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Veterinary Focus

Numéro du magazine 33.3 Nutrition

La nutrition du chat âgé

Publié 19/01/2024

Ecrit par Lori Prantil et Becca Leung

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Español et English

Vous voulez savoir en quoi les besoins nutritionnels des chats âgés diffèrent de ceux des chats plus jeunes ? Cet article vous résume ce qu’il faut savoir.

aliments aux arômes et aux saveurs variés

Points clés

Bien que les stades de la vie du chat aient été récemment définis, il n’existe pas encore de recommandations nutritionnelles spécifiques pour les individus âgés.


Les capacités digestives des chats âgés sont souvent réduites, ce qui peut affecter leur note d’état corporel et de condition musculaire.


Des recherches récentes ont montré combien la teneur en phosphore et le ratio phosphocalcique de l’alimentation étaient importants. 


Des recherches supplémentaires sont nécessaires à propos des suppléments destinés à lutter contre le déclin cognitif du chat âgé.


Introduction

Les stades de vie des chats n’ont été définis que relativement récemment et leurs seuils varient légèrement selon les sources (Tableau 1). En 2011, l’American animal hospital association (AAHA) et l’American association of feline practitioners (AAFP) ont recommandé de diviser la vie du chat en cinq stades : celui du chaton (de la naissance à l’âge d’un an), du jeune adulte (1-6 ans), de l’adulte mature (7-10 ans), du chat senior (> 10 ans), et de la fin de vie qui peut intervenir à n’importe quel âge 1. L’International society of feline medicine (ISFM) propose un découpage légèrement différent : chaton (naissance-6 mois), junior (7 mois-2 ans), adulte (3-6 ans), mature (7-10 ans), senior (11-14 ans) et super senior (15 ans et plus) 2. Ces différences mises à part, l’attention croissante portée aux étapes successives de la vie des chats implique désormais de plus s’intéresser à l’évolution de leurs besoins nutritionnels, en particulier lorsqu’ils vieillissent. Alors que des organisations telles que l’American association of feed control officials (Aafco) et la Fédération européenne de l’industrie des aliments pour animaux familiers (Fediaf) ont édicté des recommandations et des lignes directrices pour la croissance (la Fediaf distingue la croissance précoce et tardive), la reproduction et l’âge adulte, elles n’ont pas traité le sujet des chats âgés. Savoir comment nourrir les chats âgés est pourtant une question qui devient de plus en plus importante à mesure que leur population augmente, et cela constitue donc un véritable défi ; aux États-Unis, 20 à 40 % des chats peuvent être considérés comme seniors ou super seniors 3 (Figure 1).

Tableau 1. Description des stades physiologiques selon des instances vétérinaires connues pour leur expertise en santé féline 

Stade physiologique AAHA et AAFP ISFM 
Chaton De la naissance à l’âge de 1 an De la naissance à 6 mois 
Junior 7 mois-2 ans
Jeune adulte 1-6 ans – 
Adulte 3-6 ans
Adulte mature 7-10 ans 7-10 ans
Senior > 10 ans 11-14 ans
Super senior 15 ans et plus

Bien que plusieurs études sur la nutrition des chats âgés aient été publiées, on manque actuellement de données portant sur des nutriments spécifiques, qu’il s’agisse des nutriments essentiels ou de ceux qui pourraient être bénéfiques, même sans être indispensables. Cet article fait l’état des lieux des connaissances à propos des différentes catégories de nutriments, et présente aussi quelques éléments factuels qui pourraient être intéressants à prendre en compte dans la nutrition des chats âgés.

population féline vieillit

Figure 1. La population féline vieillit ; aux États-Unis, environ 20 à 40 % des chats sont considérés comme des « seniors » et « super seniors ».
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Digestibilité et densité énergétique globale de la ration

La baisse de la digestibilité avec l’âge est connue depuis longtemps : environ un tiers des chats matures et âgés digère moins bien les matières grasses et la digestibilité des protéines est réduite chez 20 % d’entre eux 4. Des informations récentes ont aussi montré que la diminution du poids des chats âgés, qu’ils soient jugés en bonne santé ou pas, peut être partiellement attribuée à une baisse de la digestibilité des nutriments. En outre, une perte de masse maigre et une baisse de la note de condition musculaire sont fréquemment observées chez les chats âgés, sans doute en partie à cause de la diminution de la digestibilité des protéines, qui entraîne un bilan azoté négatif 5. La question se pose donc de savoir si les quantités de protéines actuellement recommandées pour équilibrer le bilan azoté des chats sont suffisantes pour entretenir la masse maigre ; des apports plus élevés devraient-ils être envisagés 6.

