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Veterinary Focus

Numéro du magazine 31.1 Autre scientifique

La dermatite atopique féline démystifiée

Publié 15/04/2021

Ecrit par Jennifer Schissler

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Română , Español , English , 한국어 et Українська

L’atopie féline peut être frustrante à diagnostiquer et à traiter mais, dans cet article, Jennifer Schissler démystifie certaines des questions qui se posent à propos de cette affection.

A cat with an indolent ulcer in partial remission; erosions remain on the upper left lip and tissue loss of the upper lip is permanent.

Points clés

Le diagnostic de dermatite atopique féline se fait par exclusion et une approche structurée est essentielle pour parvenir à un diagnostic précis.


Le prurit peut être ou non évident mais savoir reconnaître les lésions caractéristiques aide le clinicien à choisir les étapes appropriées pour le diagnostic.


Il est essentiel de soulager le prurit en tenant compte de son évolution aiguë et chronique ; dans la phase chronique, il faut chercher à limiter ou à éliminer les glucocorticoïdes. 


Communiquer avec le client est primordial pour le succès ; les propriétaires doivent être conscients que la dermatite atopique ne sera jamais guérie et devra être traitée à vie.


Introduction

La dermatite atopique féline est une affection inflammatoire, presque invariablement prurigineuse, avec des manifestations cliniques caractéristiques. La présentation clinique peut être très différente de celle de l’atopie canine et l’étiopathogénèse est moins bien connue. Comme pour le chien, il s’agit cependant d’une réaction d’hypersensibilité à des allergènes environnementaux, notamment le pollen, les acariens et les moisissures. Contrairement à la dermatite atopique humaine et canine, le rôle des IgE dans la pathogenèse de l’affection chez le chat n’est pas élucidé ; c’est pourquoi des publications récentes ont préconisé d’utiliser l’expression « dermatite féline liée à une hypersensibilité aux allergènes environnementaux » (hypersensibilité induite ni par les puces, ni par l’alimentation) 1. La nomenclature utilisée pour décrire l’allergie cutanée féline évolue et n’est pas universellement acceptée ; historiquement, elle a été appelée « atopie féline », « syndrome atopique félin », « dermatite atopique féline »… Par souci de cohérence, c’est ce dernier terme qui sera utilisé ici puisqu’il est familier pour les lecteurs et parce qu’en pratique, cette affection constitue le pendant clinique de la dermatite atopique canine.
 

 

 

 

Diagnostic

La dermatite atopique est un diagnostic d’exclusion. Les hypersensibilités d’origine alimentaire à expression cutanée et la dermatite par allergie aux piqûres de puces (DAPP) provoquent des signes cliniques identiques et peuvent être associés à la dermatite atopique féline. En outre, des infections secondaires à Staphylococcus et Malassezia peuvent aggraver la dermatite et le prurit. Envisager et tenter d’exclure ces infections ou infestations, puis essayer de mettre en place un régime d’éviction dans les cas non saisonniers peut permettre d’éviter de prescrire un traitement immunomodulateur inutile à long terme. Procéder par étapes est donc essentiel pour faire un diagnostic précis et rigoureux. Chez un patient présentant des signes cliniques et des antécédents compatibles avec la dermatite atopique féline, les points suivants seront pris en compte :

1. évaluer et traiter toute infestation avérée ou suspectée, et s’assurer du respect des recommandations en matière de lutte contre les puces ;
2. évaluer et traiter les infections, et vérifier leur guérison grâce à la cytologie ;
3. mettre en place un régime d’éviction si le patient présente des signes non saisonniers.

Ces mesures ne résoudront pas complètement la dermatite atopique féline. Bien que l’histopathologie des hypersensibilités cutanées félines ne distingue pas la dermatite par allergie aux piqûres de puces (DAPP) des hypersensibilités alimentaires à expression cutanée ou de la dermatite atopique, les biopsies peuvent orienter vers un diagnostic d’hypersensibilité dans des présentations équivoques. Envisagez de référer les patients à un vétérinaire dermatologiste lorsque l’historique paraît complexe ou incompatible avec les observations cliniques, ou en cas d’absence de réponse thérapeutique.

