Comprendre la gestion d’une entreprise (Partie 2)
La plupart des vétérinaires ne sont pas à l'aise pour vendre ou pour négocier un prix. Cet article présente une méthodologie pour prescrire ou recommender un produit ou un service avec efficacité.
Numéro du magazine 2 Ressources humaines
Publié 26/04/2021
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Même le chirurgien ou le médecin le plus compétent a besoin d'une bonne équipe pour réussir et, en tant que jeune diplômé, vous souhaitez certainement que les autres vous aident et vous soutiennent. Vous n'aurez qu'une seule occasion de faire une bonne "première impression" en démarrant votre nouvel emploi ; cet article vous aidera à éviter les pièges éventuels au début de votre carrière professionnelle.
Pour être intégré dans une clinique, il faut adopter un bon comportement dès le départ.
Il est important d'être conscient des exigences inhérentes au rôle de directeur ou de chef d'équipe, et de comprendre comment vous contribuez à ses performances.
Comment se faire accepter par l’ensemble de l’équipe de la clinique ?
Même si vous êtes tenté de penser que vos nouveaux collègues vont accepter systématiquement d’intégrer un nouveau membre dans leur équipe, l’expérience montre que ce n’est pas toujours le cas. Si les raisons peuvent être parfois très complexes, elles sont liées, la plupart du temps, à des événements antérieurs qui se sont passés dans la clinique, et sur lesquels vous n’avez aucun contrôle. Cela n’a donc rien à voir avec votre personnalité. Ceci dit, vous pouvez toujours entreprendre quelques démarches simples pour les aider à vous accepter.
Ne supposez jamais que le respect de vos collègues ou collaborateurs vous est dû ou vous est acquis du fait de vos réussites passées ou de votre nouveau rôle dans la clinique. Vous devez constamment chercher à « gagner » ce respect. Rappelez-vous que le jugement de vos collègues ne repose que sur ce que vous leur dites ou sur ce que vous faites. Ils vont donc commencer par vous observer et vous écouter avec beaucoup d’attention avant de se forger une opinion sur vous.
Il est primordial de garder à l’esprit que les « premières impressions » sont très importantes parce qu’elles sont difficiles à changer une fois établies.
Pour fournir des soins de bonne qualité aux patients et bien s’occuper de leurs propriétaires, la contribution de chacun est indispensable. Selon les cliniques, les attributions exactes de chaque membre du personnel varient en fonction des compétences, de l’expérience et des centres d’intérêt des membres de l’équipe.
De ce fait, les rôles et responsabilités associés aux intitulés de poste peuvent largement différer d’une clinique à l’autre. Prenez le temps de découvrir vos nouveaux collègues. Quelles sont leur formation et leur expérience ? Quel est leur rôle au sein de la clinique ? Quels sont leurs centres d’intérêt particuliers ? Demandez-leur ce que vous pouvez faire pour faciliter leur travail et assurez-vous de bien écouter leurs réponses et de suivre les conseils qu’ils vous donnent. (Figure 1)
Un des commentaires le plus fréquemment entendus dans les cliniques vétérinaires est que les nouveaux membres de l’équipe sont si désireux de démontrer leur valeur qu’ils évitent de demander de l’aide ou des conseils. Cette attitude peut occasionner une surcharge de travail pour les autres membres de l’équipe qui doivent parfois corriger les problèmes occasionnés ou, ce qui est encore plus grave, elle peut compromettre le résultat pour l’animal ou le client. Votre nouvelle clinique sait que vous êtes jeune et n’attend pas de vous que vous sachiez tout faire. Renseignez-vous pour savoir auprès de qui vous pourrez demander conseil – si vous vous êtes intéressé à vos collègues, vous le saurez déjà – et quelle sera la meilleure façon de le faire. Vos collègues ne vous reprocheront jamais d’avoir demandé de l’aide (Figure 3).
Il est parfois inévitable que vous ne soyez pas d’accord avec une déclaration, un protocole de la clinique ou ce que l’on vous demande de faire. Il est très important, pour tout membre de l’équipe, d’apprendre à dire non de façon constructive. Cette aptitude est particulièrement utile pour les praticiens vétérinaires étant donné le nombre d’options cliniques dont ils disposent, soutenues toutes par des données probantes mais souvent conflictuelles. Elle vous permettra d’affirmer vos convictions sans paraître agressif ou de mauvais caractère (Figure 4).
