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Veterinary Focus

Numéro du magazine 34.1 Autre scientifique

Prise en charge des affections cutanées grâce à la biomodulation par fluorescence

Publié 17/05/2024

Ecrit par Neoklis Apostolopoulos

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Português , Español et English

L’inquiétude suscitée par la résistance croissante des bactéries aux antibiotiques a poussé les cliniciens à chercher des traitements alternatifs pour des affections telles que les pyodermites. Cet article passe en revue les possibilités offertes par l’un de ces traitements.

pyodermites

Points clés

La photobiomodulation (PBM) est une forme de thérapie laser qui commence à donner des résultats prometteurs dans le traitement de diverses affections cutanées chez le chien.


Des études ont montré que dans la peau, la PBM inhibe la synthèse des cytokines pro-inflammatoires et stimule celles des cytokines anti-inflammatoires.


Associée à des antibiotiques systémiques, la PBM peut accélérer la cicatrisation d’une pyodermite canine. Elle peut aussi être utile pour traiter d’autres affections, telles que les fistules périanales et les otites externes.


Cette technique est sûre et semble avoir une réelle efficacité antibactérienne mais son mode d’action exact reste inconnu.


Introduction

La photobiomodulation (PBM) est une forme de traitement par Laser à basse énergie (LBE) et sa capacité à traiter certaines affections en médecine vétérinaire de manière efficace suscite un intérêt croissant. Les LBE reposent en général sur l’utilisation de photons de longueurs d’onde différentes, qui agissent sur les processus biologiques tout en restant à des niveaux d’irradiation non-chauffants 1. La lumière doit être capable de pénétrer dans les tissus et la profondeur de pénétration varie selon la longueur d’onde de la lumière. La peau contient plusieurs types de chromophores endogènes (des molécules qui absorbent les photons de certaines longueurs d’onde), dont les plus courants sont l’hémoglobine et la mélanine. Ils possèdent chacun des coefficients de diffusion et d’absorption spécifiques qui dépendent significativement de la longueur d’onde de la lumière 2. Le choix de la longueur d’onde est donc considéré comme l’un des paramètres les plus importants lors d’utilisation d’un LBE. La mise en œuvre de la PBM passe par l’application de la lumière bleue d’une LED (Figure 1) sur un gel de photoconversion contenant des chromophores, qui représente le substrat (Figure 2). Les chromophores activés libèrent alors de l’énergie sous forme de lumière fluorescente qui pénètre dans la peau de l’animal. La profondeur de pénétration varie en fonction du spectre des rayons émis 2. Dans le spectre bleu-vert, la lumière pénètre à environ 1-2,5 mm de profondeur dans la peau, agissant donc surtout sur l’épiderme et la couche supérieure du derme. La lumière rouge peut pénétrer dans la peau jusqu’à 5 mm de profondeur : elle atteint le derme profond, voire la graisse sous-cutanée 2. Ce bref article présente des exemples d’utilisation de la PBM en pratique clinique, pour traiter certaines affections cutanées.

Lampe LED à lumière bleue sur la peau d’un chien

Figure 1. Exemple d’une lampe LED à lumière bleue, disponible dans le commerce pour la PBM. 
© Neoklis Apostolopoulos

Liquide orange dans un petit récipient

Figure 2. Gel de photoconversion disponible dans le commerce, mélangé à des chromophores (liquide orange), à appliquer sur la zone à traiter.
© Neoklis Apostolopoulos

La PBM en médecine vétérinaire

D’abord utilisée en médecine humaine, la PBM est désormais disponible en médecine vétérinaire pour traiter diverses affections dermatologiques, qui font bien sûr partie des motifs de consultation vétérinaire les plus fréquents 3. Dans de nombreux pays, il existe aujourd’hui au moins un appareil disponible dans le commerce, destiné à être utilisé en médecine vétérinaire. Le traitement est de courte durée, indolore et peut généralement être effectué sans sédation. La technique est simple : la zone à traiter sera d’abord éventuellement tondue, puis nettoyée avec un soluté salin stérile avant d’appliquer le gel chromophore à l’aide d’une spatule, sur une épaisseur d’environ 2 mm. La lampe LED sera ensuite dirigée vers la zone à traiter pendant deux minutes. Des études ont montré que la PBM freine la synthèse des cytokines pro-inflammatoires et augmente celle des cytokines anti-inflammatoires. Des études indiquent aussi que le traitement stimule la production des facteurs de croissance impliqués dans la cicatrisation, favorise la prolifération du tissu de granulation, l’angiogenèse et le remodelage du collagène 1,2,4

Pyodermite

Des résultats prometteurs ont été enregistrés dans le traitement des folliculites bactériennes superficielles 5 et des pyodermites profondes chez le chien 6 grâce à la PBM. Ces études montrent que la technique est sûre et qu’elle peut être associée avec une antibiothérapie systémique pour accélérer la guérison d’une pyodermite canine. En cas de pyodermite superficielle, la PBM pourrait même être utilisée seule 1,2,5,7, bien que d’autres études soient nécessaires pour confirmer cette suggestion. La Figure 3 illustre une pyodermite canine des plis vulvaires avant de démarrer le traitement. Cette pyodermite a été traitée chaque semaine par PBM (avec deux applications consécutives par séance) pendant deux mois, et la Figure 4 montre ses effets bénéfiques.

