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Veterinary Focus

Numéro du magazine 35.1 Nutrition

Confirmer le positionnement d’une sonde d’alimentation par POCUS

Publié 07/03/2025

Ecrit par Alexandra Nectoux

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Español et English

La pose d’une sonde nasogastrique facilite l’alimentation entérale des animaux en état critique mais des résultats bénéfiques ne seront obtenus que si la sonde est correctement mise en place. L’échographie peut aider à le vérifier et son utilisation donne des résultats encourageants.

sonde d’alimentation œsophagienne chez un chien

Points clés

Le POCUS (Point-of-Care Ultrasound) est une technique non invasive, rapide et non-radioactive, qui aide le vétérinaire à répondre « oui/non » à diverses questions dans un contexte clinique.


L’alimentation entérale précoce (en général grâce à des sondes naso-œsophagiennes ou nasogastriques) est une composante essentielle d’une bonne prise en charge des animaux en soins intensifs.


La position d’une sonde œsophagienne peut être repérée par POCUS au milieu du cou.


Un POCUS gastrique peut aider à repérer la présence d’une sonde naso-œsophagienne dans l’estomac.


Introduction

Le soutien nutritionnel fait désormais partie intégrante de la prise en charge des animaux en état critique. Ces derniers sont en effet exposés à un risque de malnutrition en raison de l’anorexie et des effets cataboliques de la maladie 1 mais une réalimentation rapide et adéquate peut limiter les effets de la malnutrition 2. Pour préserver l’intégrité de la muqueuse intestinale, du microbiote et de la motricité intestinale, l’alimentation entérale est préférable à l’alimentation parentérale 1,2. En médecines humaine et vétérinaire, la mise en place rapide d’une alimentation entérale est associée à une réduction du taux de mortalité et de complications pendant l’hospitalisation. Il existe donc actuellement un consensus en faveur de la mise en place d’une sonde d’alimentation chez les animaux présentant une anorexie ou une dysorexie complète depuis plusieurs jours (3 jours chez le chat, 5 jours chez le chien) 3. La quantité d’aliment à distribuer dépend de la durée de l’anorexie et des éventuelles complications observées, comme des vomissements ou des régurgitations 1,3. Selon la durée et le type d’affection en cours, différents types de sonde d’alimentation peuvent être utilisés en médecine vétérinaire mais les sondes nasogastriques (SNG) et naso-œsophagiennes sont les plus fréquemment utilisées, surtout lorsque la période d’alimentation dure moins de 10 jours 4. Ces sondes sont peu coûteuses, faciles à installer et ne nécessitent généralement pas d’anesthésie 3,4.

Placement de la sonde

Il est important de confirmer le bon positionnement d’une SNG avant de commencer à réalimenter l’animal : il faut s’assurer qu’elle se trouve bien dans le tube digestif, et plus précisément dans l’estomac. Chez l’Homme, une SNG est insérée par erreur dans les voies respiratoires dans environ 5 % des cas. De nombreuses complications peuvent résulter d’un mauvais placement de la sonde, dont certaines sont parfois fatales : pneumonie par aspiration, pneumothorax, emphysème médiastinal, emphysème sous-cutané, hémorragie pulmonaire, empyème, hémothorax, fistule bronchopleurale, perforation œsophagienne, malabsorption, diarrhée et même péritonite 1,5. Le bon positionnement de la sonde, et plus particulièrement de son extrémité distale, doit par conséquent être vérifié pour limiter le risque de complications et assurer la sécurité de l’animal 5. Plusieurs approches ont été utilisées en médecine humaine pour le faire : la radiographie thoracique est la technique de référence mais elle induit un stress et expose le patient à des radiations. D’autres techniques ont donc été développées, telles que l’auscultation de la zone de projection de l’estomac (après insufflation de 10 mL d’air dans la sonde), la mesure de la longueur de la sonde entre le nez et l’ombilic, la gastroscopie, la mesure du pH du liquide d’aspiration ou la capnographie. Aucune de ces méthodes n’est très sensible ni suffisamment spécifique, si bien que la radiographie thoracique reste nécessaire pour confirmer la mise en place correcte de la sonde.

Alexandra Nectoux

Le POCUS cervical gauche permet de confirmer la position d’une sonde d’alimentation dans l’œsophage de manière fiable mais d’autres études sont nécessaires pour déterminer si la vue sous-xiphoïdienne peut servir à confirmer que l’extrémité de la sonde est bien dans l’estomac.

