Casse-têtes pour chats
Les horaires et les modes d’alimentation de nombreux chats dépendent du bon vouloir de leurs propriétaires...
Numéro du magazine 29.1 Autre scientifique
Publié 28/02/2019
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Les chatons sont souvent présentés en urgence, en premier lieu, dans les cliniques vétérinaires généralistes et leur pronostic vital peut dépendre des premiers soins qu’ils reçoivent. Guillaume Hoareau présente ici quelques éléments clés sur la manière de traiter ces cas.
Chaque chaton présenté en urgence devra aussitôt subir un examen de triage et toutes les cliniques devraient avoir des protocoles spécifiques pour évaluer l’état de chaque animal présenté en urgence.
Les nouveau-nés et les chatons nécessitent des soins spécifiques. Le nursing ou l’accès à une veine peut parfois être délicat et les valeurs de référence de ces patients, à l’examen clinique et au laboratoire, peuvent être différentes de ceux des adultes.
Un apport nutritionnel adéquat est vital pour des jeunes animaux car leur métabolisme est élevé. Un apport calorique suffisant est indispensable, en particulier pour prévenir l’hypothermie et l’hypoglycémie, fréquentes chez les nouveau-nés.
Un déséquilibre entre les apports et les pertes minéralo-hydriques peut entraîner une déshydratation et un état de choc. Puisque les besoins liquidiens sont plus élevés chez les chatons que chez les chats adultes, la fluidothérapie sera adaptée en conséquence.
Les vétérinaires reçoivent souvent des chatons et des jeunes chats dont le pronostic vital est engagé ; leur petite taille et leur physiologie particulière rendent parfois leur prise en charge difficile. Il est donc crucial que les cliniciens connaissent les particularités de ces patients et développent les compétences nécessaires à la bonne prise en charge de ces animaux en cas d’urgence. Cette revue clinique présentera des concepts généraux concernant les soins intensifs à prodiguer aux chatons, en mettant l’accent sur des points particuliers chez ces animaux. Notons qu’il peut être utile de faire la différence entre les chatons nouveau-nés (de la naissance jusqu’à l’âge de 2 semaines) et les sujets pédiatriques (de 2 semaines à 6 mois).
Tous les animaux présentés en urgence doivent subir un examen de triage. Ce terme désigne ici le fait de s’occuper du patient tout en décidant des actions prioritaires à mener. L’objectif de cette étape est ( 1 ) de savoir si le patient nécessite des soins immédiats quand son pronostic vital est engagé et ( 2 ) de hiérarchiser les priorités quand plusieurs patients doivent être pris en charge simultanément. Il est important que chaque clinique développe ses propres protocoles de triage, en fonction de son contexte particulier. Il est aussi indispensable de se rappeler que c’est à ce moment qu’intervient le premier contact avec les propriétaires, qui sont souvent stressés ; la communication doit donc être bien gérée.
Les initiales ABC ont été utilisées par les anglo-saxons pour lister les questions prioritaires lors du triage : y a-t-il un obstacle au passage de l’Air (évaluation de la perméabilité des voies aériennes) ? Le patient respire-t-il spontanément (« Breathing ») ou y a-t-il des signes de détresse respiratoire ? Y a-t-il des signes de troubles Circulatoires ou de Choc ? (Figure 1). La présence d’un choc peut être objectivée à l’examen clinique en évaluant les paramètres de perfusion : conscience, rythme cardiaque, qualité du pouls, couleur des muqueuses, temps de remplissage capillaire et refroidissement éventuel des extrémités.
Lorsqu’une détresse respiratoire est mise en évidence au triage, l’oxygénothérapie doit être mise en place aussitôt, c’est la base du traitement. Plusieurs techniques sont envisageables, avec des avantages et des inconvénients pour chacune (Tableau 1). Une fois que l’administration d’oxygène est initiée, les autres troubles sont investigués et traités si cela est possible.