Sachez que les médicaments antiprurigineux pendant les essais thérapeutiques amélioreront la qualité de vie des patients et l’observance du propriétaire mais, lors des tests diagnostiques, il est nécessaire d’arrêter leur administration pour évaluer la réponse du chat.

Signes cliniques et diagnostic 

Le diagnostic différentiel de l’atopie féline doit s’appuyer sur les caractéristiques et la localisation des lésions. Les signes cliniques peuvent être isolés ou associés. Certains chats sont présentés parce qu’ils s’arrachent violemment les poils, se grattent et s’automutilent, alors que le prurit peut rester caché chez d’autres, le patient ne présentant alors qu’une alopécie progressive, généralement non inflammatoire et symétrique. 

Quatre schémas lésionnels sont associés à l’hypersensibilité cutanée féline : le complexe granulomateux éosinophile, la dermatite miliaire, les excoriations de la tête et du cou et l’alopécie symétrique.

Complexe granulome éosinophilique 
Les lésions comprennent l’ulcère atone (ressemblant à une trace de morsure de rongeur), la plaque éosinophilique et le granulome éosinophilique (linéaire ou collagénolytique). Les ulcères atones apparaissent sur la lèvre supérieure sous forme de plaques d’érosion uni- ou bilatérales (Figure 1). En se développant en surface et dans le derme profond, ils peuvent déformer la lèvre supérieure. Les plaques éosinophiles se présentent sous la forme d’érosions érythémateuses et humides, multiples ou isolées, surélevées et bien circonscrites ; elles se situent généralement sur l’abdomen (Figure 2). Les granulomes éosinophiliques sont typiquement des plaques ou des nodules érythémateux et alopéciques isolés, apparaissant souvent dans la région inguinale et sur les membres postérieurs, bien qu’ils puissent également se développer sur le menton (Figure 3), la langue, le palais (Figure 4) et les coussinets plantaires (rarement) (Figure 5). Le diagnostic différentiel de ces lésions inclut des tumeurs, une lymphocytose, une dermatite herpétique et des infections fongiques ou bactériennes profondes. Un complexe granulome éosinophilique est souvent diagnostiqué à partir de l’aspect des lésions et des antécédents, mais l’histopathologie peut confirmer le diagnostic. L’examen cytologique de la surface des lésions montre généralement une inflammation suppurative ou pyogranulomateuse par des coques ; les éosinophiles sont moins nombreux et ne sont pas uniformément présents. Traiter les lésions infectées secondairement par des Staphylococci avec de l’amoxicilline (et acide clavulanique) peut permettre d’obtenir une amélioration clinique significative, ce qui soutient la théorie selon laquelle les staphylocoques jouent un rôle dans le développement, la progression et la perpétuation des lésions 2. Selon l’expérience de l’auteure, les antimicrobiens, bien qu’utiles dans de nombreux cas, ne sont pas toujours indispensables à la résolution des lésions du complexe granulome éosinophilique félin ; la décision de les utiliser sera prise en fonction de l’évaluation cytologique (voir ci-dessous).
 

 

A cat with an indolent ulcer in partial remission

Figure 1. Un chat avec un ulcère atone en rémission partielle ; les érosions subsistent sur la lèvre supérieure gauche et la perte de tissu au niveau de la lèvre supérieure est permanente. © Jennifer Schissler

 

 

 

 

Multifocal moist, erythematous plaques on the inguinal area and inner thigh

Figure 2. Plaques multifocales, humides et érythémateuses, dans la région inguinale et sur la face interne de la cuisse. © Jennifer R. Schissler

An eosinophilic (collagenolytic) granuloma at the mucocutaneous junction of the lower lip

Figure 3. Un granulome éosinophilique (collagénolytique) à la jonction muco-cutanée de la lèvre inférieure. © Jennifer R. Schissler

A granuloma on the lateral aspect of the tongue in a patient with concurrent pruritus and miliary dermatitis

Figure 4. Un granulome sur la face latérale de la langue chez un chat présentant simultanément du prurit et une dermatite miliaire. Une hypersalivation peut apparaître secondairement à la lésion linguale. © Jennifer R. Schissler