Alexandra Nectoux

Évaluation du positionnement de la sonde par POCUS 

Dans ce contexte, l’intérêt d’utiliser la technique POCUS (Point-of-Care Ultrasound) pour vérifier la position des SNG a été évalué en médecine humaine. L’échographie permet de faire une évaluation au chevet du patient, qui est à la fois rapide, non invasive, reproductible et non-radioactive. Les études visant à évaluer la précision du POCUS pour vérifier le positionnement d’un SNG chez l’Homme 6,7,8,9,10. ont montré une sensibilité allant de 92,8 à 100 %, sans que la durée de l’examen dépasse 10 minutes 9. La sensibilité est encore améliorée après insufflation : 5 mL de sérum physiologique mélangé à 5 mL d’air (jusqu’à 50 mL de sérum physiologique) sont envoyés dans la sonde. Cela crée en effet un brouillard hyperéchogène dans l’estomac qui aide à confirmer le bon positionnement de la SNG 9,10. La spécificité de la technique n’a pas pu être évaluée car seules quelques sondes ont été placées par erreur dans les voies respiratoires ; il n’est donc pas certain que cette technique soit optimale pour détecter le mauvais positionnement d’une NSG.

En médecine vétérinaire, une radiographie thoracique latérale droite reste la méthode de référence pour confirmer la position d’une sonde d’alimentation. Elle implique cependant de transporter un animal souvent instable jusqu’à l’unité d’imagerie, d’exposer le personnel vétérinaire aux radiations, et le coût est important. Une première étude avait montré que l’échographie gastrique permettait d’évaluer de manière fiable la position d’une sonde orogastrique chez les chiots et les chatons nouveau-nés (âgés de moins de 24 heures) 11. À ce jour, seulement trois études ont pourtant été réalisées en vue d’évaluer la faisabilité et la fiabilité de la méthode POCUS pour confirmer le bon positionnement d’une SNG 12,13,14. La première, réalisée sur 51 chiens qui n’étaient pas en état critique, a montré qu’une échographie du côté gauche du cou, avec une sonde linéaire, permettait de détecter la position de la sonde dans l’œsophage avec une excellente sensibilité (95,6 %) et une grande spécificité (83,3 %) 12. Une deuxième étude, effectuée sur 25 chats qui n’étaient pas non plus en état critique, a montré que l’échographie du cou pouvait détecter la position de la sonde dans l’œsophage avec une sensibilité de 100 % 13. Les auteurs de cette étude ont également réalisé une échographie gastrique à l’aide d’une sonde convexe pour repérer l’extrémité de la SNG dans l’estomac : la sensibilité était de 100 % mais la spécificité de 75 % seulement 13 ; l’injection d’un mélange de 5 mL d’air et d’une solution saline avant une nouvelle échographie n’a pas amélioré les résultats. La spécificité modérée mise en évidence dans cette étude doit donc inciter à la prudence lorsque la technique est utilisée en clinique. Enfin, les résultats préliminaires d’une 3e étude portant sur 37 chiens et 21 chats hospitalisés dans une unité de soins intensifs ont récemment été publiés 14 ; l’excellente sensibilité de l’échographie du cou gauche pour détecter le positionnement de la sonde dans l’œsophage a encore été confirmée. Pour confirmer que l’extrémité de la sonde est bien dans l’estomac, les meilleures sensibilité et spécificité ont été obtenues en associant l’échographie gastrique et l’insufflation d’air (68,2 % et 73,3 % respectivement) 14. L’examen POCUS est également plus rapide à réaliser qu’une radiographie (6 minutes [intervalle : 5-8] versus 11 minutes [intervalle : 5-15] (p=0,0008)). La façon d’utiliser le POCUS pour détecter le positionnement œsophagien et gastrique d’une sonde d’alimentation est détaillée plus loin.

Technique

L’animal sera placé en décubitus latéral droit ou en décubitus sternal, le cou étant éventuellement maintenu en extension par un assistant, selon les préférences de l’opérateur. Une tonte de la zone n’est généralement pas nécessaire mais cela peut faciliter la visualisation.

Échographie œsophagienne

L’échographie œsophagienne peut être réalisée avec une sonde linéaire (6-12 MHz). Une vue transversale gauche du cou sera d’abord réalisée pour détecter la trachée, avec la glande thyroïde en position caudale (Figure 1). La trachée apparaît comme une structure incurvée, avec une interface tissu/gaz hyperéchogène associée à des artefacts de réverbération. Les veines jugulaires et thyroïdiennes, les muscles thyroïdiens et la glande thyroïde, l’artère carotide, la veine jugulaire interne et le tronc vagosympathique seront si possible repérés (Figure 2). Sur cette vue, l’œsophage cervical apparaît comme une structure ovale à gauche de la trachée, et les cinq couches de la paroi œsophagienne sont repérables : l’adventice hyperéchogène, la musculeuse hypoéchogène, la sous-muqueuse hyperéchogène, la muqueuse hypoéchogène et la surface de la muqueuse hyperéchogène 15.

Comment obtenir une vue échographique transversale cervicale gauche chez un chien.

Figure 1. Position de la sonde échographique permettant d’obtenir une vue cervicale transversale gauche en POCUS.
© SIAMU, VetAgro Sup

Vue transversale échographique de la région cervicale d’un chien.

