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Veterinary Focus

Numéro du magazine 33.1 Autre scientifique

L’axe intestin-rein chez le chat : il offre matière à réflexion

Publié 31/05/2023

Ecrit par Stacie C. Summers et Jessica M. Quimby

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Português , Español , English et 한국어

Il existe désormais des preuves solides des relations importantes qu’entretiennent l’intestin et le rein, et cet article montre que la santé gastro-intestinale pourrait jouer un rôle clé dans les maladies rénales.

Les acides gras à courte chaîne et les acides gras ramifiés

Points clés

Les interactions entre l’intestin et le rein peuvent influencer significativement la santé des deux organes, avec des effets cliniques ultérieurs.


Les chats atteints de maladie rénale chronique (MRC) présentent une dysbiose intestinale : la composition de leur microbiote intestinal est altérée.


Les toxines urémiques s’accumulent même au cours des premiers stades de la MRC ; elles exercent de multiples effets systémiques délétères et sont associées à la progression de la maladie.


Lutter contre la dysbiose intestinale et l’accumulation des toxines urémiques peut être une stratégie thérapeutique importante lors de MRC féline.


Introduction

De plus en plus d’études soutiennent le concept « axe intestin-rein » selon lequel il existe dans de nombreuses espèces un lien étroit entre l’intestin et le rein (Figure 1). Les deux systèmes interagissent entre eux, ce qui laisse supposer des conséquences cliniques potentielles significatives. Les chats atteints de maladie rénale chronique (MRC) présentent une dysbiose intestinale. Il est donc légitime de s’intéresser à l’intestin pour tenter d’améliorer la longévité et limiter les comorbidités des chats atteints de MRC. Cet article passe en revue les connaissances actuelles sur l’axe intestin-rein, ainsi que les stratégies dont disposent les vétérinaires pour agir sur l’équilibre du microbiome et réduire la production intestinale de toxines urémiques nocives.

Axe intestin-rein chez le chat

Figure 1. Axe intestin-rein chez le chat. Il existe un lien significatif entre l’intestin et le rein : les interactions importantes entre les deux organes ont des implications cliniques potentielles significatives.
© Redrawn by Sandrine Fontègne

Le microbiome et la dysbiose

Le microbiome intestinal est défini comme l’ensemble des micro-organismes de l’intestin, essentiellement des bactéries, qui forme un écosystème aux interactions complexes, à la fois entre eux et avec l’hôte. Chez le chat, il existe des milliers de phylotypes de bactéries intestinales, représentées par des milliards d’agents microbiens dotés d’une capacité fonctionnelle étendue. Ce large éventail de micro-organismes joue un rôle important dans le maintien de la santé de l’hôte, en produisant des métabolites et en influençant l’expression de certains gènes dans l’intestin. Un microbiote bactérien sain avec des interactions équilibrées avec l’hôte est essentiel au développement et au maintien d’un système immunitaire efficace, à l’assimilation de nutriments alimentaires, au maintien de la barrière intestinale, à la synthèse de nutriments (exemples : acides gras à chaîne courte [AGCC], vitamine B12) et à la protection contre les agents pathogènes entériques 1.

La dysbiose intestinale correspond à un déséquilibre des communautés microbiennes intestinales, avec altération de la composition du microbiote et de ses activités métaboliques. La dysbiose n’est pas seulement un marqueur de nombreuses affections, elle contribue aussi activement au processus pathologique 2. La dysbiose intestinale a été largement décrite chez les patients humains atteints de MRC et dans des modèles de laboratoire et il a été montré que l’urémie influence négativement le microbiome. La complexité et l’homogénéité du microbiote diminuent ; sa composition s’appauvrit et certaines familles bactériennes deviennent dominantes 2. Si l’urée et de l’augmentation ultérieure de la production d’ammoniac par les bactéries intestinales ont un effet direct, d’autres raisons sont avancées pour expliquer la dysbiose intestinale chez les patients atteints de MRC : notamment l’utilisation fréquente d’antibiotiques et de chélateurs du phosphore, ainsi que des modifications alimentaires telles que la diminution de la consommation de fibres 2.

