Magazine scientifiques et médicaux internationaux pour les professionels de la santé animale
Veterinary Focus

Numéro du magazine 33.1 Gastro-intestinal

La giardiose chez le chien

Publié 14/06/2023

Ecrit par Rolf R. Nijsse et Paul A.M. Overgaauw

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Português , Română , Español , English et 한국어

Une infection par des Giardia est couramment identifiée chez les chiens mais en pratique, il n’est pas toujours facile de savoir s’il s’agit d’une découverte significative. Et choisir le meilleur traitement n’est pas non plus aisé. Cet article vise à fournir des réponses aux praticiens.

Un kyste intact de Giardia dans les fèces

Points clés

La prévalence de Giardia duodenalis dans la population canine est variable. L’infection est souvent asymptomatique mais elle peut provoquer des selles molles ou une diarrhée aqueuse.


Le fenbendazole et le métronidazole sont les principaux traitements de la giardiose. Le choix du clinicien s’appuiera sur l’historique du chien et le contexte individuel.


Le traitement d’un chien positif au dépistage de Giardia mais sans signe clinique, est généralement inutile.


En cas de récidive de giardiose, une bonne hygiène de l’environnement et le fait d’empêcher les chiens de boire de l’eau stagnante ou de consommer des fèces peuvent aider à éradiquer l’infection.


Introduction

Avec l’amélioration des techniques de dépistage du parasite unicellulaire Giardia duodenalis, cette infection est aujourd’hui fréquemment détectée chez le chien et le chat. Comme elle peut cependant aussi bien rester subclinique que provoquer des troubles gastro-intestinaux (GI) importants, de nombreuses questions se posent en pratique. Quelles sont la sensibilité et la spécificité des tests de diagnostic ? Est-il ou non nécessaire de traiter ? Quelles sont les meilleures options thérapeutiques ? Etc. En outre, les signes cliniques persistent parfois après le traitement et un test fécal peut demeurer positif malgré un traitement efficace et une amélioration clinique. Puisque ce parasite suscite autant d’interrogations, il est important que les principes de diagnostic, de traitement et de contrôle de la giardiose soient clairs et sans ambiguïté. Des informations peuvent être obtenues à partir de différentes sources (expert en parasitologie, gastro-entérologue, laboratoire ou fabricant de médicaments autorisés pour le traitement de la giardiose) mais les réponses sont parfois déroutantes. Il n’est pas facile de fournir des recommandations générales valables dans toutes les situations mais une approche cohérente des infections à Giardia permet de mieux les contrôler, tout en identifiant précocement d’éventuels autres problèmes GI. Cet article vise à fournir des informations qui aident à respecter une telle approche.

Épidémiologie

Le flagellé Giardia duodenalis (syn. G. lamblia, G. intestinalis) est un parasite intestinal très cosmopolite. Ce protozoaire est présent chez les mammifères (y compris l’Homme), les oiseaux, les reptiles et les amphibiens. Le génotypage permet d’identifier 8 groupes (qu’on appelle les assemblages A à H) présentant généralement une nette spécificité d’hôte. Les assemblages A et B sont présents chez l’Homme, C et D chez le chien et F chez le chat. Les assemblages A et B sont parfois identifiés chez des chiens ou des chats mais les assemblages C, D et F ont jusqu’à présent rarement été mis en évidence chez l’Homme 1,2.

Chez l’Homme, la prévalence de Giardia va de 0,4 à 7,5 % dans les pays occidentaux et de 8 à 30 % dans les pays non industrialisés 3. On estime que plus d’un milliard de personnes dans le monde sont infectées par ce parasite 4. Les taux d’infection chez l’Homme, le chien et le chat varient considérablement selon les pays, les conditions de vie et les méthodes de test. En Europe, une prévalence de 3 à 7 % est rapportée chez le chien mais elle peut atteindre 46 % en chenil 3,5. Dans les pays non industrialisés, le parasite est parfois présent chez 10 à 30 % des chiens de compagnie 3. Dans une étude néerlandaise portant sur 381 chiens ne présentant aucun signe clinique, ce sont les chiens de chasse qui présentaient la prévalence la plus élevée d’infection à Giardia (65 %) tandis que la prévalence était de 8 % au sein d’un groupe aléatoire de chiens de compagnie sélectionné pour la même étude. Une autre étude, basé sur des résultats d’analyses fécales en laboratoire, a rapporté un taux d’infection par le parasite de 25 % chez 192 chiens présentant des signes cliniques digestifs 6.

