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Veterinary Focus

Numéro du magazine 35.1 Orthopédie

Favoriser la récupération d’une affection médullaire

Publié 25/04/2025

Ecrit par Vladislav K. Zlatinov

Aussi disponible en Deutsch , Italiano et Español

Les lésions médullaires peuvent entraîner de nombreux problèmes chez les animaux de compagnie ; il est essentiel d’être proactif et d’agir de manière préventive pour optimiser le résultat chez l’animal.

Points clés

Les troubles de la locomotion sont les plus évidents chez un animal présentant une lésion médullaire mais il faut toujours prendre en compte les autres déficits fonctionnels présents. 


Chez un animal paralysé, le plus important est de mettre en place un contrôle de la douleur, de gérer la miction et la défécation, d’apporter un soutien hydrique et nutritionnel, une assistance respiratoire, de prévenir les escarres et de pratiquer la physiothérapie lors de la rééducation.


Les soins de soutien ne sont pas importants seulement pour les animaux ayant été opérés ; toute perte importante de motricité pendant plus de quelques heures implique de mettre en place des soins adéquats.


Chez un animal paralysé, la fourniture complète de soins de soutien adéquats améliore son confort et sa santé, aide à prévenir des complications graves et augmente ses chances de guérison.


Introduction

Les lésions médullaires sont fréquemment observées par les vétérinaires généralistes, les neurologues et les chirurgiens. Elles sont dues à deux causes majeures, les traumatismes et les dégénérescences des disques intervertébraux (DDIV). Les DDIV sont rares chez le chat mais les traumatismes sont fréquents dans cette espèce, avec une prévalence comprise entre 0,02 et 0,12 % (1,2). Chez le chien, les DDIV représentent plus de 2 % de toutes les affections diagnostiquées (3). Le syndrome de Wobbler, la discospondylite, l’embolie fibrocartilagineuse (EFC), les tumeurs et la myélopathie dégénérative sont d’autres affections qui touchent la moelle épinière. Le traitement chirurgical améliore le pronostic de récupération fonctionnelle de nombreuses affections rachidiennes mais il n’est pas toujours réalisé ou réalisable. Même avec un diagnostic précis et un traitement adapté (comme la chirurgie), un animal victime d’une affection rachidienne risque de ne pas récupérer de manière optimale, de souffrir, voire de développer des complications fatales si des soins de soutien ne lui sont pas prodigués. Cet article insistera donc sur les soins les plus importants à mettre en place pour aider un animal à récupérer le mieux possible d’une affection médullaire. 

Contrôle de la douleur

Chez un animal souffrant d’une affection médullaire, la douleur a souvent plusieurs causes : elle résulte des lésions de la moelle épinière ou des racines nerveuses (causant des douleurs neuropathiques), d’une myalgie ou des traumatismes induits par l’intervention chirurgicale. L’anamnèse et un examen minutieux sont indispensables pour pouvoir identifier l’origine de la douleur et mettre en place un protocole analgésique spécifique. Un seul médicament ou une seule approche peut ne pas suffire à contrôler cette douleur complexe et une approche multimodale est préférable. Chez l’Homme, associer la gabapentine avec un opioïde, des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou des antidépresseurs donne des résultats positifs pour traiter les douleurs neuropathiques (4). Les médicaments couramment utilisés chez le chien et le chat sont listés dans le Tableau 1.