La façon la plus constructive de « challenger » une idée ou une proposition qui vous pose problème consiste à poser à votre interlocuteur de plus amples questions. En effet, en général, si deux personnes douées de raison ne s’accordent pas sur un point, c’est que l’une d’elles sait quelque chose que l’autre ignore. En d’autres termes, les deux parties ne sont pas en possession de tous les éléments. En posant des questions, vous pourrez découvrir pourquoi votre interlocuteur vous suggère de suivre sa voie de préférence (il a ainsi l’opportunité de partager ses connaissances avec vous) ou vous pourrez lui montrer les failles de son raisonnement (ce qui vous permettra de partager vos connaissances avec lui en l’aidant plutôt qu’en le combattant). C’est toute la différence entre ces deux déclarations : « Mais ça ne marchera pas si nous manquons de personnel » et « Comment penses-tu que cette proposition va fonctionner si nous manquons de personnel ? ».
Voici trois types de questions que vous pouvez poser :
Antje Blättner
Au lieu de choisir de commencer par insister sur les points de désaccord, il vaut toujours mieux commencer par rechercher les points d’entente. Même dans les situations où il semble que vos points de vue divergent apparemment de ceux de vos collègues, il est en général possible d’identifier un principe sur lequel tout le monde va s’accorder. Par exemple, « Le bien-être de nos patients est notre préoccupation première », ou « Nous devons travailler ensemble pour obtenir les meilleurs résultats pour nos patients ». Trouver ces points d’entente nous permet de comprendre plus facilement la portée réelle de nos différends.
Lorsque vous identifiez les points d’entente, vous montrez également à vos collègues que vous les soutenez tout en gardant sous le coude un « Oui mais... », c’est-à-dire en établissant clairement les points d’accord. C’est là toute la différence entre dire « Je ne suis pas d’accord avec cette proposition » et « Je reconnais que cela serait profitable pour nos patients si nous pouvions... et je suis ravi de m’associer à l’équipe pour trouver la meilleure façon d’y parvenir ».
Choisissez le bon moment et le bon endroit
Pere Mercader
Une fois que vous vous êtes excusé, trouvez un sujet spécifique sur lequel vous pourrez rapidement tomber d’accord. Cela peut être une question de principe (par exemple, vous allez tous les deux vous engager à tenter de trouver une solution positive), mais, dans l’idéal, il faut trouver un terrain d’entente plus proche du résultat final que vous espérez atteindre. Evidemment, plus ce premier point d’accord sera proche de la solution souhaitée, mieux ce sera. Cependant, le plus important c’est que vous tombiez d’accord sur un point. Ce premier terrain d’entente est le point de départ essentiel à un dénouement positif.
Questionnez vos collègues pour déterminer la marche à suivre
Posez des questions pertinentes et écoutez attentivement les réponses de vos collègues pour connaître leur point de vue et chercher des axes de solution. Soyez prêt à leur demander comment ils souhaiteraient résoudre le problème. Souvenez-vous qu’ils ont eu également du temps pour y réfléchir. Cette question entraînera souvent de leur part une réponse qui vous conviendra (totalement ou en partie). Vous pourrez ainsi vous rendre compte que les différends qui vous restent sont peu importants finalement.
Terminez toujours la discussion sur une note positive, même s’il s’agit juste de s’engager à trouver une solution, ou du fait que vous acceptez de vous rencontrer à nouveau ou d’impliquer une tierce personne. Si vous avez prévu de vous rencontrer à nouveau, n’oubliez pas que cet engagement positif qui a mis fin à l’entretien représentera votre premier point d’accord lors du prochain (vous pourrez le commencer par exemple en disant : « Lorsque nous nous sommes vus la dernière fois, nous sommes tombés d’accord sur..., n’est-ce pas ? »).