Cycle biologique

Cycle bioloLe cycle biologique de Giardia est direct. Suite à l’ingestion de kystes infectieux provenant de la nourriture, de l’eau de boisson ou de l’environnement, les trophozoïtes mobiles se fixent à la muqueuse à l’aide d’une ventouse ventrale. Après une phase de multiplication asexuée, les trophozoïtes s’enkystent plus loin dans l’intestin grêle et sont ensuite excrétés en grande quantité dans les fèces (parfois de manière intermittente) pendant des semaines à des mois (Figure 1). Des trophozoïtes mobiles peuvent être observés dans les fèces fraîches et encore chaudes lorsque le transit intestinal s’accélère (diarrhée) mais ils ne survivent pas au transit gastrique et ne sont donc pas infectieux (Figure 2). Les kystes sont en revanche très résistants (d’où la persistance d’une forte contamination de l’environnement) et sont immédiatement infectieux une fois excrétés (Figure 3). Le chien se contamine par voie féco-orale en ingérant directement des kystes dans les fèces (coprophagie) ou par contact avec le pelage, la nourriture, le sol ou l’eau de boisson souillés par des matières fécales. Chez l’Homme, il a été démontré que l’ingestion d’un faible nombre de kystes (10 à 100) suffit à la contamination gique 7. L’infection peut rester active pendant des semaines à des mois, sur un mode aigu, chronique ou subclinique. Chez le chien, la période d’incubation est de 4 à 16 jours et il faut attendre en moyenne au moins 7 jours après l’infection (période prépatente) pour pouvoir détecter le parasite dans les fèces. Bien que les kystes puissent survivre à l’extérieur pendant des mois, ils sont sensibles à la lumière du soleil et à la déshydratation, et leur nombre est fortement réduit par les cycles de gel-dégel 5,8 : plus l’environnement est froid et humide, plus les kystes restent infectieux longtemps.

Le cycle de vie de Giardia duodenalis

Figure 1. Le cycle de vie de Giardia duodenalis.
© ESCCAP/d’après Sandrine Fontègne

Les porteurs asymptomatiques de Giardia 9 contaminent l’environnement à bas bruit pendant de longues périodes. L’infection provoque théoriquement une immunité partielle chez l’individu, si bien que les signes cliniques diminuent avant que l’infection ne finisse par disparaître. L’hôte présente ensuite une résistance limitée à la réinfection 5.

Un trophozoïte de Giardia dans les fèces (cercle rouge) (x 600)

Figure 2. Un trophozoïte de Giardia dans les fèces (cercle rouge) (x 600).
© Faculté vétérinaire, Université d’Utrecht

Un kyste intact de Giardia dans les fèces

Figure 3. Un kyste intact de Giardia dans les fèces (cercle rouge) (x 600).
© Faculté vétérinaire, Université d’Utrecht

Signes cliniques

L’infection par des Giardia est généralement subclinique, elle est souvent autolimitante mais elle peut être responsable de l’émission intermittente ou chronique de fèces molles ou visqueuses, voire d’une diarrhée aqueuse. Une anorexie, des vomissements, un amaigrissement et un état léthargique peuvent aussi apparaître, en particulier chez les animaux immunodéficients, les chiots qui présentent des infections concomitantes ou les chiens de travail. Un retard de croissance et de développement peut être observé chez les jeunes chiots infectés.

