérablement améliorée au fil du temps grâce au développement de ces contrôles qualité. Mais ces études ont été réalisées avec des échantillons humains, et nous ignorons l’effet d’une matrice canine ou féline sur ces variables et sur la comparabilité des résultats.2

2 www.nist.gov/programs-projects/vitamin-d-metabolites-qualityassurance-program 

La chromatographie en phase liquide est actuellement la méthode la plus utilisée pour ces mesures et reste la méthode de référence critérielle (chromatographie en phase liquide avec détection par spectrométrie de masse en tandem). Dans la mesure du possible, il est recommandé d’utiliser un laboratoire certifié soit par le VDSCP (Vitamin D Standardization-Certification Program) du CDC (Centers for Disease Control and Prevention) soit par le DEQAS (Vitamin D External Quality Assessment Scheme) pour augmenter la probabilité de résultats fiables.3

3 www.cdc.gov/labstandards/vdscp.html and www.deqas.org/


Quel taux de vitamine D est suffisant ?

La définition de la suffisance, de l’insuffisance et de la carence en 25(OH)D est controversée. Chez l’Homme, la carence en vitamine D est généralement définie par une valeur < 20 ng/mL et la suffisance est généralement > 30 ng/mL. La réplétion optimale est définie par certains comme étant > 50 ou > 60 ng/mL pour obtenir les effets pléiotropes précités sur le RVD. Plusieurs variables (incluant les caractéristiques de l’individu, son état de santé, les techniques de dosage et les variations physiologiques) peuvent modifier l’intervalle de référence et l’intervalle cible thérapeutique. Chez le chien sain, aucun consensus sur le statut optimal, suffisant ou carencé en vitamine D n’a été établi. Une très grande variabilité des concentrations de 25(OH)D a été décrite chez les populations de chiens en bonne santé et il n’y a pas d’intervalle normal universellement accepté — et surtout, les choix et techniques de dosage différaient dans un grand nombre de ces études. Dans une étude menée sur des chiens apparemment sains, les concentrations circulantes de 25(OH)D variaient fortement, entre 9,5 et 249 ng/mL 2.

 

Statut en métabolites de vitamine D lors de diverses maladies

Résumé du métabolisme de la vitamine D, depuis son ingestion via l’alimentation jusqu’à sa transformation dans le foie et les reins. Les traits noirs et les signes (+) indiquent une stimulation, et les traits rouges et les signes (-) indiquent le rétrocontrôle négatif ou une inhibition. Notons également les influences du phosphate (Pi), du calcium ionisé (Ca2+ ), du FGF-23, de Klotho, de la PTH.

Figure 1. Résumé du métabolisme de la vitamine D, depuis son ingestion via l’alimentation jusqu’à sa transformation dans le foie et les reins. Les traits noirs et les signes (+) indiquent une stimulation, et les traits rouges et les signes (-) indiquent le rétrocontrôle négatif ou une inhibition. Notons également les influences du phosphate (Pi), du calcium ionisé (Ca2+ ), du FGF-23, de Klotho, de la PTH.

Maladie rénale 

Colley mâle de 5 mois présentant un élargissement du maxillaire (a)

Figure 2. Colley mâle de 5 mois présentant un élargissement du maxillaire (a) dû à une dysplasie rénale congénitale avec hyperparathyroïdie secondaire d’origine rénale (troubles minéraux et osseux de la maladie rénale chronique ou TMO-MRC). L’examen du maxillaire révèle une ostéodystrophie fibreuse (b), confirmée par l’histologie. Les radiographies du crâne (c, d) montrent une perte sévère d’os alvéolaire normal, la majorité des prémolaires et molaires maxillaires étant déplacées ventrolatéralement avec une grande quantité de tissus mous adjacents hypertrophiés, donnant l’impression que les dents flottent dans le tissu mou. L’autopsie révèle une hyperplasie parathyroïdienne secondaire à la dysplasie rénale congénitale et à la maladie rénale chronique (e).
© Iowa State University

