Diagnostic différentiel
L’anamnèse est utile : les signes cliniques apparaissent en général avant l’âge de 4 ans et il n’y a pas de prédisposition sexuelle ni raciale bien documentée. Les signes peuvent être saisonniers ou non, et se manifester de manière légère et intermittente avant de s’aggraver régulièrement au cours du temps. Les chats d’intérieur et d’extérieur sont tous touchés et aucune publication ne fait état de l’influence positive ou négative du mode de vie à l’intérieur. Le prurit doit être évalué (et réévalué à chaque nouveau contrôle), en prenant soin de décrire les comportements spécifiques : léchage, morsure, mâchonnement, frottement, traction sur les poils et grattage, tout en identifiant la ou les zone(s) où le prurit apparaît. Les questions suivantes peuvent aider à approfondir l’historique :
1. À quel âge le prurit est-il apparu ?
2. Le prurit est-il saisonnier ? (La dermatite atopique peut être saisonnière ou non saisonnière).
3. Les démangeaisons ont-elles commencé soudainement ? Se sont-elles aggravées avec le temps ? (dans la plupart des cas, la gravité augmente au fil du temps).
4. D’autres animaux au foyer présentent-ils des démangeaisons ou des lésions cutanées ? (Si c’est le cas, pensez aux ectoparasites (puces, D. gatoi) ou à Microsporum canis).
5. Le prurit a-t-il diminué suite aux traitements précédents ? (La réponse au traitement ne permet pas de faire le diagnostic ni de distinguer une dermatite par allergie aux piqûres de puces d’une hypersensibilité alimentaire à expression cutanée ou d’une dermatite atopique, mais de nombreux chats hypersensibles réagissent bien aux glucocorticoïdes par voie systémique).
6. Quels antiparasitaires externes ont été administrés et à quelle fréquence ?
7. Comment le chat est-il nourri aujourd’hui et était-il nourri différemment auparavant ? (ces informations sont utiles pour mettre en place un régime d’élimination).
Il n’est pas recommandé de commencer par réaliser des tests intradermiques et des dosages sériques pour diagnostiquer une dermatite atopique féline ou une hypersensibilité alimentaire à expression cutanée, car ces tests produisent des résultats faussement positifs et négatifs. Ces tests ne deviennent intéressants que pour sélectionner les allergènes à inclure dans une immunothérapie ciblée pour des chats atteints de dermatite atopique spécifique. Notons que les tests allergéniques salivaires conçus pour les chiens, dont certains sont vendus directement aux propriétaires, souffrent d’un manque flagrant de précision, autant en ce qui concerne la maladie (faux positifs apparaissant chez des animaux sains) que ses antécédents (résultats positifs envers des allergènes alimentaires que l’animal n’a pas consommés) 9.
Traitement de l’atopie
Un traitement anti-inflammatoire de base ou une immunothérapie sont recommandés pour traiter la maladie au long cours. Cependant, l’observance est indispensable au bon contrôle d’une dermatite atopique féline. Il faut informer les propriétaires à propos du caractère chronique et incurable du problème, présenter les intérêts et les effets secondaires des traitements et – le cas échéant – permettre au client de choisir la thérapie. Discutez avec lui des objectifs visés pour le chat (par exemple, est-il possible pour le chat de vivre confortablement sans collerette ?) et encouragez la communication. Lorsqu’une relation de confiance est établie, le propriétaire recherchera l’expertise et le soutien du clinicien en cas de problème.
Les traitements anti-inflammatoires sont la pierre angulaire du traitement, mais il faut tenir compte du stade de la maladie lors de la prise en charge des patients souffrant d’hypersensibilité cutanée. Un traitement en phase aiguë réduit rapidement le prurit chez les chats quand le traitement antiparasitaire externe démarre et pendant la mise en place d’un régime d’éviction. Il est également efficace pour contenir les poussées de dermatite atopique. Les glucocorticoïdes et l’oclacitinib sont les anti-inflammatoires les plus efficaces en phase aiguë. Une fois le diagnostic de dermatite atopique posé, il faut passer à un traitement d’entretien à long terme : parmi les traitements anti-inflammatoires non stéroïdiens, la cyclosporine micronisée et une immunothérapie ciblée sur les allergènes en cause sont les options les plus sûres, les plus efficaces et les plus documentées. Si des glucocorticoïdes doivent être utilisés à long terme, il faut viser la dose et le rythme d’administration les plus faibles possible pour contrôler les signes cliniques. Une fois le traitement d’entretien chronique instauré, il est prudent, au cours de la première année, de revoir l’animal une fois par saison pour s’assurer que le contrôle est optimal et pour vérifier l’absence d’infections cutanées ou auriculaires secondaires. Ensuite, quand le chat est bien géré, un contrôle tous les 6 à 12 mois suffit, idéalement pendant la saison où le chat se gratte le plus.
