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Veterinary Focus

Numéro du magazine 33.2 Endocrinologie

Mesure du glucose en continu chez le chat diabétique

Publié 30/08/2023

Ecrit par J. Catharine Scott-Moncrieff

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Português , Español et English

Cet article décrit comment les récentes avancées technologiques permettent désormais aisément au clinicien de surveiller en continu la glycémie d’un chat diabétique.

gilet pour petits animaux

Points clés

L’évaluation de la réponse d’un chat à l’insuline passe par l’observation des signes cliniques, la mesure de la glucosurie et de la glycémie et le dosage de la fructosamine dans le sang.


L’intérêt des courbes de glycémie classiques est limité par leur coût, le stress lié aux multiples ponctions de sang veineux et la variabilité importante de la glycémie d’un jour à l’autre.


La mesure du glucose en continu vient remplacer la courbe classique de glycémie pour contrôler l’évolution de cette dernière.


La mesure du glucose en continu peut être rendue difficile par la difficulté à maintenir le capteur en place, ses dysfonctionnements potentiels et sa marge d’erreur.


Introduction

Le diabète sucré (DS) est une affection fréquente chez les chats âgés 1 et une bonne prise en charge implique de surveiller attentivement la réponse à l’insulinothérapie. Dans de nombreux cas, un contrôle adéquat de la glycémie peut en effet s’accompagner d’une rémission du diabète 2,3,4. L’apparition récente d’une technique permettant de mesurer le glucose interstitiel en continu a permis d’améliorer considérablement la capacité du vétérinaire à contrôler et à améliorer la glycémie des animaux touchés par le DS 5,6,7,8,9.

Le DS du chat est essentiellement de type 2 ; il se caractérise par une sécrétion anormale d’insuline par le pancréas, associée à une résistance périphérique à l’insuline. Le diagnostic est établi en fonction des signes cliniques observés (polyurie, polydipsie, polyphagie et perte de poids) ainsi que sur la base d’une hyperglycémie et d’une glycosurie avérées 2,3. Chez le chat, le diagnostic est compliqué par l’hyperglycémie de stress ; en plus d’établir la permanence de l’hyperglycémie et de la glycosurie, il est donc important d’exclure aussi d’autres maladies pouvant provoquer des signes cliniques similaires, comme l’hyperthyroïdie et les affections gastrointestinales. Le traitement du DS félin repose sur l’insulinothérapie, la modification du régime alimentaire, le contrôle des maladies concomitantes et la gestion du poids. Une rémission du DS de type II est observée chez de nombreux chats lorsque la glycémie est bien contrôlée par l’insulinothérapie. La probabilité de rémission est cependant conditionnée à plusieurs facteurs : la gravité de l’atteinte pancréatique, la présence d’une résistance à l’insuline causée par des maladies concomitantes ou des médicaments, l’obésité, et la possibilité de distribuer une alimentation pauvre en glucides 10,11. Comme la perte progressive des cellules bêta peut finalement entraîner une évolution vers un DS de type 1, il est essentiel de bien contrôler la glycémie pour améliorer le pronostic des chats atteints.

Insulinothérapie

Les types d’insulines

En première intention, trois types d’insuline peuvent convenir au traitement du DS félin (Tableau 1) : l’insuline protamine-zinc (PZI), l’insuline lente (suspension d’insuline porcine et de zinc) et un analogue de l’insuline, l’insuline glargine 3. Le détémir (un autre analogue de l’insuline) peut également être utilisé mais son coût empêche de le choisir en première intention. L’insuline NPH (neutral protamine Hagedorn) a une durée d’action très courte chez le chat et n’est donc pas recommandée.

Au début du traitement du DS, la dose initiale d’insuline sera de 1 à 3 unités par chat (0,25 à 0,5 U/kg), et l’auteure recommande de viser la partie basse de cette fourchette. Quelle que soit le type d’insuline choisi, la glycémie sera plus facilement contrôlée avec deux injections quotidiennes qu’une seule. Si ce n’est pas possible, une injection quotidienne de PZI ou d’insuline glargine peut permettre de contrôler efficacement les signes cliniques chez certains chats.

Tableau 1. Types d’insuline recommandés chez le chat.

