Les nématodes pulmonaires et cardiaques du chat
Cet article montre que les nématodes pulmonaires et cardiaques sont sous-estimés alors que ces parasites représentent une grave menace pour de nombreux chats.
Numéro du magazine 32.2 Cardiologie
Publié 03/11/2022
Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Español et English
Les chats atteints d’autres cardiomyopathies que la cardiomyopathie hypertrophique présentent souvent d’emblée des signes cliniques graves, voire pouvant engager le pronostic vital. Cet article se concentre sur le diagnostic de l’affection cardiaque sous-jacente et les options thérapeutiques.
La plupart des chats atteints d’une cardiomyopathie non hypertrophique sont présentés au stade clinique plutôt que pendant la phase asymptomatique.
Les signes cliniques sont souvent liés à une insuffisance cardiaque congestive avec dyspnée, faiblesse et hypotension, thrombo-embolie artérielle, syncope, léthargie ou même mort subite.
Les publications relatives au traitement de l’insuffisance cardiaque congestive et des anomalies associées à cette présentation restent peu nombreuses chez le chat. Le traitement est généralement extrapolé à partir de ceux qu’on administre au chien ou à d’autres espèces.
Il n’existe pas de critères solides et reconnus pour classer les cardiomyopathies non hypertrophiques, mais traiter les troubles présents lors de l’admission est important pour prendre ces chats en charge.
Les chats atteints d’autres cardiomyopathies que la cardiomyopathie hypertrophique (CMH), souvent appelées cardiomyopathies non hypertrophiques (CMnH), sont rarement présentés au vétérinaire avec une maladie préclinique. En effet, durant la phase préclinique, aucun signe particulier n’est généralement exprimé, contrairement aux chats atteints de CMH préclinique, qui présentent souvent un souffle cardiaque. Les chats atteints de CMnH ou de CMH décompensée évoluée peuvent présenter différents signes cliniques, à des stades variés, mais comme un chat sédentaire excelle à cacher des signes modérés de maladie à ses propriétaires, le tableau clinique lors de la présentation du chat est parfois aigu. Les signes peuvent être liés à une insuffisance cardiaque congestive (ICC) (principalement une dyspnée sévère), à un choc cardiogénique (avec faiblesse générale et hypotension), à une thrombo-embolie aortique (avec douleur intense et perte d’usage d’un ou plusieurs membres) ou à des arythmies (potentiellement à l’origine de faiblesse, de syncope ou de mort subite).
La prise en charge du chat se concentrera sur les troubles présentés, et l’essentiel de cet article sera consacré à l’approche thérapeutique. Une fois que le chat est stable, des examens complémentaires, en particulier l’échocardiographie, devraient permettre d’identifier la cardiomyopathie primaire, mais dans la plupart des cas, cela ne modifiera pas significativement la prise en charge clinique. Les examens pratiqués viseront à exclure d’autres maladies systémiques pouvant entraîner des signes cliniques de cardiomyopathie, telles que l’hyperthyroïdie, l’hypertension artérielle systémique, l’acromégalie, l’épaississement myocardique transitoire, l’infiltration myocardique (un lymphome, par exemple), l’infarctus du myocarde, la cardiomyopathie induite par la tachycardie, etc. Cet article n’a pas pour objet d’en parler plus en détail, mais ces maladies doivent être envisagées avant de les exclure. L’article passera ensuite brièvement en revue les recommandations actuelles à propos du diagnostic des cardiomyopathies primaires autres que la CMH chez le chat 1,2, ainsi que la façon de les repérer à l’échocardiographie.