Idéalement, des corticoïdes ne seront administrés que pendant la phase aiguë et la période du diagnostic. L’auteure privilégie un traitement oral avec la prednisolone pour pouvoir adapter et diminuer la dose et limiter les effets secondaires lorsque cela est possible. Classiquement, la dose prescrite pour traiter le prurit initial sera de 1,0 à 2,0 mg/kg q24h et descendra autour de 0,5 mg/kg q48h en entretien. Une dose de 2 à 3 mg/kg/jour peut cependant être nécessaire pour contrôler les lésions lors de complexe granulome éosinophilique. Pour surveiller l’apparition éventuelle d’effets secondaires (par exemple : cushing iatrogène, diabète sucré et infection des voies urinaires), un profil biochimique et une analyse d’urine seront réalisés au départ, 3-4 mois après le début du traitement, puis tous les 6 mois, sauf si l’évolution de la santé du chat requiert un suivi plus fréquent. Des épisodes d’herpès virose cutané ou oculaire sont susceptibles de se produire.
La cyclosporine micronisée est autorisée dans certains pays pour traiter la dermatite atopique féline et elle convient à la prise en charge chronique. Des troubles digestifs sont les effets secondaires les plus fréquents : ils concernent environ 25 % des chats et peuvent être transitoires ou durables. À cause du risque de toxoplasmose systémique potentiellement mortelle, en particulier chez les patients naïfs, la chasse et la consommation de viande crue sont contre-indiquées. L’auteure recommande une dose de 7,5 mg/kg/jour pendant une période d’essai de 8 semaines ; une fois l’efficacité du traitement avérée, certains individus peuvent n’être traités que toutes les 48 à 72 heures. Le médicament peut être donné dans un aliment humide sans affecter les paramètres pharmacocinétiques, ce qui facilite l’observance 10. Bien qu’il soit prudent d’effectuer un suivi des paramètres sanguins et urinaires, ils évoluent rarement 11.
L’oclacitinib est autorisé pour le traitement de la dermatite allergique chez le chien et, bien qu’il s’agisse d’une utilisation hors AMM, l’efficacité 12 13 et l’innocuité 14 de ce médicament pour traiter une dermatite atopique féline aigüe ou chronique sont avérées. Les suivis ne dépassent cependant pas une période de 28 jours, de sorte que les données concernant la sécurité à long terme sont entièrement anecdotiques. Chez le chat, la pharmacocinétique implique d’administrer une dose orale plus élevée et plus fréquente que chez le chien 15 : des études préconisent une dose initiale comprise entre 0,4 et 1,0 mg/kg q12h 12 13 ; une fois l’atopie bien contrôlée, le médicament pourra n’être administré qu’une fois par jour. Cependant, la thérapie administrée deux fois par jour sur le long terme donne de bons résultats chez la majorité des chats. Devoir administrer fréquemment des comprimés à un chat est un inconvénient pour le traiter à long terme. Étant donné le manque global de données sur la sécurité, des analyses sanguines et urinaires de base seront répétées tous les 3 à 6 mois. Selon l’expérience de l’auteure, l’oclacitinib est un médicament sûr et efficace à long terme chez le chat mais, si on l’utilise, les autres immunomodulateurs doivent être évités ou utilisés avec prudence. L’auteure a observé un cas de démodécie multifocale à D. cati et de pyélonéphrite chez un chat recevant simultanément de la dexaméthasone et de l’oclacitinib par voie orale pour traiter une dermatite atopique grave.