An eosinophilic granuloma on the footpad, confirmed via histopathology as neoplasia was a possible differential diagnosis

Figure 5a. Un granulome éosinophilique sur le coussinet plantaire, confirmé par l’histopathologie, mais le diagnostic différentiel devait envisager la possibilité d’une tumeur. © Jennifer R. Schissler

The lesion post-biopsy following two weeks of prednisolone therapy

Figure 5b.  État de la lésion post-biopsie après deux semaines de traitement à la prednisolone. © Jennifer R. Schissler

Jennifer Schissler

La dermatite atopique est un diagnostic d’exclusion. Les hypersensibilités d’origine alimentaire à expression cutanée et la dermatite par allergie aux piqûres de puces (DAPP) provoquent des signes cliniques identiques et peuvent être associés à la dermatite atopique féline.

Jennifer Schissler

 
Dermatite miliaire
Il s’agit d’une dermatite papuleuse et croûteuse, souvent localisée sur le dos, qui peut être accompagnée d’une alopécie (Figure 6). Le diagnostic différentiel inclut une dermatophytose, les infestations par des Cheyletiella, Demodex cati, D. gatoi, une pyodermite staphylococcique et le pemphigus foliacé. L’approche diagnostique s’appuie sur l’examen cytologique réalisé sous les croûtes, avec des raclages cutanés profonds et superficiels) et sur un trichogramme pour rechercher une dermatophytose ; une PCR ou une culture fongique seront réalisées si le résultat est négatif. L’atteinte du chanfrein et du pavillon de l’oreille peut indiquer une hypersensibilité aux piqûres de moustiques chez les chats qui sortent. Une dermatite miliaire seulement due à une hypersensibilité cutanée peut s’accompagner d’une inflammation mixte ou suppurative sur des frottis de croûtes avulsées ; les éosinophiles sont présents en quantité variable, mais généralement limitée. De nombreux chats souffrant d’hypersensibilité cutanée présentent une pyodermite à staphylocoques secondaire qui se présente sous la forme d’une dermatite miliaire. Il est recommandé de suivre cliniquement et cytologiquement l’évolution des patients traités pour une pyodermite à staphylocoques pour savoir si la dermatite miliaire est due à une allergie, à une pyodermite à staphylocoques superficielle ou aux deux à la fois.

Excoriations sur la tête et le cou 
De gravité variable, elles se présentent comme des érosions locales ou généralisées, avec ulcération et alopécie. Des exsudats hémorragiques ou suppuratifs, ainsi que des croûtes, sont fréquents et peuvent accompagner une dermatite miliaire faciale (Figure 7). Le diagnostic différentiel inclut Notoedres cati (localisation variable), Otodectes cynotis, une dermatophytose, Demodex spp. et une dermatite herpétique. Des raclages cutanés superficiels et profonds sont ici requis, ainsi qu’un examen cytologique cutané pour rechercher une infection secondaire à staphylocoques ou à Malassezia. Comme une otite externe peut être un signe d’allergie chez le chat, le prurit cervicofacial implique de faire un examen otoscopique, une cytologie auriculaire et une recherche d’acariens. Bien que rare, le diagnostic différentiel doit aussi envisager la dermatite ulcéreuse idiopathique : celle-ci se manifeste par des excoriations étendues, une ulcération et une fibrose à la base du cou. Son diagnostic s’appuie sur la présentation clinique et sur l’exclusion pratique de l’hypersensibilité : absence de réponse au traitement contre les parasites externes, à la thérapie antimicrobienne lors d’infection secondaire, au régime d’éviction et aux traitements antiprurigineux. En cas de doute, la biopsie peut confirmer le diagnostic d’hypersensibilité.