Techniques | Avantages | Limitations |
---|---|---|
Flow-by | Facile à mettre en œuvre |
Peut stresser le patient
FiO2 limitée
|
Masque facial |
Facile à mettre en œuvre
FiO2 supérieure au flow-by
|
Peut stresser le patient |
Collier élisabéthain | FiO2 supérieure au flow-by | Peut stresser le patient |
Lunettes nasales |
Pas d’opérateur requis
Permet le transport
|
Difficile à maintenir
Nécessite une humidification
Peut être inconfortable
|
Sonde nasale |
Pas d’opérateur requis
Permet le transport
|
Difficile à maintenir
Nécessite une humidification
Peut être inconfortable
|
Cage à oxygène |
Minimise le stress du patient
FiO2 supérieure à celle des précédentes techniques
|
Accès limité ou impossible au patient |
Intubation |
Maximise la FiO2
Permet la protection des voies aériennes
|
Nécessite une anesthésie générale si le patient n’est pas dans le coma
Nécessite une humidification
|
Mettre en place un accès veineux est un acte clé en médecine d’urgence car les patients nécessitent souvent une fluidothérapie ou l’administration intraveineuse (IV) de médicaments (Figure 2). Cette intervention est parfois problématique, surtout si le chat est en état de choc ou très déshydraté. Pour les animaux de format réduit, un cathéter de petit calibre (par exemple : 22 ou 27G) s’impose pour accéder à une veine périphérique telle que la veine céphalique ou la veine saphène médiale. L’accès veineux peut aussi être obtenu en plaçant un cathéter de 18 ou 20G dans la veine jugulaire. Enfin, lorsque l’accès veineux pose vraiment problème (lors de déshydratation sévère, de choc hypovolémique ou d’arrêt cardio-respiratoire), un cathéter intra-osseux (IO) sera placé dans le fémur ou l’humérus proximal ( Figure 3 et Figure 4 ). Cette voie est rapide et sûre à mettre en place, même si un accès veineux classique sera posé le plus tôt possible par la suite.
Avant de poser un cathéter IO ou IV, la peau sera d’abord nettoyée et désinfectée, et la pose du cathéter respectera toujours les règles d’asepsie. Le cathéter sera ensuite fixé et protégé des contaminations extérieures par un pansement. Le site d’insertion du cathéter sera inspecté et nettoyé au moins une fois par jour et remis en place s’il arrivait qu’il soit sali ou bouché. Il faut aussi vérifier que le membre portant le cathéter ne présente pas de signes d’inflammation (gonflement, chaleur ou douleur).
Le choc peut être défini comme une baisse systémique de la production cellulaire d’ATP, la molécule de base du métabolisme énergétique des cellules. Pour produire de l’ATP, les cellules doivent recevoir et pouvoir utiliser l’oxygène. Un fonctionnement cellulaire correct et une bonne distribution tissulaire de l’oxygène (DO2) sont donc essentiels à la production d’ATP. La DO2 dépend de plusieurs paramètres physiologiques, dont le débit cardiaque et la fraction d’oxygène dans le sang artériel.
Les différentes causes de choc peuvent être classées ainsi : choc hypovolémique (vasoconstrictif), distributif (vasodilatatoire), cardiogénique, métabolique ou hypoxique (Tableau 2).
Les causes de choc le plus fréquemment rencontrées dans les salles d’urgences sont l’hypovolémie et la vasodilation. Leur traitement fera l’objet du reste de cette discussion. Le but est ici de restaurer le volume sanguin et de maximiser la DO2, grâce à une fluidothérapie de réanimation, administrée si possible par voie IV bien qu’un accès IO puisse parfois être utilisé aussi.
Types de choc | Signes physiopathologiques particuliers | Exemples de causes possibles chez les chatons |
---|---|---|
Hypovolémique ou vasoconstrictif | Diminution du volume sanguin en circulation | Déshydratation sévère, panleucopénie, brûlures |
Distributif ou vasodilatatoire | Tonus vasomoteur en baisse | Infection, anaphylaxie |
Cardiogénique | Dysfonctionnement systolique | Infection |
Métabolique | Incapacité des cellules à produire de l’énergie malgré une oxygénation adéquate | Hypoglycémie, hypothermie, intoxication à la brométhaline |
Hypoxique | Diminution de la fraction d’oxygène artérielle | Anémie, pneumonie |
En médecine vétérinaire, les solutés classiquement employés pour traiter un choc hypovolémique ou vasodilatatoire sont soit des cristalloïdes (iso- ou hypertoniques), soit des colloïdes de synthèse.