Une immunothérapie spécifiquement dirigée contre certains allergènes, administrée par voie sous-cutanée ou sublinguale, est indiquée en cas de traitement prolongé. C’est la seule thérapie qui favorise la tolérance immunitaire et qui n’a pas d’effets secondaires à long terme connus. Les allergènes sont sélectionnés par des tests intradermiques ou des dosages d’IgE sériques, en fonction des antécédents environnementaux du patient. Un traitement d’au moins 12 mois peut être nécessaire avant d’obtenir une réponse notable. Pour optimiser le bien-être des chats, la plupart auront besoin d’un traitement anti-inflammatoire continu ou intermittent pendant cette période. Chez environ 60 % des chats, il devient ensuite possible de diminuer voire de supprimer les médicaments 16, mais la plupart des patients ont besoin que le traitement continue pour maintenir leur tolérance. Dire aux clients qu’il s’agit d’un traitement à long terme et entretenir leur motivation pour réduire le besoin d’un traitement médicamenteux est essentiel pour éviter l’arrêt prématuré du traitement, qui s’accompagnerait d’une perte de temps et d’argent.
Les antihistaminiques ne permettent pas de gérer les cas aigus, à cause de leur manque général d’efficacité 17 et de leur action retard. Ils peuvent cependant servir à diminuer les doses de corticoïdes ou être utilisés seuls dans une population très limitée de patients.
Un complément d’acides gras est indiqué dans le traitement à long terme de tous les chats présentant une dermatite atopique ; il peut passer par la consommation d’un aliment spécialement indiqué pour la dermatite atopique, ou par l’administration de gélules ou de préparations liquides. Les acides gras ne réduisent pas, à eux seuls, le prurit de manière significative mais ils peuvent réduire la gravité des crises, aider à renforcer la barrière cutanée et donc à réduire la pénétration des allergènes et le risque d’infection secondaire. Il a été montré qu’ils permettent de réduire les doses de médicaments lors de dermatite atopique canine 18. L’auteure recommande l’acide eicosapentanoïque (EPA) à une dose minimale de 90 mg par jour pour réduire le prurit chez les chats présentant une dermatite atopique.
Les lésions du complexe granulome éosinophilique félin seront traitées avec des glucocorticoïdes ou de la cyclosporine micronisée mais des doses initiales relativement élevées et des traitements anti-inflammatoires longs sont parfois requis pour obtenir une rémission. La cyclosporine micronisée seule peut permettre de guérir les lésions : elle agit lentement (il faut environ 4 à 6 semaines) mais elle est efficace pour contrôler durablement les lésions du complexe granulome éosinophilique félin. En période de diagnostic, le traitement aux glucocorticoïdes sera poursuivi chez les patients pour assurer leur bien-être pendant la mise en place des traitements antiparasitaires et du régime d’éviction, mais il devra être interrompu ensuite pour juger de leur efficacité. Des études à comité de lecture font encore défaut pour évaluer l’efficacité de l’oclacitinib dans le traitement des lésions actives du complexe granulome éosinophilique félin mais ce médicament, comme l’immunothérapie spécifique, peut éviter de voir les lésions réapparaître.
Enfin, comme cela a été mentionné précédemment, une otite externe peut être observée seule ou parallèlement à d’autres types de réactions. Le traitement anti-inflammatoire systémique et l’immunothérapie ne sont pas des moyens fiables de la contrôler. Une fois que l’infection secondaire et l’inflammation auriculaire sont traitées par voie topique, et que la thérapie systémique est instaurée pour contrôler les signes cutanés, continuez à vérifier l’état des oreilles et envisagez une administration de stéroïdes topiques en entretien, une ou deux fois par semaine. Continuer à nettoyer régulièrement les oreilles peut être utile, mais le traitement topique des otites dépasse le cadre de cet article.
Conclusion
La dermatite atopique féline altère la qualité de vie du chat et son traitement constitue une contrainte importante pour les propriétaires. Cette affection doit être reconnue et traitée chaque fois que cela est possible. Un traitement d’entretien adéquat à long terme permet d’éviter les rechutes, tout en réduisant la nécessité de recourir aux antibiotiques et aux glucocorticoïdes au fil du temps. Cependant, même les chats bien suivis peuvent présenter des rechutes annuelles ou saisonnières. Il faut donc élaborer un traitement proactif spécifique pour chaque patient, encourager le client à communiquer en période de crise et établir un calendrier de suivi à long terme pour garantir un contrôle optimal.