Numéro du magazine 25.1 Autre scientifique
Le syndrome de Cushing chez le chien
Publié 17/08/2023
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Le syndrome de Cushing (ou hypercorticisme) est l’un des troubles endocriniens les plus fréquemment rencontrés chez le chien, caractérisé par des signes cliniques d’hypocortisolémie ; le tableau clinique le plus courant inclut polyurie et polydipsie.
Points clés
L’hypercorticisme spontané est dû à un excès de cortisol, conséquence d’une tumeur surrénalienne ou hypophysaire. L’examen clinique et l’anamnèse sont essentiels au diagnostic.
Il existe une diversité de tests de dépistage et d’examens différentiels pour l’hypercorticisme, et le vétérinaire doit exercer son sens critique pour choisir les bons résultats et les interpréter.
Le traitement des animaux asymptomatiques n’est pas recommandé.
Le traitement optimal des cas de tumeur surrénalienne est la surrénalectomie, alors qu’un traitement médical est recommandé pour les cas de tumeur hypophysaire.
Introduction
L’hypercorticisme est dû soit à une tumeur surrénalienne (15 % des cas) soit à une tumeur hypophysaire, induisant un hypercorticisme hypophyso-dépendant (85 % des cas). Un hypercorticisme iatrogène, dû à l’administration excessive de corticoïdes, est également possible. Les tumeurs surrénaliennes sécrètent directement un excès de cortisol, alors que les tumeurs hypophysaires sécrètent un excès d’ACTH (hormone corticotrope), stimulant une sécrétion surrénalienne excessive de cortisol. La majorité des cas d’hypercorticisme hypophyso-dépendant sont dus à un microadénome, tumeur tellement petite qu’elle n’entraîne pas de signes neurologiques. Mais il existe également des macroadénomes, pouvant entraîner à terme des troubles neurologiques.
Expression clinique
Une anamnèse détaillée et un examen clinique approfondi sont les premières étapes essentielles de la démarche diagnostique. De nombreux signes cliniques peuvent indiquer un Cushing et s’il n’est pas nécessaire que l’animal présente toutes les caractéristiques cliniques pour poser le diagnostic ; plus celles-ci seront nombreuses et plus l’hypothèse d’hypercorticisme sera probable. Il est également important de rappeler qu’il existe des tableaux cliniques atypiques. Les animaux atteints d’hypercorticisme n’ont généralement pas l’air malade ! Donc si un chien présente des vomissements, une diarrhée ou une anorexie, l’hypothèse du Cushing ne sera pas la plus probable et elle ne devra être explorée qu’après avoir identifié et traité l’autre maladie.
Anamnèse et examen clinique
L’âge médian d’apparition de la maladie est compris entre 10 et 12 ans, et si toutes les races peuvent être touchées, les petites races sont particulièrement prédisposées au Cushing d’origine hypophysaire 2. Toutefois, environ la moitié des cas de tumeur surrénalienne sont des chiens de plus de 20 kg. Les femelles sont légèrement plus à risque de développer les deux types d’hypercorticisme que les mâles 3.
Le principal motif de consultation invoqué par les propriétaires est la polyuro-polydipsie (PUPD) 3,4 ; en effet, le cortisol freine la sécrétion hypophysaire d’hormone antidiurétique (ADH), inhibe l’activité de l’ADH au niveau du rein, et entraîne une polydipsie psychogène. La polyphagie est aussi un signe fréquent, mais ce qui incite le plus souvent les propriétaires à consulter est le fait que leur chien demande sans cesse à sortir ou qu’il urine dans la maison.
Une distension abdominale est souvent observée. Alors que les animaux touchés sont presque toujours polyphagiques, l’augmentation de la taille de l’abdomen est rarement liée à une prise de poids. Elle est plutôt la conséquence d’une hépatomégalie et d’un relâchement des muscles abdominaux, résultant de l’effet catabolique de l’excès de cortisol. Des lésions cutanées sont extrêmement fréquentes ; l’examen clinique révèle souvent une alopécie bilatérale symétrique, n’épargnant parfois que la tête et les extrémités. Les autres signes dermatologiques incluent : amincissement de la peau, hyperpigmentation, comédons, pyodermite et calcinose. Le Tableau 1 résume les signes cliniques typiques du Cushing, et la Figure 1 montre un Cocker à tableau clinique classique.
Tableau 1. Commémoratifs et signes cliniques initiaux lors de cushing chez le chien.