Les chats atteints d’ICC présentent généralement une dyspnée sévère, en général due à un œdème pulmonaire aigu ou à un épanchement pleural. Chez le chat, ce dernier peut être dû à une ICC gauche, droite ou globale. Il est important de repérer l’épanchement dès la présentation initiale, d’où l’intérêt du POCUS thoracique (« point of care ultrasound » ou échographie en urgence). La thoracocentèse permet en effet de stabiliser certains animaux et elle est utile au diagnostic. L’épanchement pleural associé à l’ICC est généralement un transsudat modifié, mais il peut être chyleux. Pendant l’examen POCUS, la taille de l’atrium gauche (AG) doit être appréciée subjectivement ; si elle semble normale, il est très peu probable que la dyspnée soit associée à l’ICC. La présence de lignes B (lignes radiales hyperéchogènes dans le champ pulmonaire, indiquant la présence d’alvéoles remplies à la fois de liquide et d’air), associée à une dilatation atriale gauche, reflète très probablement un œdème pulmonaire cardiogénique (Figure 1). Un œdème pulmonaire aigu peut résulter d’une décompensation déclenchée par un événement stressant, comme une anesthésie, une perfusion intraveineuse ou l’administration de corticostéroïdes. La décompensation d’une cardiomyopathie existante peut également être liée à une maladie concomitante, surtout si elle entraîne une surcharge volumique ou une augmentation du débit cardiaque (anémie ou hyperthyroïdie, par exemple). Les chats présentant une ICC surtout à droite (ICCD) (ascite, épanchement pleural et très rarement œdème sous-cutané) sont plus susceptibles de présenter une cardiomyopathie arythmogène du ventricule droit, mais ces signes peuvent aussi être présents lors d’autres cardiomyopathies avec insuffisance myocardique. L’examen des veines jugulaires est utile ; la distension et le reflux hépato-jugulaire sont compatibles avec une ICCD, mais un grand volume d’épanchement pleural (même non cardiogénique) peut également entraîner une distension jugulaire dans cette espèce.
Lorsqu’une dyspnée est due à un épanchement pleural important, celui-ci doit être drainé. La sédation peut ne pas être nécessaire mais, si le chat est très anxieux ou stressé, le butorphanol (Tableau 1a et b) peut être utile. Un supplément d’oxygène doit être fourni. Idéalement, l’évaluation et la procédure seront effectuées sur le chat positionné en décubitus sternal. Tondez et préparez aseptiquement un côté du thorax à la jonction chondrocostale, au niveau du 7e-8e espace intercostal. L’exploration peut être guidée par échographie. À l’aide d’une aiguille à ailettes de 21 G fixée à un robinet à trois voies ou d’un cathéter de thoracocentèse avec valve intégrée, et d’une seringue de 10 mL, effectuez la thoracocentèse. Un anesthésique local peut être utilisé, mais il provoque généralement plus de réaction que l’insertion directe de l’aiguille à ailettes dans le thorax. En général, au moins 300 mL d’épanchement peuvent être retirés ; une thoracocentèse unilatérale permet normalement de drainer correctement l’épanchement pleural, mais le côté opposé sera également drainé si nécessaire.
Conservez un peu de liquide pour l’analyse des protéines totales, la numération des cellules nucléées, les évaluations cytologiques, etc., surtout lors de la présentation initiale. Les chats sont susceptibles de présenter un œdème pulmonaire concomitant, un traitement diurétique est donc essentiel.
Tous les chats avec un œdème pulmonaire ne présentent pas d’anomalies telles que des crépitements à l’auscultation pulmonaire, mais une ICC sera envisagée si un souffle, un bruit de galop ou une arythmie sont détectés à l’auscultation. Le T-POCUS permet de mettre en évidence l’élargissement de l’AG et les lignes B. Un chat dyspnéique est très fragile : manipulez-le doucement, sans stress, pour l’aider à se calmer avant les examens ; du butorphanol peut être administré pour son effet anxiolytique. Le chat recevra une oxygénothérapie par flow-by ou sera placé dans une cage à oxygène dès que l’examen initial et le traitement seront terminés. En cas de forte suspicion d’un œdème pulmonaire cardiogénique, donnez du furosémide (administré par voie intraveineuse, il a un effet vasodilatateur veineux initial qui réduit la précharge) et répétez éventuellement l’administration tout en surveillant la fréquence et les efforts respiratoires.
L’ajout de nitroglycérine (trinitrate de glycéryle ; TNG) peut être envisagé. Ce vasodilatateur veineux peut aider à atténuer l’œdème pulmonaire en réduisant la précharge et la pression dans l’AG. S’il y a des signes d’insuffisance myocardique ou de choc cardiogénique, le pimobendane IV ou la dobutamine en perfusion à débit constant (CRI) peuvent être envisagés (voir la section sur le choc cardiogénique). Tous les médicaments, avec leur posologie, sont repris dans le Tableau 1a et b.
Tableau 1a. Médicaments et dosages proposés pour traiter les conséquences des cardiomyopathies félines.