  • Les AINS sont de précieux analgésiques, qu’ils soient administrés seuls ou dans le cadre d’un protocole analgésique multimodal. Les AINS couramment utilisés chez le chien sont l’aspirine, le carprofène, l’étodolac, le méloxicam, le kétoprofène, le déracoxib, le firocoxib, l’acide méclofénamique et l’acide tolfénamique. Leur administration ne doit être envisagée que chez un animal normotendu, bien hydraté et dont les fonctions hépatique, rénale, gastro-intestinale et hémostatique sont normales. En outre, les AINS ne doivent pas être associés à des corticostéroïdes et l’administration simultanée de deux AINS ou plus est contrindiquée. 
  • L’acétaminophène (paracétamol) n’est pas considéré comme un AINS classique car il n’a pas d’activité anti-inflammatoire significative ; les effets analgésique et antipyrétique de ce médicament sont liés à l’inhibition de la COX-3. Le paracétamol est parfois utilisé comme analgésique chez le chien, seul ou associé à des produits à base de codéine, d’hydrocodone ou de tramadol. Quel que soit la posologie, le paracétamol est contrindiqué chez le chat, car ses effets secondaires sont potentiellement mortels.
  • Les opioïdes figurent parmi les analgésiques les plus efficaces utilisés en médecine vétérinaire. Ils interagissent avec différents types et sous-types de récepteurs opioïdes présents dans le système nerveux central (SNC) et périphérique. Ils inhibent directement la transmission ascendante des informations nociceptives issues des cellules de la corne dorsale et activent les circuits de contrôle de la douleur qui descendent du cerveau vers la moelle épinière. Ces médicaments interagissent aussi avec les récepteurs opioïdes des nerfs sensoriels, de sorte que les opioïdes contribuent à une analgésie à médiation centrale et périphérique (5).
  • La gabapentine et la prégabaline sont des acides aminés de synthèse à chaîne ramifiée, qui inhibent la libération de neurotransmetteurs excitateurs médiée par le flux de calcium, dont la substance P. La gabapentine et la prégabaline sont utilisées comme des médicaments antiépileptiques chez l’Homme et l’animal mais toutes deux agissent également sur les douleurs neuropathiques, la prégabaline étant la plus efficace (6). L’utilisation de la gabapentine s’est considérablement développée en médecine vétérinaire au cours des dernières années et, bien que nous manquons de données cliniques à propos de sa sécurité et de son efficacité en tant qu’analgésique chez le chien, elle est utilisée pour traiter de nombreux types de douleurs, dont les douleurs cervicales et dorsales chez les animaux atteints de DDIV.
  • L’amantadine est une molécule qui bloque les récepteurs au glutamate N-méthyl-D-aspartate (NMDA) qui jouent un rôle important dans la sensibilisation et l’hyperalgésie du SNC. L’amantadine peut agir en synergie avec des AINS, des opioïdes, la gabapentine ou la prégabaline (7).

 

Tableau 1. Médicaments analgésiques couramment utilisés lors de douleur d’origine médullaire 

Médicament Mode d’action Posologie Effets secondaires éventuels
Méloxicam Inhibiteur COX-2 Chien : dose initiale de 0,2 mg/kg, PO/SC, suivie par 0,1 mg/kg PO, q24h 
Chat : idem, maximum 3 jours
Signes gastro-intestinaux (GI)
Carpofrène Faible inhibiteur COX Chien : 4,4 mg/kg q24h ou la moitié q12h, PO Rares signes GI
Firocoxib Inhibiteur COX-2 hautement sélectif Chien : 5 mg/kg PO, q24h Rares signes GI
Robénacoxib Inhibiteur COX-2 hautement sélectif Chien : 2 mg/kg, PO, q24h
Chat : 1 mg/kg, PO, q24h jusqu’à 3 jours
Rares signes GI
Acétaminophène (paracétamol) Inhibiteur COX-3 spécifique Chien seulement : 10-15 mg/kg, PO/ IV, q8h Signes GI, méthémoglobinémie
Gabapentine Inhibe la neurotransmission Chien et chat : 10-30 mg/kg PO, q8-12h Sédation
Prégabaline Inhibe la neurotransmission Chien et chat : 2-4 mg/kg PO, q8-12h Signes GI
Amantadine Suppression des récepteurs NMDA dans le SNC Chien et chat : 3-5 mg/kg PO, q24h Non documenté
Buprénorphine Analgésie modérée. Agoniste mu partiel Chien et chat : 0,01-0,03 mg/kg IM/IV, q6-8h  Généralement modérés
Butorphanol Analgésie modérée à moyenne, agoniste kappa, antagoniste mu  Chien et chat : 0,2-0,4 mg/kg IM/IV Sédation
Méthadone Analgésie profonde. Agonistes mu et kappa complets Chien et chat : 0,2-0,4 mg/kg IV/IM Vomissement

 

Neurologie de la vessie

Il est très important de veiller à ce qu’un animal paralysé puisse uriner normalement. La rétention urinaire est malheureusement trop souvent négligée parce que l’accent est mis sur le déficit locomoteur évident, et une incontinence par regorgement peut être confondue avec une miction volontaire. La rétention urinaire provoque alors une gêne, crée un risque d’infection urinaire, une distension chronique de la vessie et provoque l’atonie du muscle détrusor. Il est donc important que le propriétaire soit informé de la nécessité de vidanger la vessie. Les techniques de vidange manuelle de la vessie (lorsque cela est possible) peuvent être montrées lorsque l’animal rentre chez lui mais elles doivent généralement être réexpliquées lors des visites de contrôle. En règle générale, la plupart des chiens et des chats redeviennent capables de contrôler leur miction quand ils récupèrent la motricité volontaire de leurs membres (même s’ils ne sont pas encore capables de marcher).