Les cristalloïdes se caractérisent par la présence d’électrolytes. Ils sont dits isotoniques quand leur osmolarité est identique à celle du patient, ou hypertoniques quand elle est supérieure. L’effet des cristalloïdes isotoniques repose sur leurs propriétés d’expansion volumique tandis que les solutés hypertoniques agissent par des mécanismes moins évidents : augmentation de la contractilité cardiaque, amélioration de la microperfusion, immunomodulation… Les différents cristalloïdes isotoniques se différencient par leur composition en électrolytes et leur pouvoir tampon.
Types de solutés | mL/kg |
---|---|
Soluté salin hypertonique (7,5 %) | 3-4 |
Cristalloïdes isotoniques | 60 |
Colloïdes de synthèse | 5-10 |
Les colloïdes sont des suspensions de macromolécules à l’intérieur d’une solution saline et incluent les solutions d’hydroxyéthylamidons. Ces macromolécules se caractérisent par la substitution de nombreux radicaux hydroxyéthyl sur le squelette glucosé ; elles sont classées selon le degré de substitution et leur poids moléculaire. L’utilisation des colloïdes dans le traitement du choc a été proposé car ils ont un effet significatif sur la pression osmotique : leur volume d’expansion est donc plus important que le volume perfusé. De plus, les macromolécules chimiquement complexes sont lentement dégradées et demeurent donc plus longtemps dans la circulation. Il y a cependant des inconvénients : les colloïdes sont chers et ont été associés au développement de lésions rénales dans plusieurs études en médecine humaine. Leur emploi peut aussi provoquer des coagulopathies dose-dépendantes (surtout une baisse de la fonction plaquettaire) chez l’Homme et chez l’animal. Les colloïdes de synthèse sont donc à utiliser avec précaution chez les patients présentant un risque de lésions rénales, de coagulopathie ou ceux qui nécessiteraient une intervention chirurgicale.
Des posologies indicatives sont présentées dans le Tableau 3 . Le traitement du choc doit intervenir rapidement, si possible dans les 20 minutes suivant le diagnostic.
Des commémoratifs complets doivent être demandés au propriétaire pour comprendre le motif de la consultation. Il est important de noter l’âge de l’animal et de connaître son régime alimentaire. Les chatons recevant une alimentation inappropriée (apport calorique insuffisant ou repas trop espacés) peuvent présenter une déshydratation, une hypothermie et une hypoglycémie. Cela est particulièrement fréquent chez les sujets très jeunes ou orphelins. L’origine du chaton est également importante : certains animaux issus d’élevage intensif ou ayant été élevé dans de mauvaises conditions sont susceptibles d’être fortement infestés par des ascaris (Toxocara), des ténias (Dipylidium), des trichures (Trichuris) ainsi par que par des parasites externes (puces). Les dates des traitements préventifs (vermifugations et vaccinations) doivent être notées, ainsi que la présence éventuelle de toux, d’éternuements, de vomissements ou de diarrhée. L’exposition éventuelle à des toxiques fréquemment incriminés chez le chat doit enfin être renseignée ; par exemple : lys du genre Lilium ou Hemerocallis, éthylène glycol, médicaments, rodenticides, etc.
Après l’examen de triage et la mise en place des traitements nécessaires en urgence, un examen clinique complet sera réalisé. Chez les chatons nouveau-nés, la conscience peut être évaluée par les vocalisations, même s’il est anormal qu’un chaton soit bruyant. La mobilité et l’aptitude à la tétée sont des bons marqueurs de la conscience. Les chatons sont fréquemment déshydratés et ce critère sera estimé par le test du pli cutané et le degré d’humidité des muqueuses orale et oculaire. L’évaluation standard du degré de déshydratation chez un chat adulte n’est pas directement transposable à un chaton. Chez ce dernier, le seuil de déshydratation est plus bas, et une modification du pli cutané ou une sécheresse des muqueuses sera synonyme de déshydratation sévère.