Insuffisance cardiaque congestive gauche sévère (stade C) | |
Furosémide |
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Nitroglycérine– Par exemple : onguent topique (si disponible) ou patches (Par exemple : un patch de 5 mg coupé en quartiers) |
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Insuffisance cardiaque modérée à moyenne ; insuffisance cardiaque congestive chronique (stade C) | |
Furosémide |
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IECA (inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine) 1. Bénazépril 2. Énalapril 3. Ramipril 4. Imidapril |
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Telmisartan (antagoniste du récepteur à l’angiotensine II) |
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Spironolactone(attention aux chats Maine Coon pouvant présenter une dermatite faciale iatrogène) |
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Pimobendane(attention en cas d’OCCVG supposée ou avérée) |
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Insuffisance cardiaque congestive réfractaire (stade D) | |
Torasémide |
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Pimobendane(si pas encore utilisé jusqu’ici) |
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Hydrochlorothiazide(associé à l’amiloride dans certaines préparations) (blocage séquentiel des néphrons) |
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Ces médicaments ne sont pas tous autorisés pour le chat ni indiqués pour le traitement des cardiomyopathies félines. |
Joanna Dukes-McEwan
Il existe très peu de données probantes à propos du traitement des chats à ICC, de sorte que les connaissances sont généralement extrapolées à partir de ce que nous savons pour d’autres espèces 3. À l’exception du furosémide, la plupart des médicaments utilisés pour traiter les cardiomyopathies félines ne sont pas autorisés dans cette espèce ou pour traiter l’ICC (Tableau 1a et b). L’utilisation de ces médicaments est cependant soutenue par certaines publications ponctuelles et des avis d’experts. Selon la classification ABCD, les chats atteints d’ICC sont au stade C. Le stade D correspond à une ICC réfractaire 1.
L’observance du traitement (de la part du chat ou du propriétaire) est fréquemment un problème lors de sa mise en place. Il est donc important de hiérarchiser clairement l’importance des médicaments pour le client. Par exemple, si les diurétiques sont essentiels, les autres médicaments le sont peut-être moins. Plus le nombre de médicaments prescrits est élevé, plus l’observance risque d’être incomplète. Cela doit être pris en compte par le clinicien, en particulier lorsque l’intérêt réel de certains médicaments n’est pas prouvé.
Les diurétiques sont essentiels pour traiter l’ICC, et ils s’imposent à long terme pour la plupart des chats, même stabilisés, une fois que la décompensation aiguë a été traitée ; le furosémide est le médicament le plus souvent prescrit. Au fur et à mesure du traitement, la dose de furosémide sera lentement diminuée, en surveillant à domicile la fréquence respiratoire pendant le sommeil (FRS) afin de déterminer la dose quotidienne minimale efficace permettant de limiter les signes cliniques. La dose sera augmentée si le propriétaire constate une augmentation persistante de la FRS. Les chats atteints d’ICC sévère peuvent nécessiter de fortes doses de furosémide, et l’intervalle thérapeutique est donc très large. Le furosémide est un diurétique de l’anse qui entraîne une perte de chlorure, de sodium et de potassium (avec l’eau) dans les tubules rénaux, de sorte qu’une azotémie pré-rénale et une hypokaliémie peuvent progressivement apparaître. Chez les chats déjà atteints de maladie rénale chronique (MRC), l’azotémie pré-rénale s’ajoutant à l’azotémie rénale existante peut être problématique. L’urée, la créatinine et les électrolytes doivent donc impérativement être mesurés une semaine après l’augmentation de la dose de furosémide. L’hypokaliémie peut entraîner de la faiblesse ou aggraver le risque d’arythmies. L’hypochlorémie est un effet secondaire attendu du furosémide. L’hyponatrémie est exceptionnelle, sauf en cas d’activation neuroendocrinienne intense associée à une ICC sévère ou à la suite de l’administration de furosémide. L’hyponatrémie est secondaire à la dilution, conséquence d’un taux élevé de vasopressine entraînant une rétention d’eau libre.