La miction (soit le processus de stockage et d’élimination périodique de l’urine) implique une série de voies nerveuses complexes qui contrôlent la vessie et l’urètre. Le contrôle de la miction dépend principalement du centre pontique et les voies nerveuses efférentes s’étendent caudalement dans la moelle épinière jusqu’aux segments lombaires et sacrés qui innervent la vessie et l’urètre. Selon la localisation de la lésion vertébrale, il existe deux types de rétention urinaire.

Lésion du motoneurone supérieur (UMN) 

Dans la plupart des cas d’extrusion d’un disque intervertébral, la lésion rachidienne est crâniale par rapport aux segment sacré de la moelle épinière. Lorsque les lésions sont graves, les voies sensorielles ascendantes et les voies motrices descendantes impliquées dans la miction sont compromises. La tonicité du détrusor et de l’urètre augmente à cause de la perte de l’inhibition cérébrale et la vessie hyper-distendue est ferme à la palpation. Elle résiste aux manœuvres de vidange manuelle bien que de l’urine puisse sortir de la vessie trop pleine (incontinence par regorgement). Les animaux développent généralement un degré variable de « miction réflexe » après deux semaines ; cette miction est involontaire et est souvent provoquée par une pression abdominale, par exemple lorsque l’animal est pris dans les bras. Le propriétaire confond fréquemment ce phénomène avec une miction volontaire alors qu’il s’agit en fait d’une miction incomplète.

Lésion du motoneurone inférieur (LMN) 

Moins fréquente chez les animaux souffrant d’une extrusion discale, cette lésion affecte les segments caudaux de la moelle épinière lombaire ou les nerfs sacrés. Il en résulte une perte de la miction volontaire, accompagnée d’une diminution de la tonicité du détrusor et de l’urètre. En général, la vessie est flasque et se vidange facilement. L’incontinence par regorgement est fréquente lorsque la vessie de l’animal est distendue ; des fuites urinaires sont observées spontanément ou en réponse à une pression abdominale. Les animaux présentant une lésion de type LMN sont beaucoup plus faciles à gérer par leur propriétaire car la vidange vésicale nécessite moins d’efforts.

Gestion de la rétention urinaire

Tous les animaux présentant une parésie doivent être attentivement surveillés afin de détecter un éventuel problème de miction car la rétention urinaire augmente le risque d’infection urinaire, ainsi que la distension ou l’atonie persistante de la vessie (8,9). Comme expliqué ci-dessus, des fuites urinaires peuvent être dues à une diminution du tonus urétral (lésion LMN) ou à une incontinence par regorgement (lésion UMN). Évaluer le fonctionnement de la vessie chez un chien parétique peut se faire à l’extérieur, en lui laissant assez de temps pour uriner volontairement. Même s’il le fait, le volume résiduel de la vessie doit ensuite être évalué à l’échographie ; le volume résiduel normal après la miction est de 0,2 à 0,4 ml/kg (généralement < 10 ml au total) (8).

Chez un animal qui n’urine pas spontanément ou si le volume résiduel de la vessie est excessif, la première étape consiste à essayer de vidanger manuellement la vessie. Cela peut se faire sur un animal en décubitus latéral ou en position debout, selon ce qui est le plus confortable (Figure 1). S’il commence à contracter ses muscles abdominaux, il est important de relâcher la pression jusqu’à ce qu’il se détende avant de recommencer. Il ne faut jamais exercer trop de pression.