Stacie C. Summers

D’un point de vue clinique, la créatinine et l’urée sont les toxines urémiques les plus connues mais elles ne représentent en fait que deux des quelque 146 composés organiques qui sont des toxines urémiques potentielles.

Stacie C. Summers

Toxines urémiques

Le terme « urémie » désigne l’accumulation sanguine de substances consécutive à la baisse du débit de filtration glomérulaire (DFG) accompagnée des manifestations cliniques qui en résultent. Les déséquilibres concernent généralement les électrolytes, les solutés organiques et les hormones mais les toxines urémiques sont également en cause. La créatinine et l’urée sont les toxines urémiques les plus connues d’un point de vue clinique mais elles ne représentent en fait que deux des quelques 146 toxines urémiques potentielles 3. Il est important de savoir que nombre de ces substances ne sont pas activement régulées par l’organisme et qu’elles s’accumulent donc au fur et à mesure que le DFG diminue. Même chez l’humain, ces substances sont problématiques car certaines de ces toxines ne sont pas éliminées par l’hémodialyse 3. Les toxines urémiques issues du catabolisme des protéines par le microbiote colique (par exemple, l’indoxyl sulfate [IS], le p-crésol sulfate [PCS]) sont particulièrement intéressantes car, en plus d’exercer des effets physiopathologiques défavorables, elles pourraient également contribuer aux symptômes du syndrome urémique.

L’indole et le p-crésol, qui sont des précurseurs de toxines urémiques, sont tous deux issus du catabolisme des protéines : ils sont produits dans le côlon via la fermentation des protéines par le microbiote 4,5. Les indoles dérivent du catabolisme du tryptophane alimentaire par la tryptophanase présente chez certaines bactéries du microbiote intestinal, telles que Escherichia coli (E. coli), Proteus vulgaris, et Bacteroides spp. (Figure 2). Le p-crésol apparaît suite à la dégradation partielle de la tyrosine et de la phénylalanine par de nombreuses bactéries anaérobies intestinales, obligatoires ou facultatives, notamment du genre Bacteroides, Lactobacillus, Enterobacter, Bifidobacterium et Clostridium. L’indol et le p-crésol sont absorbés puis sulfonés dans le foie, conduisant à la formation respective des toxines urémiques IS et PCS. Ces toxines sont en situation physiologique excrétées par les reins et s’accumulent donc dans la circulation générale des individus atteints de MRC. La dysbiose augmente encore la production de toxines urémiques dans le côlon et un cercle vicieux se met en place 4,5. Chez les patients atteints de MRC, les protéines sont mal assimilées dans l’intestin grêle, ce qui accroît le substrat protéique dans la lumière intestinale et favorise le développement des bactéries protéolytiques à l’origine des précurseurs de toxines urémiques. La constipation peut également jouer un rôle en raison de la rétention prolongée de matières fécales dans le côlon. Chez l’humain, les patients constipés atteints de MRC présentent des niveaux de toxines urémiques plus élevés que ceux dont les scores fécaux sont normaux 6.

Les indoles sont produits dans le côlon

Figure 2. Les indoles sont produits dans le côlon, métabolisés en indoxyl sulfate dans le foie, puis éliminés par les reins. 
© Redrawn by Sandrine Fontègne

Effets délétères des toxines urémiques 

Les nombreuses toxines urémiques qui s’accumulent lors de MRC sont connues pour avoir des effets délétères et contribuent à l’expression clinique de la maladie. L’accumulation d’IS et de PCS liée à la MRC a par exemple été associée à l’augmentation de la production de radicaux libres et à l’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) favorisant ainsi la fibrose rénale, la progression de l’inflammation, les lésions tubulaires, ainsi que l’aggravation de la sclérose glomérulaire 7. Les toxines urémiques induisent d’autres effets indésirables qui contribuent également à la morbidité et à la mortalité : elles favorisent notamment les troubles nerveux, la diminution de la production d’érythropoïétine et du remodelage osseux, la progression de l’atrophie musculaire et l’augmentation du risque de maladie cardiovasculaire 7 (Figure 3).

