Les défis quotidiens
Ce chapitre aborde certaines situations difficiles auxquelles un vétérinaire doit faire face...
Numéro du magazine 1 Communication
Publié 23/01/2020
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Travailler comme praticien vétérinaire est clairement un facteur de risque de « burn out » ou syndrome d’épuisement professionnel, qu’on peut considérer comme une maladie complexe et dévastatrice. Les auteurs du présent Veterinary Focus sont convaincus que la communication peut prévenir le burn out. Malheureusement, il existe de nombreux mythes sur la communication, qu’il faut dissiper et c’est l’objet de cette partie 2.
Une fois qu’on met en pratique des méthodes de communication efficaces, on gagne du temps par rapport à une consultation classique.
Depuis une douzaine d’années, l’intérêt pour la communication en médecine vétérinaire a vraiment émergé chez les praticiens, les chercheurs et les étudiants. Mais des croyances erronées continuent de circuler à propos de la communication et nuisent à son efficacité, non seulement dans des situations délicates mais aussi en pratique quotidienne.
Nous communiquons tout le temps, alors pourquoi devrions-nous lire sur le sujet et suivre des formations en communication ? Alors qu’il y a tant d’autres choses importantes à apprendre par ailleurs !
Cet article explique pourquoi et comment la conversation sociale n’a rien à voir avec la communication clinique.
Dans une approche de médecine factuelle, nous devons prendre connaissance des travaux de recherche sur le rôle de la communication dans la performance économique et la croissance du chiffre d’affaires des cliniques vétérinaires. De plus, nous devons dissiper les mythes sur la communication qui peuvent nous empêcher de développer nos compétences à un niveau professionnel.
Ce qui suit vise à donner aux lecteurs des bases rationnelles et scientifiques pour faire progresser leurs pratiques.
Pour commencer, tâchons d’en savoir plus sur ce que nous pensons de la communication parce que notre opinion à son sujet influence significativement notre façon de communiquer au quotidien dans les cliniques. Plusieurs mythes en matière de communication sont présentés ici.
« La communication est une option, un « extra », et rien ne prouve scientifiquement que c’est important. Tout ce que j’ai à faire est d’avoir dans mon équipe quelqu’un qui communique bien. Ainsi, je n’ai pas besoin de m’inquiéter. »
1re idée fausse : en fait, la communication est une aptitude clinique fondamentale et beaucoup d’études le prouvent 1. Les recherches réalisées depuis 17 ans sur la communication en médecine vétérinaire mettent clairement en évidence que la communication conditionne l’observance du client, sa satisfaction ainsi que celle du vétérinaire, la diminution des réclamations et l’amélioration de la santé des patients.
Niveau de connaissances, facilité de communication, conscience de soi, qualité de l’examen clinique et résolution de problèmes médicaux sont totalement liés. Vous ne pouvez pas avoir les uns sans les autres 2. Savoir communiquer efficacement est indispensable pour interagir, qu’il s’agisse d’un examen de routine ou du sujet délicat de la fin de vie et de l’euthanasie. Les outils de communication sont les mêmes quel que soit le sujet ; nous devons juste affiner leur usage en fonction du degré d’urgence de la situation et du contexte, et en tenant compte de la perspective du client. Il est nécessaire de s’assurer que les membres de l’équipe sont formés à la communication et bien encadrés lorsqu’ils travaillent. Toute l’équipe porte la responsabilité d’une communication efficace. Savoir communiquer n’est pas une option facultative en médecine vétérinaire : sans un savoir-faire en communication, toutes nos connaissances et nos efforts intellectuels peuvent être vains (Figure 1).
Cindy Adams
« L’aptitude à communiquer est innée : on sait communiquer ou on ne sait pas. »
2e idée fausse : en fait, la communication n’est pas un trait de caractère. C’est une aptitude clinique qui peut être enseignée et apprise, comme n’importe quelle autre 3. En médecine vétérinaire, la communication est une compétence qui doit être développée à un niveau professionnel. La communication englobe une série de savoirs appris, ce n’est pas juste une question de personnalité. Celle-ci peut aider au départ mais nous pouvons apprendre, quel que soit notre niveau individuel initial. Pour acquérir des compétences complexes, qu’il s’agisse de sport ou de communiquer avec ses clients, avec son équipe ou avec des spécialistes, la clé consiste à identifier les différentes composantes de ces compétences. Nous entendons souvent, par exemple : « Elle passe bien avec les clients » ou « Il sait vraiment bien s’y prendre, il a si bien réagi avec tel client mécontent »… Si l’on ne sait pas vraiment ce qu’il a fait, c’est difficile de l’imiter. Nous avons besoin d’identifier les leviers qui ont été utilisés et de mettre en pratique ces différents éléments avant de pouvoir les réunir. A cause de la complexité du sujet, l’objectif n’est jamais complètement atteint. Nous pouvons toujours apprendre plus.
Cinq éléments sont nécessaires pour développer une compétence :
• Détailler et définir clairement les aptitudes à acquérir.
• Etre observé ou observer quelqu’un pendant qu’il communique.
