Magazine scientifiques et médicaux internationaux pour les professionels de la santé animale
Veterinary Focus

Numéro du magazine 25.2 Autre scientifique

Les dermatites et otites à Malassezia chez le chien

Publié 18/01/2023

Ecrit par Katherine Doerr

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Español et English

Les champignons du genre Malassezia font partie de la flore commensale de la peau, des conduits auditifs, du nez, des muqueuses orales, des zones périanales, des sacs anaux, et du vagin chez le chien et le chat ; ils ont été identifiés sur l’épiderme de chiots dès l’âge de 3 jours.

Examen histopathologique d’une biopsie cutanée

Points clés

Malassezia pachydermatis est fréquemment impliquée lors de dermatite et d’otite chez le chien.


Les signes cliniques sont dus à la libération de facteurs de virulence par les Malassezia et à la cascade inflammatoire qui s’ensuit au sein de la peau. 


Les signes cliniques caractéristiques incluent prurit, érythème, squamosis, séborrhée grasse et lichénification. 


La cytologie est la méthode la plus utile et la plus pratique pour le diagnostic des dermatites à Malassezia


Le traitement doit viser la cause sous-jacente de la dermatite à Malassezia ; le traitement topique est la pierre angulaire du traitement en attaque et en entretien, tandis que le traitement systémique est réservé aux cas sévères et réfractaires. 


Introduction

Les champignons du genre Malassezia font partie de la flore commensale de la peau, des conduits auditifs, du nez, des muqueuses orales, des zones périanales, des sacs anaux, et du vagin chez le chien et le chat 1,2,3,4 ; ils ont été identifiés sur l’épiderme de chiots dès l’âge de 3 jours 5. Mais ils peuvent aussi être à l’origine d’affections dermatologiques. Les signes cliniques fréquents incluent hyperpigmentation, séborrhée grasse, érythème, et prurit d’intensité variable (Figure 1).

L’espèce la plus fréquemment isolée chez le chien est Malassezia pachydermatis (autres noms : Pityrosporum canis, Pityrosporum pachydermatis et Malassezia canis). Cet organisme non mycélien est une levure saprophyte, lipophile et non-lipodépendante, ayant une reproduction asexuée par bourgeonnement sympodial ou unipolaire. Malassezia obtusa, M. restricta, M. sloofiae, M. furfur (autre nom : Pityrosporum ovale), et M. sympodialisa sont toutes des espèces lipophiles lipodépendantes qui ont également été isolées sur la peau et les oreilles de chiens et de chats, mais moins fréquemment 6.

Malassezia pachydermatis présente une diversité génétique importante ; sept « séquevars » ou souches (1a à 1g) ont été identifié(e)s 7 ; le séquevar 1a est le plus prévalent et il est présent chez toutes les espèces hôtes, alors que le séquevar 1d n’est observé que chez le chien. Aucun des séquevars n’a jusqu’à présent été spécifiquement associé à la présence de lésions cutanées, et plus d’un séquevar peut coloniser un seul hôte 8,9.

Chien croisé présentant une lichénification

Figure 1. Chien croisé présentant une lichénification, un érythème et une alopécie sévères dus à M. pachydermatis
© Dr. Stephen White/UC Davis VMTH

Pathogénie 

Plusieurs facteurs sont impliqués dans la pathogénie des dermatites à Malassezia, tels que les mécanismes d’adhésion aux cellules cornées de l’hôte, les interactions avec les autres organismes symbiotiques, ainsi que la réponse immunitaire de l’hôte. 

L’adhésion aux cornéocytes du chien pourrait jouer un rôle important dans la pathogénie des dermatites à Malassezia chez certains individus. Les parois cellulaires des levures, composées de chitine, glucane, chitosane et mannane 1, contiennent des protéines ou glycoprotéines sensibles à la trypsine qui contribuent à l’adhésion aux cornéocytes canins. M. pachydermatis exprime également spécifiquement des adhésines qui se lient aux résidus glucidiques mannosylés à la surface des cornéocytes du chien. Toutefois, ce mécanisme d’adhésion n’intervient apparemment pas dans la pathogénie des dermatites à Malassezia chez le Basset Hound (race prédisposée à la prolifération des Malassezia) mais il semble important dans d’autres races 10.