Une perte de poids et de masse maigre chez les chats âgés ne sont pas seulement dues à une digestibilité réduite de la ration alimentaire. Chez l’humain, les sens de l’odorat et du goût diminuent avec l’âge et il est probable que ce soit aussi le cas chez d’autres animaux 7. Les stratégies pour y remédier consistent à proposer des aliments aux arômes et aux saveurs variés, et de les servir à la température optimale de 37°C 8 (Figure 2). Une diminution de l’appétit et de l’intérêt pour la nourriture peut également s’expliquer par des maladies douloureuses (comme les maladies dentaires), des dérèglements métaboliques (cas des toxines urémiques lors de maladie rénale chronique (MRC) une production accrue de cytokines lors de maladie inflammatoire), ou par l’effet de certains médicaments (une chimiothérapie peut directement affecter le goût des aliments). Les maladies fréquentes chez les chats âgés peuvent également favoriser une perte de poids et une fonte musculaire ; c’est le cas de l’hyperthyroïdie, des entéropathies chroniques, des lymphomes et du diabète sucré. Enfin, la sarcopénie (perte de masse maigre associée au vieillissement mais non liée à une maladie) a été décrite à la fois chez le chien et le chat 9.

Les sens de l’odorat et du goût diminuent à mesure que les chats vieillissent

Figure 2. Les sens de l’odorat et du goût diminuent à mesure que les chats vieillissent, ce qui contribue à faire baisser leur consommation alimentaire. Les stratégies pour y remédier consistent à proposer des aliments aux arômes et aux saveurs variés, et à servir les aliments à la température optimale de 37°C. 
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Un chat âgé, même en bonne santé, peut donc avoir besoin de consommer plus de calories pour maintenir son poids et une alimentation plus digestible sera souvent utile pour optimiser l’absorption des nutriments. Les rationnements alimentaires proposés par les fabricants se basent sur une estimation des besoins moyens mais ceux-ci peuvent varier de ± 50 % selon les individus 10. L’évaluation du poids, de la note d’état corporel et de la note de condition musculaire devraient donc être réalisées régulièrement chez tous les chats considérés comme seniors ou super seniors afin, le cas échéant, de procéder à des ajustements de la couverture calorique et de l’équilibre alimentaire (Figure 3).

Le poids, la note d’état corporel et la note de condition musculaire devraient être régulièrement évalués chez tous les chats

Figure 3. Le poids, la note d’état corporel et la note de condition musculaire devraient être régulièrement évalués chez tous les chats considérés comme seniors ou super seniors, afin de réviser leurs besoins nutritionnels si nécessaire. 
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Humidité de l’aliment

La déshydratation menace les chats vieillissants à cause d’une diminution de la sensation de soif, d’une mobilité réduite ou d’un processus pathologique 11. L’état d’hydratation du chat peut cependant être difficile à évaluer car même une perte d’eau importante ne provoque pas toujours des signes cliniques évidents de déshydratation 12. Il est donc important d’encourager un chat âgé à boire, même s’il ne semble pas forcément déshydraté (Figure 4). Mettre de l’eau propre et fraîche à la disposition du chat est un principe incontournable mais la consommation d’eau peut aussi être encouragée en augmentant le taux d’humidité de l’alimentation. Une étude signale que des troubles dentaires sont présents chez plus de 50 % des chats âgés 13 ; si le chat présente des signes d’inconfort en mangeant ou que sa capacité à croquer est réduite, l’alimentation humide peut être bénéfique (en complément des mesures appropriées pour traiter le problème sous-jacent) (Figure 5). La MRC et toutes les formes d’urolithiase sont d’autres exemples de maladies pour lesquelles l’humidité alimentaire joue un rôle important. Il est cependant essentiel de se rappeler que l’augmentation du taux d’humidité de l’aliment fait baisser la concentration énergétique du régime. Il est par conséquent important de s’assurer que le rationnement est adapté aux besoins quotidiens du chat et que son niveau d’ingestion reste suffisant. Si le chat a des difficultés à consommer les volumes quotidiens requis, une alimentation mixte ou un aliment sec l’aideront à couvrir ses besoins énergétiques.