Alopécie symétrique sur le tronc et les membres
À cause de la distribution au niveau du tronc et de l’absence globale d’inflammation, elle ressemble à une alopécie endocrinienne (Figure 8). La perte de poils résulte du prurit (léchage, morsure ou arrachage des poils) et elle est beaucoup plus fréquente que l’alopécie endocrinienne féline. La gravité et l’étendue de l’alopécie varie : elle peut être large ou bien circonscrite, mais elle concerne typiquement les flancs, l’abdomen et l’extrémité des membres. Les pointes des poils apparaissent cassées et irrégulières à l’examen microscopique. En l’absence d’autre lésion, le diagnostic différentiel doit envisager D. gatoi et, si la localisation géographique s’y prête, l’acarien Lynxacarus radovskyi 3 ; des raclages cutanés superficiels seront donc réalisés. D. gatoi est irrégulièrement identifié, même lorsque les prélèvements sont bien faits, mais il peut être mis en évidence par le test de flottation, car des parasites peuvent être ingérés lors du toilettage 4. Si D. gatoi est suspecté malgré des raclages et un test fécal négatifs, une épreuve thérapeutique est nécessaire. Des shampooings hebdomadaires au soufre sont efficaces 5 mais la décision d’entreprendre ce traitement (au début du processus de diagnostic ou chez les chats présumés atteints de dermatite atopique qui ne répondent pas au traitement anti-inflammatoire) sera prise en fonction de l’estimation de la prévalence géographique du parasite et du risque de contagion potentielle (quand plusieurs chats cohabitent, dans un refuge…) L’efficacité des antiparasitaires externes à base d’isoxazoline (sarolaner, fluralaner) est prouvée pour D. gatoi 6 et les éléments en faveur de l’utilisation de ces médicaments pour traiter D. canis et D. injai sont convaincants. Exclure une hypersensibilité à D. gatoi et une dermatite par allergie aux piqûres de puces peut donc se faire de manière pratique et efficace grâce au traitement avec l’isoxazoline. 

L’alopécie psychogène fait partie du diagnostic différentiel des alopécies félines mais elle est apparemment moins fréquente que la dermatite 7. Le diagnostic s’appuie sur l’absence de réponse au traitement contre D. gatoi et contre les puces, sur l’échec du régime d’éviction et du traitement immunomodulateur [en particulier avec les glucocorticoïdes 7], associés à des commémoratifs de troubles anxieux et des conditions de vie laissant à désirer, dans un milieu non enrichi 8. Si les résultats de la biopsie n’indiquent pas de signe d’hypersensibilité mais que la réponse aux médicaments psychotropes et aux modifications environnementales est positive, cette hypothèse sera confortée. Enfin, il arrive (rarement, mais cela doit être mentionné) que les chats s’arrachent les poils à cause d’une douleur liée à une cystite, une maladie inflammatoire de l’intestin ou une neuropathie périphérique. Lorsque la cause de l’alopécie reste floue, il convient donc de refaire un examen physique approfondi, d’explorer le contexte et de pousser plus loin les examens diagnostiques.
 

 

Facial miliary dermatitis with diffuse alopecia

Figure 6. Dermatite miliaire faciale avec alopécie diffuse. © Jennifer R. Schissler

 

 

A patient with neck and facial pruritus, erythema, excoriation and miliary dermatitis

Figure 7. Un chat présentant un prurit cervical et facial, un érythème, des excoriations et une dermatite miliaire. © Jennifer R. Schissler

Bilaterally symmetric, well circumscribed, grossly non-inflammatory alopecia due to barbering in a pruritic atopic dermatitis patient

Figure 8. Alopécie bilatérale symétrique, bien circonscrite, globalement non inflammatoire, due à l’arrachage des poils par un chat atteint de dermatite atopique prurigineuse. © Jennifer R. Schissler

 

Diagnostic différentiel

L’anamnèse est utile : les signes cliniques apparaissent en général avant l’âge de 4 ans et il n’y a pas de prédisposition sexuelle ni raciale bien documentée. Les signes peuvent être saisonniers ou non, et se manifester de manière légère et intermittente avant de s’aggraver régulièrement au cours du temps. Les chats d’intérieur et d’extérieur sont tous touchés et aucune publication ne fait état de l’influence positive ou négative du mode de vie à l’intérieur. Le prurit doit être évalué (et réévalué à chaque nouveau contrôle), en prenant soin de décrire les comportements spécifiques : léchage, morsure, mâchonnement, frottement, traction sur les poils et grattage, tout en identifiant la ou les zone(s) où le prurit apparaît. Les questions suivantes peuvent aider à approfondir l’historique :