M. pachydermatis a visiblement une relation symbiotique avec les espèces commensales de staphylocoques, mais l’hypothèse selon laquelle les dermatites à Malassezia seraient induites par les antibiotiques n’a pas été confirmée. Ces deux micro-organismes produisent des facteurs de croissance et des modifications micro-environnementales qui leur sont mutuellement bénéfiques ; le nombre de Staphylococcus pseudintermedius ou de S. intermedius est donc plus élevé chez les chiens porteurs de Malassezia 1,4,8. En effet, 40 % des chiens souffrant d’une prolifération de Malassezia souffrent également d’une pyodermite à staphylocoques 3,11.

La levure peut déclencher une réaction immunitaire chez l’hôte. L’immunité humorale est stimulée, comme en témoigne l’élévation du taux d’anticorps dirigés contre les antigènes des levures chez les chiens présentant une dermatite à Malassezia par rapport aux chiens sains 12,13. Toutefois, les taux élevés d’IgA et d’IgG présents chez les chiens souffrant de dermatite à Malassezia ne semblent procurer aucune protection supplémentaire contre cette infection fongique. L’immunité à médiation cellulaire pourrait jouer un rôle plus important dans la protection contre la maladie. Par exemple, le Basset Hound semble avoir une réponse lymphocytaire vis-à-vis des Malassezia diminuée par rapport aux chiens sains chez lesquels la levure ne prolifère pas 14.

Un phénomène d’hypersensibilité, dû aux produits sécrétés par la levure et à ses antigènes de surface, pourrait également intervenir 4,8. En adhérant aux cornéocytes canines, la levure sécrète différentes substances incluant le zymosane et différentes enzymes – uréase, protéases, phosphohydrolase, phospholipases (notamment phospholipase A2), lipoxygénases, phosphatases, glucosidase, galactosidase, et leucine arylamidase. Ces facteurs de virulence induisent une modification du pH local, une protéolyse, une lipolyse, une activation du complément, et une libération locale d’éicosanoïdes, provoquant inflammation et prurit 1,4,8. En outre, des taux supérieurs d’IgE spécifiques dirigés contre des allergènes de Malassezia de poids moléculaires 45, 52, 56 et 65 kDa ont été mis en évidence chez des chiens atopiques par rapport aux témoins sains, ce qui renforce encore l’hypothèse d’une hypersensibilité à la levure 15.

Facteurs prédisposant à la pathogénicité 

Plusieurs facteurs peuvent favoriser le passage de l’état commensal à l’état pathogène : prédisposition génétique (déplacement), dysfonctionnement immunitaire, humidité accrue, intertrigo, dysendocrinies, troubles de la kératinisation, hypersensibilités, et prolifération bactérienne de surface concomitante. 

L’humidité pourrait jouer un rôle important car les Malassezia semblent être plus nombreuses dans les sites corporels humides comme les conduits auditifs et les plis de peau, et leur prévalence augmente dans les climats humides 1. Les dysendocrinies, telles que l’hypothyroïdie, l’hypercorticisme spontané et iatrogène, et le diabète sucré pourraient augmenter la disponibilité des nutriments et des facteurs de croissance nécessaires à la levure. Cela pourrait être dû à une modification des concentrations cutanées en acides gras, une anomalie de la lipogénèse kératinocytaire et un dysfonctionnement des glandes sébacées 16,17. Les races Cocker Américain, Shih Tzu, Setter Anglais, West Highland White Terrier, Basset Hound, Caniche Nain et Toy, Boxer, Terrier Australien, Silky Terrier, Cavalier King Charles, Teckel, et Berger Allemand semblent être prédisposées à la dermatite à Malassezia, ce qui suggère l’existence d’une composante génétique 4,6,8. Un dysfonctionnement des IgA sécrétoires ou de l’immunité à médiation cellulaire pourrait également contribuer à la pathogénicité chez certains chiens 2,4. Par exemple, une baisse in vitro de l’activité blastogène des lymphocytes en réponse aux antigènes de M. pachydermatis a été observée chez des Bassets Hound atteints de dermatite à Malassezia par rapport à des Bassets Hound sains 14. Les hypersensibilités, de type dermatite allergique aux piqûres de puces, réaction cutanée d’origine alimentaire, et dermatite atopique, pourraient également prédisposer les chiens aux dermatites à Malassezia par induction de la cascade inflammatoire et d’un prurit consécutif.

