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Veterinary Focus

Numéro du magazine 34.2 Hépatologie

Enzymes hépatiques chez le chien : FAQ

Publié 13/12/2024

Ecrit par Stefanie Klenner-Gastreich

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Español et English

Faire une prise de sang pour évaluer l’état du foie est un acte quotidiennement réalisé, mais interpréter les résultats peut s’avérer plus difficile qu’il n’y paraît à première vue.

Radiographie d’un animal

Points clés

Les valeurs des enzymes hépatiques doivent toujours être interprétées en fonction des antécédents du chien, des signes cliniques et des autres résultats d’examens.


En cas de tumeur hépatique, l’augmentation globale de l’activité des enzymes hépatiques varie selon la gravité des lésions hépatocellulaires et de l’importance de la nécrose tissulaire associée à la lésion tumorale.


Une augmentation des enzymes hépatiques est souvent due à l’administration de médicaments, en particulier de glucocorticoïdes (incluant les produits topiques) et de médicaments anticonvulsivants.


Les tests de stimulation de la synthèse des acides biliaires donnent des informations sur la fonction hépatique, mais les résultats doivent être interprétés avec prudence.


Introduction

La plupart des vétérinaires pour animaux de compagnie font plusieurs prises de sang par jour pour évaluer l’état de santé des chiens (Figure 1). Interpréter les résultats n’est cependant pas toujours simple, notamment en ce qui concerne la fonction hépatique. Il est donc important de connaître les tests les plus utiles dans le cadre du diagnostic ou du suivi de certaines maladies. Cet article vise à répondre aux questions les plus fréquentes à propos des enzymes hépatiques. 

Prélèvement d’un échantillon de sang sur un chien

Figure 1. Faire une prise de sang à un chien est un acte couramment pratiqué dans les cliniques pour animaux de compagnie, mais il faut être prudent en interprétant les niveaux d’enzymes hépatiques.
© Ewan McNeill

Quand un taux élevé de ALT/AST/ALP est-il significatif ?

En règle générale, lorsque les taux d’alanine aminotransférase (ALT) et d’aspartate aminotransférase (AST) sont multipliés par deux, le résultat est significatif. Sur le plan physiopathologique, l’augmentation de l’activité des enzymes hépatocellulaires résulte de la fuite des enzymes hors des cellules (ALT, AST) ou de l’induction enzymatique (phosphatase alcaline (ALP)). Les résultats doivent toutefois toujours être interprétés en fonction des commémoratifs, des signes cliniques présentés par le chien, et des résultats des autres examens. Les résultats peuvent varier selon qu’il s’agit d’une maladie aiguë ou chronique. Par exemple lorsqu’une maladie chronique entraîne une atrophie ou une fibrose du foie, l’activité des enzymes hépatiques peut se situer dans l’intervalle de référence, ou n’être que légèrement augmentée. Si une maladie grave s’accompagne d’une altération de la fonction hépatique, des taux normaux d’enzymes hépatiques pourront coexister avec des anomalies des paramètres fonctionnels (hypoalbuminémie, diminution de l’urémie, hypoglycémie, hyperbilirubinémie, modifications des taux de cholestérol et de triglycérides, temps de coagulation allongé). Cette situation est observée lors de maladie grave, telle qu’un shunt porto-systémique.
Il est donc faux de croire qu’une activité enzymatique hépatique normale signifie que le foie est sain. Les valeurs des enzymes hépatiques devront toujours être interprétées en même temps que les paramètres de la fonction hépatique, en tenant compte des commémoratifs et des signes cliniques présentés par l’animal.

Quels sont les tests qui permettent le mieux de diagnostiquer un shunt hépatique ?