Les métabolites de la vitamine D ont été mesurés chez des chiens souffrant de plusieurs formes de maladie rénale, dont l’insuffisance rénale aiguë, la maladie rénale chronique (MRC) et la néphropathie protéinurique. Les chiens atteints de MRC avaient des concentrations de 25(OH)D et de calcitriol inférieures à celles des chiens témoins 3 4 5. Les taux des métabolites de la vitamine D sont corrélés avec le stade de la maladie rénale (déterminé selon les critères de l’International Renal Interest Society), comme en témoignait la baisse significative des concentrations de 25(OH)D, de 1,25(OH)2 D et de 24,25(OH)2 D chez les chiens en stade 3, par rapport aux chiens témoins 3 4. Dans d’autres études, cependant, de nombreux de chiens avaient des taux de 25(OH)D et de 1,25(OH)2 D dans les valeurs de référence 6 7. Cette absence de différence pourrait s’expliquer par l’inclusion de chiens au stade précoce de la MRC. Il se pourrait aussi que des différences significatives dans les concentrations des métabolites de la vitamine D n’aient pas été détectées en raison des intervalles de référence relativement larges ou de la méthode utilisée pour calculer les valeurs de référence.

Une des conséquences de la MRC est le développement d’une hyperparathyroïdie secondaire et de troubles minéraux et osseux d’origine rénale (Figure 2). Les concentrations plasmatiques de FGF-23 sont augmentées chez les chiens souffrant de MRC, et il a été démontré que la concentration de FGF-23 est inversement corrélée avec les concentrations de 25(OH)D, de 1,25(OH)2 D et de 24,25(OH)2 D et avec la survie de ces chiens 4 8. Le calcitriol a longtemps été recommandé dans le traitement de la MRC canine afin de réduire les concentrations de PTH et d’améliorer la qualité de vie. Toutefois, des études cliniques contrôlées et prospectives sont encore nécessaires pour déterminer comment les diverses formes de supplémentation en vitamine D influent sur les concentrations de FGF-23, l’expression du gène Klotho, la réplétion en vitamine D, la qualité de vie, la préservation de la fonction rénale et la survie.

Enfin, un article a indiqué que les chiens en insuffisance rénale aiguë (IRA) avaient des taux de 25(OH)D et de 1,25(OH)2 D significativement inférieurs à ceux des chiens témoins, même si la majorité (7/10) des chiens en IRA montraient des valeurs comprises dans l’intervalle de référence 6. Ces résultats pourraient être attribuables à l’inflammation aiguë ou à l’état pathologique critique, ou bien pourraient être erronés. Les chiens protéinuriques ont des concentrations de 25(OH)D, de 1,25(OH)2 D et de 24,25(OH)2 D significativement inférieures à celles des chiens témoins. Cette corrélation a été formellement établie chez les patients humains protéinuriques, et des activateurs du RVD sont souvent prescrits pour réduire la protéinurie dans ces cas.

La maladie rénale interfère avec le métabolisme de la vitamine D via plusieurs mécanismes : baisse de l’apport alimentaire de vitamine D, baisse de la conversion enzymatique du cholécalciférol en 25(OH)D dans le foie, baisse de l’activation de la 25(OH)D en 1,25(OH)2 D par la 1α-hydroxylase et augmentation de l’inactivation de la 25(OH)D et du calcitriol. Lors de protéinurie, d’autres mécanismes potentiels sont à considérer, notamment une fuite urinaire de PLVD (sous forme liée à la 25(OH)D et au calcitriol, et une diminution de l’endocytose de la 25(OH)D dans les cellules rénales en raison d’une sous-expression de la mégaline dans les tubules rénaux proximaux. En outre, l’inflammation pourrait entraîner une réduction des concentrations de 25(OH)D.