En résumé, toutes les dermatoses entraînant une perte d’intégrité de la couche cornée, qu’elle soit mécanique (due à un prurit) ou biochimique (due à une dysendocrinie, des troubles de la kératinisation ou de l’immunité), peuvent potentiellement permettre aux facteurs de virulence des Malassezia de rencontrer le système immunitaire sous-corné, et donc à la levure de devenir pathogène. 

Diagnostic 

Tableau clinique 

Les lésions cutanées de la dermatite à Malassezia peuvent être localisées (Figure 2) ou généralisées. Elles se développent habituellement dans les zones chaudes et humides telles que les plis de peau, les conduits auditifs, l’aine, la face ventrale du cou, la face médiale des cuisses, les espaces interdigités, les régions périanale et périvulvaire, et les autres zones intertrigineuses (Figure 3). Des dermatoses concomitantes, de type pyodermite staphylococcique, allergies cutanées ou troubles de la kératinisation, sont présentes chez 70 % des chiens touchés 1,4. Les lésions apparaissent généralement pendant les mois humides d’été – correspondant aussi aux pics d’allergies saisonnières – et peuvent persister jusqu’à la fin de l’hiver. Les animaux ne répondent pas à la corticothérapie.

Chien souffrant de dermatite péri-oculaire à Malassezia

Figure 2. Chien souffrant de dermatite péri-oculaire à Malassezia
© Dr. Stephen White/UC Davis VMTH

Chien souffrant de dermatite à Malassezia

Figure 3. Chien souffrant de dermatite à Malassezia avec lichénification, érythème et alopécie associés. 
© Dr. Stephen White/UC Davis VMTH

Le prurit est un symptôme constant, et peut être léger à sévère 1. Les signes cliniques peuvent varier, mais consistent le plus souvent en un érythème (Figures 4 et 5), des squames gris/jaune plus ou moins adhérentes, et parfois des croûtes adhérentes. Les autres manifestations cliniques incluent dermatite papulo-croûteuse, kystes interdigités, décoloration brun-rougeâtre des replis unguéaux et des griffes (Figure 6), macules et plages érythémateuses, et odeur nauséabonde. Des lésions secondaires, de type séborrhée cireuse ou huileuse, lichénification, hyperpigmentation, et excoriations, peuvent également être visibles.

dog with diffuse Malassezia dermatitis
a
dog with Malassezia pododermatitis
b

Figure 4 montre un cas de dermatite généralisée à Malassezia alors que la Figure 5 illustre un cas de pododermatite à Malassezia. L’érythème est un signe clinique fréquent de la prolifération des Malassezia. 
© Dr. Katherine Doerr/Dermatology for Animals

Le diagnostic différentiel de la dermatite à Malassezia est large : folliculite staphylococcique superficielle, démodécie, gale sarcoptique, dermatophytose, dermatite allergique aux piqûres de puces, réaction cutanée d’origine alimentaire, dermatite de contact, dermatite atopique, dermatite séborrhéique, lymphome épithéliotrope, et acanthosis nigricans. Il est important d’exclure chaque hypothèse par des examens complémentaires appropriés pour pouvoir prendre en charge efficacement l’animal. 