Au niveau intestinal, l’inflammation atteint rarement un stade aigu. Le tableau clinique s’explique par la maldigestion-malabsorption et les troubles sécrétoires. La gravité des signes varie beaucoup sous l’influence de différents facteurs, notamment la souche de Giardia, l’immunité de l’hôte, son âge et son état nutritionnel, ainsi que la présence éventuelle d’infections ou d’infestations concomitantes. Pourtant, si l’hôte héberge d’autres parasites intestinaux, cela semble inhiber le développement de la population de Giardia car le nombre de kystes observés au microscope est plus faible 10. Un traitement anthelminthique peut donc augmenter la réceptivité à la giardiose, probablement parce que l’activité T-helper 2 induite par les parasites stimule la réponse immunitaire contre les Giardia 11,12. Bien que le parasite n’envahisse pas les muqueuses, des modifications internes et externes au tube digestif ont été décrites chez l’Homme, susceptibles d’entraîner un retard de croissance ou même un amaigrissement. Des modifications post-infectieuses chroniques peuvent aussi se développer dans le tube digestif et ailleurs dans l’organisme 13

La prévalence de la giardiose étant très variable, il est difficile de savoir si elle est fréquemment à l’origine de signes cliniques chez le chien. Une étude récente portant sur 1.291 chiens vivant dans différents environnements (chiens de compagnie, de refuge, de chasse et de laboratoire) a montré que l’infection n’est pas significativement associée à des fèces molles, même si le test de dépistage des Giardia est significativement plus souvent positif chez les chiens de compagnie lorsqu’ils présentent une diarrhée. Le test est également significativement plus souvent positif chez les jeunes chiens et les chiens vivant en chenil, et ces associations ont été confirmées avec différents types de tests diagnostiques. Les jeunes chiens et les chiens présentant des signes cliniques sont ceux qui excrètent le plus grand nombre de kystes de Giardia 10.

Diagnostics

Plusieurs tests sont disponibles pour détecter les Giardia 6,14

  • Frottis fécal (à partir d’un étalement de fèces fraîches, à examiner immédiatement pour observer la présence de trophozoïtes mobiles)
  • Technique de flottation passive
  • Flottation par centrifugation-sédimentation (FCS)
  • Tests Elisa rapides (souvent basés sur la détection de protéines pariétales des kystes dans les fèces)
  • Test d’immunofluorescence (IFT) et test enzymatiques directs par immunofluorescence (DFA)
  • Réaction en chaîne par polymérase (PCR).

La sensibilité relative de chaque méthode est présentée dans la Figure 4. Les tests IFT et PCR ne sont réalisés que dans des laboratoires spécialisés.

Vue d’ensemble de la sensibilité des différents tests de dépistage des Giardia

Figure 4. Vue d’ensemble de la sensibilité des différents tests de dépistage des Giardia.
© Faculté vétérinaire, Université d’Utrecht

Une étude a analysé des échantillons de matières fécales provenant de 573 chiens à l’aide de diverses méthodes (FCS, analyse microscopique, DFA, test immunochromatographique enzymatique rapide et qPCR) pour détecter la présence de G. duodenalis. Au final, tous les tests ont été jugés hautement spécifiques, le test rapide étant celui qui présentait la plus haute spécificité relative (99,6 %) et la qPCR la plus faible (85,6 %). Les sensibilités relatives variaient beaucoup plus mais la qPCR présentait la sensibilité la plus élevée (97,0 %) et le FCS la plus faible (48,2 %). Le DFA était plus sensible que le test rapide mais légèrement moins spécifique. Les méthodes qui s’appuient sur la microscopie pour identifier des kystes ou détecter la paroi des kystes devraient être privilégiées lorsqu’une spécificité élevée est requise 6 mais cela n’est pas forcément nécessaire pour établir un diagnostic dans le cadre d’une diarrhée clinique.

La sensibilité et la spécificité des différents tests diagnostiques n’étant pas de 100 %, un test négatif n’exclut pas complètement l’infection, et un résultat positif ne garantit pas la présence d’une infection à Giardia. Les trophozoïtes sont principalement détectés lorsque la diarrhée est sévère alors que les kystes ont tendance à être excrétés en quantité modérée, de façon intermittente. Par ailleurs, un résultat positif signifie que les kystes (ou les protéines de la paroi des kystes) sont présents mais pas forcément que la giardiose est à l’origine des signes cliniques. Dans une étude portant sur 152 chiens en bonne santé ne présentant pas de signes cliniques, la technique FCS a permis d’identifier des kystes de Giardia dans les fèces de 15 % des animaux 15. Dans une autre étude portant sur 8.685 chiens présentant des diarrhées ou des vomissements, 24,8 % des animaux ont été testés positifs vis-à-vis des Giardia à l’aide d’un test Elisa rapide 16.