Tumeurs

Chez l’Homme, les faibles concentrations de 25(OH)D ont été associées à un risque accru de nombreuses tumeurs, et il a été démontré que le calcitriol a une activité antitumorale. Les concentrations des métabolites circulants de la vitamine D ont été mesurées chez des chiens atteints de diverses tumeurs et il s’avère que les concentrations sériques de 25(OH)D sont significativement réduites dans de nombreux cas, dont des cas de tumeur avec hémoabdomen, de mastocytome cutané et de lymphome. Nous ignorons encore si ce sont les tumeurs qui entraînent le développement secondaire d’une hypovitaminose D ou si l’hypovitaminose D est un facteur de risque du développement de tumeurs. Les chiens souffrant de tumeurs ont souvent un état général dégradé qui les prédispose au développement d’une hypovitaminose D via une baisse d’appétit, qui entraîne une diminution de la consommation de cholécalciférol, et peut-être aussi via une baisse de l’absorption intestinale du cholécalciférol. Il a récemment été suggéré que l’altération des concentrations de 25(OH)D chez les chiens atteints de diverses tumeurs est liée aux concentrations de calcium ionisé 9.

Valerie J. Parker

L’homéostasie de la vitamine D est caractérisée par des interactions complexes au sein de l’organisme, et ses mécanismes de régulation peuvent être altérés de diverses manières. De nombreuses maladies ont été associées à une baisse des concentrations des métabolites de la vitamine D, tandis que quelques autres ont été associées à leur augmentation.

Valerie J. Parker

Les concentrations sériques de calcitriol ont été mesurées chez des populations de chiens atteints de lymphome, avec ou sans hypercalcémie, avec des résultats extrêmement variables. D’un point de vue anti-tumoral, le calcitriol peut avoir une activité in vitro sur les ostéosarcomes, carcinomes épidermoïdes, tumeurs prostatiques épithéliales, carcinomes à cellules transitionnelles, tumeurs mammaires et lignées cellulaires canines de mastocytomes. Une étude menée chez le chien a montré un effet synergique de l’association calcitriol + cisplatine sur diverses tumeurs (ostéosarcome et chondrosarcome, par exemple) 10. Une autre étude a révélé que l’administration de calcitriol pouvait entraîner une rémission des mastocytomes, mais cette étude a été interrompue en raison d’un taux élevé de toxicité (à savoir hypercalcémie et azotémie) 11.

Hyperparathyroïdie primaire 

Bien que l’hyperparathyroïdie primaire soit une affection tumorale, elle est ici traitée à part pour éviter toute confusion avec des affections malignes, puisque la plupart des chiens souffrant d’hyperthyroïdie primaire ont des adénomes parathyroïdiens bénins. Par rapport aux chiens témoins, les cinq chiens d’une étude souffrant d’hyperparathyroïdie primaire avaient des concentrations sériques de 25(OH)D 7 significativement inférieures, même si elles étaient toutes dans les valeurs de référence. Les concentrations sériques de calcitriol étaient significativement supérieures chez les chiens souffrant d’hyperparathyroïdie primaire par rapport aux chiens témoins, et étaient au-dessus de l’intervalle de référence pour 4 chiens sur 5 7. Ces deux résultats pourraient être attribuables à un effet régulateur positif de la PTH sur l’activité de la 1α-hydroxylase rénale, qui augmenterait la synthèse du calcitriol.

Dans une étude portant sur 10 chiens atteints d’hyperparathyroïdie primaire traités par exérèse chirurgicale des adénomes parathyroïdiens, tous les animaux présentaient de faibles concentrations de 25(OH)D au moment du diagnostic, par rapport aux chiens témoins, malgré des concentrations de calcitriol dans les valeurs de référence. Au nadir du calcium ionisé après parathyroïdectomie, les concentrations de 25(OH)D ne se sont pas montrées différentes de celles observées au moment du diagnostic initial, mais les concentrations moyennes de calcitriol étaient inférieures 12.