La cavité orale sera soigneusement examinée car la persistance de fentes palatines peut parfois expliquer un retard de développement, une incapacité à avaler le lait ou des signes de détresse respiratoire. Chez certains animaux présentant une diarrhée importante, un prolapsus rectal peut aussi être vu à l’examen (Figure 5). La température rectale doit être mesurée rapidement pour repérer une éventuelle hypothermie, fréquente chez ces patients. A la naissance, la température rectale du chaton varie de 35,2 à 37°C et atteint 38,5°C vers le 28e jour 1 2. Il n’est pas rare que l’auscultation thoracique révèle un souffle cardiaque, car des malformations cardiaques congénitales ne sont pas à exclure chez des chatons. L’examen clinique est donc une source cruciale d’informations pouvant orienter vers d’autres diagnostics et des actes thérapeutiques ultérieurs.
Des analyses de laboratoire peuvent fournir des informations utiles pour compléter l’anamnèse et l’examen clinique. Il est cependant essentiel de se rappeler que, chez un chaton, une anémie peut être induite par un prélèvement sanguin excessif. La taille des échantillons sera donc limitée et seuls les examens indispensables seront réalisés. Chez les chatons, mesurer l’hématocrite, les protéines totales et le glucose sanguin suffit en général pour gérer la plupart des affections classiquement observées chez ces patients. Ces analyses sont peu coûteuses et permettent d’obtenir rapidement beaucoup d’informations. Une anémie et une hypoglycémie sont par exemple fréquemment observées chez les jeunes chats. Les praticiens se rappelleront que, si mesurer la densité urinaire (DU) au réfractomètre apporte des informations clés quant à la capacité de concentration des reins d’un chat adulte, cette aptitude est peu développée chez les chatons, ce qui rend la mesure de la DU relativement inutile pour apprécier la fonction rénale.
Guillaume L. Hoareau
En présence de certains signes cliniques, et si du sang peut être collecté en quantité suffisante, une numération formule complète apportera des informations intéressantes quant aux nombres d’hématies, de leucocytes et de plaquettes. Un profil biochimique permettra enfin d’évaluer les fonctions rénale et hépatique. Les résultats seront comparés aux valeurs normales correspondant à l’âge du chat (et idéalement à l’analyseur), comme celles figurant dans le Tableau 4 1 2.
Paramètres | Valeurs normales |
---|---|
Numération-formule complète |
|
Hématocrite à la naissance | 35% |
Hématocrite à 28 jours | 29% |
Nombre de leucocytes à la naissance | 9,6 x 103 /mm3 |
Nombre de leucocytes à 8 semaines | 23,68 x 103 /mm3 |
Nombre de lymphocytes à 8 semaines | 10,17 x 103 /mm3 |
Nombre de lymphocytes à 16 semaines | 8,7 x 103 /mm3 |
Nombre d’éosinophiles à 8 semaines | 2,28 x 103 /mm3 |
Nombre d’éosinophiles à 16 semaines | 1,0 x 103 /mm3 |
Profil biochimique |
|
Bilirubine |
0,1-1 mg/dL |
Phosphatase alcaline | 68-269 IU/L |
Gamma glutamyltransférase | 0-3 IU/L |
Protéines totales | 4-5,2 g/dL |
Albumine |
2-2,4 g/dL |
Glucose |
76-129 mg/dL |
Les chatons sont fréquemment anémiés et un parasitisme massif est souvent en cause, en particulier la pulicose. Les sujets anémiés à cause d’une infestation par les puces présentent au départ une anémie régénérative, qui évolue progressivement vers une anémie normocytaire, normochrome et non régénérative à la fin. L’anémie du chaton peut être aussi aggravée par des déséquilibres nutritionnels ; des déficits en fer et en vitamine B12 sont souvent notés. Une anémie non liée à une pulicose sera explorée comme chez un chat adulte et identifiée comme : régénérative ou non-régénérative, normocytaire ou microcytaire, normochrome ou hypochrome. Elle peut être due à une baisse de production des hématies (par exemple : anémie aplasique, infection par un rétrovirus), des pertes sanguines (par exemple : hémorragie, pulicose) ou une destruction des hématies (par exemple : trouble immunitaire, intoxication au zinc). Le test de détection de l’infection par le virus FeLV est une étape importante dans l’exploration d’une anémie chez les chatons 3.
