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Veterinary Focus

Numéro du magazine 34.2 Hépatologie

Évaluation de la fonction hépatique au laboratoire

Publié 13/12/2024

Ecrit par Erica Behling-Kelly

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Español et English

Le foie est un organe complexe et les biomarqueurs que nous utilisons pour évaluer son fonctionnement présentent une valeur prédictive et un intérêt clinique qui se chevauchent.

Preuve d’hyperbilirubinémie

Points clés

L’ictère est un signe clinique évident de maladie hépatique potentielle mais il est important de savoir qu’une maladie hépatique significative peut être présente chez un animal non ictérique.


Les dosages groupés de l’albumine, du glucose, du cholestérol et de l’urée peuvent être utilisés pour explorer la capacité du foie à participer efficacement au métabolisme intermédiaire.


Mesurer la concentration d’ammoniaque dans le sérum peut être un test sensible et spécifique pour évaluer la masse hépatocellulaire et l’irrigation sanguine du foie.


L’analyse d’urine fait partie intégrante des examens de laboratoire visant à détecter une éventuelle maladie hépatique. 


Introduction

L’évaluation de la fonction hépatique au laboratoire implique de réaliser au moins une numération de formule sanguine (NFS), un profil biochimique et une analyse d’urine. Le profil biochimique apporte la plupart des éléments nécessaires pour évaluer directement la santé et la fonction hépatiques, mais il ne permet pas de distinguer une maladie hépatique primaire d’une maladie secondaire. Faire la distinction exige de synthétiser l’ensemble des données disponibles mais le diagnostic reste parfois difficile. C’est par exemple le cas des chiens atteints d’anémie hémolytique à médiation immunitaire, dont le bilan biochimique évoque souvent la présence de lésions hépatocellulaires et de cholestase, à cause des effets de l’hypoxie et des cytokines inflammatoires sur la fonction hépatique 1,2,3,4. La NFS est un outil précieux pour identifier un trouble hématologique primaire et pour confirmer le diagnostic de maladie hépatique secondaire.

Les biomarqueurs sériques utilisés en clinique pour évaluer la santé hépatique reflètent ses principales fonctions. La concentration en albumine permet d’estimer la synthèse protéique, les taux de glucose et de cholestérol illustrent l’activité du métabolisme hépatique intermédiaire, quant aux acides biliaires et au cholestérol, ce sont des indicateurs de la perméabilité des voies biliaires et du cycle entérohépatique. Le foie absorbe, conjugue et excrète la bilirubine produite lors de la dégradation de l’hémoglobine par les phagocytes. La détoxification des toxines et des médicaments par le foie peut être biochimiquement discrète, ou se manifester par une évolution des taux d’enzymes sériques spécifiques. 

Une fois que les données analytiques minimales sont obtenues et synthétisées, elles peuvent permettre de détecter quatre processus pathologiques majeurs dans le foie : des lésions hépatocellulaires, une cholestase, un dysfonctionnement/une insuffisance hépatocellulaire, et des anomalies de la circulation portale hépatique. Ces processus se déroulent souvent simultanément ou à la suite les uns des autres. Il est aussi possible que plusieurs affections concomitantes aient des effets opposés sur des marqueurs spécifiques, ce qui diminue leur sensibilité diagnostique vis-à-vis des maladies hépatiques. Chez un chien présentant une cirrhose hépatique grave, le cholestérol peut par exemple rester dans l’intervalle de référence car la cholestase structurelle compense la diminution de la synthèse du cholestérol secondaire à la réduction de la masse hépatique (les hépatocytes sont en nombre insuffisant pour éliminer les acides biliaires). Une approche centrée sur les processus pathologiques facilite la sélection des tests diagnostiques spécifiques et permet de mieux cerner la liste des diagnostics différentiels. 

Erica Behling-Kelly

Chaque profil biochimique donne une image instantanée unique ; les demi-vies des enzymes doivent être prises en compte pour évaluer la signification clinique des changements au cours du temps.