Shih Tzu présentant une paronychie à Malassezia

Figure 6. Shih Tzu présentant une paronychie à Malassezia
© Dr. Katherine Doerr/Dermatology for Animals

Cytologie 

La cytologie est la méthode la plus utile et la plus pratique pour le diagnostic de la dermatite à Malassezia 1. Il existe différentes modalités de prélèvement pour cytologie, dont le raclage cutané superficiel, le scotch-test à l’aide d’un ruban d’acétate ou de cellophane adhésive, le calque par impression sur lame et l’écouvillonnage 1,4. Le scotch-test peut s’avérer le plus adapté pour de nombreuses localisations anatomiques, et convient aux lésions sèches et grasses. L’écouvillonnage, bien qu’utile pour les prélèvements auriculaires, semble moins adapté que le calque par impression, le scotch-test et le raclage cutané superficiel pour prélever les levures sur la peau 18. Le matériel prélevé est étalé sur une lame, fixé à chaud (sauf pour le scotch), et coloré avec une préparation du commerce type Romanowski. Les scotch-tests peuvent être préparés en appliquant un colorant, comme du bleu de méthylène, en dessous du morceau de scotch (côté adhésif), et en déposant une huile à immersion au-dessus pour l’évaluation microscopique.

Au microscope, les levures sont généralement rondes à ovales, mais peuvent avoir un aspect en « bouteille de Perrier » ou en cacahuète, et elles peuvent être isolées, en grappes, ou adhérentes aux kératinocytes (Figure 7). Les levures de M. pachydermatis font 3 à 8 μm de diamètre, avec bourgeonnement unipolaire et formation d’un col au site de développement de la cellule-fille 8. Il n’est pas nécessaire d’observer un nombre précis de levures pour établir le diagnostic, car leur nombre peut différer selon les localisations anatomiques, et les nombres considérés comme normaux peuvent également varier d’une race à l’autre. Toutefois, dans certaines études, le diagnostic de dermatite à Malassezia repose sur l’un des critères suivants : plus de 2 organismes observés par champ à fort grossissement (x 400) quelle que soit la technique de prélèvement 4, 4 levures ou plus par champ à immersion (x 1000) 3, plus de 10 organismes visibles dans 15 champs à immersion différents avec un prélèvement par scotch-test 2, ou au moins 1 levure visible dans 10 champs à immersion 11. Toutefois, en raison de l’existence probable de réaction d’hypersensibilité aux antigènes des levures, l’observation d’un nombre même limité de levures peut s’avérer significative.

Examen cytologique d’un scotch-test

Figure 7. Examen cytologique d’un scotch-test, coloré avec un kit de coloration classique, révélant la présence de M. pachydermatis (grossissement x 100). 
© Dr. Katherine Doerr/Dermatology for Animals

Culture 

Hormis à des fins de recherche, l’utilité de la culture pour le diagnostic de la dermatite à Malassezia est controversée. M. pachydermatis est relativement facile à cultiver sur une gélose de Sabouraud au dextrose à une température comprise entre 32 et 37º C, car elle est non-lipodépendante. Quelques souches peuvent être plus difficiles à cultiver, et le fait de créer une atmosphère à 5-10 % de dioxyde de carbone permet généralement d’augmenter la fréquence d’isolement des levures et le nombre de colonies 19. Les milieux qui permettent de cultiver les Malassezia à la fois lipodépendantes et non-lipodépendantes incluent la gélose de Dixon modifiée et le milieu de Leeming 5,19. Lorsqu’une culture quantitative est nécessaire, le prélèvement peut être réalisé en appliquant une boîte de contact ou un tube rempli d’un détergent spécifique sur la peau 6. Là encore, il est prudent de rappeler que quels que soient les résultats de la culture quantitative, Malassezia reste un organisme commensal et que ces résultats n’ont que peu ou pas de valeur diagnostique.

Biopsie 

La biopsie cutanée n’est pas un examen complémentaire spécifique, car les Malassezia ne s’observent à l’histologie que dans 70 % des cas (Figure 8). Les caractéristiques histologiques de la maladie incluent parakératose, dermatite superficielle périvasculaire à interstitielle avec hyperplasie irrégulière, spongiose, exocytose lymphocytaire nette (CD3+) et accumulation sous-épithéliale de mastocytes 4. Les Malassezia peuvent être visibles dans la kératine superficielle, mais cela ne signifie pas pour autant qu’elles soient pathogènes. En revanche, la présence de levures dans les follicules pileux est toujours anormale 20.