Insuline lente – 65 % cristalline and 35 % amorphe

Insuline PZI – insuline associée à la protamine et au zinc

Glargine – analogue de l’insuline

Détémir – analogue de l’insuline

 

Objectifs de l’insulinothérapie

Chez un chat diabétique, l’objectif principal de l’insulinothérapie est de contrôler les signes cliniques de la maladie tout en évitant l’hypoglycémie. L’objectif secondaire sera d’obtenir une rémission du diabète. Le protocole de suivi doit tenir compte du mode de vie du propriétaire, des éventuelles maladies concomitantes, de l’âge du chat et des contraintes pratiques liées à la surveillance obligatoire de la glycémie. Un contrôle strict de la glycémie augmente la probabilité de rémission chez le chat mais une hypoglycémie sévère peut aussi altérer le pronostic vital et causer des lésions neurologiques permanentes. L’hypoglycémie induite par l’administration d’insuline provoque également la sécrétion d’hormones (telles que le glucagon, l’hormone de croissance, le cortisol et l’épinéphrine) dont l’action s’oppose à celle de l’insuline ; elles peuvent induire une résistance à l’insuline et rendre le diabète plus difficile à contrôler.

Idéalement, la glycémie devrait rester entre 80 et 200 mg/dL (4,4-11,1 mmol/L) mais la plupart des chats diabétiques présentent parfois une glycémie plus élevée. Dans la majorité des cas, les signes cliniques seront cependant bien contrôlés si la glycémie reste en dessous de 300 mg/dL (16,7 mmol/L) pendant l’essentiel de la journée, car la capacité maximale de réabsorption du glucose par les tubules rénaux est d’environ 270 mg/dL (15 mmol/L) 12. Il est important de se rappeler qu’il est difficile d’évaluer la durée d’action de l’insuline si le nadir glycémique se situe dans la fourchette d’hypoglycémie car la sécrétion d’hormones régulatrices, comme le glucagon, augmentera prématurément la glycémie. Chez un chat diabétique, la stratégie de surveillance de la réponse au traitement à l’insuline doit idéalement être adaptée au chat et à son propriétaire.

Suivi classique des chats diabétiques

Jusqu’à une époque récente, le vétérinaire disposait essentiellement des moyens suivants pour surveiller un animal diabétique : l’évaluation des signes cliniques, le contrôle du poids, ainsi que des mesures fréquentes de la glycémie, de la glucosurie et des protéines glycosylées.

Signes cliniques

Pour tout chat diabétique, l’objectif thérapeutique le plus important est de limiter les signes cliniques du DS. Les chats dont la glycémie est mal contrôlée présentent généralement des signes cliniques persistants et perdent progressivement du poids. Une hypoglycémie sévère peut aussi provoquer un état de faiblesse/léthargie intermittent, ainsi que des convulsions. Une légère hypoglycémie passe en revanche facilement inaperçue car elle n’entraîne pas de signes cliniques évidents tout en contribuant néanmoins à nuire au contrôle de la glycémie.

Courbes de glycémie

Pendant de nombreuses années, les courbes de glycémie classiques réalisées à la clinique ou à domicile ont servi de référence pour contrôler l’évolution de la glycémie chez le chat. Cette méthode présente cependant de nombreuses limites : elle est coûteuse et elle implique de faire de multiples prélèvements qui stressent le chat et son propriétaire. De plus, les courbes de glycémie présentent une variabilité journalière marquée, même lorsqu’elles sont réalisées à domicile par le propriétaire (Figure 1) 13. Une mauvaise interprétation des résultats peut finalement conduire à des décisions thérapeutiques erronées.

surveillance de la glycémie et des courbes de glycémie peuvent être effectuées à domicile par le propriétaire

Figure 1. La surveillance de la glycémie et des courbes de glycémie peuvent être effectuées à domicile par le propriétaire, à l’aide d’un glucomètre et d’échantillons prélevés dans le pavillon de l’oreille du chat, mais cette méthode est loin d’être idéale.
© Shutterstock

Protéines glycosylées

Le dosage des protéines glycosylées, telles que la fructosamine et l’hémoglobine A1C (HbA1c), permet de contrôler la glycémie à plus long terme et facilite l’interprétation des courbes de glycémie. Le glucose se lie en effet de manière irréversible aux protéines sériques et à l’hémoglobine, et ces complexes persistent pendant toute la durée de vie des protéines ; les protéines glycosylées peuvent être dosées dans le sérum ou dans le sang total. Le taux de fructosamine évalue la qualité du contrôle de la glycémie au cours des 1 à 2 semaines précédentes tandis que le taux d’HbA1c reflète l’évolution de la glycémie pendant les 4 à 6 semaines écoulées 14,15,16.