Bien qu’elle soit beaucoup moins étudiée que dans d’autres espèces, la réduction du débit cardiaque entraîne une activation neuroendocrinienne qui aggrave l’ICC. Initialement, la réduction de la pression artérielle stimule le système sympathique, et l’activation des récepteurs bêta entraîne une tachycardie, une augmentation de l’inotropisme et un risque accru d’arythmie. L’activation des récepteurs alpha provoque une vasoconstriction, augmentant la précharge et la postcharge. La libération de rénine et l’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) entraînent la libération d’angiotensine II et d’aldostérone. Les deux favorisent le remodelage et la fibrose du myocarde. L’angiotensine II est un puissant vasoconstricteur qui déclenche une libération accrue de vasopressine et d’endothéline. L’aldostérone provoque une rétention hydrosodée, aggravant le syndrome d’ICC. L’activation du SRAA a été montrée chez des chats atteints de CMH ou ayant reçu certains médicaments, notamment du furosémide 4. Par conséquent, un chat atteint d’ICC qui a besoin de furosémide devra logiquement recevoir aussi un traitement pour freiner le système SRAA, tel qu’un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) (le bénazépril, par exemple), un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II (AT1) (comme le telmisartan) ou un antagoniste de l’aldostérone (spironolactone). Il n’existe cependant actuellement aucune preuve que les IECA influencent la progression des cardiomyopathies félines ou la durée de survie 5. Une étude a évoqué l’effet bénéfique potentiel de l’énalapril chez les chats atteints d’ICC, mais cet effet n’était pas statistiquement significatif 6. La plupart des cardiomyopathies félines entraînent une insuffisance cardiaque diastolique, ce qui, en médecine humaine, manque aussi de preuves solides concernant l’efficacité des traitements autres que les diurétiques.
Le telmisartan (antagoniste AT1) est autorisé dans certains pays pour les maladies rénales félines, mais son intérêt en cas d’ICC n’a pour l’instant pas été étudié, bien que des données suggèrent un effet favorable sur le SRAA chez le chat 7. Une formulation liquide appétente facilite le traitement des chats si une action sur le SRAA est recherchée.
La spironolactone, antagoniste de l’aldostérone, est un diurétique léger qui freine la rétention de sodium et d’eau. La spironolactone n’a eu aucun effet sur la fonction diastolique ou la masse ventriculaire chez des chats Maine Coon atteints de CMH préclinique 8, mais une étude sur un faible nombre de chats présentant une cardiomyopathie et une ICC, tous traités par le furosémide et le bénazépril, a conclu que l’ajout de spironolactone réduisait la morbidité et la mortalité 9.
Le pimobendane (Tableau 1a et b) est un médicament inodilatateur qui améliore la fonction de la pompe cardiaque via la sensibilisation au calcium et l’inhibition de la phosphodiestérase III. C’est également un vasodilatateur modéré, qui réduit la postcharge et la précharge et améliore la fonction myocardique sans augmenter la consommation d’oxygène du myocarde. Il est indiqué lors de cardiomyopathie associée à une altération de la fonction systolique, notamment la cardiomyopathie dilatée 10,11. Les médicaments à effet inotrope positif et les vasodilatateurs artériels sont théoriquement contre-indiqués lors de CMH lorsqu’il existe une obstruction de la chambre de chasse du ventricule gauche (OCCVG), car la dilatation artérielle associée à des contractions accrues peut aggraver l’OCCVG. Cependant, une étude rétrospective de cas cliniques de chats traités pour une ICC associée à une CMH, dont certains présentaient une OCCVG, a montré un allongement de la durée de vie chez les chats recevant du pimobendane 12. Dans une autre étude, l’OCCVG n’a pas accru la fréquence des événements indésirables 13 ; en revanche, une étude prospective n’a pas montré l’intérêt du pimobendane pour améliorer la survie des chats atteints d’ICC 14.
Le pimobendane peut améliorer la fonction de l’AG, ce qui réduit donc le risque de complications thrombo-emboliques 15. Il peut aussi inhiber l’agrégation plaquettaire, bien que cet effet puisse n’être observé qu’à des doses beaucoup plus élevées que la recommandation clinique 16.
Le diltiazem est autorisé dans certains pays pour traiter la CMH féline et ce traitement a été préconisé pour améliorer la fonction diastolique ; l’analyse provisoire d’une étude n’a cependant pas montré de bénéfice supplémentaire du diltiazem par rapport au furosémide seul 6,17. Ce médicament est surtout indiqué pour les arythmies (Tableau 1a et b).