Comme les kystes de Giardia peuvent être excrétés de façon intermittente, l’examen fécal par FCS peut être faussement négatif, surtout si le chien n’excrète qu’un nombre modéré de kystes, mais la fiabilité du résultat augmente lorsque des prélèvements fécaux sont réalisés pendant 3 jours consécutifs. Grâce aux tests rapides, faisables en clinique et de plus en plus couramment utilisés, un seul échantillon suffit pour obtenir un résultat fiable. La méthode FCS présente l’avantage de pouvoir identifier la présence d’autres parasites alors que de nombreux tests rapides ne détectent que les Giardia. Comme des études ont montré que les chiens diarrhéiques présentaient souvent des infections mixtes 7, une analyse coprologique globale peut être intéressante. Outre les infestations par des helminthes (Figure 5), les infections par des protozoaires tels que Cystoisospora spp. doivent également être recherchées (Figure 6). Un test rapide peut être faussement positif si des protéines pariétales des kystes sont encore présentes dans l’intestin alors même qu’il ne reste plus de kystes viables : ces protéines sont encore détectables pendant 1 à 2 jours après la fin de l’infection (en raison du temps de transit). En pratique, des tests rapides à la clinique peuvent rester positifs alors que le chien ne présente plus de signe clinique et que d’autres tests diagnostiques sont négatifs. 

Infection mixte : présence de kystes de Giardia (flèches rouges) et d’un œuf de l’helminthe Toxocara (x 400) dans les fèces

Figure 5. Infection mixte : présence de kystes de Giardia (flèches rouges) et d’un œuf de l’helminthe Toxocara (x 400) dans les fèces.
© Faculté vétérinaire, Université d’Utrecht

Puisque des Giardia peuvent être présentes chez des chiens ne présentant aucun signe, les données cliniques doivent toujours primer. Si des trophozoïtes, des kystes ou des protéines sont mis en évidence chez un chien ne présentant aucun signe clinique, il est utile de suivre l’animal mais le traitement n’est pas nécessaire. La situation peut cependant être très différente si un animal asymptomatique testé positif est introduit dans une collectivité d’animaux sensibles négatifs.

Lorsque des trophozoïtes ont été observés sur un frottis fécal, ou si le résultat de la FCS ou d’un test rapide est positif et qu’il est associé à des signes cliniques évocateurs, il devient utile de traiter les animaux. Les chiens vivants en collectivité présentent souvent des signes persistants ou récurrents de giardiose, et ils sont fréquemment testés positifs. Il n’y a pas de corrélation nette entre le nombre de kystes trouvés dans les selles et la gravité de l’infection. Il en va de même pour la présence de trophozoïtes dans les selles : leur mise en évidence n’est pas nécessairement le signe d’une infection grave mais elle reflète une accélération du transit intestinal quelle que soit la cause (Giardiose ou autre).

Infection mixte : présence de Giardia (flèches rouges) et de quelques kystes de Cystoisospora (x 200) dans les fèces

Figure 6. Infection mixte : présence de Giardia (flèches rouges) et de quelques kystes de Cystoisospora (x 200) dans les fèces.
© Faculté vétérinaire, Université d’Utrecht

Traitement

Chiens domestiques

Un traitement au fenbendazole (50 mg/kg q24h) pendant 3 jours dispose d’une autorisation de mise sur le marché dans certains pays pour traiter la giardiose du chien et ce médicament est à privilégier 17,18,19. Dans certains cas, 3 jours de traitement peuvent cependant être insuffisants et il existe de plus un risque d’auto-recontamination. Un traitement plus long (jusqu’à 10 jours) est donc parfois nécessaire bien que cela ne soit pas indiqué par les fabricants dans de nombreux pays 20. En cas d’infection clinique, le périnée, l’arrière-main et les membres postérieurs du chien peuvent être lavés (avec un shampooing à la chlorhexidine par exemple) pour éliminer les kystes collés aux poils. Cette précaution est surtout indiquée lorsque le risque de recontamination via l’environnement est très faible alors que la probabilité d’auto-recontamination est relativement importante, lorsque l’animal se lèche par exemple. Il est toujours recommandé d’éliminer les fèces dès leur émission.