Un shunt porto-systémique est dû à la présence d’une anomalie vasculaire : une veine du système porte est directement reliée à la veine cave caudale ou à la veine azygos. À cause de cette dérivation, les hépatocytes ne sont pas suffisamment irrigués, ce qui entraîne l’atrophie du foie. La perte des hépatocytes entraîne de nombreuses modifications des analyses de laboratoire. Les concentrations en enzymes hépatiques (telles que l’enzyme cytosolique ALT, ou l’AST, qui sont surtout présentes dans les mitochondries des hépatocytes) peuvent être normales ou augmentées chez les chiens atteints. Toutefois, si le nombre d’hépatocytes a considérablement baissé, une faible quantité de ces enzymes sera libérée par les cellules restantes, se traduisant alors par des concentrations sériques faibles ou normales. Lorsqu’il ne reste plus que 20 à 30 % de la masse hépatique, des signes cliniques d’insuffisance hépatique apparaissent. Le foie devient alors incapable de remplir ses fonctions physiologiques, ce qui perturbe le métabolisme des glucides, des lipides, des vitamines et des protéines, ainsi que les capacités de détoxification de l’organisme. L’insuffisance hépatique peut alors provoquer une hypoglycémie, des modifications des concentrations en cholestérol et triglycérides, une hyperbilirubinémie, une hypoalbuminémie, un allongement du temps de coagulation, une diminution de l’urémie, une augmentation du taux d’acides biliaires et une hyperammoniémie. Une anémie microcytaire et une baisse de la densité urinaire sont également souvent observées. 

Si les dosages cités plus haut ne permettent pas de poser un diagnostic clair en cas de suspicion de shunt hépatique, quels examens faut-il alors pratiquer ? En cas d’insuffisance hépatique, le test de stimulation des acides biliaires à jeun et en postprandial est très intéressant. En cas d’hyperbilirubinémie, il faut cependant s’attendre à ce que la concentration en acides biliaires augmente et le test de stimulation ne renseignera pas beaucoup sur l’état du chien. Les affections qui perturbent le passage de la bilirubine conjuguée des hépatocytes vers les voies biliaires altèrent en effet aussi l’excrétion des acides biliaires ; ces paramètres tendent alors à augmenter.

En présence de signes neurologiques compatibles avec une encéphalopathie hépatique (apathie ou tremblements par exemple), l’ammoniémie sera augmentée. Ce paramètre est cependant très délicat à mesurer et des résultats faussement élevés seront facilement obtenus si les prélèvements n’ont pas été traités correctement. Afin de limiter la variabilité des résultats et éviter de fausser le diagnostic, il est très important de centrifuger immédiatement le prélèvement pour séparer les cellules du plasma, de faire le dosage dans l’heure qui suit le prélèvement, et de limiter son exposition à l’air.

Les enzymes hépatiques peuvent-elles être normales lors de tumeur primaire du foie chez un chien ?

Cela arrive ! Des rappels de physiopathologie sont utiles pour comprendre quels mécanismes conduisent à faire augmenter l’activité enzymatique. Les enzymes hépatiques ne constituent pas un groupe homogène ; l’ALT et l’AST sont généralement considérées comme des enzymes hépatiques tandis que l’ALP et la gamma glutamyltransférase (GGT), bien que souvent incluses dans cette catégorie, peuvent aussi être produites par les membranes cellulaires des cellules épithéliales biliaires. Ce sont donc des marqueurs classiques des troubles cholestatiques, intra- ou extra-hépatiques. L’augmentation de l’activité de l’ALT et de l’AST est liée à des lésions hépatocellulaires réversibles ou irréversibles (nécrose). Le foie peut être le siège d’une grande variété de tumeurs : une tumeur hépatique primaire peut être focale, nodulaire (comme la plupart des carcinomes hépatocellulaires) ou se développer de manière diffuse, en infiltrant le tissu hépatique de manière plus hétérogène. Les lésions focales provoquent une augmentation significative de l’activité des enzymes hépatiques, à cause des lésions hépatocellulaires sévères et de la nécrose tissulaire. Selon le degré de cholestase intrahépatique, le taux d’ALP peut en revanche augmenter ou rester normal. Lorsque des tumeurs à cellules rondes infiltrent le tissu hépatique de manière diffuse (en cas de lymphome ou de mastocytome par exemple), les lésions hépatocellulaires ne sont pas forcément significatives et l’augmentation de l’activité des enzymes hépatiques peut alors être légère voire nulle.