1. À quel âge le prurit est-il apparu ?
2. Le prurit est-il saisonnier ? (La dermatite atopique peut être saisonnière ou non saisonnière). 
3. Les démangeaisons ont-elles commencé soudainement ? Se sont-elles aggravées avec le temps ? (dans la plupart des cas, la gravité augmente au fil du temps).
4. D’autres animaux au foyer présentent-ils des démangeaisons ou des lésions cutanées ? (Si c’est le cas, pensez aux ectoparasites (puces, D. gatoi) ou à Microsporum canis). 
5. Le prurit a-t-il diminué suite aux traitements précédents ? (La réponse au traitement ne permet pas de faire le diagnostic ni de distinguer une dermatite par allergie aux piqûres de puces d’une hypersensibilité alimentaire à expression cutanée ou d’une dermatite atopique, mais de nombreux chats hypersensibles réagissent bien aux glucocorticoïdes par voie systémique).
6. Quels antiparasitaires externes ont été administrés et à quelle fréquence ?
7. Comment le chat est-il nourri aujourd’hui et était-il nourri différemment auparavant ? (ces informations sont utiles pour mettre en place un régime d’élimination).

Il n’est pas recommandé de commencer par réaliser des tests intradermiques et des dosages sériques pour diagnostiquer une dermatite atopique féline ou une hypersensibilité alimentaire à expression cutanée, car ces tests produisent des résultats faussement positifs et négatifs. Ces tests ne deviennent intéressants que pour sélectionner les allergènes à inclure dans une immunothérapie ciblée pour des chats atteints de dermatite atopique spécifique. Notons que les tests allergéniques salivaires conçus pour les chiens, dont certains sont vendus directement aux propriétaires, souffrent d’un manque flagrant de précision, autant en ce qui concerne la maladie (faux positifs apparaissant chez des animaux sains) que ses antécédents (résultats positifs envers des allergènes alimentaires que l’animal n’a pas consommés) 9.

Traitement de l’atopie

Un traitement anti-inflammatoire de base ou une immunothérapie sont recommandés pour traiter la maladie au long cours. Cependant, l’observance est indispensable au bon contrôle d’une dermatite atopique féline. Il faut informer les propriétaires à propos du caractère chronique et incurable du problème, présenter les intérêts et les effets secondaires des traitements et – le cas échéant – permettre au client de choisir la thérapie. Discutez avec lui des objectifs visés pour le chat (par exemple, est-il possible pour le chat de vivre confortablement sans collerette ?) et encouragez la communication. Lorsqu’une relation de confiance est établie, le propriétaire recherchera l’expertise et le soutien du clinicien en cas de problème.

Les traitements anti-inflammatoires sont la pierre angulaire du traitement, mais il faut tenir compte du stade de la maladie lors de la prise en charge des patients souffrant d’hypersensibilité cutanée. Un traitement en phase aiguë réduit rapidement le prurit chez les chats quand le traitement antiparasitaire externe démarre et pendant la mise en place d’un régime d’éviction. Il est également efficace pour contenir les poussées de dermatite atopique. Les glucocorticoïdes et l’oclacitinib sont les anti-inflammatoires les plus efficaces en phase aiguë. Une fois le diagnostic de dermatite atopique posé, il faut passer à un traitement d’entretien à long terme : parmi les traitements anti-inflammatoires non stéroïdiens, la cyclosporine micronisée et une immunothérapie ciblée sur les allergènes en cause sont les options les plus sûres, les plus efficaces et les plus documentées. Si des glucocorticoïdes doivent être utilisés à long terme, il faut viser la dose et le rythme d’administration les plus faibles possible pour contrôler les signes cliniques. Une fois le traitement d’entretien chronique instauré, il est prudent, au cours de la première année, de revoir l’animal une fois par saison pour s’assurer que le contrôle est optimal et pour vérifier l’absence d’infections cutanées ou auriculaires secondaires. Ensuite, quand le chat est bien géré, un contrôle tous les 6 à 12 mois suffit, idéalement pendant la saison où le chat se gratte le plus.