Comment gérer votre premier patron ? | ||
Le jeune vétérinaire devra apprendre à gérer les relations avec son patron (qui est souvent aussi le propriétaire de la clinique vétérinaire où il travaille). Voici une liste de certaines attitudes et comportements indispensables à adopter. Ils vont aideront à être vite considéré comme un atout pour la clinique : | ||
Alignez-vous sur les attentes Qu’attendent-ils de moi ? Cette question est la meilleure façon d’éviter tout malentendu et de clarifier les règles du jeu en vigueur dans la clinique. Voici aussi d’autres questions intéressantes dans le même ordre d’idées :
Prenons l’exemple classique de la formation. Au lieu de vous former vous-même dans les domaines que vous aimez (par exemple, les oiseaux exotiques) vous pouvez demander à votre patron : « Quels sont les domaines de spécialisation médicale qui seraient les plus intéressants à développer dans votre clinique dans les prochaines années ? » et/ou « Si je devais me spécialiser dans l’une de ces branches, la clinique serait-elle prête à me soutenir ? » Soyez proactif Suivez la règle : « Pour chaque problème, apporte-moi trois solutions. » Normalement, le patron est parfaitement au courant des choses qui ne vont pas dans sa clinique et des raisons pour lesquelles elles se produisent. Il n’a pas besoin d’un jeune vétérinaire voulant jouer le rôle de consultant en entreprise et mettant le doigt sur les erreurs régulièrement faites dans la clinique… mais il a besoin d’une équipe de personnes prêtes à proposer des solutions et à s’impliquer dans leur réalisation. Demandez régulièrement des feed-back Dans certaines cliniques, un système d’évaluation des performances peut avoir été mis en place qui vous donne régulièrement des feed-back structurés. Mais dans d’autres cliniques, les choses peuvent être moins formelles et il se peut que vous ayez besoin de demander : « Comment jugez-vous mes performances dans votre clinique ces dernières semaines ? » et/ou « Puis-je faire quelque chose pour corriger ou améliorer mes performances ? » Observez attentivement votre patron pour apprendre les bons et les mauvais côtés Souvenez-vous qu’un jour vous pourrez aussi être patron. En analysant certains comportements de direction de votre patron (ceux que vous aimez mais aussi ceux que vous n’appréciez pas), vous pourrez tirer des leçons intéressantes pour votre avenir professionnel. |
En plus de ses responsabilités de clinicien ou de manager qu’il assume quotidiennement, votre patron doit endosser trois rôles clés.
1. Instaurer et communiquer la vision, la stratégie et les valeurs de l’entreprise
Chaque clinique vétérinaire est unique et il incombe à son patron de décider quel sera l’objectif de sa clinique (sa vision et sa mission), comment elle réussira à l’atteindre (sa stratégie) et comment elle traitera ses patients, ses clients et son équipe (ses valeurs). Ensuite, il devra communiquer ces choix à l’ensemble de l’équipe. Ce rôle clé est primordial, même s’il est quelque peu négligé dans de nombreuses cliniques vétérinaires. Selon la taille de l’entreprise, le processus de développement et de communication de la vision, de la stratégie et des valeurs peut être assez formalisé, impliquant des réunions d’équipe et aboutissant à un document écrit communiqué à l’équipe, voire affiché pour que personnel et clients puissent en prendre connaissance. Ce processus peut aussi être plus informel lorsque le patron privilégie la communication verbale. Quelle que soit la méthode employée par la clinique, vous devez prendre connaissance de ces données et les utiliser comme guide de vos actions quotidiennes.
2. Répartir les ressources limitées de la clinique
L’argent ne peut être dépensé qu’une seule fois et c’est à votre patron de décider comment il utilisera l’argent de la clinique ainsi que les autres ressources limitées comme le temps de ses employés et le plateau technique afin d’atteindre une efficacité optimale. Comme chaque entreprise ne dispose pas de ressources illimitées, il est important qu’il existe un processus permettant de décider comment utiliser au mieux ces ressources et c’est votre patron qui rendra les ultimes arbitrages. En général, il existe toujours un foisonnement de bonnes idées et de suggestions pour améliorer les services de la clinique mais leur mise en place nécessite des moyens. De ce fait, le rôle de votre patron consiste plutôt à établir des priorités et à décider dans quel ordre les choses devront être faites qu’à décider si elles doivent se faire ou pas.