Vulve d’une chienne atteinte de pyodermite

Figure 3. Chienne présentant une pyodermite des plis vulvaires avant traitement. L’érythème, l’exsudation et l’érosion cutanée sont visibles.
© Neoklis Apostolopoulos

Pyodermie après traitement par PBM

Figure 4. Même chienne que celle de la Figure 3, deux mois après un traitement hebdomadaire par PBM (deux applications par séance).
© Neoklis Apostolopoulos

Une étude clinique prospective, randomisée et en aveugle a évalué l’efficacité de la PBM pour traiter des chiens atteints de pyodermite interdigitée. Trente-six chiens ont été répartis de manière aléatoire en deux groupes : ils recevaient tous un traitement antibiotique mais les chiens du 2e groupe étaient également traités par PBM, à raison d’une séance bi-hebdomadaire de deux minutes jusqu’à la résolution clinique. Les chiens ont été suivis pendant 12 semaines. Le délai moyen de résolution des lésions était de 4,3 semaines pour ceux qui recevaient les deux traitements, contre 10,4 semaines pour les chiens ne recevant que l’antibiothérapie. La PBM réduit donc significativement la durée nécessaire à la résolution clinique 8 et cette approche thérapeutique peut être recommandée chez les chiens présentant une pyodermite interdigitée, à raison de deux séances par semaine 9. Une seule séance par semaine, avec deux applications consécutives au cours de la même séance, pourrait également être envisagée 10 mais des études randomisées plus importantes sont nécessaires pour valider les données allant dans ce sens 9

Ces résultats démontrent l’efficacité clinique de la PBM contre les infections bactériennes mais son mécanisme d’action reste inconnu. Deux études préliminaires in vitro n’ont pas pu démontrer l’activité bactéricide de la PBM 11 ou de la lumière bleue d’une LED 12

Otite externe

Un essai clinique randomisé (non réalisé en aveugle) suggère que la PBM pourrait également être bénéfique dans le traitement des otites externes du chien 13, une affection fréquente qui représente jusqu’à 20 % des consultations en clientèle canine 14. L’application de la PBM dans le conduit auditif externe peut réduire l’inflammation, la douleur et la croissance bactérienne 13. Comme mentionné ci-dessus, des études in vitro n’ont cependant pas permis de savoir pourquoi la PBM ou la lumière bleue d’une LED exerçaient une activité bactéricide. En revanche, une étude in vitro préliminaire a montré que la PBM inhibe la croissance de Malassezia pachydermatis après au moins quatre minutes d’exposition 15.

Affections cutanées diverses

Les fistules périanales canines constituent une autre indication potentielle pour la PBM 16. Dans cette étude, quatre chiens présentant ces lésions ont été traités uniquement avec la PBM, à raison d’une fois par semaine et de deux applications consécutives à chaque séance. Après deux semaines de traitement, l’état de tous les chiens s’était amélioré : les vocalisations, le ténesme et le léchage avaient significativement diminué. Et après cinq semaines de traitement, les lésions périanales avaient régressé de manière significative. Là encore, le mécanisme expliquant le mode d’action de la PBM dans ce cas reste à explorer. La Figure 5 illustre un cas de fistule périanale canine avant d’être traitée une fois par semaine par la PBM à l’aide d’un appareil du commerce. Trois semaines après le premier traitement, une réduction de l’érythème et une amélioration de la fistule étaient constatées (Figure 6). Il est donc supposé que dans ce type de cas, la PBM produit des effets bénéfiques à la cicatrisation des plaies 1,2,4

Fistule dans la région périanale

Figure 5. Chien présentant une fistule périanale avant le traitement par PBM. Le chien a ensuite été traité par PBM une fois par semaine (deux applications par séance).
© Amaury Briand

Fistule traitée par PBM

Figure 6. Même chien que celui de la Figure 5, trois semaines après le premier traitement.
© Amaury Briand

Il est important de préciser que plusieurs des affections mentionnées ci-dessus résultent de maladies sous-jacentes, telles que la dermatite atopique, des réactions cutanées indésirables aux aliments, des ectoparasitoses, des troubles endocriniens et des anomalies anatomiques. Il est donc indispensable que, dans la mesure du possible, la maladie sous-jacente soit identifiée à l’aide d’examens appropriés (raclages cutanés, cytologie, analyses sanguines, régime d’élimination, etc.) et correctement traitée.

La PBM favorise enfin la cicatrisation des plaies chirurgicales aiguës non compliquées 4. Il a en effet été montré que le traitement par PBM stimule la libération de cytokines favorisant la cicatrisation et améliore les caractéristiques microscopiques au site d’incision. La ré-épithélialisation des tissus est accélérée, le dépôt de collagène augmente et l’inflammation dermique diminue. L’aspect macroscopique des plaies n’a cependant pas été modifié par la PBM 4 et d’autres études à plus grande échelle sont nécessaires pour confirmer ces résultats 9.