En résumé, en cas de tumeur hépatique, l’augmentation globale de l’activité des enzymes hépatiques dépend du degré des lésions hépatocellulaires. L’importance de la libération enzymatique est conditionnée à l’importance de la nécrose tissulaire associée à la lésion tumorale. En cas d’infiltrat tumoral focal ou diffus, l’augmentation des enzymes hépatiques n’est pas systématique. Le diagnostic de maladie hépatique s’appuiera alors sur l’imagerie diagnostique (échographie abdominale) et sur des cytoponctions à l’aiguille fine (Figure 2). 

Radiographie d’un animal de compagnie atteint d’une néoplasie hépatique

Figure 2. Une tumeur hépatique focale ou diffuse peut ou non entraîner une augmentation de l’activité des enzymes hépatiques. Le diagnostic d’une maladie hépatique s’appuiera donc aussi sur l’imagerie diagnostique ainsi que sur d’autres examens, tels que la cytoponction à l’aiguille fine.
© Anja Luther, Laboratoire Scil animal care GmbH, société Antech

Quelles sont les maladies non-hépatiques qui peuvent altérer les taux d’enzymes hépatiques ?

Le foie est le principal organe de régulation pour de nombreuses fonctions métaboliques et, comme le montrent les exemples ci-dessous, les hépatopathies secondaires sont fréquentes. 