• Recevoir des feed-backs détaillés et bienveillants de ce qui va et de ce qui pourrait être amélioré dans son relationnel.
• Mettre en pratique et tester ses aptitudes dans des contextes différents.
• Apprendre en petit groupe (avec l’équipe de la clinique) ou faire une formation en face à face (Figure 2).
Le modèle le plus complet, le plus pratique et le plus utilisé pour la communication en médecine vétérinaire s’appelle le « Calgary-Cambridge Communication Process Guide ». Ce modèle est basé sur 58 procédures pour bien communiquer, basées sur des preuves très fiables, plus 15 autres procédures spécifiquement liées à l’information donnée aux clients et à l’instauration d’un protocole de suivi. Ces recommandations constituent l’architecture de l’enseignement et de l’apprentissage de la communication en milieu universitaire, en formation continue et en pratique (Figure 3) 1. La check-list (téléchargeable à la fin de cet article) peut être utilisée comme point de départ pour repérer quelles sont les compétences déjà utilisées dans la clinique et les points à travailler.
« J’ai beaucoup d’expérience et j’ai parlé toute ma vie. Mon expérience suffit. »
3e idée fausse : en fait, l’expérience peut être un piètre professeur. Les aptitudes à la communication ne s’améliorent pas nécessairement avec le temps et l’expérience. Nous savons que, sans formation ni supervision, les professionnels de la santé tendent à adopter un mode particulier de communication avec les clients qui peut nuire à des paramètres importants tels que la précision, l’efficacité et le soutien. Si l’expérience renforce les habitudes, elle ne permet pas de discerner les bonnes et les mauvaises habitudes. Nous appliquons les mêmes méthodes encore et encore, sans nous interroger vraiment sur leur adéquation réelle avec notre contexte de travail et les objectifs poursuivis. Notre but devrait être de nous adapter à chaque client et à chaque situation en utilisant les compétences appropriées pour atteindre les résultats que nous recherchons et que le client attend.
« Tout ce travail sur la communication prend trop de temps. Si je commence à communiquer davantage, ma consultation va s’éterniser et je n’ai pas le temps. »
4e idée fausse : en fait, une fois qu’on met en pratique des méthodes de communication efficaces, on gagne du temps par rapport à une consultation classique (Figure 4). Les chercheurs en communication notent qu’en moyenne, une consultation de médecine vétérinaire ciblée sur le médical dure 11,98 minutes. Lorsqu’elle prend plus en compte le relationnel, la même consultation dure seulement 10,43 minutes 4. Vous vous demandez pourquoi ? Des recherches approfondies ont montré qu’interrompre le client et ne pas lui donner la possibilité de raconter son histoire et les raisons de sa venue à la clinique font émerger tardivement les motifs de consultation. Cela a été reconnu comme ayant un impact sur la durée de la visite et aussi sur la qualité du diagnostic à cause d’informations données trop tardivement par le client 5. Les clients témoignent aussi d’une plus grande satisfaction quand la consultation est centrée sur le relationnel 6. Comme n’importe quelle autre compétence clinique, quand nous commençons à utiliser des compétences nouvelles, il faut du temps avant de savoir les maîtriser et les mettre en pratique automatiquement. Rappelez-vous le temps qu’il vous a fallu pour réaliser votre première castration par rapport au temps que prend un praticien expérimenté !
Il y a eu d’énormes progrès dans le domaine de l’enseignement et de l’apprentissage des compétences relationnelles depuis 20 ans :
• Des programmes de communication ont été intégrés à la formation initiale dans de nombreuses écoles vétérinaires.
• L’évaluation de la communication est devenue un enjeu fort et fait partie des paramètres importants du cursus scolaire dans certaines écoles vétérinaires.
• Un nombre croissant de formations et d’ateliers sont organisés pour les vétérinaires et leurs équipes afin d’améliorer le relationnel avec la clientèle.
• Les résultats scientifiques mettant en lumière l’importance de la communication pour une bonne pratique ne peuvent pas être mis en doute. L’excellence de la médecine vétérinaire est inextricablement liée à l’aptitude relationnelle. L’un ne va pas sans l’autre 7.
Adams CL, Kurtz S. (2017) Skills for Communicating in Veterinary Medicine, Otmoor Publishing, New York.
Miguel Ángel Díaz
Miguel est vétérinaire diplômé depuis 1990. Après avoir travaillé dans différentes cliniques, il a ouvert sa propre structure en 1992 En savoir plus
Iván López Vásquez
Iván vient d’une famille de vétérinaires : son père et son frère aîné partagent la même passion. Il a obtenu son diplôme à l’Université de Concepción En savoir plus
Cindy Adams
Cindy Adams est professeure au Département de Clinique Vétérinaire et Sciences Diagnostiques, à la Faculté de Médecine Vétérinaire de l’Université de Calgary En savoir plus
Antje Blättner
La Dre Blaettner a grandi en Afrique du Sud et en Allemagne et a obtenu son diplôme en 1988 après avoir étudié la médecine vétérinaire à Berlin et à Munich. En savoir plus
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