Si l’état du chien ne s’est pas amélioré suffisamment au bout d’une semaine et que d’autres causes, telles que des co-infestations, ont été exclues, le traitement peut être renouvelé. En cas de besoin, le métronidazole (25 mg/kg q12h pendant 5 jours selon les recommandations du RCP) offre une alternative. L’administration de ce médicament peut parfois entraîner des effets secondaires nerveux mais il est prouvé que ce risque est considérablement réduit à la posologie de 25 mg/kg q24h, dont l’efficacité contre Giardia est avérée 5,16. Le métronidazole doit être utilisé avec prudence en raison des problèmes de résistance aux antibiotiques

Lorsque plusieurs chiens vivent dans un même foyer, il faut se rappeler qu’une réinfection peut avoir lieu non seulement à partir de l’animal lui-même ou de son environnement, mais aussi à partir d’un porteur asymptomatique. Il est donc prudent de tester également les autres animaux du foyer.

En plus du traitement médical, un aliment très digestible à visée gastro-intestinale peut accélérer la guérison, en particulier si du métronidazole a été administré car il peut perturber le microbiote intestinal. Certaines publications recommandent un aliment pauvre en fibres et en glucides, riche en protéines, pour prévenir le développement et la prolifération rapides de Giardia et Clostridium spp. De bons résultats sont cependant parfois observés avec un aliment plus riche en fibres et moins digestible. Le changement de substrat, l’immunité de l’hôte et l’effet d’un éventuel traitement concourent à ralentir la croissance des Giardia de sorte que l’équilibre immunitaire peut s’inverser et que l’hôte arrive in fine à contrôler l’infection.

Le pronostic de la giardiose est généralement favorable mais il existe un risque de complications chez les animaux jeunes ou âgés, ainsi que chez ceux dont l’immunité est défaillante. La fixation des trophozoïtes de Giardia peut par exemple entraîner la rupture des jonctions serrées de l’épithélium intestinal, favorisant ainsi des infections bactériennes secondaires 21. L’expérience montre que dans certains cas, même en respectant toutes les mesures d’hygiène, il y a peu ou pas de réponse au traitement et la maladie devient chronique. Si l’animal a été traité, que les Giardia ont disparu mais que les signes cliniques persistent, des examens complémentaires seront mis en œuvre pour rechercher par exemple une infection par d’autres protozoaires, une inflammation intestinale chronique ou une allergie alimentaire. 

Paul A.M. Overgaauw

L’infection par des Giardia est généralement subclinique et souvent auto-limitante, mais elle peut être responsable de l’émission intermittente ou chronique de fèces molles ou visqueuses, voire d’une diarrhée aqueuse.

Paul A.M. Overgaauw

Chenils

Lorsque des infections par les Giardia sont mises en évidence dans des collectivités canines, il est conseillé de répartir les animaux en petits groupes ou de les héberger individuellement. Dans une telle situation, afin de réduire autant que possible la contamination de l’environnement, il est utile de traiter les animaux asymptomatiques chez lesquels le test de dépistage de Giardia est positif. À la fin du traitement, les animaux doivent être lavés et transférés dans un parc propre, sec et désinfecté. Il faut évidemment veiller ensuite à ce que les chiens n’aient pas accès à des sources naturelles d’eau potentiellement contaminées.

Une étude a décrit la procédure de contrôle de la giardiose dans des conditions de laboratoire 22 : des chiens Beagles étaient logés individuellement et traités avec une association de fébantel (un précurseur du fenbendazole), praziquantel et pyrantel pendant 3 jours. Les enclos, construits en acier inoxydable avec un sol lisse en époxy, étaient désinfectés quotidiennement avec une solution d’ammonium quaternaire ou d’hypochlorite de sodium (eau de Javel). Cette dernière est couramment utilisée mais son efficacité insuffisante est régulièrement rapportée. Malgré cela, une récidive de giardiose est apparue chez plusieurs chiens au bout de 17 à 24 jours, et tous les chiens présentaient à nouveau de la diarrhée. La giardiose a été contrôlée quand les chiens ont été lavés le dernier jour du second traitement, puis déplacés dans un enclos propre.