Examen histopathologique d’une biopsie cutanée

Figure 8. Examen histopathologique d’une biopsie cutanée (prélèvement auriculaire) montrant l’aspect histopathologique des Malassezia (grossissement x 40). 
© Dr. Diana Loeffler/Southwest Dermatopathology Consultants

Intradermoréaction 

La sensibilisation à M. pachydermatis s’évalue généralement par intradermoréaction (IDR). Une étude a montré que les chiens sains et les chiens atopiques sans dermatite à Malassezia ne montraient pas de réaction positive, contrairement aux chiens atopiques présentant une dermatite à Malassezia et aux chiens souffrant de dermatite séborrhéique (résultats positifs dans 30 % des cas dans une étude portant sur 46 chiens) 21. Les résultats de l’IDR doivent être pris en compte pour la formulation d’une immunothérapie spécifique, mais ne doivent pas être utilisés pour établir un diagnostic de dermatite à Malassezia.

Réponse au traitement 

Le diagnostic de dermatite à Malassezia peut s’établir chez un chien présentant des lésions cutanées évocatrices, un nombre anormalement élevé de M. pachydermatis et une réponse positive au traitement antifongique 1. Parfois, en raison du phénomène d’hypersensibilité, très peu de levures sont visibles à la cytologie, mais l’animal répond favorablement au traitement antifongique.

Traitement 

Le traitement des dermatites/otites à Malassezia doit être personnalisé, entre autres, en fonction de la sévérité des signes cliniques de l’animal, d’éventuelles maladies concomitantes et de l’observance du propriétaire. La majorité des traitements antifongiques ciblent les constituants de la paroi cellulaire de la levure. Jusqu’à présent, aucune résistance n’a été mise en évidence pour M. pachydermatis. Notez que certains traitements cités dans cet article ne disposent pas d’une AMM pour le traitement des dermatites à Malassezia dans tous les pays. 

Traitement topique 

Le traitement topique s’avère généralement efficace s’il est bien réalisé. Il peut être difficile à réaliser chez les chiens de grand format, à poil long ou nerveux, ou lorsque les propriétaires sont âgés ou handicapés physiquement. Le traitement topique des conduits auditifs, des plis de peau de la face et de la queue et des espaces interdigités peut se faire à l’aide de crèmes, lotions, pommades ou lingettes. Les shampoings ou l’application de lotions sont plus adaptés lors d’atteinte généralisée 4.

Les traitements topiques efficaces sur Malassezia sont présentés dans le Tableau 1 1,3,4,22. La fréquence d’application dépend du traitement, de deux fois par jour à une fois tous les deux jours. Le traitement doit être réalisé jusqu’à résolution des signes cliniques. Toutefois, d’après une synthèse publiée récemment, seule l’utilisation d’un shampoing contenant 2 % de miconazole et 2 % de chlorhexidine deux fois par semaine pendant trois semaines a prouvé son efficacité dans le traitement des dermatites à Malassezia, les preuves d’efficacité étant insuffisantes pour les autres traitements 22. L’utilisation préalable d’un shampoing dégraissant kératolytique, en éliminant l’excès de gras et de squames, augmenterait l’efficacité du shampoing traitant. Les préparations auriculaires pour les otites externes à Malassezia, contenant du miconazole, du clotrimazole, du kétoconazole ou du thiabendazole, doivent être appliquées deux fois par jour pendant au moins 2 à 4 semaines.

Tableau 1. Produits topiques efficaces contre Malassezia.