  • Une cholestase intra- ou post-hépatique entraîne classiquement une augmentation de l’activité des enzymes hépatiques. En raison de leur localisation physiologique au sein des cellules épithéliales biliaires, les enzymes ALP et GGT sont des indicateurs sensibles pour cette affection. Une cholestase intrahépatique, résultant d’un œdème hépatocellulaire et de l’obstruction consécutive des canaux biliaires, peut être observée lors d’hépatite secondaire, quelle que soit la cause. Les taux d’enzymes ALT et AST augmentent alors aussi fréquemment. Une cholestase post-hépatique est liée à l’obstruction des voies biliaires, à cause d’une inflammation, d’une tumeur ou d’un calcul biliaire. En raison de la proximité des deux organes, une cholestase post-hépatique est souvent due à une pancréatite; il est alors utile de doser la lipase DGGR. 
  • Les maladies systémiques susceptibles d’avoir des conséquences hépatiques sont multiples et des affections inflammatoires telles que des troubles gastro-intestinaux, une pancréatite ou une septicémie en font partie. Les nutriments, les minéraux, les oligo-éléments et les vitamines ne sont pas les seules substances d’origine intestinale à être acheminés vers le foie par la veine porte : en cas d’affection gastro-intestinale, des bactéries, des toxines, des médicaments ou des cytokines sont également transportés. De l’eau ou du glycogène peuvent alors s’accumuler dans les hépatocytes, mais ces modifications cytologiques sont en principe bénignes. Par conséquent, l’augmentation de l’activité de l’ALT est généralement légère. Une augmentation nette des taux d’enzymes hépatiques peut en revanche être observée lors de maladies infectieuses, notamment bactériennes (exemple : leptospirose), virales (exemple : hépatite de Rubarth liée à l’adénovirus canin 1) ou fongiques (exemple : histoplasmose). Comme le foie a beaucoup besoin d’oxygène, une hypoxie (secondaire à une anémie, une hémolyse ou une maladie cardiovasculaire) peut provoquer des lésions hépatocellulaires et perturber l’activités des enzymes hépatiques.
  • Les lésions musculaires doivent également être envisagées. L’activité de l’enzyme AST n’est pas spécifique du foie : en raison de sa localisation dans le tissu musculaire cardiaque et squelettique, elle peut augmenter lors de lésion musculaire. La nature non spécifique de l’AST implique d’évaluer le taux de cette enzyme parallèlement aux autres résultats de laboratoire. L’ALT peut également augmenter dans certaines dystrophies musculaires rares, mais une affection musculaire active n’est généralement pas associée à une perte en ALT. Si l’on constate une augmentation simultanée du taux d’ALT, une origine hépatique sera donc suspectée. Si les antécédents et l’anamnèse de l’animal orientent vers un possible traumatisme ou une inflammation musculaire, mesurer l’activité enzymatique de la créatine kinase (CK) pourra aider à confirmer que l’affection musculaire est bien la cause de l’augmentation de l’AST.
  • Une hémolyse peut entraîner une légère augmentation de l’activité de l’AST car cette enzyme est présente dans les érythrocytes. Cet exemple montre qu’il est essentiel de réaliser un bilan hématologique en même temps que les analyses biochimiques.
  • Les intoxications sont une cause fréquente d’augmentation des enzymes hépatiques, en particulier lorsqu’elles sont dues à des médicaments qui stimulent la production enzymatique, l’une des principales causes de l’augmentation de l’activité de l’ALP. Cela se produit surtout lors de traitement anticonvulsivant avec le phénobarbital ou la primidone. Les glucocorticoïdes (en particulier la prednisolone et la prednisone) peuvent aussi être incriminés, et même les formes topiques agissent sur l’activité de l’ALP (Figure 3). L’analyse méticuleuse des commémoratifs est donc très importante car les propriétaires peuvent ne pas mentionner les traitements antérieurs spontanément, et il est utile de les questionner à ce sujet. Les glucocorticoïdes stimulent la production d’une isoforme de l’ALP (C-ALP), spécifique du chien. L’augmentation de l’activité enzymatique de l’ALP peut survenir dans les 7 jours suivant le début du traitement et ne diminuer que 6 semaines après son arrêt. Il est cependant délicat d’interpréter l’effet du traitement sur l’activité de l’ALP car les modifications enzymatiques dépendent du type de corticoïde, de la posologie, de la durée du traitement et de la voie d’administration (orale, intraveineuse ou topique). De plus, la réponse des animaux à certains traitements varie avec les individus, ce qui complique encore l’évaluation.
  • Certaines affections osseuses influencent aussi l’activité enzymatique du foie car l’ALP existe sous différentes isoformes. L’ALP osseuse est produite par les ostéoblastes et le taux de cette isoforme peut être multiplié par 3 chez les chiots en croissance, à cause de l’activité accrue des ostéoblastes. Lorsque le taux d’ALP augmente chez un animal adulte, l’hypothèse d’une tumeur osseuse doit être envisagée car un remodelage osseux est observé lors d’ostéosarcome (Figure 4). D’autres affections osseuses (exemples : nécrose, fractures et interventions orthopédiques) peuvent également être en cause.
  • Des endocrinopathies sont souvent responsables de l’augmentation de l’activité des enzymes hépatiques. En cas d’hyperadrénocorticisme (maladie de Cushing), les niveaux élevés de glucocorticoïdes endogènes stimulent l’activité enzymatique de la C-ALP, ce qui constitue un indicateur de cette maladie. En l’absence d’augmentation de cette enzyme, la maladie de Cushing est moins probable, mais le diagnostic s’appuiera quand même sur la cohérence entre les signes cliniques, les résultats de laboratoire et des tests spécifiques, tels que le test de suppression par la dexaméthasone à faible dose. D’autres troubles endocriniens, tels que l’hyperparathyroïdie et le diabète sucré, sont également susceptibles de faire augmenter les taux d’enzymes hépatiques.
Application d’une crème sur la mâchoire inférieure d’un chien

Figure 3. Les produits topiques contenant des glucocorticoïdes peuvent influencer l’activité de l’ALP. Même si les propriétaires savent qu’ils doivent porter des gants en appliquant la crème, ils peuvent ignorer que ce traitement est susceptible d’influencer les résultats des analyses sanguines de leur animal.
© Shutterstock

Radiographie d‘un animal atteint d’un ostéosarcome sur l‘humérus

Figure 4. Les affections osseuses qui induisent une augmentation de l’activité des ostéoblastes font varier les taux d’enzymes hépatiques car l’ALP existe sous différentes isoformes. Un ostéosarcome peut accélérer le remodelage osseux ; par conséquent, si un animal adulte présente une augmentation de l’ALP, une tumeur osseuse sera parfois suspectée.
© Shutterstock

Est-il utile de doser les enzymes hépatiques en cas de diabète sucré ?