Erica Behling-Kelly

Détection des lésions hépatiques

Le terme de « lésion » est assez vague mais il est couramment utilisé pour décrire le processus pathologique qui a finalement abouti à l’altération des membranes des cellules hépatiques, ainsi qu’à la lyse et à la mort de certaines cellules. Une inflammation parenchymateuse (hépatite primaire), des toxines (médicaments et végétaux) ou une tumeur (primaire ou métastatique) peuvent être directement responsables des lésions hépatiques mais le foie peut aussi souffrir des conséquences d’une maladie générale affectant la circulation sanguine et l’apport en oxygène, ou de celles d’une endocrinopathie. Quelle que soit la cause, seuls quelques indicateurs biochimiques peuvent être utilisés pour identifier ce type de lésions. 

Les enzymes dites « de fuite »

Les enzymes sériques utilisées pour évaluer la fonction hépatique appartiennent à deux catégories principales. Ceux de la première sont présents dans le cytosol des hépatocytes et sont familièrement appelées « les enzymes de fuite ». Chez le chien et le chat, ces enzymes comprennent l’alanine aminotransférase (ALT) et l’aspartate aminotransférase (AST). L’augmentation de l’activité sérique de ces enzymes indique une lésion hépatocellulaire, dès lors que l’hypothèse d’une hémolyse ou d’une lésion musculaire grave (les muscles contiennent plus d’AST que le foie) ont été exclues 5,6. Comme le foie dispose d’une grande réserve de cellules et d’une capacité de régénération, l’augmentation de l’activité de ces enzymes est proportionnelle au nombre d’hépatocytes endommagés. Cela ne reflète cependant pas la réversibilité de la lésion et ne donne aucune information quant à la capacité de synthèse hépatique 5,7. Il est important de répéter les dosages ; la demi-vie de l’ALT est de 2-3 jours chez le chien et de 3-4 heures seulement chez le chat, alors que celle de l’AST est inférieure à un jour chez le chien 5,8. Chaque profil biochimique décrit une situation instantanée et la demi-vie des enzymes doit donc être prise en compte lorsqu’il s’agit d’évaluer la signification clinique des modifications au cours du temps. Il est important de savoir que dans un petit foie fibrotique, qui a subi un processus pathologique de longue durée, il peut rester peu d’hépatocytes viables susceptibles de produire des enzymes. Les niveaux d’activité sérique de l’ALT et de l’AST peuvent donc n’être que légèrement augmentés, voire même rester dans les intervalles de référence en dépit d’une maladie avancée. C’est lors de troubles inflammatoires ou nécrosants que l’augmentation des transaminases est généralement la plus importante. 

Une inflammation hépatique peut être insidieuse. Dans une étude portant sur des labrador retrievers, directement apparentés à des chiens présentant une hépatopathie liée au cuivre, 64 % (122/191) des chiens cliniquement sains présentaient des signes histopathologiques d’infiltrats inflammatoires. La mesure de l’activité enzymatique sérique s’est avérée ici relativement peu sensible pour détecter une hépatite aiguë ou chronique 9. Dans une autre étude, l’analyse de 4559 biopsies hépatiques canines a révélé que dans 50 % des cas, le taux de cuivre dépassait 400 ppm sur matière sèche (intervalle de référence : 120-400) et que le taux de Cu était > 1000 ppm dans 19 % des biopsies. Cette même étude a montré que la nécro-inflammation (soit la réponse immunitaire du foie à la nécrose) était prédictive du taux de cuivre 10. Chez le chat, l’accumulation hépatique du cuivre est moins bien caractérisée mais il s’agit aussi d’une cause d’hépatite dans cette espèce 11. L’hyperthyroïdie féline est connue pour faire légèrement augmenter l’ALT mais le mécanisme reste indéterminé 12. La glutamate déshydrogénase (GLDH) et la sorbitol déshydrogénase (SDH) sont d’autres enzymes hépatocellulaires « de fuite » dont l’activité est mesurée dans certaines espèces ; peu d’études ont évalué leur intérêt diagnostique chez le chat par rapport au chien. 