3. Motiver et guider son équipe
Le dernier rôle clé de votre patron est de motiver et de guider le personnel qu’il emploie. Ce rôle a pris de plus en plus d’ampleur car, dans une clinique vétérinaire moderne, le travail est de plus en plus un travail d’équipe (Figure 5). Votre patron doit trouver le moyen de tirer le meilleur de chaque membre de son équipe. Selon son intérêt et son expérience, votre patron endossera ce rôle plus ou moins activement ou le déléguera en partie ou en totalité à une équipe qualifiée pour cela. Les organisations managériales existant dans la profession vétérinaire sont très diverses, allant de systèmes très informels aux systèmes plus structurés de management des performances.
Mark Moran
Votre patron vous appréciera davantage si vous vous efforcez d’être un employé consciencieux. Cela sous-entend de comprendre les objectifs que votre clinique essaie d’atteindre (sa vision, sa stratégie et ses valeurs) et de faire de votre mieux, dans chacune de vos actions, pour soutenir ses objectifs. Vous pouvez également faire certains gestes simples pour montrer votre soutien.
Quel que soit votre rôle dans la clinique, il est assorti de certaines limites de responsabilité. Elles définissent votre niveau d’autonomie pour agir et dépendent de vos compétences et de votre expérience mais aussi de la culture de l’entreprise. Dans certaines cliniques, les limites de responsabilité sont bien définies par écrit, dans la fiche de description du poste ou sont incluses dans les directives et les protocoles de la clinique. Mais d’autres cliniques fonctionnent avec des règles orales, comprises par l’ensemble du personnel. Quelle que soit la manière dont votre clinique a choisi de les communiquer, vous devez vous assurer que vous connaissez bien les limites qui vous sont attribuées et que vous ne les dépassez jamais. En cas de doute, il existe une règle d’or : demandez !
Essayez toujours de penser à ce que vous pouvez faire et non à ce que vous ne pouvez pas faire. C’est là toute la différence entre l’attitude « Je ne peux pas vous le faire aujourd’hui » et l’attitude « Je pourrai faire cela pour vous demain à midi ». Avoir une attitude positive face au travail montre votre soutien à votre patron et au reste de l’équipe (Figure 6).
Lorsque surgit un problème ou un débat, essayez de trouver une solution en vous basant sur votre propre expérience plutôt que de signaler simplement ce problème à quelqu’un d’autre. Comme vous devez garder à l’esprit les limites de vos responsabilités, il est possible que vous deviez commencer par demander l’autorisation avant de mettre en œuvre votre idée. Cependant, il vaut toujours mieux soumettre une solution plutôt que de seulement signaler un problème.
Gérer une clinique vétérinaire est une entreprise très complexe qui prend parfois énormément de temps et nécessite de très nombreuses aptitudes managériales et entrepreneuriales. Il est possible que votre patron se trouve par moments débordé et travaille en dehors de sa zone de confort ou qu’il doive gérer de nouveaux problèmes délicats pour lesquels il n’a qu’une expérience limitée. Montrez-lui votre compréhension en vous assurant de toujours communiquer avec lui et en convenant de l’importance de chaque tâche qu’il vous donne, et à l’inverse de chaque tâche qu’il accepte d’accomplir pour vous. En établissant ainsi clairement les objectifs, vous éviterez des malentendus et chacun de vous pourra mieux gérer son temps. De la même façon, tout comme chacun de nous ne remplit pas toujours son rôle à la perfection, il faut accepter qu’il n’existe pas de manager « parfait ».
Philippe Baralon
Philippe Baralon a obtenu son diplôme de l’École nationale vétérinaire de Toulouse, en France, en 1984 et a poursuivi ses études en économie (maîtrise d’économie, Toulouse, 1985) et en administration des affaires (MBA, HEC-Paris 1990). En savoir plus
Antje Blättner
La Dre Blaettner a grandi en Afrique du Sud et en Allemagne et a obtenu son diplôme en 1988 après avoir étudié la médecine vétérinaire à Berlin et à Munich. En savoir plus
Pere Mercader
Le Dr Mercader s’est établi comme consultant en gestion auprès des cliniques vétérinaires en 2001 et a depuis développé son activité en Espagne, au Portugal et dans certains pays d’Amérique latine. En savoir plus
Mark Moran
Mark Moran est consultant auprès de la profession vétérinaire depuis 19 ans. En savoir plus
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"Si votre seul outil est un marteau, tous les problèmes ressemblent à un clou". Cette partie mettra l'accent sur les différents éléments requis pour faire de vous un "bon clinicien" et pour prendre confiance dans vos décisions médicales.