Différents facteurs favorisent la déshydratation chez les chats âgés mais il peut être difficile d’évaluer l’état d’hydratation d’un chat

Figure 4. Différents facteurs favorisent la déshydratation chez les chats âgés mais il peut être difficile d’évaluer l’état d’hydratation d’un chat ; il est donc important d’encourager les chats âgés à boire, même s’ils ne semblent pas manifestement déshydratés.
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Protéines

Si nous savons que certains chats âgés digèrent moins bien les protéines, le niveau optimal de protéines à recommander pour un chat âgé a priori en bonne santé n’est pas bien défini. Comme les chats âgés présentent souvent une MRC (30 à 40 % des chats de plus de 10 ans seraient concernés 14), une restriction protéique précoce est parfois présentée comme bénéfique pour tous les chats âgés, d’autant plus qu’une réduction des protéines alimentaires est préconisée dans les derniers stades de la maladie. On ne dispose pourtant pas de suffisamment d’éléments pour confirmer que diminuer l’apport protéique au fur et à mesure que les chats vieillissent réduira le risque d’apparition de MRC. En outre, et comme mentionné ci-dessus, la sarcopénie féline est observée dès l’âge de 7 ans et, puisque les chats âgés ont une capacité réduite à digérer les protéines, le risque de sarcopénie augmente si l’apport en protéines est insuffisant. Par conséquent, comme les chats sont des carnivores obligatoires et ont un besoin élevé en protéines, il faut conclure de ces éléments qu’une alimentation à faible teneur protéique devrait être réservée aux chats présentant une maladie rénale active ; elle ne doit pas être recommandée à titre préventif pour les chats âgés en bonne santé.

Les chats âgés et très âgés souffrent souvent de problèmes dentaires qui peuvent faire diminuer leur consommation alimentaire

Figure 5. Les chats âgés et très âgés souffrent souvent de problèmes dentaires qui peuvent faire diminuer leur consommation alimentaire. Ces chats devraient être régulièrement soumis à un examen dentaire complet.
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Matières grasses

Comme indiqué précédemment, la digestibilité des matières grasses peut être moins performante chez un chat âgé, ce qui contribue alors directement à faire baisser l’apport calorique puisque les matières grasses apportent plus de calories par gramme que les glucides ou les protéines. Chez un chat qui perd du poids et dont l’état corporel se dégrade au fil du temps (mais qui est par ailleurs en bonne santé), un aliment riche en matières grasses peut être une bonne option, à condition qu’il présente aussi une très haute digestibilité des protéines et des glucides. Inversement, si le chat est en surpoids, un aliment moins riche en matières grasses et donc moins calorique sera préférable. En 2022, l’Association pour la prévention de l’obésité chez les animaux de compagnie aux États-Unis estimait que 61 % des chats de compagnie étaient en surpoids ou obèses 15 ; comme l’espérance de vie des chats augmente, il est probable que cette statistique inclue les chats seniors. L’obésité féline est associée à un risque accru de problèmes respiratoires, dermatologiques, musculosquelettiques et dentaires, ainsi qu’à des troubles urinaires et au diabète. Par conséquent, même si un niveau élevé de matières grasses peut être recommandé pour les chats qui perdent du poids involontairement, un niveau de matières grasse modéré reste d’actualité quand l’objectif principal consiste à faire perdre du poids au chat.

Lori Prantil

Il est nécessaire d’évaluer régulièrement le poids corporel, la note d’état corporel et la note de condition musculaire de tous les chats considérés comme seniors ou super seniors, afin d’ajuster leur couverture calorique et éventuellement la composition de leur régime alimentaire.

Lori Prantil

Glucides

Bien que les glucides ne soient pas essentiels, ils jouent un rôle important pour couvrir les besoins énergétiques et maintenir les teneurs en protéines et en matières grasses dans les proportions souhaitées à l’intérieur de l’aliment. Sauf dans le cas où le taux de glucides digestibles doit être surveillé de près, (comme par exemple chez un chat diabétique – Figure 6), il faut être conscient que la proportion de glucides découle en général de la concentration de l’aliment en protéines et en matières grasses. Chez un chat vieillissant en bonne santé, l’amidon peut cependant favoriser l’épargne protéique en fournissant une source de glucose alternative à la néoglucogenèse à partir des protéines. S’il est bien cuit, l’amidon est par ailleurs facilement digéré et absorbé par le chat ; le fait que les glucides digestibles favorisent l’obésité ou le diabète sucré chez le chat n’a jamais été prouvé et il n’y a donc aucune raison de les éviter. Ce sont en fait les régimes riches en matières grasses qui sont le plus susceptibles de conduire à l’obésité et la teneur en matières grasses d’un aliment peut être réduite en augmentant le pourcentage de protéines ou de glucides.