Neoklis Apostolopoulos

La PBM produit des résultats prometteurs pour traiter les folliculites bactériennes superficielles ainsi que les pyodermites profondes chez le chien.

Neoklis Apostolopoulos

Conclusion

Ces résultats prometteurs indiquent que la PBM peut être utilisée pour traiter plusieurs affections dermatologiques canines, et que ses applications en médecine vétérinaire sont destinées à se développer. D’autres études sont toutefois requises pour évaluer l’efficacité de cette thérapie pour traiter différentes affections cutanées et pour comprendre son mécanisme d’action exact.

Références

  1. Marchegiani A, Spaterna A, Cerquetella M. Current applications and future perspectives of fluorescence light energy biomodulation in veterinary medicine. Vet. Sci. 2021;8:20. https://doi.org/10.3390/VETSCI8020020

  2. Scapagnini G, Marchegiani A, Rossi G, et al. Management of all three phases of wound healing through the induction of fluorescence biomodulation using fluorescence light energy. BiOS. 2019;31. https://doi.org/10.1117/12.2508066

  3. Hill PB, Lo A, Eden CAN, et al. Survey of the prevalence, diagnosis and treatment of dermatological conditions in small animals in general practice. Vet. Rec. 2006;158:533-539. https://doi.org/10.1136/VR.158.16.533 

  4. Salvaggio A, Magi GE, Rossi G, et al. Effect of the topical Klox fluorescence biomodulation system on the healing of canine surgical wounds. Vet. Surg. 2020;49:719-727. https://doi.org/10.1111/VSU.13415

  5. Marchegiani A, Spaterna A, Fruganti A, et al. Exploring fluorescent light energy as management option for canine superficial bacterial folliculitis. Front. Vet. Sci. 2023;10:1155105. https://doi.org/10.3389/fvets.2023.1155105

  6. Marchegiani A, Fruganti A, Spaterna A, et al. The effectiveness of fluorescent light energy as adjunct therapy in canine deep pyoderma: A randomized clinical trial. Vet. Med. Int. 2021;6643416. https://doi.org/10.1155/2021/6643416

  7. Apostolopoulos N, Mayer U. Use of fluorescent light energy for the management of bacterial skin infection associated with canine calcinosis cutis lesions. Vet. Rec. Case Rep. 2020;8:e001285. https://doi.org/10.1136/VETRECCR-2020-001285

  8. Marchegiani A, Spaterna A, Cerquetella M, et al. Fluorescence biomodulation in the management of canine interdigital pyoderma cases: a prospective, single-blinded, randomized and controlled clinical study. Vet. Dermatol. 2019;30:371-e109. https://doi.org/10.1111/VDE.12785

  9. Perego R, Mazzeo M, Spada E, et al. Critically appraised topic on low-level laser therapy (LLLT) in dogs: An advisable treatment for skin diseases? Vet. Sci. 2022;9:505. https://doi.org/10.3390/VETSCI9090505

  10. Marchegiani A, Fruganti A, Gavazza A, et al. Fluorescence biomodulation for canine interdigital furunculosis: updates for once-weekly schedule. Front. Vet. Sci. 2020;9:880349. https://doi.org/10.3389/fvets.2022.880349 

  11. Lundberg A, Hathcock T, Kennis RA, et al. In-vitro activity of fluorescence photobiomodulation therapy on meticillin-susceptible and -resistant Staphylococcus pseudintermedius and S. aureus; NAVDF congress abstracts. In: Vet. Dermatol. 2023;249-265.

  12. Schnedeker AH, Cole LK, Lorch G, et al. In-vitro bactericidal activity of blue light (465 nm) phototherapy on methicillin-susceptible and methicillin-resistant Staphylococcus pseudintermedius. Vet. Dermatol. 2017;28:463-e106. https://doi.org/10.1111/VDE.12451

  13. Tambella AM, Attili AR, Beribè F, et al. Management of otitis externa with a led-illuminated gel: A randomized controlled clinical trial in dogs. BMC Vet. Res. 2020;16:1-14. https://bmcvetres.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12917-020-02311-9

  14. Saridomichelakis MN, Farmaki R, Leontides LS, et al. Aetiology of canine otitis externa: a retrospective study of 100 cases. Vet. Dermatol. 2007;18:341-347. https://doi.org/10.1111/J.1365-3164.2007.00619.X

  15. Gil N, Santoro D, Marsella R. In-vitro susceptibility of Malassezia pachydermatis to low-level light therapy; NAVDF congress abstracts. In: Veterinary Dermatology. John Wiley & Sons, Ltd, 2023;249-265

  16. Marchegiani A, Tambella AM, Fruganti A, et al. Management of canine perianal fistula with fluorescence light energy: preliminary findings. Vet. Dermatol. 2020;31:460-e122. https://doi.org/10.1111/VDE.12890

Neoklis Apostolopoulos

Neoklis Apostolopoulos

Le Dr Apostolopoulos est diplômé de l’Université de Thessalie en Grèce En savoir plus

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