Idéalement, des corticoïdes ne seront administrés que pendant la phase aiguë et la période du diagnostic. L’auteure privilégie un traitement oral avec la prednisolone pour pouvoir adapter et diminuer la dose et limiter les effets secondaires lorsque cela est possible. Classiquement, la dose prescrite pour traiter le prurit initial sera de 1,0 à 2,0 mg/kg q24h et descendra autour de 0,5 mg/kg q48h en entretien. Une dose de 2 à 3 mg/kg/jour peut cependant être nécessaire pour contrôler les lésions lors de complexe granulome éosinophilique. Pour surveiller l’apparition éventuelle d’effets secondaires (par exemple : cushing iatrogène, diabète sucré et infection des voies urinaires), un profil biochimique et une analyse d’urine seront réalisés au départ, 3-4 mois après le début du traitement, puis tous les 6 mois, sauf si l’évolution de la santé du chat requiert un suivi plus fréquent. Des épisodes d’herpès virose cutané ou oculaire sont susceptibles de se produire.

La cyclosporine micronisée est autorisée dans certains pays pour traiter la dermatite atopique féline et elle convient à la prise en charge chronique. Des troubles digestifs sont les effets secondaires les plus fréquents : ils concernent environ 25 % des chats et peuvent être transitoires ou durables. À cause du risque de toxoplasmose systémique potentiellement mortelle, en particulier chez les patients naïfs, la chasse et la consommation de viande crue sont contre-indiquées. L’auteure recommande une dose de 7,5 mg/kg/jour pendant une période d’essai de 8 semaines ; une fois l’efficacité du traitement avérée, certains individus peuvent n’être traités que toutes les 48 à 72 heures. Le médicament peut être donné dans un aliment humide sans affecter les paramètres pharmacocinétiques, ce qui facilite l’observance 10. Bien qu’il soit prudent d’effectuer un suivi des paramètres sanguins et urinaires, ils évoluent rarement 11.

L’oclacitinib est autorisé pour le traitement de la dermatite allergique chez le chien et, bien qu’il s’agisse d’une utilisation hors AMM, l’efficacité 12 13 et l’innocuité 14 de ce médicament pour traiter une dermatite atopique féline aigüe ou chronique sont avérées. Les suivis ne dépassent cependant pas une période de 28 jours, de sorte que les données concernant la sécurité à long terme sont entièrement anecdotiques. Chez le chat, la pharmacocinétique implique d’administrer une dose orale plus élevée et plus fréquente que chez le chien 15 : des études préconisent une dose initiale comprise entre 0,4 et 1,0 mg/kg q12h 12 13  ; une fois l’atopie bien contrôlée, le médicament pourra n’être administré qu’une fois par jour. Cependant, la thérapie administrée deux fois par jour sur le long terme donne de bons résultats chez la majorité des chats. Devoir administrer fréquemment des comprimés à un chat est un inconvénient pour le traiter à long terme. Étant donné le manque global de données sur la sécurité, des analyses sanguines et urinaires de base seront répétées tous les 3 à 6 mois. Selon l’expérience de l’auteure, l’oclacitinib est un médicament sûr et efficace à long terme chez le chat mais, si on l’utilise, les autres immunomodulateurs doivent être évités ou utilisés avec prudence. L’auteure a observé un cas de démodécie multifocale à D. cati et de pyélonéphrite chez un chat recevant simultanément de la dexaméthasone et de l’oclacitinib par voie orale pour traiter une dermatite atopique grave.