Les effets systémiques délétères multiples des toxines urémiques ont été documentés

Figure 3. Les effets systémiques délétères multiples des toxines urémiques ont été documentés. 
© Redrawn by Sandrine Fontègne

Acides gras fécaux et MRC 

La dysbiose intestinale peut aussi perturber la production d’AGCC par le microbiote colique (essentiellement les acides acétique, propionique, butyrique et valérique et minoritairement les acides gras ramifiés comme les acides isovalérique et isobutyrique) (Figure 4). Les AGCC sont les principaux produits de la fermentation des polysaccharides complexes (incluant les fibres alimentaires non digestibles) et du mucus dérivé de l’épithélium ; ces nutriments sont essentiels à la santé de l’intestin et de l’hôte 8. Ils exercent plusieurs effets bénéfiques locaux et systémiques, notamment la stimulation de la motilité colique, du métabolisme des lipides et du glucose, la régulation de la pression artérielle et de l’immunité. En revanche, les acides gras ramifiés sont produits quand les protéines transitent par l’intestin grêle sans être absorbées et que les acides aminés ramifiés sont fermentés par le microbiote du côlon 8. Les AGCC ramifiés, ainsi que d’autres produits de la fermentation des protéines, sont considérés comme potentiellement néfastes pour l’intestin ; ils pourraient favoriser l’inflammation et avoir des effets défavorables sur la motilité intestinale 8. Chez l’humain, la dysbiose liée à la MRC est associée à une diminution des populations microbiennes qui produisent les AGCC mais, à la connaissance des auteures, les AGCC ramifiés n’ont pas été étudiés.

Les acides gras à courte chaîne et les acides gras ramifiés sont issus du métabolisme colique et produisent des effets différents

Figure 4. Les acides gras à courte chaîne et les acides gras ramifiés sont issus du métabolisme colique et produisent des effets différents.

Que savons-nous à propos du chat ?

Les connaissances à propos des liens entre microbiome, toxines urémiques et maladie rénale sont relativement limitées en médecine vétérinaire mais c’est chez le chat qu’elles sont le plus avancées. Par rapport aux chats sains d’âge équivalent (≥ 8 ans), les chats atteints de MRC présentent une dysbiose intestinale caractérisée par une diminution de la diversité et de la richesse microbienne fécale (selon l’analyse de la séquence du gène codant pour l’ARN 16S) 9. De plus, chez les chats atteints de MRC, les toxines urémiques produites dans l’intestin s’accumulent dans la circulation générale. Une augmentation significative du taux d’IS a ainsi été identifiée lors de MRC féline (Figure 5), ce qui est associé à la progression de la maladie 10,11,12. Une étude n’a pas montré de différence significative de concentrations en PCS entre les chats sains et les chats atteints de MRC mais les concentrations les plus élevées ont été notées chez les seconds 9. Il est intéressant de noter que, par rapport aux témoins, les concentrations en toxines urémiques sont significativement plus élevées chez les chats atteints de MRC dès le stade IRIS 2, ce qui sous-entend que ce déséquilibre survient relativement tôt dans le processus pathologique.

Les concentrations fécales d’AGCC ont été évaluées chez des chats atteints de MRC et des témoins sains ; une augmentation fécale de la concentration en acide isovalérique était notée dans le premier groupe, en particulier chez les chats aux stades IRIS 3 et 4 9. Chez les chats présentant une amyotrophie, les concentrations fécales en AGCC ramifiés étaient plus élevées que chez les chats sans amyotrophie. D’autres études ont mis en évidence des anomalies du profil des acides biliaires fécaux 13 et une carence en plusieurs acides aminés indispensables dans le sérum des chats atteints de MRC 14. L’ensemble de ces données confirme la malassimilation des protéines chez les chats atteints de MRC mais des études supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre comment interagissent l’intestin et le rein dans cette espèce. Ces études confortent cependant l’idée que la thérapie de la MRC féline a intérêt à cibler le microbiome intestinal, afin de tenter de restaurer des communautés microbiennes équilibrées et de réduire la production intestinale de toxines urémiques néfastes.