Glucosurie

Le dosage du glucose dans l’urine peut également servir à évaluer le contrôle de la glycémie ; il est particulièrement utile chez les chats en rémission, pour détecter toute rechute éventuelle du DS. La glucosurie ne doit pas être utilisée au quotidien pour déterminer la dose quotidienne d’insuline mais l’évolution de ce paramètre peut être très utile pour juger l’effet de la thérapie, surtout si la glucosurie est analysée de manière régulière et que les données sont enregistrées. La présence de corps cétoniques dans l’urine peut également indiquer l’imminence d’un diabète acidocétosique.

J. Catharine Scott-Moncrieff

Pouvoir ajouter la mesure du glucose en continu à sa boîte à outils permet au vétérinaire d’effectuer un meilleur suivi des chats diabétiques traités à l’insuline.

J. Catharine Scott-Moncrieff

Mesure du glucose en continu (MGC)

Les systèmes de mesure du glucose en continu (MGC) permettent aujourd’hui d’évaluer la concentration de glucose sanguin interstitiel en continu pendant une période pouvant aller jusqu’à 14 jours, grâce à un petit cathéter flexible placé sous la peau. L’intégration de la MGC à la boîte à outils du vétérinaire a amélioré sa capacité à surveiller correctement les chats diabétiques traités à l’insuline ; cette méthode est aussi plus sensible que les courbes classiques de glycémie pour repérer une hypoglycémie. L’appareil permet de titrer la dose d’insuline en temps réel et de l’adapter à la variation des besoins entre le jour et la nuit. Des études vétérinaires ont validé le fait que, dans la plupart des cas, la concentration en glucose interstitiel est bien corrélée avec la concentration de glucose dans le sang. Les appareils de MGC actuellement utilisés en médecine vétérinaire sont économiquement abordables, faciles à poser et à utiliser, et bien tolérés par les animaux. Ils permettent d’analyser les variations du glucose interstitiel chez un individu pendant une période de 14 jours. Le système de mesure du glucose interstitiel le plus utilisé actuellement s’appelle Freestyle LibreTM 14 day (FSLTM) (Figure 2) et il a été validé chez le chat. Les modèles FSLTM 2 et 3 ont également été testés chez le chat mais leur fiabilité n’a pas encore fait l’objet d’un rapport complet dans une revue indexée. D’autres appareils de MGC sont commercialisés, notamment le Dexcom-CGMTMet l’Eversense CGMTM mais ils n’ont pas encore non plus été évalués chez le chat.

L’utilisation du FSLTM peut désormais être recommandée chez les chats présentant un diabète acidocétosique, chez ceux dont le DS a été récemment diagnostiqué et chez les chats diabétiques instables, où il peut être utilisé en continu jusqu’à ce que la glycémie soit mieux contrôlée. Cet appareil est également très utile pour surveiller des animaux stables, dans le cadre des examens de routine.

plusieurs appareils de mesure du glucose interstitiel, dont le Freestyle LibreTM 14 day

Figure 2. Il existe aujourd’hui plusieurs appareils de mesure du glucose interstitiel, dont le Freestyle LibreTM 14 day présenté ici. Son utilisation a été validée chez le chat bien que tous ces dispositifs soient utilisés hors AMM chez les animaux.
© Abbott

Précision de l’appareil FSLTM

Plusieurs études se sont intéressées à la précision de l’appareil FSLTM 14 day chez le chat 5,6,7,8. Dans ces études, le taux de glucose interstitiel mesuré par le capteur était bien corrélé avec la glycémie périphérique mesurée par un glucomètre classique et par un automate d’analyses biochimiques. La plupart des études indiquent que le FSLTM sous-estime légèrement la glycémie par rapport à sa valeur réelle mais l’évaluation faite avec une grille d’analyse des erreurs indique une bonne précision clinique (Figure 3) 5. Il faut savoir qu’il peut y avoir un décalage allant jusqu’à 30 minutes entre les variations de la glycémie et celles du glucose interstitiel, si bien que les mesures peuvent différer quelque peu 8, La différence entre les deux mesures est plus nette lorsque la glycémie varie rapidement. La plupart des études ont montré une corrélation légèrement plus faible entre la glycémie et le glucose interstitiel à l’intérieur de la fourchette d’hypoglycémie mais elle pourrait être liée au plus petit nombre d’échantillons de sang hypoglycémiques pris en compte dans les études publiées, ainsi qu’à l’effet des changements rapides de la glycémie.