Les glucides non digestibles sont représentés par les fibres alimentaires et celles-ci peuvent aider à maintenir une bonne santé du tube digestif. Les fibres fermentescibles (pulpe de betterave, pulpe de chicorée, fructo-oligosaccharides) sont utilisées par le microbiote intestinal et les produits issus de la fermentation, tels que les acides gras à chaîne courte, peuvent directement bénéficier aux chats vieillissants. Chez le chien âgé, il a été montré qu’une alimentation riche en fibres alimentaires permettait de réduire l’ammoniac intestinal 16, un paramètre important en cas de MRC ou d’encéphalopathie hépatique. Les fibres alimentaires font cependant baisser la densité calorique du régime et peuvent nuire à l’appétence, il est donc essentiel de trouver le bon équilibre pour chaque individu.

Les chats âgés peuvent avoir des besoins alimentaires particuliers

Figure 6. Les chats âgés peuvent avoir des besoins alimentaires particuliers, comme c’est le cas chez les chats diabétiques ; il peut alors être nécessaire de reconsidérer le seuil de glucides digestibles à ne pas dépasser dans leur alimentation.
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Vitamines et minéraux

Phosphore et ratio phosphocalcique

S’il est difficile d’associer les aliments riches en protéines avec un risque accru de développement de MRC chez un chat âgé, il est en revanche prouvé que les aliments riches en phosphore peuvent favoriser cette maladie. Deux études récentes ont testé l’effet d’aliments présentant des teneurs en phosphore et des ratios phosphocalciques variés sur une cohorte de chats en bonne santé. Les aliments les plus riches en phosphore (dont l’essentiel provenait de sources inorganiques) et qui présentaient le ratio phosphocalcique le plus faible ont induit des modifications rénales chez les chats 17. En faisant varier le niveau de phosphore total, le ratio phosphocalcique et les sources de phosphore dans l’aliment, d’autres études ont montré qu’un niveau élevé de phosphore inorganique était associé avec un pic (dose-dépendant) de la concentration plasmatique en phosphore plus élevé qu’en utilisant du phosphore organique 18. Toutes les sources de phosphore inorganique ne provoquent cependant pas la même augmentation postprandiale de la concentration plasmatique en phosphore. Bien que des études complémentaires soient nécessaires dans ce domaine, il est conseillé d’éviter les aliments contenant un taux élevé de phosphates inorganiques solubles, ainsi que ceux dont le rapport calcium/phosphore est inférieur à 1:1 19.

Il faut pourtant savoir que, dans les aliments préparés pour animaux de compagnie, les niveaux de protéines et de phosphore organique ont tendance à évoluer ensemble : plus l’un des niveaux est élevé, plus l’autre l’est probablement aussi. Cette association peut ne pas exister dans des aliments récemment apparus sur le marché (en particulier des aliments diététiques destinés aux animaux présentant une maladie rénale précoce) grâce à la sélection d’ingrédients particuliers. Cette sélection n’est toutefois pas réalisée dans la plupart des aliments d’entretien et maintenir un niveau élevé de protéines dans l’alimentation tout en évitant l’excès de phosphore peut ainsi constituer un défi lorsqu’il s’agit de recommander un aliment d’entretien à un chat âgé.

Autres minéraux et vitamines

Quel que soit leur âge, il est évident qu’un chat a besoin d’une alimentation complète et équilibrée, contenant des teneurs adéquates en vitamines et en minéraux, mais des précautions particulières doivent être prises pour les chats âgés. La diminution de leur capacité à digérer les matières grasses peut par exemple entraîner une baisse de l’absorption des vitamines liposolubles. Ce type de carences vitaminiques chez les chats âgés n’est actuellement pas documenté mais une baisse de l’absorption des nutriments clés doit cependant être suspectée chez les chats dont les conditions corporelle et musculaire se dégradent, surtout si l’alimentation du chat présente des déséquilibres ou des déficits.

Un apport de vitamines antioxydantes, telles que les vitamines C et E, ainsi que du bêta-carotène, un précurseur vitaminique, peuvent être bénéfiques aux chats âgés. Si la vitamine C n’est pas un nutriment indispensable au chat (il peut la synthétiser de manière endogène), il est en revanche prouvé que l’espérance de vie des chats peut être augmentée en enrichissant leur alimentation avec de la vitamine E et du bêta-carotène 20. Bien que cela ne soit pas nécessairement un problème pour un chat âgé en bonne santé, une supplémentation en vitamines hydrosolubles, telles que la vitamine B12, peut aussi être recommandée en cas de malabsorption ou d’augmentation des pertes hydriques à cause d’une polyurie.

Becca Leung

Il est fréquent d’observer une perte de masse maigre et une baisse de la note de condition musculaire chez les chats âgés ; une diminution de la digestibilité des protéines, entraînant un bilan azoté négatif, peut en être la cause.