  • Nystatine 
  • Amphotéricine B 3 % 
  • Clotrimazole 1 % 
  • Miconazole 2 % 
  • Kétoconazole 
  • Thiabendazole 4 %
  • Enilconazole 0,2 % 
  • Chlorhexidine 3-4 % 
  • Bouillie soufrée 2 % 
  • Acide acétique/acide borique 
  • Acide acétique 2,5 %

 

Traitement systémique 

Si le traitement topique est inefficace ou non réalisable, un traitement systémique peut être utilisé (Tableau 2). Les dérivés azolés sont souvent utilisés car ils altèrent la synthèse de l’ergostérol de la paroi du champignon en inhibant le lanostérol 14-déméthylase, l’enzyme du cytochrome P450, empêchant ainsi la conversion du lanostérol en ergostérol. En outre, ils inhibent la synthèse de la chitine des parois cellulaires et la biosynthèse des triglycérides et phospholipides intracellulaires 1. Le kétoconazole est le médicament le plus utilisé et doit être administré avec un repas riche en graisses pour optimiser son absorption 1,6. Il peut aussi avoir une action anti-inflammatoire et inhibe de manière générale les enzymes du système P450 mitochondrial 1. En cas de contre-indication au kétoconazole ou d’échec du traitement, un triazolé peut s’avérer adapté 1,22. Une autre option est la terbinafine, une allylamine antifongique, administrée elle aussi avec un repas gras 23. Les triazolés comme les allylamines persistent dans la peau grâce à leurs propriétés lipophiles et kératinophiles ; un traitement discontinu est donc possible. Il a en effet été démontré que l’administration pendant 2 jours consécutifs par semaine d’itraconazole ou de terbinafine est efficace chez certains chiens 6,24. Une amélioration doit s’observer dès la première semaine de traitement ; il faut néanmoins continuer à traiter pendant au moins une semaine après la guérison clinique, un total de 4 semaines de traitement étant généralement nécessaire 1. Il est important de rappeler que la griséofulvine est inefficace contre les Malassezia.

Quel que soit l’antifongique systémique choisi, un contrôle des enzymes hépatiques et de la bilirubine doit être effectué au préalable puis toutes les 2 à 4 semaines pendant la durée du traitement 1. Les effets secondaires généraux potentiels incluent vomissements, diarrhée, anorexie, douleur abdominale et hépatotoxicité. Si un de ces signes est observé, le traitement devra être suspendu.

Tableau 2. Médicaments oraux couramment utilisés pour le traitement de la dermatite à Malassezia chez le chien.

Médicament Classe Dose Suivi
Kétoconazole Imidazole
5-10 mg/kg toutes les 24 h
Contrôler les enzymes hépatiques et la bilirubine totale toutes les 2 semaines
Itraconazole
Triazole
5-10 mg/kg toutes les 24 h*
Fluconazole
Bis-triazole
2.5-5 mg/kg toutes les 24 h
Terbinafine
Allylamine
20-30 mg/kg toutes les 24 h*

* Un traitement discontinu est possible.

 

Prévention 

Les rechutes de dermatites à Malassezia sont fréquentes si la cause sous-jacente est mal contrôlée. Un traitement topique d’entretien hebdomadaire ou bihebdomadaire par shampoings ou application de lotions peut s’avérer nécessaire chez certains animaux. L’administration discontinue d’antifongiques oraux ne doit être envisagée qu’en cas d’absolue nécessité, en raison du risque d’effets secondaires. En cas de récidive, il est important de rechercher et traiter une cause sous-jacente. Un contrôle strict des puces et/ou un régime d’éviction à base de protéines originales ou hydrolysées doit être mis en place pour exclure respectivement une dermatite allergique aux piqûres de puces et/ou une allergie alimentaire. Les cas de dermatite atopique doivent être pris en charge par une désensibilisation ou un traitement médical spécifique. Les troubles de la kératinisation, les dysendocrinies et les tumeurs doivent également être spécifiquement traités. Pour les chiens ayant des plis de peau importants, une correction chirurgicale peut être nécessaire pour le confort de l’animal et la prévention des infections. 

Risque zoonotique 

De rares cas d’infection zoonotique à M. pachydermatis existent chez l’Homme. La levure a été isolée sur des cultures de LCR, d’urine et de sang provenant de nouveau-nés de faible poids d’une unité de soins intensifs où travaillait un soignant dont le chien souffrait de dermatite à Malassezia 25. Les infections ont rétrocédé une fois que des procédures correctes de lavage des mains ont été imposées. Il est donc prudent de recommander aux propriétaires des chiens atteints des mesures d’hygiène de base 1.