Seul un résumé est disponible à ce jour pour évaluer la précision du FSLTM 2 17 ; il indique que l’appareil sous-estime légèrement la glycémie en cas d’hypoglycémie légère et d’euglycémie, alors qu’il tend à la surestimer lorsque la concentration en glucose est très faible (< 49 mg/dL / 2,7 mmol/L).

Dans l’ensemble, les études suggèrent que, pour la plupart des chats diabétiques, la différence entre le glucose interstitiel et la glycémie n’aura que peu ou pas d’influence sur les décisions cliniques prises, et que la précision du FSLTM est suffisante pour surveiller les chats concernés. L’appareil n’a pas encore été évalué chez les chats présentant un diabète acidocétosique mais l’expérience de l’auteure montre qu’il est très utile dans cette situation ; chez le chien, on sait aussi que les performances de l’appareil ne sont pas affectées par la cétose, même si la précision est moindre chez les animaux déshydratés 18,19. Il a également été montré que l’épaisseur de la peau influence la précision de la mesure chez le chien 20 mais cela n’a pas été étudié chez le chat.

Exemple typique de l’analyse de la grille d’erreur obtenue grâce à un capteur du glucose interstitiel

Figure 3. Exemple typique de l’analyse de la grille d’erreur obtenue grâce à un capteur du glucose interstitiel. Les valeurs de référence de la glycémie figurent en abscisse et sont établies en fonction des mesures du glucose interstitiel. Les différentes zones indiquent le niveau de risque : de vert (absence de risque) à rouge foncé (risque élevé).
© Redessiné par Sandrine Fontègne

Utilisation du moniteur FSLTM

Le capteur FSLTM 14 day est un dispositif jetable à usage unique qui mesure 35 mm de diamètre et 5 mm d’épaisseur (Figure 4). Il permet de mesurer le glucose interstitiel en temps réel en passant un scanner sur le capteur. Il est possible d’acheter un lecteur dédié et de l’utiliser avec plusieurs capteurs séquentiels, ce qui est pratique pour les animaux hospitalisés ; des applications gratuites ont aussi été développées pour la plupart des smartphones Android ou iPhone afin de pouvoir scanner le capteur. Dans les deux cas, les données peuvent être téléchargées sur un ordinateur ou sur le site web LibreView grâce à un logiciel gratuit. Pour le capteur FSLTM 14 day, le lecteur et l’application peuvent être utilisés ensemble à condition que le lecteur ait été initialement utilisé pour configurer le capteur. Avec le capteur FSLTM 2, le lecteur et l’application du smartphone ne peuvent en revanche pas être interchangés. Aux États-Unis, une ordonnance est nécessaire pour acheter le capteur et le lecteur en pharmacie mais ce n’est pas le cas dans la plupart des autres pays du monde.

Gros plan sur le capteur Freestyle LibreTM 14 day

Figure 4. Gros plan sur le capteur Freestyle LibreTM 14 day.
© J. Catharine Scott-Moncrieff

Avant de placer le capteur, une zone de peau légèrement plus grande que le capteur (environ 5 cm x 5 cm) sera rasée et nettoyée à l’aide d’une compresse d’alcool. Le capteur sera ensuite placé dans le boîtier de l’applicateur (Figure 5) et 4 à 8 gouttes de colle tissulaire seront appliquées en cadran sur la face inférieure du disque. L’applicateur est ensuite déployé en veillant à le tenir à angle droit par rapport à la surface de la peau, et en évitant les reliefs osseux. Lorsque le capteur est déployé, l’aiguille dépose la sonde sous la peau et le disque reste collé à sa surface. Un lecteur ou un smartphone sera ensuite utilisé pour faire démarrer le capteur, qui sera prêt à l’emploi 60 minutes plus tard. Le capteur peut être posé sur différentes régions de l’animal mais les meilleurs sites sont généralement la partie dorsolatérale de la paroi thoracique ou entre les épaules (Figure 6). Il est important d’éviter tout contact avec un collier ou un harnais susceptible de frotter contre le capteur.

Capteur chargé dans l’applicateur et prêt à être déployé

Figure 5. Capteur chargé dans l’applicateur et prêt à être déployé.
© J. Catharine Scott-Moncrieff

Exemple de positionnement typique d’un capteur sur un chat

Figure 6. Exemple de positionnement typique d’un capteur sur un chat.
© Shutterstock

En fonction du chat, le capteur sera laissé à découvert ou protégé par un patch adhésif, un T-shirt, un gilet spécial pour petits animaux, etc. (Figure 7). Une protection s’impose chez les chats très actifs ou lorsque des congénères pourraient être tentés d’enlever le capteur ; il n’est pas nécessaire d’enlever la protection pour récupérer les données à partir du lecteur. Bien que le capteur soit étanche, il n’est pas recommandé de laver l’animal ou de le laisser nager une fois le capteur en place. Lorsque le capteur est périmé, il sera facilement retiré en le décollant délicatement de la peau ; de l’alcool ou une huile pour bébé peuvent aider à enlever la colle.