Si la vessie ne peut pas être vidangée facilement, l’étape suivante est le sondage, à réaliser de la manière la plus aseptique possible. Une sédation pourra être utile pour rendre l’opération moins désagréable pour l’animal. Introduire la sonde chez un mâle est simple mais c’est un peu plus délicat chez la femelle (Figure 2). Lorsque le cathétérisme risque d’être difficile ou inconfortable, il est souvent préférable de laisser en place une sonde urinaire de Foley en silicone ou de passer un cathéter de cystotomie à travers la paroi abdominale (Figures 3 et 4).

 

Figure 1. La vidange manuelle de la vessie peut être faite sur un chien en décubitus latéral (a) ou soutenu en position debout (b). © Vladislav K. Zlatinov

Figure 2. Cathétérisme urétral chez une chienne à l’aide d’un spéculum vaginal. © Vladislav K. Zlatinov

Bien que le cathétérisme urétral s’accompagne d’un risque de contamination bactérienne, une étude n’a pas mis en évidence de différence statistiquement significative du taux d’infection urinaire chez les animaux sondés de manière intermittente ou permanente par rapport à la vidange manuelle (9). Le risque d’infection urinaire augmente cependant progressivement avec la durée de la période de sondage et celui-ci doit donc être interrompu dès que l’animal est capable d’uriner volontairement. Une antibiothérapie prophylactique empirique pendant que le cathéter reste en place est généralement contrindiquée car elle augmente le risque d’infection urinaire et d’antibiorésistance (9). 

Figure 3. Cathétérisme vésical après réalisation d’une ouverture abdominale. © Vladislav K. Zlatinov

Figure 4. Cathétérisme vésical à travers la paroi abdominale sous guidage échographique. © Vladislav K. Zlatinov

Des médicaments peuvent agir sur la tonicité du détrusor et de l’urètre mais aucun ne rétablira la miction volontaire lorsque la moelle épinière est lésée. Ce traitement n’est qu’un élément de la prise en charge et ne se substitue pas à la vidange vésicale, qu’elle soit faite manuellement ou par sondage. Les médicaments couramment utilisés à cet effet sont listés dans le Tableau 2.

 

Tableau 2. Médicaments couramment utilisés pour gérer la rétention urinaire.

Médicament et mode d’action Posologie Effets secondaires éventuels
Bétanéchol ; stimulation du muscle détrusor  Chien : 1-2 mg/dog PO, q8-12h
Chat : 0,25-1 mg/chat PO, q8-12h
Signes GI
Phénoxybenzamine ; myorelaxant des fibres lisses Chien : 5-20 mg PO, q12-24h 
Chat : 2-5 mg PO, q12-24h 
Vertiges
Prazosine ; myorelaxant des fibres lisses Chien :1 mg/15 kg PO, q8-12h 
Chat : 0,25 mg/chat PO, q12-24h 
Hypotension
Diazépam ; myorelaxant central des muscles striés Chien : 2-5 mg/dog PO, q8h
Chat : 1-2 mg/cat PO, q8h
Sédation
Excitation paradoxale
Nécrose hépatique (chat)
Dantrolène ; myorelaxant direct des muscles striés Chien : 1-5 mg/kg PO, q8h
Chat : 2 mg/kg PO, q8h 
Sédation
Signes GI

 

Infection urinaire

Les lésions médullaires s’accompagnent souvent d’une infection urinaire : elle s’observe chez 27 à 42 % des animaux concernés. La perte de mobilité, l’incapacité à uriner volontairement, des troubles prolongés de la miction et une température corporelle inférieure à 35°C pendant l’anesthésie sont autant de facteurs de risque de développement d’une infection urinaire. Une étude a noté que l’administration périopératoire de céfazoline réduit le risque d’infection urinaire (10). Escherichia coli et Enterococcus spp. sont les germes les plus souvent isolés mais de nombreuses infections urinaires restent occultes, asymptomatiques, sans hématurie ni pyurie détectées lors de l’analyse d’urine. Si une infection urinaire est confirmée, l’antibiothérapie sera prescrite sur la base d’un antibiogramme pour (au moins) 10 jours. Plusieurs jours après l’arrêt de l’antibiothérapie, un autre prélèvement d’urine sera mis en culture pour s’assurer que l’infection a disparu. 