Le diagnostic d’hyperparathyroïdie primaire a longtemps reposé sur l’observation conjointe d’une concentration accrue de calcium ionisé et d’une concentration excessive de PTH. Chez l’Homme, la concentration de 25(OH)D circulante est un facteur de régulation important pour l’inhibition de la synthèse de la PTH (probablement suite à sa conversion en 1,25(OH)2 D au sein des parathyroïdes). Les concentrations de PTH sont élevées chez les patients humains ayant de faibles concentrations de 25(OH)D. Il est actuellement recommandé de n’établir un diagnostic d’hyperparathyroïdie primaire chez l’Homme que lorsque les concentrations de 25(OH)D sont suffisantes ou après les avoir normalisées par une supplémentation en vitamine D. L’intérêt d’un dosage conjoint du calcium ionisé, de la PTH et de la 25(OH)D pour l’établissement du diagnostic d’hyperparathyroïdie primaire en médecine vétérinaire n’a pas encore été étudié. 

Affections digestives

L’absorption des vitamines liposolubles dépendant de l’absorption suffisante de lipides alimentaires, les syndromes de malabsorption intestinale peuvent donc altérer l’absorption de la vitamine D et ainsi contribuer à l’hypovitaminose D. Les concentrations sériques de 25(OH)D et de calcitriol ont été évaluées chez des chiens souffrant de maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI) et d’entéropathie exsudative (EE), et les taux de ces deux métabolites étaient significativement inférieurs dans le groupe EE par rapport aux groupes MICI et témoin sain 13 14. En outre, les faibles concentrations de 25(OH)D étaient significativement corrélées avec l’inflammation duodénale et avec la mortalité 14 15 16.

Il est possible que l’hypoalbuminémie contribue à l’hypovitaminose D via une fuite de PLVD au travers des intestins lésés. Mais l’hypovitaminose D pourrait aussi contribuer à la fuite intestinale de protéines via l’effet de la vitamine D sur la réponse immunitaire. Nous savons que les souris dont le gène du RVD a été invalidé (knock-out) sont plus susceptibles de développer une MICI induite, et que les régimes alimentaires carencés en vitamine D prédisposent les souris aux colites via un dérèglement de l’activité antimicrobienne colique et une altération de l’homéostasie des entérobactéries 17.

Affections orthopédiques

Radiographies latérales droites du bassin, de l’ulna et du radius chez un jeune chien (âge estimé à 1 an). Les métaphyses radiale, ulnaire et tibiale présentent un élargissement avec déformation en cupule, et une ostéopénie diffuse est présente. Ces anomalies sont compatibles avec un rachitisme.

Figure 3. Radiographies latérales droites du bassin, de l’ulna et du radius chez un jeune chien (âge estimé à 1 an). Les métaphyses radiale, ulnaire et tibiale présentent un élargissement avec déformation en cupule, et une ostéopénie diffuse est présente. Ces anomalies sont compatibles avec un rachitisme.
© The Ohio State University

Les ostéoblastes et les chondrocytes expriment la 1α-hydroxylase et le RVD, mais nous ignorons si la vitamine D joue un rôle direct ou indirect dans la croissance et la minéralisation osseuses. Le rachitisme est une ostéopathie métabolique habituellement due à une carence alimentaire en vitamine D, calcium ou phosphore, ou à des anomalies génétiques altérant le métabolisme de la vitamine D ou du phosphore (Figure 3). L’anomalie clinique la plus fréquente est un élargissement des cartilages de conjugaison des os à croissance rapide comme le radius et l’ulna. Histologiquement, des chondrocytes hypertrophiques s’accumulent, entraînant un épaississement et une irrégularité des cartilages de croissance. Les animaux nourris avec des régimes à base de viande déséquilibrés et non supplémentés en vitamine D sont plus susceptibles de développer une ostéodystrophie fibreuse qu’un rachitisme, en raison du développement d’une hyperparathyroïdie nutritionnelle. Chez l’animal souffrant de rachitisme d’origine alimentaire, le traitement implique la mise en place d’un régime complet et équilibré.