Rolf R. Nijsse

Un résultat de test positif ne signifie pas forcément que les Giardia sont à l’origine des signes cliniques mais seulement que des kystes (ou des protéines de la paroi des kystes) sont présents.

Rolf R. Nijsse

Environnement

En cas de récidive (et surtout en chenil), on peut tenter de réduire la pression infectieuse en traitant l’environnement lorsque cela est possible. Une réinfection peut en effet facilement avoir lieu si un chien consomme les matières fécales d’autres animaux ou s’il boit dans une mare ou une flaque (dans la cour, sur le balcon) dont l’eau est contaminée. Le plan d’action dépend donc de la situation.

Après nettoyage et séchage complet des surfaces lisses du chenil, il est indispensable de rendre les kystes inactifs grâce à une désinfection avec une solution d’ammonium quaternaire. Ces produits ne sont cependant pas toujours disponibles pour un usage privé et ils n’agissent que sur des surfaces propres, sans résidus de savon. Pour que la désinfection soit efficace, l’agent doit rester suffisamment longtemps au contact de la surface, souvent au moins 5 minutes (consulter la notice du fabricant). Les tapis et les meubles en tissu peuvent être traités à l’eau chaude ou à la vapeur (5 minutes à 70°C ou 1 minute à 100°C) 8 mais il est auparavant recommandé de tester la résistance des surfaces à ces méthodes. L’eau chaude (lave-vaisselle, machine à laver) peut également servir à désinfecter les vêtements, la literie, les jouets et les bols de nourriture. Là encore, la durée du traitement dépend de la température de l’eau : une eau à 45°C désinfecte en 20 minutes alors qu’une eau à 70°C désinfecte en seulement 5 minutes. Le sèche-linge et la lumière du soleil contribuent également de manière significative au processus de désinfection. Si les chiens atteints sont transportés en voiture, les véhicules dans lesquels ils montent doivent être désinfectés (en incluant par exemple ceux des services de promenade pour chiens). La giardiose se transmettant également par les eaux de surface, il faudrait autant que possible éviter que les chiens boivent de l’eau provenant de l’extérieur, lèchent de l’herbe, etc. 

Suivi et réinfection possible

Comme la période prépatente dure au moins 7 jours, il est recommandé d’attendre au moins 8 à 10 jours après la fin du traitement d’une infection clinique pour répéter les analyses fécales. Refaire des tests n’est vraiment utile que si le chien présente toujours des signes cliniques ou s’il rejoint une collectivité fermée exempte de Giardia. Si les signes persistent, une autre cause doit être envisagée mais une récidive est toujours possible, soit par réinfection, soit éventuellement en raison d’une efficacité insuffisante du traitement mis en place ou d’un manque d’observance. Les différentes procédures de diagnostic et de traitement sont résumées dans la Figure 7.

Arbre décisionnel pour le diagnostic et le traitement des infections à Giardia chez le chien

Figure 7. Arbre décisionnel pour le diagnostic et le traitement des infections à Giardia chez le chien (d’après 25).

La giardiose est-elle une zoonose ? 

Il est souvent affirmé que les Giardia spp. du chien et du chat peuvent également infecter l’Homme mais la giardiose canine et féline est-elle vraiment une zoonose ? Le risque de contamination humaine par un chien ou un chat semble en réalité très faible 23,24. Les assemblages spécifiques de Giardia (C et D) du chien et (F) du chat sont rarement retrouvés chez l’Homme 3. À l’inverse, les assemblages humains peuvent circuler au sein des populations canines et félines : l’Homme semble devenir une source d’infection pour le chien et le chat, et les animaux peuvent alors présenter à leur tour un risque zoonotique. Au cas où les membres de la famille et les animaux de compagnie présentent des symptômes évoquant une infection par des Giardia, la transmission mutuelle d’un assemblage humain A ou B est possible. Lorsqu’un vétérinaire diagnostique une infection par Giardia chez un animal de compagnie, il peut interroger le propriétaire sur la présence des signes digestifs chez un membre de la famille : si la réponse est positive, une consultation médicale sera conseillée.