Défécation 

En règle générale, l’incontinence fécale est moins préoccupante que l’incontinence urinaire chez les chiens et les chats paralysés. Les animaux présentant des lésions crâniennes au niveau de S2 peuvent présenter un certain degré de constipation mais les signes d’inconfort liés à la rétention fécale sont rarement identifiés ; de plus, l’évacuation réflexe des selles semble demander beaucoup moins d’effort que la vidange urinaire. Comme pour l’incontinence vésicale de type LMN décrite plus haut, prévenir les souillures fécales (et la dermatite qui en découle) fait impérativement partie des soins à prodiguer à l’animal ; il peut ne pas être conscient d’avoir déféqué et être de toute façon incapable de s’éloigner, en raison de sa paralysie. 

À cause des risques de macération cutanée qu’entraînent les incontinence fécale et urinaire, il est important de tout mettre en œuvre pour protéger la peau d’éventuelles lésions secondaires. La région anogénitale sera régulièrement examinée et nettoyée, le périnée sera rasé, la queue sera bandée, et des topiques cutanés appropriés permettront de calmer les irritations locales. 

Hydratation et nutrition 

Les animaux victimes de paralysie aiguë sont généralement anxieux et perturbés, ce qui peut perturber leur consommation de nourriture et d’eau. La déshydratation est particulièrement néfaste en cas de lésions médullaires car elle peut faire diminuer l’irrigation sanguine dans la moelle épinière alors que la circulation dans les segments lésés est déjà peut-être compromise. Réhydrater par voie intraveineuse fait donc toujours partie des mesures à envisager précocement lors de la prise en charge d’un animal présentant une affection rachidienne et des déficits neurologiques. 

Une nutrition adéquate est également importante pour ralentir le catabolisme et fournir les précurseurs nécessaires à l’immunité, à la réparation tissulaire et au métabolisme des médicaments. Un soutien nutritionnel doit être envisagé chez tout animal qui ne mange pas suffisamment depuis plus de trois jours. Les animaux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas manger mais dont le système digestif fonctionne normalement seront nourris par voie entérale sous une forme ou sous une autre. Les sondes naso-œsophagiennes sont généralement indiquées pour une alimentation à court terme (3-7 jours).

Escarres et plaies de décubitus 

L’incapacité des animaux victimes d’affections médullaires à se lever et à marcher les prédispose aux plaies de décubitus. Une partie importante des soins consiste donc à permettre à l’animal de se coucher sur des substrats appropriés et à le changer fréquemment de position. Les escarres sont fréquentes sur les reliefs osseux tels que l’ischium et le grand trochanter (Figure 5). Comme les plaies sont favorisées par l’humidité, la peau sera maintenue propre et sèche. Les animaux couchés seront installés sur un couchage approprié, telle qu’une peau de mouton, un matelas en mousse ou pneumatique, ou un trampoline. 

Figure 5. (a) Apparition d’une escarre sur le relief osseux du grasset après seulement 6 jours de paralysie des membres postérieurs. (b) Abrasions cutanées sur le jarret d’un chien récupérant d’une paraplégie des membres postérieurs, un mois après l’opération. © Vladislav K. Zlatinov

La peau de mouton limite les frottements, absorbe l’humidité et peut être lavée. Un matelas pneumatique répartit uniformément la pression mais il peut être perforé par les griffes de l’animal, il est difficile à nettoyer et n’absorbe pas l’humidité ; il doit donc être recouvert d’une peau de mouton ou d’un autre matériau approprié. Un trampoline (constitué d’un cadre tubulaire en plastique qui supporte un filet en fibres de verre) constitue un excellent couchage pour un chien de grand format (Figure 6) ; le trampoline répartit uniformément le poids de l’animal et le filet évite que l’urine reste au contact de la peau. 

Figure 6. Après avoir subi une intervention du rachis, le chien est placé sur un trampoline pour prévenir l’apparition d’escarres. © Vladislav K. Zlatinov

Des bandages en forme de O peuvent être placés sur les reliefs osseux pour prévenir ou traiter les plaies de décubitus (Figure 7). Le traitement médical de ces ulcères passe par l’application d’antibiotiques topiques et d’agents enzymatiques de débridement. Pour les plaies plus graves, il faut parfois utiliser des antibiotiques systémiques, laver fréquemment les plaies, poser des pansements humides ou intervenir chirurgicalement (11). 