Chez un chat qui reçoit des bêta-bloquants (par exemple, si une CMH avec OCCVG a déjà été diagnostiquée), la dose sera progressivement réduite, ou le traitement arrêté après quelques semaines. L’activation neuroendocrinienne intense liée à l’ICC stimule en effet le système sympathique pour maintenir le débit cardiaque et les bêta-bloquants peuvent faire partiellement obstruction à cet effort compensatoire. La décision d’arrêter les bêta-bloquants dépend cependant de chaque individu (par exemple, s’il y a ou non présence d’une OCCVG). Les bêta-bloquants ne doivent jamais être prescrits à un chat présentant une ICC non contrôlée ; une analyse provisoire des traitements de l’insuffisance cardiaque a montré une réduction significative du temps de survie des chats recevant ce type de médicaments 6.
Catheryn Partington
Lorsqu’un chat présente des signes d’ICC mal contrôlés ou récurrents alors qu’il reçoit déjà une dose élevée de furosémide, une cardiomyopathie sous-jacente en phase terminale est probable. Si le chat présente une ICCD, la congestion du tube digestif peut conduire à une mauvaise absorption des médicaments oraux, ainsi qu’au développement d’une cachexie cardiaque. Quelques options pour traiter une ICC réfractaire sont ici résumées (Tableau 1a et b).
L’azotémie d’un chat avec une MRC concomitante peut s’aggraver si des doses relativement élevées de furosémide s’imposent pour traiter l’ICC. Le pronostic est alors grave car, en fonction de la dose de furosémide qu’il reçoit, le chat a tendance à passer d’une ICC non contrôlée à une azotémie excessive. Cela conduit souvent à l’euthanasie si l’équilibre ne peut pas être atteint.
Chez les chats souffrant d’une ICC sévère et qui ont besoin de doses initiales élevées de furosémide pour la contrôler, des lésions rénales aiguës peuvent se développer. Diminuer la dose de furosémide et retarder l’introduction des IECA devrait résoudre ce problème. La thérapie liquidienne sera évitée chez un chat atteint d’ICC qui devient azotémique, car elle augmente la précharge et favorise la décompensation de l’ICC. Au lieu de cela, les diurétiques seront réduits ou arrêtés pendant une courte période, tout en surveillant la respiration.
Tableau 1b. Médicaments et dosages proposés pour traiter les conséquences des cardiomyopathies félines.
Choc cardiogénique (hypotension) | |
Pimobendane (injectable ou tablettes à mâcher) |
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Dobutamine |
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Tachyarythmies | |
Aténolol (à éviter en cas d’ICC non contrôlée) |
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Diltiazem (comprimés à libération progressive) |
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Sotalol |
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Traitement d’une thrombo-embolie | |
Méthadone |
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Clopidogrel |
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Héparine de faible poids moléculaire (daltéparine |
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Rivaroxaban |
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Apixaban
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Aspirine |
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Altéplase (activateur du plasminogène tissulaire) |
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Cyproheptadine |
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Prévention d’une thrombo-embolie | |
Clopidogrel |
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Aspirine |
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Ces médicaments ne sont pas tous autorisés pour le chat ni indiqués pour le traitement des cardiomyopathies félines. |
Un choc cardiogénique peut être observé chez les chats présentant une cardiomyopathie sévère ou en phase terminale, souvent associée à une ICC. Le choc est beaucoup moins fréquent que l’ICC, mais il peut être favorisé par le développement d’arythmies hémodynamiquement significatives. Il provoque une réduction importante du débit cardiaque et de la perfusion périphérique. Les propriétaires signalent une intolérance sévère à l’exercice et une léthargie. À l’examen, le chat est faible et présente des signes de perfusion réduite : pâleur, remplissage capillaire lent, extrémités froides et hypothermie. Le signe clé est l’hypotension systémique (par exemple, une pression sanguine systolique < 100 mm Hg). Dans le cadre d’une ICC avec activation neuroendocrine associée, incluant la libération de vasoconstricteurs, la priorité homéostatique est de maintenir la pression artérielle systémique ; on comprend que l’hypotension est donc un facteur pronostique grave.
Si un choc cardiogénique est détecté, un soutien inotrope positif viendra compléter le traitement de l’ICC, de préférence grâce au pimobendane, en raison de son effet inodilatateur. Une perfusion à débit constant de dobutamine peut également être mise en place en urgence, à condition de surveiller en permanence la fonction cardiaque, au moins grâce à un électrocardiogramme (Tableau 1a et b).