Chez l’Homme, deux troubles autosomiques récessifs responsables de rachitisme vitamine D-dépendant (RVDD) ont été reconnus. Le RVDD de type I est dû à une anomalie du gène codant pour la 1α-hydroxylase, qui induit une activation insuffisante de la 25(OH)D en calcitriol. En conséquence, les concentrations de 25(OH)D sont dans les valeurs de référence, mais les concentrations de calcitriol sont basses. Le RVDD de type II est dû à une anomalie du gène du RVD, entraînant une hypocalcémie, une hyperparathyroïdie secondaire et des concentrations élevées de calcitriol. Quelques cas de ces deux types de RVDD ont été décrits chez le chien 18 19. Le traitement du RVDD de type I implique une supplémentation en calcitriol et s’accompagne généralement d’un meilleur pronostic que le RVDD de type II, qui nécessite de fortes doses à la fois de calcitriol et de calcium. Chez l’Homme, la plupart des mutations entraînent un dysfonctionnement du RVD qui ne peut même plus répondre à de fortes doses de calcitriol. Certains enfants peuvent être traités avec des doses élevées de calcitriol qui permettent de compenser la baisse d’affinité du RVD avec le calcitriol.

Maladies cardiovasculaires 

La vitamine D joue un rôle dans les processus physiopathologiques des maladies cardiaques. Les cardiomyocytes expriment le RVD et une protéine de liaison au calcium calcitriol-dépendante. Chez l’Homme, l’hypovitaminose D est associée à des taux accrus d’infarctus du myocarde et d’accidents cardiovasculaires. Une corrélation négative entre le statut en vitamine D et l’hypertension artérielle a été décrite chez l’Homme, mais une méta-analyse réalisée sur 46 études a montré que la supplémentation en vitamine D n’avait aucun effet sur la réduction de la pression artérielle 20. Chez le chien, aucune étude n’a établi de corrélation claire entre l’hypertension et la vitamine D.

Plusieurs études ont évalué le lien entre la vitamine D et les cardiopathies canines. Dans l’une d’elles, menée sur 31 chiens souffrant d’insuffisance cardiaque congestive, les concentrations sériques moyennes de 25(OH)D étaient inférieures d’environ 20 % à celles des chiens sains témoins 21. Une autre étude a montré que les concentrations sériques de 25(OH)D étaient significativement plus basses chez les chiens atteints de maladie valvulaire dégénérative (MVD) de stade B2, C ou D (critères du Collège Américain de Médecine Interne Vétérinaire), que chez les chiens atteints de MVD de stade B1 (c’est-à-dire sans signe de remodelage cardiaque). Les concentrations sériques de 25(OH)D étaient significativement corrélées avec la taille des ventricules et oreillettes gauches 22. Comme pour d’autres maladies, la baisse des taux sériques de 25(OH)D pourrait être liée à la baisse des apports alimentaires ou à l’inflammation accrue. À la connaissance de l’auteur, aucune étude vétérinaire n’a été réalisée pour évaluer les concentrations de FGF-23 ou de Klotho en cas de maladies cardiovasculaires, bien qu’une corrélation ait été établie entre les taux de FGF-23 et de Klotho et les maladies cardiovasculaires (athérosclérose, rigidification vasculaire et hypertrophie ventriculaire gauche, par exemple) lors de MRC chez l’Homme.

Maladies inflammatoires

Une association a été établie entre la vitamine D et l’inflammation ainsi qu’avec le système immunitaire, car la plupart des leucocytes expriment le RVD. La 25(OH)D sérique est un réactif négatif de la phase aiguë, et elle est généralement corrélée négativement avec les marqueurs de l’inflammation (protéine C réactive ou CRP, par exemple) chez l’Homme. En outre, la 25(OH) D et le calcitriol modulent l’inflammation en inhibant la production d’interleukine-6 et de TNFα (tumor necrosis factor). Chez des chiens de traîneau ayant effectué une course intense, des concentrations élevées de 25(OH)D ont été notées malgré des taux de CRP accrus 23. Aucune corrélation entre les concentrations de 25(OH)D et celles de CRP n’a été observée chez des chiens atteints de cancer 2. Concernant les numérations leucocytaires, les concentrations sériques de 25(OH)D sont significativement corrélées de manière négative avec les nombres de neutrophiles et de monocytes et les concentrations d’interleukine-2 et -8 lors d’entéropathie chronique canine 15.