Les enzymes inductibles

La deuxième catégorie d'enzymes servant à évaluer la santé hépatique comprend les enzymes inductibles : il s’agit de la phosphatase alcaline (PAL) et de la gamma-glutamyl-transférase (γGT). La synthèse de ces protéines par les hépatocytes est stimulée par ce qu’on appelle un événement inducteur, généralement une exposition médicamenteuse ou hormonale 13. Les acides biliaires peuvent également favoriser la production de ces enzymes et la dissolution des membranes cellulaires ; l’augmentation de la PAL et de la γGT est donc étroitement associée à une cholestase 14. En cas d’augmentation de la pression, une hyperplasie se développe au sein des cellules des canalicules biliaires, ce qui augmente le nombre de cellules produisant la γGT 15. En présence d’un trouble cholestatique obstructif, l’augmentation de la γGT est donc souvent très importante. Une augmentation durable des γGT et PAL peut signaler un processus de cicatrisation et d’hyperplasie dans les voies biliaires. Comme pour l’évaluation des enzymes de fuite, des analyses répétées sont nécessaires. La PAL peut être d’origine osseuse chez le chien et le chat, et cette enzyme est aussi produite en réaction aux corticoïdes chez le chien. Lors de l’interprétation de l’activité enzymatique du foie, il est donc nécessaire d’envisager des affections associées à une prolifération osseuse accrue (en tenant compte de l’âge de l’animal), et d’investiguer une exposition éventuelle aux corticoïdes endogènes ou exogènes (chez le chien seulement) 16. Une augmentation de la PAL est également observée lors d’hyperthyroïdie féline 17, tandis qu’un traitement au phénobarbital chez le chien peut faire augmenter l’activité de l’ALT, de la PAL et de la γGT 18. Cela est rarement nécessaire mais, lorsque les résultats de laboratoire sont équivoques, l’administration de lévamisole permet de supprimer l’isoenzyme induite par les corticoïdes et aide à établir le diagnostic. 

Les enzymes inductibles peuvent être libérées aussi bien par des hépatocytes intacts que par des hépatocytes lysés. Dans le second cas, ce sont normalement les enzymes de fuite qui augmentent le plus. Si un événement inducteur a précédé la lyse cellulaire, le tableau de l’activité enzymatique risque d’être assez confus. 

Erica Behling-Kelly

En raison de la grande réserve cellulaire du foie et de sa capacité de régénération, l’importance de la « fuite » des enzymes hépatiques dépend du nombre d’hépatocytes endommagés mais elle ne dit rien de la réversibilité de la lésion ni de la capacité de synthèse hépatique.

Erica Behling-Kelly

Cholestase

La cholestase correspond au ralentissement ou à l’arrêt de l’écoulement de la bile. Elle peut être due à une diminution de la sécrétion biliaire par les hépatocytes ou à la présence d’un obstacle à n’importe quel niveau des voies biliaires, que ce soit dans les canalicules ou dans la vésicule. La sécrétion biliaire par les hépatocytes, ainsi que l’excrétion à travers les cellules épithéliales biliaires et vers le tube digestif, nécessitent beaucoup d’énergie, plusieurs transporteurs actifs et dépendent du gradient osmotique. Une cholestase peut apparaître dès qu’une des conditions du processus n’est pas remplie 14. Les principales causes pathologiques de cholestase incluent une dilatation des hépatocytes (lors de lipidose hépatique par exemple), un processus néoplasique, une inflammation chronique (fibrose), des calculs, les parasites, une pancréatite et des mucocèles de la vésicule biliaire. Une cholestase fonctionnelle peut aussi être liée à l’hypoxie et à la suppression de l’excrétion dépendante des cytokines. Des lésions hépatiques compressives peuvent se développer de manière diffuse (lors de lipidose hépatique féline, la dilatation des cellules comprime les canalicules biliaires), ou sous forme de masse comprimant la vésicule biliaire ou les gros canaux biliaires. Ces lésions compressives ont tendance à faire s’accumuler d’autres substances dont l’excrétion nécessite que le système biliaire soit fonctionnel. C’est pourquoi il est fréquent d’observer une hypercholestérolémie et une hyperbilirubinémie lors de lésions cholestatiques structurelles. 