Une immunothérapie spécifiquement dirigée contre certains allergènes, administrée par voie sous-cutanée ou sublinguale, est indiquée en cas de traitement prolongé. C’est la seule thérapie qui favorise la tolérance immunitaire et qui n’a pas d’effets secondaires à long terme connus. Les allergènes sont sélectionnés par des tests intradermiques ou des dosages d’IgE sériques, en fonction des antécédents environnementaux du patient. Un traitement d’au moins 12 mois peut être nécessaire avant d’obtenir une réponse notable. Pour optimiser le bien-être des chats, la plupart auront besoin d’un traitement anti-inflammatoire continu ou intermittent pendant cette période. Chez environ 60 % des chats, il devient ensuite possible de diminuer voire de supprimer les médicaments 16, mais la plupart des patients ont besoin que le traitement continue pour maintenir leur tolérance. Dire aux clients qu’il s’agit d’un traitement à long terme et entretenir leur motivation pour réduire le besoin d’un traitement médicamenteux est essentiel pour éviter l’arrêt prématuré du traitement, qui s’accompagnerait d’une perte de temps et d’argent.

Les antihistaminiques ne permettent pas de gérer les cas aigus, à cause de leur manque général d’efficacité 17 et de leur action retard. Ils peuvent cependant servir à diminuer les doses de corticoïdes ou être utilisés seuls dans une population très limitée de patients. 

Un complément d’acides gras est indiqué dans le traitement à long terme de tous les chats présentant une dermatite atopique ; il peut passer par la consommation d’un aliment spécialement indiqué pour la dermatite atopique, ou par l’administration de gélules ou de préparations liquides. Les acides gras ne réduisent pas, à eux seuls, le prurit de manière significative mais ils peuvent réduire la gravité des crises, aider à renforcer la barrière cutanée et donc à réduire la pénétration des allergènes et le risque d’infection secondaire. Il a été montré qu’ils permettent de réduire les doses de médicaments lors de dermatite atopique canine 18. L’auteure recommande l’acide eicosapentanoïque (EPA) à une dose minimale de 90 mg par jour pour réduire le prurit chez les chats présentant une dermatite atopique.

Les lésions du complexe granulome éosinophilique félin seront traitées avec des glucocorticoïdes ou de la cyclosporine micronisée mais des doses initiales relativement élevées et des traitements anti-inflammatoires longs sont parfois requis pour obtenir une rémission. La cyclosporine micronisée seule peut permettre de guérir les lésions : elle agit lentement (il faut environ 4 à 6 semaines) mais elle est efficace pour contrôler durablement les lésions du complexe granulome éosinophilique félin. En période de diagnostic, le traitement aux glucocorticoïdes sera poursuivi chez les patients pour assurer leur bien-être pendant la mise en place des traitements antiparasitaires et du régime d’éviction, mais il devra être interrompu ensuite pour juger de leur efficacité. Des études à comité de lecture font encore défaut pour évaluer l’efficacité de l’oclacitinib dans le traitement des lésions actives du complexe granulome éosinophilique félin mais ce médicament, comme l’immunothérapie spécifique, peut éviter de voir les lésions réapparaître. 

Enfin, comme cela a été mentionné précédemment, une otite externe peut être observée seule ou parallèlement à d’autres types de réactions. Le traitement anti-inflammatoire systémique et l’immunothérapie ne sont pas des moyens fiables de la contrôler. Une fois que l’infection secondaire et l’inflammation auriculaire sont traitées par voie topique, et que la thérapie systémique est instaurée pour contrôler les signes cutanés, continuez à vérifier l’état des oreilles et envisagez une administration de stéroïdes topiques en entretien, une ou deux fois par semaine. Continuer à nettoyer régulièrement les oreilles peut être utile, mais le traitement topique des otites dépasse le cadre de cet article.

Conclusion

La dermatite atopique féline altère la qualité de vie du chat et son traitement constitue une contrainte importante pour les propriétaires. Cette affection doit être reconnue et traitée chaque fois que cela est possible. Un traitement d’entretien adéquat à long terme permet d’éviter les rechutes, tout en réduisant la nécessité de recourir aux antibiotiques et aux glucocorticoïdes au fil du temps. Cependant, même les chats bien suivis peuvent présenter des rechutes annuelles ou saisonnières. Il faut donc élaborer un traitement proactif spécifique pour chaque patient, encourager le client à communiquer en période de crise et établir un calendrier de suivi à long terme pour garantir un contrôle optimal.
 

 

Références

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Jennifer Schissler

Jennifer Schissler

Université d’État du Colorado (CSU), Fort Collins, CO, États-Unis En savoir plus

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