Autres causes

Les concentrations sériques de 25(OH)D ont été évaluées lors de certaines maladies infectieuses canines. Ces concentrations étaient significativement plus basses chez les chiens souffrant de spirocercose néoplasique ou non néoplasique que chez les chiens en bonne santé, et significativement plus basses chez les chiens souffrant de spirocercose néoplasique que chez les chiens souffrant de spirocercose non néoplasique sans tumeurs 24. Les maladies granulomateuses peuvent induire une hypercalcémie chez le chien. Il a d’abord été supposé que celle-ci était principalement due à un dérèglement de la production de calcitriol (à savoir une hausse de la production de 1,25(OH)2 D), mais il existe chez l’Homme comme chez le chien des maladies granulomateuses où l’hypercalcémie a été attribuée au peptide apparenté à la PTH et non au calcitriol.

Enfin, les concentrations de 25(OH)D des chiens atteints de polyradiculonévrite aiguë se sont révélées inférieures à celles de chiens atteints d’épilepsie idiopathique 25. L’importance clinique de cette différence reste inconnue.

Taux de mortalité et décès

Les faibles concentrations sériques de 25(OH)D ont été corrélées avec les taux de mortalité chez l’Homme, et il a été démontré que le statut sérique en 25(OH)D est un facteur prédictif du taux de mortalité à 30 jours chez des chiens hospitalisés gravement malades 26. La concentration sérique de 25(OH)D au moment du diagnostic était un facteur prédictif significatif du taux de mortalité chez les chiens souffrant d’entéropathie chronique. Il reste à déterminer si les faibles concentrations de 25(OH)D influent spécifiquement sur le taux de mortalité, ou si elles ne sont qu’une conséquence de l’inflammation accrue et de la sévérité supérieure de la maladie sous-jacente.

Supplémentation en vitamine D et intoxication 

Les chiens peuvent développer une intoxication à la vitamine D suite à l’ingestion accidentelle de rodenticides contenant du cholécalciférol.

Figure 4. Les chiens peuvent développer une intoxication à la vitamine D suite à l’ingestion accidentelle de rodenticides contenant du cholécalciférol.
© Shutterstock

De nombreuses études ont identifié une diminution des concentrations de métabolites de la vitamine D chez les chiens souffrant de diverses maladies, mais nous n’avons pas encore déterminé si ces animaux doivent recevoir des suppléments de vitamine D ou de métabolites de la vitamine D et, si oui, selon quelles modalités. Les options possibles incluent la vitamine D2 (ergocalciférol), la vitamine D3 (cholécalciférol), le calcidiol, le calcitriol, ou d’autres activateurs du RVD (paricalcitol, par exemple).

Dans une étude prospective sur la dermatite atopique canine, une amélioration des scores de prurit et de lésions a été observée avec l’administration de cholécalciférol 1. La toxicité était minimale, mais des doses extrêmement élevées (jusqu’à 1400 UI/kg, supérieures aux recommandations de l’AAFCO ou du NRC) étaient nécessaires pour obtenir un effet sur les concentrations sériques de 25(OH)D et sur les signes cliniques. Récemment, une formulation de 25(OH)D à libération modifiée a été approuvée pour le traitement de la MRC avancée chez l’Homme4 . Chez le chien, la supplémentation en 25(OH)D permet d’augmenter plus rapidement et plus efficacement les concentrations sériques de 25(OH)D que la supplémentation en cholécalciférol, mais d’autres études sont nécessaires pour établir des recommandations posologiques claires.