Hyperbilirubinémie et ictère

L’ictère est un signe clinique qui oriente évidemment vers une maladie hépatique potentielle. Le jaunissement de la peau, des muqueuses et de la sclère est dû à l’accumulation de bilirubine (Figure 1). L’hyperbilirubinémie (Figure 2) est alors généralement supérieure à 2-3 mg/dL (34-51 µmol/L). Une maladie hépatique grave peut cependant exister chez un animal non-ictérique. La bilirubine est produite en deux étapes principales, lorsque les globules rouges (GR) sénescents sont décomposés et leurs composants recyclés. Le GR est d’abord absorbé et digéré par un macrophage, et la molécule d’hémoglobine est convertie en bilirubine par voie enzymatique. Cette étape a généralement lieu dans les macrophages spléniques et, dans une moindre mesure, dans les cellules de Kupffer (des macrophages situés dans le foie). La bilirubine non conjuguée produite par les macrophages se lie ensuite de manière non covalente à l’albumine ; elle est transportée vers le foie, où elle est absorbée par les hépatocytes ; elle subit alors une conjugaison enzymatique pour faciliter son excrétion dans la bile. L’hyperbilirubinémie peut apparaître en cas de processus hémolytique : il s’agit alors d’un ictère pré-hépatique. Le renouvellement des GR et la dégradation de l’hémoglobine sont accélérés par l’hémolyse, le foie est débordé et la bilirubine non conjuguée s’accumule d’abord dans le sang 19. L’hypoxie hépatique secondaire à l’anémie aiguë réduit l’apport énergétique aux hépatocytes et ralentit l’excrétion de la bilirubine. Les cytokines inflammatoires inhibent également l’excrétion de la bilirubine. Chez un animal présentant une anémie hémolytique (ictère pré-hépatique), il existe donc quand même une composante hépatique secondaire aux lésions biochimiques. 

Les cas d’ictères hépatiques ou post-hépatiques sont dus soit à des lésions biochimiques intracellulaires, soit à des lésions structurelles qui perturbent l’excrétion physique de la bilirubine dans la bile (lors de cholestase par exemple). Les causes des ictères hépatiques et post-hépatiques se recoupent souvent. Lors de l’étape du diagnostic différentiel, une fois qu’un ictère pré-hépatique est exclu, il s’agit essentiellement de déterminer si les hépatocytes ou les cellules épithéliales biliaires présentent des lésions biochimiques, ou si un obstacle structurel est en cause (l’imagerie est alors plus utile que les données analytiques).

Un chat présentant un ictère sévère

Figure 1. Ictère manifeste chez un chat ; ce signe clinique oriente évidemment vers une possible maladie hépatique mais il est important de se rappeler qu’un trouble hépatique peut aussi être présent chez un animal non-ictérique.
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Preuve d’hyperbilirubinémie dans un échantillon de sang

Figure 2. Prélèvement de sang chez un animal présentant une hyperbilirubinémie sévère.
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Capacité de synthèse hépatique et apport de sang portal

Le foie produit de multiples protéines différentes dont l’albumine, la plus abondante, mais aussi des protéines de la phase aiguë et plusieurs facteurs de la coagulation. Le foie est aussi le principal site pour la néoglucogenèse, la synthèse du cholestérol et les enzymes du cycle de l’urée. Le dosage de l’albumine, du glucose, du cholestérol et de l’urée seront donc associés pour évaluer la capacité du foie à remplir efficacement ses rôles dans le métabolisme intermédiaire. Les valeurs de ces quatre paramètres peuvent diminuer chez un chien ou un chat lorsqu’il ne reste plus assez d’hépatocytes fonctionnels, suite à un processus lésionnel ou une atrophie. Ces marqueurs sont cependant également influencés par d’autres processus. L’albumine est une protéine négative de la phase aiguë et des pertes peuvent survenir par plusieurs voies : urinaire, digestive, à cause d’une hémorragie ou d’un processus exsudatif. Une NFS et une analyse d’urine aideront à infirmer ou confirmer ces éventualités. La synthèse du cholestérol diminue lors de malabsorption, d’hypoadrénocorticisme et de certains cancers, de sorte que ces affections doivent être exclues avant de conclure à une synthèse hépatique insuffisante 20,21,22. L’imagerie peut servir à évaluer la taille du foie et à rechercher d’éventuels signes de fibrose. 