Conclusion

La coproscopie, la flottation par centrifugation et sédimentation, et les tests rapides peuvent tous servir à diagnostiquer une giardiose chez les chiens présentés en consultation. Si des signes cliniques sont présents et que le test est positif, le fenbendazole constituera le traitement de premier choix. En revanche, un test positif chez un animal sain qui ne présente aucun signe clinique ne nécessite généralement pas de traitement. En cas de récidive, il sera conseillé de laver l’arrière du chien. Il est également important de nettoyer et de désinfecter son environnement, ses bols de nourriture et d’eau, et de l’empêcher de boire l’eau stagnante à l’extérieur ou de consommer ses fèces. Le risque de transmission de Giardia du chien à l’Homme est très faible.

Nous remercions les Drs Juan Hernandez et Tristan Méric pour la relecture attentive de la version française de cet article.

Références

  1. Ballweber LR, Xiao L, Bowman DD, et al. Giardiasis in dogs and cats: update on epidemiology and public health significance. Trends Parasitol. 2010;4:180-189.

  2. Soliman RH, Fuentes I, Rubio JM. Identification of a novel Assemblage B subgenotype and a zoonotic Assemblage C in human isolates of Giardia intestinalis in Egypt. Parasitol. Int. 2011;60:507-511.

  3. Ryan U, Caccio SM. Zoonotic potential of Giardia. Int. J. Parasitol. 2013,43:943-956.

  4. Escobedo AA, Almirall P, Robertson LJ, et al. Giardiasis: the ever-present threat of a neglected disease. Infect. Disord. Drug. Targets 2010;10:329-348.

  5. ESCCAP (European Scientific Counsel Companion Animal Parasites). Control of Intestinal Protozoa in Dogs and Cats. ESSCAP Guidelines no 6. 2nd ed 2018. Available online: https://www.esccap.org/guidelines/gl6/ Accessed 8th July 2022

  6. Uiterwijk M, Nijsse R, Kooyman FNJ, et al. Comparing four diagnostic tests for Giardia duodenalis in dogs using latent class analysis. Parasites & Vectors 2018;11:439.

  7. Paris JK, Wills S, Balzer HJ, et al. Enteropathogen co-infection in UK cats with diarrhoea. BMC Vet. Res. 2014;10:13.

  8. Centers of Disease Control, Atlanta, USA. www.cdc.gov/parasites/giardia/giardia-and-pets.html Accessed 9th July 2022

  9. Gardner TB, Hill DR. Treatment of giardiasis. Clin. Microbiol. Rev. 2001;14:114-128.

  10. Uiterwijk M, Nijsse R, Kooyman FNJ, et al. Host factors associated with Giardia duodenalis infection in dogs across multiple diagnostic tests. Parasites & Vectors 2019;12:556.

  11. Blackwell AD, Martin M, Kaplan H, et al. Antagonism between two intestinal parasites in humans: the importance of co-infection for infection risk and recovery dynamics. Proc. Biol. Sci. 2013;280:20131671.

  12. Hagel I, Cabrera M, Puccio F, et al. Co-infection with Ascaris lumbricoides modulates protective immune responses against Giardia duodenalis in school Venezuelan rural children. Acta Trop. 2011;117:189-195. 

  13. Halliez M, Buret AG, Di Prisco MC. Extra-intestinal and long-term consequences of Giardia duodenalis infections. World J. Gastroenterol. 2013;19:8974-8985.

  14. Relling Tysnes K, Skancke E, Robertson LJ. Subclinical Giardia in dogs: a veterinary conundrum relevant to human infection. Trends Parasitol. 2014;30:520-527.

  15. Overgaauw PAM, Van Zutphen L, Hoek D, et al. Zoonotic parasites in fecal samples and fur from dogs and cats in the Netherlands. Vet. Parasitol. 2009,163:115-122.