Les chats atteints d’une cardiomyopathie sévère, associée à une dilatation et à une altération de la fonction de l’AG, présentent un risque accru de formation de thrombi cardiaques et de thrombo-embolie systémique ultérieure. Cela peut se produire n’importe où le long de l’arbre artériel, mais les embolies aortiques distales entraînent en général une douleur intense, une paralysie, une perte du pouls associé (par exemple, celui de l’artère fémorale), une pâleur (par exemple, à la base des griffes) et une froideur des extrémités des membres affectés. Les muscles (tels que le gastrocnémien) sont souvent contractés et douloureux à la palpation. Dans certains cas, un tableau aigu de thrombo-embolie peut être le premier signe d’une cardiomyopathie sous-jacente et la prise en charge de la cardiomyopathie devra alors se concentrer sur la réduction du risque de TEA, en particulier si l’AG est très dilaté, si sa fonction est réduite, ou si l’échocardiographie montre un thrombus ou la présence de volutes pré-thrombotiques (« smoke » en anglais). Il n’entre pas dans le cadre de cet article de discuter plus avant de la TEA, mais les stratégies de traitement et de prévention reposent sur un ou plusieurs médicaments antithrombotiques (antiplaquettaires) (le clopidogrel ou l’aspirine, par exemple) ou des médicaments anticoagulants (par exemple, la daltéparine (héparine de faible poids moléculaire), le rivaroxaban ou l’apixaban (Tableau 1a et b)). Il ne semble pas y avoir d’intérêt (cela peut même être risqué) à utiliser des médicaments pour briser les caillots, tels que l’activateur tissulaire du plasminogène 19. Les médicaments classiques qui stimulent le système de fibrinolyse du chat et empêchent toute nouvelle activation et agrégation des plaquettes seront préférés. La cyproheptadine peut réduire la vasoconstriction des vaisseaux collatéraux sensibles à la sérotonine. L’analgésie est impérative (en général avec des opiacés comme la méthadone). En prévention, le clopidogrel est à nouveau indiqué 20 (Tableau 1a et b).
Les arythmies sont fréquentes dans les maladies myocardiques félines et engagent le pronostic vital 21. Les arythmies ventriculaires peuvent survenir en raison d’une augmentation de la contrainte exercée sur la paroi, d’une ischémie myocardique ou d’une fibrose qui fournit un substrat pour les arythmies entrantes. Les blocs atrioventriculaires, y compris le bloc atrioventriculaire de grade III constant ou paroxystique, peuvent également être une conséquence de la fibrose. L’étirement de l’atrium peut entraîner des extrasystoles atriales (supraventriculaires) ou une fibrillation atriale. Les tachyarythmies altèrent la fonction diastolique en réduisant le temps de remplissage diastolique, ce qui augmente la pression de remplissage et favorise la décompensation de l’ICC. Un traitement antiarythmique se justifie alors parfois (Tableau 1a et b). Les brady- et les tachyarythmies peuvent perturber le débit cardiaque, entraînant des signes cliniques tels que la léthargie ou des épisodes de syncope. Les arythmies malignes peuvent entraîner une mort subite, qui est parfois observée chez certains chats cardiomyopathes.
La plupart des chats atteints de CMnH (ou de CMH en phase terminale) présentent les signes cliniques décrits ci-dessus et leur(s) problème(s) doi(ven)t être pris en charge. L’identification exacte du type de cardiopathie passe après le traitement des troubles cliniques. Le diagnostic de la cardiomyopathie sous-jacente réelle se base en général sur l’observation échocardiographique, mais identifier spécifiquement le type de CMnH est délicat : bien qu’une déclaration de consensus récente ait fourni des orientations utiles 1, il est tout à fait possible que les avis divergent à propos d’un même chat et des mêmes images. Il est en particulier délicat de différencier une CMH au stade terminal (la régression de l’hypertrophie ventriculaire gauche peut alors refléter une perte de cardiomyocytes et un remplacement fibreux) d’une cardiomyopathie restrictive ou d’une cardiomyopathie non spécifique : les avis peuvent différer d’un cardiologue à l’autre. Le diagnostic échocardiographique ne reflète qu’un moment donné ; à moins que le chat n’ait déjà été examiné antérieurement, il est impossible de savoir si une CMH préexistait chez le chat avant qu’il entre en phase terminale. Les critères de diagnostic d’une CMnH spécifique sont brièvement décrits ci-dessous 2, accompagnés de quelques images échocardiographiques représentatives.