L’évaluation de la glycémie constitue la pierre angulaire du suivi du diabète sucré. Comme le métabolisme lipidique des animaux diabétiques est perturbé et que plus de lipides sont acheminés vers le foie, il est utile de surveiller les enzymes hépatiques pour suivre l’évolution de la maladie. Une stéatose hépatique peut être observée à la cytologie, même si elle est plus fréquente chez le chat que chez le chien. L’accumulation de lipides dans les hépatocytes entraîne alors des lésions hépatocellulaires et les taux d’enzymes ALT ou ALP peuvent augmenter (l’ALP est un marqueur particulièrement sensible pour détecter la lipidose hépatique chez les chats). Une prise de sang pourra aussi montrer une lipémie marquée (Figure 5). 

Un échantillon de sang montrant une lipémie marquée

Figure 5. Un échantillon de sang présentant une lipémie marquée peut indiquer que le métabolisme lipidique est perturbé, comme c’est par exemple le cas lors de diabète sucré non traité.
© Shutterstock

Quels tests effectuer chez un chien recevant un traitement anticonvulsivant à long terme ? 

Comme cela a été mentionné plus haut, des anticonvulsivants tels que le phénobarbital stimulent la production d’ALP. Il est important de suivre le taux de phénobarbital pendant le traitement car un niveau supérieur à 35 µg/mL est hépatotoxique. Chez un chien traité à long terme avec du phénobarbital, il est recommandé de faire un bilan hépatique deux fois par an. Comme cela a déjà été dit, des taux d’enzymes hépatiques se situant dans l’intervalle de référence n’excluent pas la possibilité d’une insuffisance hépatique ; si un dysfonctionnement hépatique est suspecté chez un chien traité par des anticonvulsivants, un test de stimulation des acides biliaires sera donc proposé.

Faut-il doser les facteurs de la coagulation chez un chien atteint de maladie hépatique ?

Le foie produit des facteurs de coagulation mais aussi des protéines anticoagulantes, telles que la protéine S et la protéine C, l’antithrombine et le plasminogène. Un dysfonctionnement hépatique influence donc à la fois la production et la fonction des protéines pro- et anticoagulantes. Cela peut conduire à l’apparition de coagulopathies cliniques graves, telles que des hémorragies spontanées, ou simplement à un allongement subclinique du temps de coagulation. La réaction individuelle de l’animal est difficile à prévoir. En général, il faut que la réduction de la masse hépatique soit importante et que l’insuffisance hépatique soit sévère pour altérer de manière significative la synthèse des facteurs et des protéines cités plus haut. Parmi tous les facteurs de coagulation, c’est le facteur VII qui a la demi-vie la plus courte (6 heures) et c’est le temps de prothrombine (TP) qui risque d’évoluer en premier.

Dans de nombreux cas de suspicion d’hépatopathie, une cytoponction à l’aiguille fine ou une biopsie du foie sont justifiées pour mieux caractériser la nature de la maladie. Doser les facteurs de la coagulation (comme le temps de Quick et le temps de coagulation de la thromboplastine partielle activée (aPTT)) avant de réaliser les prélèvements peut permettre d’évaluer le risque hémorragique chez les chiens insuffisants hépatiques. Il n’est cependant pas facile de corréler les résultats avec le risque hémorragique observé cliniquement. Un allongement important du temps de coagulation peut être associé à des saignements spontanés ou associés à la biopsie, mais ceux-ci sont parfois présents alors le temps de coagulation n’est que légèrement allongé, voire normal. 

Stefanie Klenner-Gastreich

Il est faux de croire qu’une activité enzymatique hépatique normale signifie que le foie est sain. L’interprétation des enzymes hépatiques doit toujours tenir compte des résultats de l’analyse des paramètres de la fonction hépatique, ainsi que des antécédents et des signes cliniques présentés par l’animal.

Stefanie Klenner-Gastreich

Quel est le meilleur protocole pour faire un test de stimulation des acides biliaires ?