  16. Epe C, Rehkter G, Schnieder T, et al. Giardia in symptomatic dogs and cats in Europe. Vet. Parasitol. 2010;173:32-38.

  17. Barr SC, Bowman DD, Heller RL. Efficacy of fenbendazole against giardiasis in dogs. Am. J. Vet. Res. 1994;55:988-990.

  18. Barutzki D, Schmid K. Bedeutung van Giardia bei Hunden und Möglichkeiten der Bekämpfung mit Fenbendazol. Kleintierpraxis 1999;44:911-918.

  19. Zajac AM, LaBranche TP, Donoghue AR, et al. Efficacy of fenbendazole in the treatment of experimental Giardia infection in dogs. Am J. Vet. Res. 1998;59:61-63.

  20. ESCCAP (European Scientific Counsel Companion Animal Parasites). Fact Sheet; Giardia infection in dogs and cats. Available online: https://www.esccap.org/giardia-infection/ Accessed 10th August 2022

  21. Hon Koh W, Geurden T, Paget T, et al. Giardia duodenalis Assemblage-specific induction of apoptosis and tight junction disruption in human intestinal epithelial cells: effects of mixed infections. J. Parasitol. 2013;99:353-358.

  22. Payne PA, Ridley RK, Dryden MW, et al. Efficacy of a combination febantel-praziquantel-pyrantel product, with or without vaccination with a commercial Giardia vaccine, for treatment of dogs with naturally occurring giardiasis. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2002;220:330-333.

  23. Sprong H, Cacchio SM, van der Giessen JW. Identification of zoonotic genotypes of Giardia duodenalis. PLoS Negl. Trop. Dis. 2009;3:e558

  24. Uiterwijk M, Mughini‑Gras L, Nijsse R, et al. Giardia duodenalis multi‑locus genotypes in dogs with different levels of synanthropism and clinical signs. Parasites Vectors 2020;13:605.

  25. Van Noort R, Uiterwijk M, Van der Giessen J, et al. Giardia infections. Part 2. Consensus on diagnostics and therapy for dogs and cats. Tijdschr. Diergeneesk 2015;8:28-31 (in Dutch).

Rolf R. Nijsse

Rolf R. Nijsse

Diplômé depuis 1996, le Dr Nijsse a travaillé pendant plusieurs années en clientèle pour animaux de compagnie avant de faire de la formation pour les techniciens vétérinaires En savoir plus

Paul A.M. Overgaauw

Paul A.M. Overgaauw

Diplômé depuis 1985, le Dr Overgaauw a travaillé plusieurs années en clientèle mixte et il a également été cadre dans l’industrie En savoir plus

Autres articles de ce numéro

Numéro du magazine 33.1 Publié 05/07/2023

Les fibres alimentaires : l’arme secrète du clinicien

Le terme de fibre est utilisé quotidiennement à propos de l’alimentation des animaux mais que recouvre-t-il réellement ? Adam Rudinsky dresse ici un tableau général des fibres alimentaires.

par Adam J. Rudinsky

Numéro du magazine 33.1 Publié 28/06/2023

Transplantation fécale lors de troubles gastro-intestinaux

La transplantation de microbiote fécal (TMF), ou transplantation fécale, commence à être une option intéressante pour traiter divers troubles gastro-intestinaux aigus et chroniques chez le chien.

par

Numéro du magazine 33.1 Publié 21/06/2023

Hypocorticisme atypique chez le chien

Lorsqu’un chien est présenté pour des signes gastro-intestinaux, la maladie d’Addison n’est pas la première éventualité à envisager mais Romy Heilmann constate cependant qu’elle ne doit pas être écartée.

par Romy M. Heilmann

Numéro du magazine 33.1 Publié 07/06/2023

Entéropathie exsudative canine : causes et traitements

Les entéropathies avec perte de protéines (autrefois appelées entéropathies exsudatives) du chien sont un groupe hétérogène d’entéropathies. Le clinicien doit donc aborder chaque cas de manière individuelle.

par Sara A. Jablonski