Les jeunes chats, et surtout les nouveau-nés, sont exposés à l’hypoglycémie à cause de leurs besoins métaboliques élevés en glucose, leur faible capacité de néoglucogenèse et les pertes rénales. Une nutrition adéquate est la clé dans la prévention de l’hypoglycémie et l’hypothermie chez des chatons et des jeunes chats. Les nouveau-nés seront pesés quotidiennement pour vérifier la prise de poids (Figure 6). La consommation spontanée doit être vérifiée : le chaton et l’aliment seront pesés avant et après chaque repas pour confirmer et quantifier la prise alimentaire. Les animaux seront nourris souvent, avec un aliment concentré en énergie adapté à leurs besoins. Les nouveau-nés doivent être nourris toutes les 2 à 4 heures, alors que 3 ou 4 repas par jour suffisent à des chatons plus âgés. Les chatons ne pouvant ou ne voulant pas manger spontanément pourront être nourris par sonde (même si cette voie peut parfois entraîner des conséquences désastreuses quand la sonde est accidentellement introduite dans la trachée). Les chattes gestantes et allaitantes recevront aussi un aliment adapté à leurs besoins métaboliques pour favoriser la bonne qualité du lait.
Les sujets hypoglycémiques peuvent présenter une perte de sensibilité, une apathie, un coma ou des convulsions. Quand des chatons présentent ces symptômes de manière aiguë, et qu’il est difficile de prélever du sang chez les patients de petite taille, il est préférable de les traiter contre l’hypoglycémie sans analyse préalable. Si les signes cliniques persistent ou récidivent malgré un support nutritionnel adéquat et le réchauffement, l’étiologie sous-jacente sera alors recherchée. Le traitement d’une hypoglycémie en urgence peut être réalisé grâce à une injection IV ou IO de dextrose (0,25-0,5 mg/kg). Les solutions de dextrose présentent souvent une concentration de 50 % (500 mg/mL) et sont donc hypertoniques ; elles doivent être diluées avec de l’eau stérile (selon un ratio de 1:1 au moins) pour réduire l’irritation. Chez les animaux incapables d’être nourris par voie orale, une fluidothérapie d’entretien pourra être nécessaire, avec un apport de dextrose pour obtenir une concentration de 2,5-5 % (25-50 mg/mL). Quand l’accès veineux pose problème, il est conseillé de frotter les gencives avec du sirop de maïs pour favoriser l’absorption transmucosale ; cette solution alternative permet d’attendre qu’un accès veineux puisse être obtenu.
Les chatons possèdent une grande surface cutanée et un faible poids ; comme la thermorégulation n’est acquise que vers l’âge de 4 semaines, les chatons de moins d’un mois sont exposés à l’hypothermie. Les nouveau-nés doivent recevoir un lait maternisé adapté à leur espèce et être placés à proximité d’une source de chaleur (lampe chauffante, couverture avec circulation d’eau chaude, coussin chauffant, bouillottes, etc.) en prenant garde à éviter les brûlures. Les apports nutritionnels doivent être vérifiés et adaptés à l’âge de l’animal.
Les patients présentant une hypothermie (< 34,4°C) seront activement réchauffés avec l’un des dispositifs mentionnés ci-dessus. Des lavements à l’eau chaude peuvent aussi aider à augmenter la température interne. Si des solutés sont administrés en IV, en particulier pour traiter un choc, il est important de les réchauffer auparavant. Au fur et à mesure que la température interne du patient augmente, les paramètres de la perfusion seront revus, car des signes cliniques de choc peuvent apparaître une fois que la vasoconstriction périphérique induite par le froid a disparu.