1. Cardiomyopathie hypertrophique en phase terminale. Bien que la CMH soit de loin la cardiomyopathie la plus courante, le tableau clinique peut être différent lorsqu’elle évolue vers la phase terminale. Ce terme est utilisé lors de CMH déjà connue, même en l’absence d’hypertrophie ventriculaire gauche segmentaire ou généralisée, ou si l’hypertrophie est très légère. Le ventricule gauche (VG) peut être hypokinétique ou dilaté (Figure 2) et l’infarctus du myocarde peut être évident (Figure 3).
2. Cardiomyopathie restrictive (CMR). En l’absence d’hypertrophie et de dilatation, associée à une dilatation gauche ou biatriale (Figure 4) et à un dysfonctionnement diastolique, la CMR restreint le remplissage et se caractérise par une vitesse de l’onde E transmitrale plus de deux fois supérieure à la vitesse de l’onde A. Ce type de dysfonctionnement diastolique n’est cependant pas spécifique de la CMR, il peut apparaître avec n’importe quelle cardiomyopathie. Deux formes de CMR sont distinguées : la forme myocardique 22 qui ne provoque rien dans l’endocarde (Figure 4), et la forme endomyocardique 23,24, qui provoque un endocarde irrégulièrement épaissi et échogène, avec des cicatrices de pontage pouvant entraîner une obstruction intraventriculaire (Figure 5). Une prédisposition pourrait exister chez le Siamois ou les autres races orientales.
3. La cardiomyopathie non spécifique (anciennement appelée cardiomyopathie atypique) 2. Ici, les signes échocardiographiques ne sont pas facilement superposables aux autres critères de cardiomyopathie (par exemple, dysfonctionnement systolique et diastolique sans dilatation du VG ou hypertrophie accrue) ; les caractéristiques de plusieurs cardiomyopathies peuvent aussi être associées (Figure 6).
4. Cardiomyopathie dilatée (CMD) 2. Autrefois associée à une carence en taurine, elle est aujourd’hui devenue rare, mais les cas actuels peuvent être liés à un problème génétique ou nutritionnel (par exemple, les régimes sans céréales). L’échocardiographie peut montrer une dilatation du VG en systole (> 12 mm) et en diastole (> 18 mm), avec une paroi relativement mince. Ce tableau peut également être observé au stade terminal d’autres cardiomyopathies (Figure 7).
5. Cardiomyopathie ventriculaire droite arythmogène (CVDA) 25. Les cas se caractérisent surtout par des signes prédominants d’ICCD et un cœur droit dilaté. Cependant, la fonction ventriculaire gauche est souvent altérée aussi. Elle peut être associée à des arythmies ventriculaires ou autres. Contrairement au chien ou à l’Homme, un bloc atrioventriculaire de grade III peut se produire lors de CVDA chez le chat. Les Sacrés de Birmanie sont prédisposés (Figure 8).
Il est difficile de classer les différentes cardiomyopathies félines. Il n’existe pas de recommandations échocardiographiques simples, car si le tableau clinique au moment de l’examen échocardiographique est connu, il peut ne pas s’agir du tableau original. Le plus important est de bien traiter les troubles identifiés lors de la présentation initiale : l’approche thérapeutique sera similaire, quelle que soit le type réel de cardiomyopathie en cause.
Abréviations : IVS : septum interventriculaire ; LA : atrium gauche ; LV : ventricule gauche ; LVFW : paroi libre du ventricule gauche ; RA : atrium droit ; RV : ventricule droit ; RVFW : paroi libre du ventricule droit ; PE : épanchement péricardique ; Pl Eff : épanchement pleural.
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Joanna Dukes-McEwan
Jo Dukes-McEwan est diplômée, depuis 1986, de l‘Université de Glasgow, où elle a fait un internat et un résidanat. En savoir plus
Catheryn Partington
La Dre Partington est diplômée de l’Université de Liverpool depuis 2014 En savoir plus
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