En cas de suspicion d’une anomalie du flux sanguin et d’une diminution consécutive de la clairance du foie, le dosage des acides biliaires aidera à confirmer cette hypothèse. Une augmentation du taux d’acides biliaires sériques peut signaler une diminution de la masse hépatocellulaire ou un shunt portosystémique (les acides biliaires s’accumulent dans le sang si le foie est shunté). En cas de cholestase avérée, le taux d’acides biliaires augmentera probablement aussi, rendant alors ce test peu fiable pour évaluer la masse hépatique et le flux sanguin. L’absorption des acides biliaires sécrétés dans le tube digestif est compromise lors de maladie iléale concomitante. Chez les animaux qui présentent à la fois une affection hépatique importante et une malabsorption iléale, les acides biliaires risquent donc de rester dans l’intervalle de référence. La sensibilité du dosage des acides biliaires augmente avec les tests dynamiques (qui incluent des mesures pré- et post-prandiales) mais, chez 15 à 20 % des chiens, le taux est plus élevé dans l’échantillon à jeun, vraisemblablement à cause d’une vidange gastrique retardée ou d’une contraction spontanée de la vésicule biliaire. Dans ce cas, l’interprétation sera basée sur la valeur la plus élevée 23

L’ammoniaque est un sous-produit du métabolisme des protéines et il est également éliminé du sang par le foie. Contrairement aux acides biliaires, cette élimination ne fait pas intervenir de cycle entérohépatique et la concentration plasmatique en ammoniaque n’est donc pas affectée par la cholestase. Ce test peut permettre d’évaluer la masse hépatocellulaire et l’apport de sang au foie de manière sensible et spécifique, mais les conditions du prélèvement et de l’analyse sont délicates (Encadré 1) si bien que tous les laboratoires ne le proposent pas. Il est donc nécessaire d’appeler le laboratoire au préalable. Chez le chat, le dosage de l’ammoniaque est un test plus spécifique mais moins sensible que celui des acides biliaires pour détecter un shunt ou une diminution de la masse hépatique 24. Une hyperammoniémie peut également être due à des anomalies du cycle de l’urée mais les autres signes biochimiques de défaillance hépatique sont alors généralement absents chez ces animaux.

Encadré 1. Conseils à propos du dosage de l’ammoniaque

  • Idéalement, prélever du sang artériel.
  • Prélever le sang sur héparine ou EDTA.
  • Séparer immédiatement le plasma des cellules pour éviter le passage de l’ammoniaque des GR dans le prélèvement. 
  • Conserver le prélèvement sur de la glace (4°C).
  • Effectuer l’analyse dès que possible (< 3 heures) ou congeler le prélèvement.
  • Envoyer un prélèvement fait sur un animal sain à des fins de comparaison, pour s’assurer que la manipulation du prélèvement n’est pas responsable d’une augmentation.

 

Informations apportées par l’analyse d’urine

Chez le chien, le seuil rénal est bas pour la bilirubine conjuguée si bien que, chez un animal cholestatique, la bilirubinurie précède souvent l’hyperbilirubinémie. Lorsqu’une affection cholestatique dure depuis longtemps, la bilirubine conjuguée se lie de manière covalente à l’albumine, à l’origine de delta-bilirubine. Celle-ci retient la bilirubine dans le sang et, chez un chien présentant d’autres signes de cholestase, l’absence de bilirubinurie ne doit pas conduire à écarter l’hypothèse d’un processus cholestatique. Chez le chien mâle, une partie de la bilirubine est conjuguée dans les tubules rénaux ; une petite quantité de bilirubine dans l’urine d’un chien mâle est donc cliniquement insignifiante. Une diminution de la synthèse hépatique d’urée peut avoir des conséquences rénales car l’urée est essentielle pour permettre aux reins de concentrer l’urine. De nombreux chiens avec des troubles hépatiques produisent une urine peu concentrée et présentent une polyurie (Figure 3). Chez un chat, la bilirubinurie justifie toujours un examen plus approfondi. Le passage de l’ammoniaque dans l’urine peut entraîner la formation de cristaux de biurate d’ammonium.