Becca Leung

EPA et DHA

L’arthrose est l’une des affections les plus courantes chez les chats âgés ; une étude a montré que 92 % des chats de plus de 14 ans présentaient des signes radiographiques de cette maladie dégénérative articulaire 21. Bien que de nombreux types de compléments alimentaires soient recommandés pour les animaux arthrosiques, ce sont l’acide eicosapentaénoïque (EPA) et l’acide docasahexanoïque (DHA) qui ont montré la meilleure efficacité dans les études évaluant leur intérêt potentiel. L’une d’elles a mis en évidence que les chats arthrosiques recevant un supplément d’huile de poisson étaient plus actifs, moins raides, sautaient plus haut et interagissaient davantage avec leur propriétaire 22 (Figure 7).

Une étude a montré que les chats arthrosiques qui reçoivent un supplément d’huile de poisson présentent un niveau d’activité spontanée plus élevé

Figure 7. Une étude a montré que les chats arthrosiques qui reçoivent un supplément d’huile de poisson présentent un niveau d’activité spontanée plus élevé et sont mieux capables de grimper et de sauter.
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Des nutriments contre le déclin cognitif

Avec l’augmentation du nombre de chats entrant dans les catégories senior et super senior, les dysfonctionnements cognitifs sont devenus de plus en plus fréquents ; ils sont facilement identifiables même chez des chats par ailleurs jugés en bonne santé. Ce phénomène est souvent considéré comme faisant partie du processus normal de vieillissement et une étude a montré que 88 % des propriétaires de chats âgés de 16 à 19 ans (catégorie super senior) constatent que leurs animaux ont développé des problèmes de comportement liés à l’âge ; c’est aussi le cas pour 36 % des propriétaires de chats âgés de 7 à 10 ans (catégories adulte mature et senior) 23. Ces changements peuvent entraîner une baisse de la qualité de vie du chat et de son propriétaire, c’est pourquoi il est très intéressant de travailler sur des aliments ou des suppléments pouvant aider à ralentir ce processus.

Un certain nombre de nutriments ont été étudiés et les résultats sont mitigés. Des effets positifs ont été observés avec une supplémentation en S-adénosyl-l-méthionine (SAMe) et d’autres compléments, tels que la mélatonine, la L-théanine, les hydrolysats de protéines laitières et les phéromones ont fait l’objet d’observations anecdotiques. La plupart de ces compléments ont cependant été utilisés pour traiter les problèmes d’anxiété générale chez les chats et non le déclin cognitif en particulier. D’autres essais cliniques étudiant spécifiquement les effets de ces nutriments sur le déclin cognitif sont donc nécessaires. Les triglycérides à chaîne moyenne (TCM) sont des nutriments utilisés chez les chiens présentant des dysfonctionnements cognitifs mais des essais spécifiques devront être réalisés chez le chat. Des problèmes d’appétence ont autrefois été mentionnés chez les chats recevant des TCM mais des publications plus récentes mettent en doute cette observation 24,25. Les recherches actuelles visent à lutter contre le déclin des fonctions cérébrales au cours du vieillissement en ciblant l’axe intestin-cerveau. Outre les études portant sur les TCM (qui, en plus de leur action directe, peuvent influencer la production de cétones), des travaux futurs se pencheront certainement sur l’intérêt des prébiotiques et des probiotiques pour influencer la fonction cognitive des animaux vieillissants.

Conclusion

De nombreux fabricants proposent aujourd’hui des aliments complets ou complémentaires à destination des chats âgés, mais dont la formulation est plus basée sur des considérations subjectives que sur des recherches ou essais cliniques probants à leur sujet. Bien que nous commencions à comprendre les effets de certains nutriments, les besoins nutritionnels des chats âgés sont encore largement à définir. Cette vaste catégorie de population oblige à prendre en compte la variété des besoins nutritionnels, même chez les chats âgés en apparente bonne santé, et il est donc difficile de standardiser les recommandations. Les conseils diététiques doivent au contraire être prodigués en fonction des cas individuels. À mesure que la population féline vieillit, nous devrons nous appliquer à mieux comprendre les besoins des chats et à élaborer des recommandations fondées sur des preuves, pour les aider à traverser les stades senior et super senior.

Références

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Lori Prantil

Lori Prantil

La Dre Prantil est diplômée de la Cummings school of veterinary medicine de l’Université de Tufts aux États-Unis, et spécialiste en nutrition vétérinaire En savoir plus

Becca Leung

Becca Leung

La Dre Leung est née à Hong Kong et a grandi aux États-Unis En savoir plus

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