La concentration d’indoxyl sulfate

Figure 5. La concentration d’indoxyl sulfate est significativement plus élevée chez les chats atteints de MRC que chez les chats âgés en bonne santé (à partir de 9). 
© Redrawn by Sandrine Fontègne

L’intestin, une cible thérapeutique potentielle

Toxines urémiques

En raison des effets défavorables potentiels des toxines urémiques d’origine intestinale (et de leur faible capacité à être éliminées par hémodialyse en raison de leur liaison aux protéines), la médecine humaine a mis au point des stratégies visant à diminuer la production d’IS et de PCS : contrôle de la croissance microbienne dans le côlon grâce à la nutrition, apport de prébiotiques et de probiotiques, et utilisation d’adsorbants spécifiques des toxines urémiques 4,5. La production d’IS et de PCS peut être limitée en favorisant la croissance colique des bactéries saccharolytiques, en limitant celle des bactéries protéolytiques, et en optimisant la durée du transit intestinal (la lutte contre la constipation est donc un élément important). Les prébiotiques et les probiotiques influencent la composition du microbiote colique et ils ont été utilisés avec succès pour réduire les concentrations d’IS et de PCS chez les patients atteints de MRC. Il a aussi été montré que les concentrations d’IS et de PCS pouvaient diminuer grâce à l’augmentation des niveaux alimentaires en glucides et en fibres alimentaires, et à la diminution de l’apport en protéines. Des adsorbants tels que le chlorhydrate de sevelamer et l’AST-120 sont également utilisés pour limiter l’absorption intestinale de ces toxines 15,16. Peu d’études ont cependant été publiées sur les stratégies visant à réduire la production intestinale des toxines urémiques lors de MRC ; cette stratégie thérapeutique mérite d’être approfondie.

La diminution des toxines urémiques et des signes cliniques de l’urémie en réduisant l’apport alimentaire protéique est un principe de base, qui a historiquement été mis en pratique en médecine vétérinaire lors de MRC. Faute d’études, il n’existe cependant actuellement aucune preuve solide montrant que la restriction en protéines permet de limiter la production de toxines urémiques ou les signes cliniques de l’urémie ; des controverses ont d’ailleurs récemment surgi, notamment chez le chat, à propos de la teneur idéale en protéines dans les aliments à visée rénale 17,18. Peu de données sont disponibles sur l’influence de différentes teneurs en protéines sur la production de toxines urémiques chez le chat. Dans une étude sur des chats sains, un régime riche en protéines (10,98 g/100 kcal EM versus 7,44 g/100 kcal EM) était associé à une augmentation de la concentration en IS et à une concentration relativement plus élevée en PCS 19. Une étude sur des chats atteints de MRC stade IRIS 1, nourris avec trois régimes de niveaux protéiques différents, a aussi montré que les concentrations en IS et en PCS étaient nettement plus élevées avec le régime le plus riche en protéines (8,01 g/100 kcal EM versus 6,95 g/100 kcal EM et 5,65 g/100 kcal EM) 20.

Jessica M. Quimby

Les chats atteints de maladie rénale chronique présentent une dysbiose et il faudrait donc s’intéresser à l’intestin pour tenter d’améliorer la longévité et limiter les comorbidités.

Jessica M. Quimby

La teneur idéale en protéines d’un aliment à visée rénale fait toujours débat chez le chat ; ils sont en effet considérés comme des carnivores obligatoires et ont donc des besoins en protéines plus élevés que les chiens et les humains. Des études suggèrent que les chats âgés ont besoin de plus de protéines que les chats plus jeunes. En outre, de nombreux chats atteints de MRC présentent une diminution de leur poids, de leur score corporel ou de leur masse musculaire au fil du temps. D’après les informations disponibles à ce jour pour les chats atteints de MRC, on ne peut que recommander de viser l’apport en protéines idéal qui permet de limiter la production de toxines urémiques tout en préservant le maintien de la masse maigre. Quand le taux protéique de l’alimentation du chat est revu, il est essentiel de s’assurer que l’apport calorique de l’aliment est également correct. 