Figure 7. Réalisation d’un bandage en forme de O pour protéger la zone du grand trochanter (a-e) ; pansement circulaire pour protéger l’articulation du tarse (f). © Vladislav K. Zlatinov

Assistance respiratoire

Les animaux couchés risquent de développer des complications respiratoires telles qu’une atélectasie ou une pneumonie. L’oxymétrie de pouls et l’analyse des gaz sanguins seront utiles pour confirmer ou anticiper une atteinte respiratoire et des radiographies du thorax seront réalisées si une pneumonie est suspectée. Un animal couché sera retourné toutes les 4 heures pour limiter le risque d’atélectasie ; il est également utile de le maintenir en décubitus sternal ou de le soutenir à l’aide d’une sangle. Une oxygénothérapie par voie nasale sera administrée aux animaux dont la fonction respiratoire est défaillante. Une pneumonie sera traitée par antibiothérapie systémique, nébulisation et coupage. 

Rééducation

La physiothérapie, pratiquée à domicile ou dans une structure spécialisée, peut jouer un rôle important dans le traitement des animaux dont la moelle épinière est atteinte. Elle peut aider à prévenir les complications et contribuer à soutenir la santé et le fonctionnement des tissus musculosquelettiques pendant la convalescence par différents mécanismes (Encadré 1). 

 

Encadré 1. Intérêts de la physiothérapie lors d’affection vertébrale chez les animaux. 

  • Réduction de l’inflammation
  • Contrôle de la douleur et des spasmes
  • Entretien de la souplesse des tissus mous
  • Amélioration de la force musculaire
  • Stimulation sensorielle
  • Réapprentissage des réponses posturales

 

À titre d’exemple, établir des objectifs réalistes pour un animal atteint d’une DDIV aidera le propriétaire à prendre conscience des résultats à attendre de la thérapie. Ces objectifs seront axés sur la récupération d’une mobilité et d’un degré de force musculaire suffisants pour assurer une qualité de vie acceptable. Le programme de rééducation sera établi après l’évaluation de l’animal et la définition des objectifs thérapeutiques. Il visera surtout à :

  • mobiliser activement et passivement les articulations pour maintenir ou améliorer l’amplitude des mouvements et le fonctionnement rachidien ;
  • améliorer la proprioception et la sensibilité kinesthésique ;
  • limiter l’atrophie due à l’immobilité et renforcer les muscles essentiels ;
  • maintenir ou améliorer la fonction cardiovasculaire ;
  • réentraîner à la marche.

Il est indispensable d’examiner régulièrement l’animal pour documenter l’amélioration clinique et évaluer les résultats obtenus. Un examen neurologique, des vidéos et une évaluation fonctionnelle seront réalisés à chaque visite.

Vladislav K. Zlatinov

Une bonne alimentation est importante pour ralentir le catabolisme et fournir les précurseurs nécessaires pour soutenir l’immunité, la réparation tissulaire et le métabolisme des médicaments. Un soutien nutritionnel doit être envisagé chez tout animal dont l’apport alimentaire est insuffisant depuis plus de trois jours.

Vladislav K. Zlatinov

Conclusion

Les vétérinaires doivent être conscients des divers problèmes qui peuvent se développer chez les animaux victimes de lésions médullaires. Il faut éviter de se focaliser uniquement sur la perte de mobilité qui préoccupe généralement le propriétaire en priorité ; même s’il s’agit de la conséquence la plus évidente, ce n’est pas forcément le problème le plus grave auquel l’animal doit faire face. En plus de la paralysie, il faut aussi contrôler la douleur, prendre en charge les troubles de l’élimination urinaire et fécale, et mettre éventuellement en place une assistance respiratoire chez l’animal. En traitant ces problèmes dès le début (avec le propriétaire), le clinicien favorisera le bien-être, la santé et le rétablissement de l’animal, tout en aidant le client à bien comprendre comment prendre en charge son animal. 

 

Références

  1. Hoerlein BF. Intervertebral disc disease. In: Oliver JE, Hoerlein BF, Mayhew IG (eds.) Veterinary Neurology. Philadelphia: WB Saunders; 1987;321-341.
  2. Munana K, Olby N, Sharp AJ, et al. Intervertebral disc disease in 10 cats. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2001;37:384-389.
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Vladislav K. Zlatinov

Vladislav K. Zlatinov

Le Dr Zlatinov est diplômé depuis 2005 de la Faculté vétérinaire de l’Université de Forestry, à Sofia En savoir plus

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