Le FSLTM mesure le glucose interstitiel chaque minute et stocke les données toutes les 15 minutes sur le disque du capteur pendant 14 jours. Le disque peut stocker jusqu’à 8 heures de données et à chaque fois que le capteur est scanné, les données sont téléchargées sur le lecteur ou le smartphone. Le capteur peut être scanné à tout moment mais, pour obtenir des données en continu, il faut le scanner au moins toutes les 8 heures afin d’éviter que les données ne soient écrasées. Elles peuvent ensuite être téléchargées sur un ordinateur ou sur le site web LibreView ; les données sont accessibles à tout moment pendant la durée de vie du capteur, en ligne ou sous forme de fichier pdf. Le site web LibreView permet de stocker les données de plusieurs animaux dans le cloud afin que le propriétaire et l’équipe soignante puissent y accéder. Le logiciel gratuit permet à l’utilisateur de générer un résumé qui peut être consulté en ligne ou téléchargé au format pdf.

Après sa mise en place, le capteur peut par exemple être protégé par un gilet pour petits animaux

Figure 7. Après sa mise en place, le capteur peut par exemple être protégé par un gilet pour petits animaux.
© J. Catharine Scott-Moncrieff

Complications liées à la MGC

Bien qu’il y ait en général une bonne corrélation entre la glycémie et le glucose interstitiel, l’utilisation du capteur pose parfois quelques problèmes : il s’agit notamment de messages d’erreur, d’un délai anormal de transmission des résultats, de valeurs de glucose constamment élevées ou faibles non compatibles avec le tableau clinique, de données manquantes ou de fluctuations rapides des résultats affichés concernant le glucose interstitiel (Figure 8). Il arrive aussi que le capteur dysfonctionne complètement. Il faut également mentionner que, bien que l’appareil mesure des concentrations de glucose comprises entre 40 et 500 mg/dL, les graphiques générés dans les rapports n’affichent pas de concentrations supérieures à 350 mg/dL (19,4 mmol/L). En cas de doute quant à l’exactitude des résultats, mieux vaut vérifier la glycémie à l’aide d’un glucomètre validé ou d’un appareil d’analyses biochimiques. Les complications peuvent également concerner le chat : un érythème apparaît parfois au site de pose mais la formation d’un abcès est rare. Si plusieurs capteurs doivent être utilisés successivement chez un chat, il est conseillé de varier les sites afin d’éviter de les poser deux fois au même endroit. Il faut enfin savoir que, bien que le FSLTM mesure théoriquement le glucose interstitiel pendant 14 jours, un décollement précoce est observé chez de nombreux animaux ; chez le chat, la durée de vie moyenne du capteur est d’environ 8 jours.

erreurs du capteur peuvent se traduire par des fluctuations rapides du glucose interstitiel

Figure 8. Des erreurs du capteur peuvent se traduire par des fluctuations rapides du glucose interstitiel, des retards à l’affichage de la concentration en glucose, des valeurs constamment élevées ou basses qui ne sont pas corrélées avec le tableau clinique, des messages d’erreur et des données manquantes. Ici, un extrait du résumé hebdomadaire montre des fluctuations rapides de la concentration en glucose, non associées à l’administration d’insuline (toutes les valeurs de glucose sont exprimées en mg/dL).
© Redessiné par Sandrine Fontègne

Interprétation des données

Le rapport de synthèse du FSLTM peut être consulté sur le site web du fabricant ou via un logiciel téléchargeable gratuitement ; plusieurs options de visualisation sont proposées : le journal quotidien (daily log) et le résumé hebdomadaire (weekly summary) affichent les courbes de chaque jour tandis que l’aperçu des courbes de glycémie (glucose patterns insights) et le rapport sur la glycémie ambulatoire (ambulatory glucose report) affichent les moyennes des données enregistrées. Il est donc possible d’évaluer à la fois la variabilité quotidienne et les tendances hebdomadaires. Ces rapports permettent au vétérinaire d’évaluer la dose d’insuline nécessaire ainsi que sa durée d’action, et de savoir si les besoins en insuline varient entre le jour et la nuit. Une évaluation précise du contrôle de la glycémie chez les chats recevant de l’insuline une seule fois par jour est également possible. Dernier avantage majeur : la variabilité journalière de la réponse à l’insuline, ainsi que la fréquence des épisodes d’hypo- et d’hyperglycémie, peuvent être mises en évidence.