Des suppléments de prébiotiques et de probiotiques ont été utilisés chez les chats atteints de MRC, dans l’espoir d’améliorer la santé du microbiome intestinal et de réduire les concentrations sanguines de toxines urémiques d’origine intestinale. L’effet de l’administration d’un probiotique du commerce (Enterococcus faecium SF68) a été évalué chez des chats atteints de MRC mais l’étude n’a pas noté d’effet appréciable sur le microbiome intestinal ou sur les concentrations sériques des principales toxines urémiques d’origine intestinale 21. Une autre étude a évalué l’effet de régimes expérimentaux contenant des fibres fermentescibles (des prébiotiques) sur le microbiote fécal de chats atteints de MRC ; il a été observé que leur microbiote résistait plus aux changements que celui des chats sains 22. L’ajout de fibres a permis de réduire les concentrations de toxines urémiques plasmatiques chez les chats atteints de MRC par rapport aux chats sains, ce qui soutient la théorie selon laquelle il est possible de limiter la production intestinale de toxines urémiques en agissant sur le microbiote intestinal. Des stratégies fondées sur des preuves, spécifiques à chaque espèce, restent toutefois à établir.

Certains produits sont désormais commercialisés dans de nombreux pays, notamment un mélange de probiotiques et de prébiotiques destiné à créer un environnement bénéfique pour le microbiome, où la production de toxines urémiques serait moindre. Un adsorbant à base de charbon, conçu pour fixer les indoles dans le tube digestif et empêcher son absorption par l’organisme, est également disponible ; avec ce dernier produit, il est prouvé que le taux d’IS baisse chez les chats âgés après huit semaines d’administration 23. Les données concernant l’efficacité des deux produits pour diminuer la concentration d’IS chez les chats atteints de MRC font encore défaut.

Constipation

La prévalence de la constipation associée à la MRC féline n’a pas été évaluée mais, de manière empirique, cela semble être une observation médicale fréquente (Figure 6). Les résultats préliminaires d’une enquête sur le comportement de défécation des chats suggèrent que l’élimination est moins régulière en cas de MRC. Chez ces chats, la constipation est probablement due au déséquilibre hydrique, éventuellement associé à une hypomotilité gastro-intestinale. Comme les reins ne parviennent pas à concentrer suffisamment l’urine et que le chat est confronté à une déshydratation subclinique chronique, le côlon réabsorbe l’eau pour compenser ce qui conduit à un contenu colique asséché. L’hypokaliémie et l’utilisation de chélateurs du phosphate peuvent également contribuer à la constipation 24,25. Le traitement de la constipation passe par la correction de la déshydratation et des déséquilibres électrolytiques, des modifications alimentaires et l’apport de fibres, l’administration de laxatifs osmotiques ou d’agents prokinétiques. Outre les effets cliniques, la constipation peut avoir d’autres conséquences négatives qui illustrent encore l’axe intestin-rein. Comme indiqué précédemment, les patients humains constipés atteints de MRC présentent des concentrations plus élevées de toxines urémiques que les patients dont le score fécal est normal ; inversement, ces toxines peuvent avoir des effets négatifs sur la motilité gastro-intestinale 8. L’administration de lactulose dans le cadre d’un modèle rongeur de MRC a montré une baisse significative des toxines urémiques, de la créatinine et même des lésions rénales histopathologiques 26.

La constipation

Figure 6. La constipation est fréquente chez les chats atteints de MRC et doit être traitée correctement pour prévenir ses nombreuses conséquences négatives. 
© The Ohio State University Veterinary Medical Center

Conclusion

Bien qu’il reste encore beaucoup à explorer, il est de plus en plus évident que le tube digestif et les reins interagissent et s’influencent mutuellement, qu’ils soient en bonne santé ou malades. Compte tenu de la fréquence de la dysbiose intestinale lors de MRC, il est probable que sa prise en charge spécifique et proactive devienne nécessaire pour améliorer la longévité et la qualité de vie des chats atteints.

Nous remercions les Drs Juan Hernandez et Tristan Méric pour la relecture attentive de la version française de cet article.

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Stacie C. Summers

Stacie C. Summers

La Dre Summers est spécialiste en médecine interne des animaux de compagnie et elle est actuellement professeure adjointe à l’Université d’État de l’Oregon En savoir plus

Jessica M. Quimby

Jessica M. Quimby

La Dre Quimby est diplômée de l’Université du Wisconsin-Madison depuis 2003 En savoir plus

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