En cas d’insuffisance hépatique, c’est le test de stimulation dynamique des acides biliaires qui montre la sensibilité la plus élevée. Il s’agit de mesurer la valeur de base des acides biliaires à jeun (généralement après un jeûne de 12 heures), et de comparer les résultats à ceux obtenus avec un prélèvement réalisé 2 heures après l’ingestion d’un aliment modérément riche en lipides. La consommation alimentaire stimule la contraction de la vésicule biliaire et la libération d’acides biliaires dans la circulation entéro-hépatique. Comme la valeur de base n’indique pas précisément le moment de la contraction de la vésicule biliaire, la stimulation par la consommation alimentaire permet d’obtenir une meilleure vision de la fonction hépatique.

Interpréter les résultats du test de stimulation peut cependant être difficile car il faut d’abord s’assurer que les aliments ont bien été consommés, et exclure les affections gastro-intestinales susceptibles de retarder la vidange gastrique ou de diminuer l’absorption iléale de la bile. Les résultats peuvent aussi être influencés par le fait que le moment où la vésicule biliaire se contracte est imprévisible, que la vidange de la bile stockée est incomplète, ou que la vésicule biliaire ne se remplit pas complètement ensuite. La circulation entéro-hépatique des acides biliaires est également influencée par le métabolisme des bactéries intestinales. De manière générale, les résultats seront interprétés en se basant sur la valeur la plus élevée obtenue à partir du prélèvement à jeun ou après stimulation. Si les deux tests montrent que les acides biliaires sont > 25 µmol/L, le diagnostic d’insuffisance hépatique sera confirmé. Le taux d’acides biliaires à jeun peut également augmenter en cas de cholestase ou d’une autre hépatopathie secondaire. En cas de dysfonctionnement hépatique lié à une hépatopathie primaire, le résultat devrait être > 50 µmol/L. Le résultat est équivoque si les taux d’acides biliaires pré et postprandiaux se situent entre 20 et 50 µmol/L. Un nouveau test sera réalisé 2 à 3 semaines plus tard, en comparant les résultats à ceux des autres examens de laboratoire et d’imagerie diagnostique. Il convient enfin de noter que des taux anormaux d’acides biliaires peuvent être consécutifs à diverses maladies hépatobiliaires sous-jacentes, et qu’il s’agit d’un résultat non spécifique.

Conclusion

Presque tous les profils biochimiques effectués sur les chiens incluent systématiquement des paramètres permettant d’évaluer la fonction hépatique. Il est cependant important de savoir quand un résultat anormal est significatif, et quand un résultat se situant dans l’intervalle normal de référence ne permet pas d’exclure un diagnostic potentiel. Le clinicien devra toujours interpréter les niveaux d’enzymes hépatiques en fonction des commémoratifs et des signes cliniques présentés par l’animal. Si nécessaire, il faudra répéter certains tests et utiliser d’autres outils diagnostiques.

 

Lectures complémentaires 

  • E. Villiers, Ristić J. BSAVA Manual of Canine and Feline Clinical Pathology, 3rd ed. Gloucester, British Small Animal Veterinary Association, 2016
  • Stockham SL, Scott MA. Fundamentals of Veterinary Clinical Pathology, 2nd edition. Ames, IA; Blackwell Publishing, 2008
  • Lawrence YA, Steiner JM. Laboratory evaluation of the liver; a review. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2017;47(3):539-553. Doi: 10.1016/j.cvsm.2016.11.005. Epub 2017 Jan 4.
  • Konstantinidis AO, Patsikas MN, Papazoglou LG, et al. Congenital portosystemic shunts in dogs and cats: classification, pathophysiology, clinical presentation and diagnosis. Vet. Sci. 2023;10(2):160. Doi: 10.3390/vetsci10020160.
  • Charalambous M, Muñana K, Patterson EE, et al. ACVIM Consensus Statement on the management of status epilepticus and cluster seizures in dogs and cats. J. Vet. Intern. Med. 2024;38(1):19-40. Doi: 10.1111/jvim.16928. Epub 2023 Nov 3.

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Stefanie Klenner-Gastreich

Stefanie Klenner-Gastreich

La Dre Klenner-Gastreich est diplômée de l’Université de médecine vétérinaire allemande de Hanovre depuis 2004 En savoir plus

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