Les patients nouveau-nés et pédiatriques sont fréquemment victimes de déshydratation, favorisée par certaines de leurs caractéristiques physiologiques : ratio important entre la surface et le volume corporel, immaturité de la fonction rénale (capacité de concentration du rein), métabolisme très élevé et faibles réserves adipeuses. Au final, la déshydratation résulte du décalage entre des pertes excessives et des apports inadéquats, un déséquilibre que des interventions médicales chercheront à corriger. Chez ces patients, des pertes excessives en eau et en minéraux sont souvent consécutives à des vomissements et des diarrhées (Figure 7). Les causes classiques d’entérites infectieuses chez les jeunes chats incluent des infestations par des parasites tels que Giardia spp., Cytoisospora spp., Tritrichomonas fœtus et Cryptosporidium felis. Des helminthes [ascaris (Toxocara), ténias (Dipylidium) et trichures (Trichuris)] peuvent aussi entraîner des entérites et un retard de développement, tandis qu’une grande variété de bactéries (Salmonella, Clostridium ou Campylobacter) peuvent également provoquer des diarrhées dans cette population. Une panleucopénie infectieuse féline due à une infection par un parvovirus peut aussi être présente, surtout chez les sujets non vaccinés. Le syndrome est très semblable à celui observé chez le chien : il se caractérise par une gastro-entérite sévère et une leucopénie 4.
Comme chez les chats adultes, le traitement du choc doit précéder la mise en place de la fluidothérapie d’entretien chez les chatons. Le choc sera traité par des perfusions en bolus, comme décrit plus haut. Chez les patients stables, la fluidothérapie d’entretien visera à satisfaire les besoins liés aux trois éléments cruciaux suivants :
(i) l’entretien qui comprend les pertes insensibles d’eau, à travers notamment la respiration, ainsi que la production urinaire et fécale normale.
(ii) le déficit hydrominéral ou la déshydratation, appréciés par l’examen clinique, s’exprime en pourcentage du poids corporel ;
(iii) les pertes anormales, ou pertes sensibles, telles que les vomissements ou la diarrhée.
A cause de leur métabolisme très intense et de leur teneur corporelle en eau plus élevée que celle des adultes, les chatons, en particulier les nouveau-nés, ont des besoins liquidiens plus élevés que ceux des adultes. Le débit de perfusion pour un chaton variera entre 3 et 6 mL/kg/heure, les nouveau-nés se situant sur la parte haute de l’échelle.
Les sujets déshydratés doivent être rapidement réhydratés, idéalement 2 à 4 heures après leur présentation. Par exemple, un chaton de 100 g présentant une déshydratation estimée à 8 % recevra 8 mL d’un soluté salin isotonique pendant 2 heures. Une solution de Ringer lactate peut être une bonne option puisque le lactate représente une bonne source d’énergie pour de jeunes animaux 5.
Les pertes sensibles anormales sont plus difficiles à quantifier. Les vomissures ou les selles peuvent être pesés alors que la production urinaire au-delà de 1-2 mL/kg/heure peut être estimée en pesant les couches ou les coussinets d’incontinence utilisés comme couchage. Une mesure fiable de la production urinaire peut aussi être réalisée chez les patients qui portent un cathéter urinaire à demeure mais cela s’avère fréquemment irréalisable chez les animaux de petite taille.
En dehors de ces calculs, une évaluation de ces patients sera réalisée au moins trois fois par jour lorsqu’ils présentent des signes cliniques de choc, de déshydratation ou d’hydratation excessive. La fluidothérapie sera alors rapidement ajustée.
Les chatons et les jeunes chats présentent des spécificités qui doivent être prises en compte par les cliniciens en charge de leur prodiguer des soins intensifs en urgence. Des précautions particulières et le recours à des valeurs de référence spécifiques à ces animaux sont incontournables pour bien interpréter les résultats du laboratoire. L’hypothermie et l’hypoglycémie sont fréquentes au sein de cette catégorie de patients, particulièrement chez les nouveau-nés. Des conditions d’hébergement adéquates, ainsi que des interventions prophylactiques (vaccinations et vermifugations) et un apport nutritionnel adapté sont des éléments clés.
Guillaume L. Hoareau
Le Dr Hoareau a obtenu son doctorat vétérinaire à l’École nationale vétérinaire de Toulouse avant d’effectuer un résidanat à l’Université de Davis, en Californi En savoir plus
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