Conclusion

Les levures du genre Malassezia sont une cause fréquente de prurit, de dermatite et d’otite chez le chien. Les facteurs de virulence sécrétés par la levure peuvent induire une réaction d’hypersensibilité chez certains chiens, même ceux hébergeant très peu d’organismes. Le diagnostic repose sur la présence de signes cliniques compatibles et de résultats de cytologie évocateurs, associée à une réponse clinique et mycologique positive au traitement antifongique. La prise en charge efficace des dermatites et otites à Malassezia nécessite d’associer de manière personnalisée un traitement topique, et éventuellement oral, à un traitement de la cause sous-jacente déclenchante.

Références

  1. Miller W, Griffin C, Campbell K. Fungal and algal skin diseases. In: Muller and Kirk’s Small Animal Dermatology, 7th Ed. St. Louis, Elsevier Inc. 2013;243-252. 

  2. Bond R, Sant RE. The recovery of Malassezia pachydermatis from canine skin. Vet. Dermatol. News 1993;15:25-27. 

  3. Guaguère E, Prélaud P. Étude rétrospective de 54 cas de dermite à Malassezia pachydermatis chez le chien: Résultats épidémiologiques, cliniques, cytologiques et histopathologiques. Prat. Med. Chir. Anim. Comp. 1996;31:309-323. 

  4. Mauldin EA, Scott DW, Miller WH, et al. Malassezia dermatitis in the dog: a retrospective histopathological and immunopathological study of 86 cases (1990-1995). Vet. Dermatol. 1997;9:191-202. 

  5. Wagner R, Schadle S. Malassezia in 3-day-old puppies. In Proceedings, Ann. Mem. Meet. Am. Acad. Vet. Dermatol. Am. Coll. Vet. Dermatol. 1999;15:45. 

  6. Greene CE. Cutaneous fungal infections. In: Infectious Diseases of the Dog and Cat, 3rd Ed. Philadelphia, WB Saunders & Co. 2006;602-606. 

  7. Guillot J, Gueho E. The diversity of Malassezia yeasts confirmed by rRNA sequence and nuclear DNA comparisons. J Antonie van Leeuwenhoek 1995;67:297-314. 

  8. Guillot J, Guého E, Mialot M, et al. Importance des levures du genre Malassezia. Point Vet. 1998;29:691-701. 

  9. Midreuil F, Guillot J, Guého E, et al. Genetic diversity in the yeast species Malassezia pachydermatis analysed by multilocus enzyme electrophoresis. Int. J. Syst. Bacteriol. 1999;49:1287-1294. 

  10. Bond R, Lloyd DH. Evidence for carbohydrate-mediated adherence of Malassezia pachydermatis to canine corneocytes in vitro. In: Kwochka KW, Willemse T, Tscharner CV, et al (Eds). Advances in Veterinary Dermatology III. Boston, Butterworth-Heinemann, 1998;530-531. 

  11. Carlotti DN, Laffort-Dassot C. Dermatite à Malassezia chez le chien : Étude bibliographique et rétrospective de 12 cas généralisés traités par des dérivés azolés. Prat. Med. Chir. Anim. Comp. 1996;31:297. 

  12. Bond R, Elwood CM, Littler RM, et al. Humoral and cell-mediated immune responses to Malassezia pachydermatis in healthy dogs and dogs with Malassezia dermatitis. Vet. Rec. 1998;143:381-384. 

  13. Chen TA, Halliwell RW, Hill PB. IgG responses to Malassezia pachydermatis antigens in atopic and normal dogs. In: Thoday KL, Foil CS, Bond R (Eds). Advances in Veterinary Dermatology IV. Oxford, Blackwell Science 2002;202-209. 

  14. Bond R, Lloyd DH. The relationship between population sizes of Malassezia pachydermatis in healthy dogs and in Basset Hounds with M. pachydermatis-associated seborrhoeic dermatitis and adherence to canine corneocytes in vitro. In: Kwochka KW, Willemse T, Tscharner CV, et al (Eds). Advances in Veterinary Dermatology III, Boston, Butterworth-Heinemann; 1998;283-289. 