L’interprétation des courbes individuelles se fait de la même manière que celle d’une courbe de glycémie classique, mais en pouvant mieux apprécier la variabilité journalière. Le nadir glycémique, la durée d’action de l’insuline et les niveaux moyens de glucose peuvent être facilement déterminés. Idéalement, le nadir glycémique devrait se situer entre 80 et 150 mg/dL (4,4 et 8,3 mmol/L) et la concentration de glucose devrait rester inférieure à 300 mg/dL (16,6 mmol/L) pendant la majeure partie de la journée. Les rapports générés par le FLSTM aident à détecter de nombreux problèmes : une posologie inadéquate de l’insulinothérapie, une durée d’action inadéquate de l’insuline (métabolisme rapide), une hypoglycémie induite par l’insuline (Figure 9) et une absence de réponse à l’insuline. Cette dernière hypothèse peut être due à un défaut d’observance de la part du propriétaire ou à une résistance à l’insuline. À partir de l’évaluation de la courbe, la dose ou le type d’insuline seront modifiés si nécessaire, et la réponse du chat sera évaluée alors que le capteur est toujours en place. La mesure du glucose étant faite en temps réel, une hypoglycémie constatée cliniquement pourra aussi être repérée et traitée immédiatement, et la dose d’insuline sera alors réduite. Lorsque l’on utilise le FLSTM pour ajuster la dose d’insuline, il est important d’attendre 5 à 7 jours entre chaque modification ; comme le capteur a une durée de vie de 14 jours, il est généralement possible d’ajuster deux fois la dose au cours de cette période ; la dose pourra bien sûr être revue plusieurs fois à la baisse si nécessaire.

Bien que les résultats obtenus grâce au FLSTM et aux glucomètres soient généralement concordants, il arrive en pratique que le capteur dysfonctionne. Si la concentration en glucose du FLSTM ne correspond pas au tableau clinique, la glycémie sera évaluée par un glucomètre ou une autre méthode fiable. Une défaillance du capteur sera suspectée s’il envoie un message d’erreur ou s’il indique que le capteur doit être scanné à nouveau ultérieurement, si des données font défaut ou si le taux de glucose varie de manière importante et inattendue, sans rapport avec les signes cliniques. Dans ce type de situation, si les résultats du FLSTM ne correspondent pas à ceux du glucomètre, le capteur sera remplacé.

Le FLSTM peut aider à détecter les problèmes suivants : une hypoglycémie induite par l’insuline, une durée d’action inadéquate de l’insuline (métabolisme rapide) et une variabilité journalière nette de la réponse à l’insuline

Figure 9. Le FLSTM peut aider à détecter les problèmes suivants : une hypoglycémie induite par l’insuline, une durée d’action inadéquate de l’insuline (métabolisme rapide) et une variabilité journalière nette de la réponse à l’insuline. Ici, le journal quotidien indique une hypoglycémie induite par l’insuline chez un chat diabétique (toutes les valeurs de glucose sont exprimées en mg/dL).
© Redessiné par Sandrine Fontègne

Conclusion

En résumé, les appareils de mesure du glucose en continu (MGC) peuvent être très utiles pour contrôler la glycémie d’un chat, à condition de bien comprendre comment fonctionne le capteur choisi (ainsi que ses limites et ses erreurs potentielles). Leur usage prendra alors tout son intérêt. Ces dispositifs permettent désormais au clinicien d’effectuer un suivi plus précis des chats diabétiques et donc d’augmenter potentiellement la probabilité d’une rémission de leur maladie. Ils peuvent désormais être utilisés dans la plupart des cliniques généralistes, chaque fois que cela est nécessaire.

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J. Catharine Scott-Moncrieff

J. Catharine Scott-Moncrieff

La Dre Scott-Moncrieff est diplômée de l’Université de Cambridge depuis 1985 En savoir plus

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Numéro du magazine 33.2 Publié 20/10/2023

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Malgré sa grande prévalence, l’arthrose féline reste sous-diagnostiquée et insuffisamment traitée ; cet article indique comment nous pouvons relever le défi du diagnostic précoce, pour améliorer les interventions thérapeutiques.

par Lauren M. Meneghetti et Karen L. Perry