4 Rayaldee, OPKO Healthy Inc, Miami, Fla

L’objectif de la supplémentation en vitamine D ou en 25(OH)D doit être d’augmenter les concentrations sériques de 25(OH)D et d’améliorer les critères d’évaluation spécifiques de la maladie traitée (réduction du prurit ou amélioration des taux ou de la durée de survie, par exemple. La formulation de la vitamine D administrée, la demi-vie du produit et les effets toxiques potentiels peuvent varier, et il faut donc faire preuve de prudence et surveiller étroitement les animaux traités. 

Le diagnostic d’intoxication par la vitamine D est généralement établi après le développement d’une hypercalcémie et d’un risque associé d’insuffisance rénale aiguë et de minéralisation des tissus mous. La détection de l’hypercalcémie secondaire au surdosage en vitamine D est assez tardive. Plusieurs facteurs influent sur le risque d’intoxication par la vitamine D, dont la lipophilie, l’affinité des métabolites de la vitamine D avec la PLVD et leurs vitesses de synthèse et de dégradation. La vitamine D est liposoluble, ce qui explique en grande partie sa longue demi-vie d’environ 2 mois. Les demi-vies respectives de la 25(OH)D et du calcitriol sont d’environ 2-3 semaines et de 4 à 6 heures.

Chez l’Homme, l’intoxication par la vitamine D avec hypercalcémie consécutive se produirait lorsque les concentrations sériques de 25(OH)D dépassent 100- 150 ng/mL. Dans les études menées dans diverses espèces animales (rat, vache, porc, lapin, chien et cheval), les concentrations plasmatiques de 25(OH)D associées à une hypercalcémie dépassent 150 ng/mL. Chez le chien, les formes les plus fréquentes d’intoxication à la vitamine D incluent l’ingestion de rodenticides contenant du cholécalciférol (Figure 4) et de crèmes dermatologiques contenant du calcitriol ou un analogue du calcitriol (calcipotriol/calcipotriène). Dans de rares cas, un problème dans la formulation d’aliments préparés peut contribuer à une intoxication à la vitamine D. Les intoxications iatrogènes, généralement détectées via une mesure des concentrations de 1,25(OH)2 D, peuvent faire suite à une supplémentation en calcitriol dans le cadre du traitement de l’hyperparathyroïdie secondaire d’origine rénale, de l’hypoparathyroïdie primaire, de l’entéropathie exsudative, ou dans le traitement pré- ou post-opératoire de l’hyperparathyroïdie primaire.

Notons qu’une hypercalciurie se développe durant les premières phases de l’intoxication à la vitamine D, avant le développement de l’hypercalcémie, et qu’elle peut avoir un impact négatif en augmentant le risque d’urolithiases calciques et d’atteinte rénale. La mesure du rapport calcium/créatinine urinaire est utilisée pour détecter l’hypercalciurie chez l’Homme, et a fait l’objet d’études chez des chiens développant des urolithiases calciques.

L’homéostasie de la vitamine D est caractérisée par des interactions complexes entre les métabolites de la vitamine D, le calcium ionisé, le phosphore, le FGF-23 et le Klotho, et les mécanismes de sa régulation peuvent être altérés de diverses manières. Bien qu’il faille encore déterminer les normes de référence pour les concentrations sériques des métabolites de la vitamine D chez le chien sain, de nombreuses maladies ont été associées à une baisse de ces concentrations, tandis que quelques autres ont été associées à une augmentation. La question de l’œuf et de la poule revient souvent pour ces maladies, et nous ne savons toujours pas avec certitude si la carence en vitamine D est la cause ou la conséquence de ces maladies. D’autres études sont nécessaires pour déterminer si une supplémentation en vitamine D améliorerait l’état des chiens souffrant de diverses maladies et quelles seraient la forme et la posologie optimales de cette supplémentation.

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Valerie J. Parker

Valerie J. Parker

Diplômée de l‘Université de Tufts, Valerie Parker effectue ensuite un internat en médecine des petits animaux au Centre Médical Vétérinaire de la ville En savoir plus

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