Figure 2. Vue transversale de la région cervicale d’un chien obtenue par un examen POCUS sur le côté gauche du cou. (CIV : carotide jugulaire interne, VTC : veine thyroïdienne caudale, E : œsophage, J : veine jugulaire, SC : muscle sternocéphalique, SH : muscle sternohyoïdien, ST : muscle sternothyroïdien, T : trachée).
© SIAMU, VetAgro Sup

Sur les images échographiques transversales et longitudinales, la présence de deux lignes hyperéchogènes parallèles signale la SNG, avec un artéfact d’ombrage acoustique distal par rapport à la sonde (Figure 3). Si l’opérateur ne parvient pas à visualiser la sonde au début, il peut effectuer les manipulations suivantes : faire bouger la sonde d’avant en arrière, appliquer une pression sur la trachée ou le cartilage cricoïde, ou changer l’animal de position.

Quand la sonde apparaît sur la vue transversale (ou si l’opérateur ne la trouve pas), la sonde sera tournée de 90° pour obtenir une vue longitudinale de l’œsophage. Sa partie cervicale apparaît alors comme une longue structure tubulaire (Figures 4 et 5).

Vue transversale cervicale d’une sonde d’alimentation œsophagienne chez un chien.

Figure 3. Vue transversale d’une sonde d’alimentation (flèche) dans l’œsophage d’un chien, obtenue par examen POCUS en région cervicale gauche.
© SIAMU, VetAgro Sup

Vue longitudinale cervicale d’une sonde d’alimentation œsophagienne chez un chien.

Figure 4. Vue longitudinale d’une sonde d’alimentation (flèche) dans l’œsophage d’un chien, à partir d’un examen POCUS en région cervicale gauche.
© SIAMU, VetAgro Sup

Comment obtenir une vue échographique longitudinale cervicale gauche chez un chien.

Figure 5. Position de la sonde échographique pour obtenir une vue longitudinale cervicale gauche lors de l’examen POCUS.
© SIAMU, VetAgro Sup

Échographie de l’estomac

L’échographie gastrique peut être réalisée avec une sonde convexe ou micro-convexe (2-5 MHz). La sonde sera placée dans la zone sous-xiphoïde, en position légèrement parasagittale, et orientée vers le quadrant abdominal crânial gauche pour identifier le sphincter œsophagien distal (Figure 6). Le cardia de l’estomac est visible entre le foie et l’aorte abdominale. L’extrémité de la sonde produit une double ligne hyperéchogène parallèle dans l’estomac (Figure 7), même si la présence de gaz peut rendre difficile la visualisation du contenu gastrique.

Comment obtenir une vue échographique sous-xiphoïde chez un chien.

Figure 6. Position de la sonde échographique pour obtenir la vue sous-xiphoïdienne lors de l’examen POCUS.
© SIAMU, VetAgro Sup

Vue échographique sous-xiphoïde montrant l’extrémité distale d’une sonde d’alimentation nasogastrique chez un chien.

Figure 7. Extrémité d’une sonde nasogastrique (flèche) dans l’estomac d’un chien visualisé par un examen POCUS sous-xiphoïde.
© SIAMU, VetAgro Sup

Insufflation

Pour confirmer le positionnement de l’extrémité de la SNG dans l’estomac, il est possible d’insuffler rapidement de l’air ou un mélange d’air et de sérum physiologique dans le tube, en maintenant la sonde échographique en position sous-xiphoïde. Si la SNG est mal placé et que du liquide est instillé dans les voies respiratoires, cela peut cependant provoquer un inconfort, une toux voire une détresse respiratoire chez un animal gravement malade. La quantité de liquide nécessaire varie selon la taille des animaux mais les données de la littérature conseillent d’utiliser 4 mL de solution saline avec 1 mL d’air chez un chat 11 et 10 à 15 mL d’air chez un chien 10,12. Si la SNG se trouve bien dans l’estomac, l’opérateur pourra apercevoir un « brouillard » hyperéchogène après l’insufflation.

Conclusion

L’utilisation du POCUS devrait se développer en médecine vétérinaire mais peu d’études ont été réalisées à ce jour. Le POCUS cervical gauche est une technique fiable pour confirmer la position d’une sonde d’alimentation dans l’œsophage, bien que les données manquent encore pour déterminer s’il est possible d’utiliser le POCUS subxiphoïde pour confirmer que l’extrémité de la sonde est bien dans l’estomac. Un certain nombre de questions restent encore sans réponse, notamment en ce qui concerne la spécificité de cette technique échographique.

Références

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Alexandra Nectoux

Alexandra Nectoux

Diplômée de l’école vétérinaire de Lyon depuis 2015, la Dre Nectoux a travaillé en clientèle généraliste tout en obtenant un master de physiologie intégrée en conditions extrêmes En savoir plus

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