Mesure de la gravité spécifique de l’urine à l'aide d'un réfractomètre

Figure 3. L’analyse d’urine fait partie intégrante du bilan analytique chez un chien ou un chat en cas de suspicion de trouble hépatique. Un test aussi simple que la mesure de la densité urinaire s’avère très utile pour établir le diagnostic car de nombreux animaux présentant une maladie hépatique produisent une urine peu concentrée.
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Autres observations analytiques

Morphologie des globules rouges

Les modifications des lipoprotéines sériques qui surviennent lors de maladie hépatique sont susceptibles de faire évoluer la morphologie des GR. Une poïkilocytose est ainsi souvent observée chez les chats atteints de lipidose hépatique (Figure 4). Les animaux présentant un shunt portosystémique peuvent présenter une microcytose, avec ou sans anémie. Les acanthocytes sont parfois associés aux troubles hépatiques. 

Preuve de poïkilocytose associée à une lipidose hépatique chez un chat

Figure 4. Photographie microscopique d’un frottis sanguin chez un chat présentant une lipidose hépatique confirmée à la cytologie (Wright-Giemsa ; grossissement x 50).
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Coagulopathie hépatique

Le foie produit non seulement des facteurs de coagulation mais aussi plusieurs protéines qui inhibent la coagulation, dont les protéine C et S. Les animaux chez qui la capacité de synthèse hépatique est diminuée peuvent donc présenter une tendance hémorragique ou thrombotique. Les affections digestives qui font baisser la vitamine K empêchent la carboxylation des facteurs de la coagulation dans les hépatocytes, ce qui perturbe la coagulation. Le facteur VII est celui qui a la demi-vie la plus courte et le temps de prothrombine peut donc être allongé avant le temps de thromboplastine partielle activée.

Les protéines C et CRP

La protéine C et la protéine C-réactive (CRP) sont toutes deux synthétisées dans le foie et peuvent être dosées avec précision chez le chien et le chat. Des erreurs de nomenclature peuvent cependant être responsables du choix du mauvais test. La protéine C est un biomarqueur éprouvé de la capacité de synthèse du foie et de la perfusion hépatoportale. Comme elle intervient dans une voie anticoagulante majeure, sa concentration sérique s’est révélée utile pour faire la différence entre un shunt portosystémique et une dysplasie microvasculaire (elle diminue systématiquement chez un chien présentant un shunt). L’augmentation de la concentration en protéine C peut aussi être utilisée comme marqueur après la ligature d’un shunt portosystémique. La protéine C est mesurée à l’aide d’un test d’activité, à partir d’un prélèvement de plasma sur citrate ; en fonction du test utilisé, la protéine de phase aiguë CRP sera mesurée dans le sérum ou le plasma 25

Épanchements péritonéaux

Une hypoalbuminémie fait baisser la pression oncotique tandis que l’évolution fibrotique du foie fait augmenter la pression sur les vaisseaux hépatiques et sinusoïdes. Un animal atteint d’une affection hépatique sévère pourra donc présenter un épanchement péritonéal (Figure 5) ; il s’agit le plus souvent d’un épanchement transsudatif. 

Grande quantité d’ascite prélevée sur un animal

Figure 5. Un gonflement abdominal (ascite) constitue parfois le motif de consultation et un épanchement péritonéal évoque la présence d’une affection hépatique avancée.
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Conclusion

Lorsqu’une affection hépatique est suspectée chez un chien ou un chat, il est important de se rappeler que des maladies systémiques peuvent être responsables de troubles hépatiques secondaires. Le vétérinaire devra donc envisager séparément les signes de lésion ou de cholestase, et identifier le processus qui domine. Les dosages du glucose, de l’urée, du cholestérol et de l’albumine permettront de repérer des signes d’altération de la capacité de synthèse hépatique. Une NFS et une analyse d’urine seront toujours incluses dans le bilan analytique. Plus important encore, comme le profil biochimique ne reflète le fonctionnement organique qu’au moment du prélèvement, la plupart des cas nécessitent de répéter les analyses au cours du temps.

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Erica Behling-Kelly

Erica Behling-Kelly

La Dre Behling-Kelly a obtenu son doctorat de médecine vétérinaire à l’Université de Georgie en 2002 En savoir plus

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