  15. Chen TA, Halliwell REW, Pemberton AD, et al. Identification of major allergens of Malassezia pachydermatis antigens in dogs with atopic dermatitis and Malassezia overgrowth. Vet. Dermatol. 2002;13:141-150. 

  16. Campbell KL, Davis CA. Effects of thyroid hormones on serum and cutaneous fatty acid concentrations in dogs. Am. J. Vet. Res. 1990;51:752-756. 

  17. Simpson JW, van den Broek AHM. Fat absorption in dogs with diabetes mellitus or hypothyroidism. Res. Vet. Sci. 1991;50:346. 

  18. Besignor E, Jankowski F, Seewald W, et al. Comparaison de quatre techniques cytologiques pour la mise en évidence de Malassezia pachydermatis sur la peau du chien. Prat. Med. Chir. Anim. Comp. 1999;34:33-41. 

  19. Bond R, Lloyd DH. Comparison of media and conditions of incubation for the quantitative culture of Malassezia pachydermatis from canine skin. Res. Vet. Sci. 1996;61:273-274. 

  20. Scott DW. Bacteria and yeast on the surface and within non-inflamed hair follicles of skin biopsies from dogs with non-neoplastic dermatoses. Cornell Vet. 1992;82:379-386. 

  21. Morris DO, Olivier DO, Rosser EJ. Type-1 hypersensitivity reactions to Malassezia pachydermatis extracts in atopic dogs. Am. J. Vet. Res. 1998;59:836-841. 

  22. Nègre A, Bensignor E, Guillot J. Evidence-based veterinary dermatology: a systematic review of interventions for Malassezia dermatitis in dogs. Vet. Dermatol. 2009;20:1-12. 

  23. Guillot J, Bensignor E, Jankowski F, et al. Comparative efficacies of oral ketoconazole and terbinafine for reducing Malassezia population sizes on the skin of Basset Hounds. Vet. Dermatol. 2003;14:153-157. 

  24. Berger D, Lewis P, Schick A, et al. Comparison of once-daily versus twice-weekly terbinafine administration for the treatment of canine Malassezia dermatitis – a pilot study. Vet. Dermatol. 2012;23:418-e79. 

  25. Chang JH, Miller HL, Watkins N, et al. An epidemic of Malassezia pachydermatis in an intensive care nursery associated with colonization of health care workers’ pet dogs. New Eng. J. Med. 1998;338:706-711.

Katherine Doerr

Katherine Doerr

Le D<sup>r</sup> Doerr obtient son diplôme vétérinaire à l’Université de Floride en 2010 En savoir plus

Autres articles de ce numéro

Numéro du magazine 25.2 Publié 03/05/2023

Infections auriculaires : ce que le propriétaire doit savoir

L’otite externe peut être frustrante tant pour le propriétaire que pour le clinicien, car le traitement nécessite beaucoup d’efforts, souvent pendant une longue période. Cet article détaille les informations minimales à fournir au propriétaire du chien ou du chat lorsque le problème est identifié pour la première fois.

par Alberto Martín Cordero

Numéro du magazine 25.2 Publié 05/04/2023

Prurit périanal chez le chien

Le prurit anal et périanal peut être un vrai problème et le diagnostic se doit d’être précis car il peut avoir plusieurs origines.

par Elisa Maina et Chiara Noli

Numéro du magazine 25.2 Publié 22/03/2023

Pyodermite canine : le problème de la résistance à la méticilline

Avant l’émergence de la résistance à la méticilline, Staphylococcus pseudintermedius était sensible à la plupart des antibiotiques utilisables chez les animaux

par Ana Oliveira

Numéro du magazine 25.2 Publié 01/02/2023

Dermatoses auto-immunes canines

Les dermatoses à médiation immune sont peu fréquentes chez le chien et le chat et peuvent être subdivisées en deux catégories : les maladies auto-immunes et les maladies à médiation immune

par Amy Shumaker