Plus fréquents | Plus rares |
---|---|
Polyurie
Polydipsie Polyphagie Distension abdominale Alopécie bilatérale symétrique
Pyodermite
Hépatomégalie Asthénie |
Peau fine
Calcinose cutanée Hyperpigmentation Comédons Léthargie Atrophie testiculaire Thromboembolie Rupture ligamentaire |
Examens de laboratoire
Avant tout test de dépistage du Cushing, des examens de laboratoire de base doivent être réalisés chez tout animal présentant des signes cliniques évocateurs. Outre le fait que ces examens puissent corroborer un Cushing, ils aideront à exclure les autres hypothèses diagnostiques et les maladies concomitantes. Les tests de dépistage du Cushing ne seront réalisés qu’en cas de forte suspicion de la maladie à la suite de l’anamnèse, l’examen clinique et les analyses de laboratoire. Aucune anomalie particulière de la numération formule, de la biochimie ou de l’analyse urinaire n’est pathognomonique de la maladie, mais certains résultats peuvent servir d’indication pour d’autres tests 5 ; les anomalies de laboratoire fréquentes sont résumées dans le Tableau 2.
Tableau 2. Résultats de laboratoire fréquents lors de cushing chez le chien.
Numération formule | Biochimie | Analyse urinaire |
---|---|---|
Neutrophilie
Monocytose Lymphopénie Eosinopénie Thrombocytose Polyglobulie légère |
Augmentation des PAL
Augmentation de l’ALAT Hyperglycémie (légère) Hypercholestérolémie Baisse de l’urée |
Densité urinaire < 1,020
Protéinurie
Infection urinaire* *son diagnostic nécessite souvent une culture |
Numération formule
Du fait de la production excessive de cortisol, un leucogramme de stress (neutrophilie, monocytose, lymphopénie et éosinopénie) est souvent observé. Une thrombocytose et une polyglobulie légères sont parfois présentes 1,5.
Biochimie
Le paramètre le plus souvent augmenté lors de Cushing est la phosphatase alcaline (PAL), qui se révèle élevée dans environ 90 % des cas. L’augmentation des PAL est un indicateur sensible du Cushing, mais il n’est pas spécifique en raison de la présence de nombreuses isoenzymes (cortico-induites, hépatiques, osseuses, placentaires, intestinales). Même si les PAL sont fréquemment augmentées, rien ne permet aujourd’hui d’affirmer que leur degré d’augmentation est corrélé à la probabilité du Cushing, et une augmentation extrême des PAL n’est donc pas plus évocatrice de la maladie qu’une augmentation légère. En outre, l’alanine aminotransférase (ALAT) est souvent augmentée du fait de la ballonisation des hépatocytes, de l’accumulation de glycogène ou de la perturbation de la perfusion sanguine hépatique résultant de l’hépatopathie stéroïdienne 1.
Les glucocorticoïdes entraînent une hyperglycémie via deux mécanismes : l’augmentation de la néoglucogenèse hépatique et l’antagonisation des effets de l’insuline. Mais elle est généralement légère (< 150 mg/dL ou 8,3 mmol/L) et un diabète sucré concomitant est rare (5 % des cas de Cushing). La cholestérolémie est augmentée dans la majorité des cas d’hypercorticisme chez le chien, en conséquence d’une lipolyse cortico-induite. L’urémie est souvent diminuée, la diurèse due à la PUPD entraînant une fuite urinaire constante d’urée et une dissipation du gradient cortico-papillaire rénal.
Analyse urinaire
La plupart des chiens touchés étant polyuro-polydipsiques, la densité urinaire est généralement inférieure à 1,020. Une protéinurie est fréquente, mais rarement assez sévère pour entraîner une hypoalbuminémie ou une hypoprotéinémie. En cas de protéinurie sévère (RPCU > 2-3), une autre cause de néphropathie protéinurique doit être suspectée.
Du fait de l’immunosuppression résultant de l’hypercortisolémie chronique, une culture urinaire doit toujours être réalisée en cas de suspicion ; environ 50 % des chiens atteints de Cushing ont une infection urinaire au moment de la consultation 6. Le cortisol étant anti-inflammatoire et l’urine étant diluée, le culot de centrifugation n’est pas toujours actif lors de Cushing avec infection urinaire associée, et une culture urinaire doit donc toujours être réalisée et doit d’ailleurs toujours faire partie de la démarche diagnostique de la PUPD.
Imagerie diagnostique
L’imagerie diagnostique n’est pas indispensable au diagnostic et au traitement du Cushing, bien qu’elle aide souvent à faire la différence entre une origine hypophysaire et une origine surrénalienne. Mais sachant que la majorité des chiens touchés sont âgés, l’imagerie abdominale et thoracique peut également aider à identifier la présence de maladies concomitantes, comme une tumeur par exemple qui aurait besoin d’être traitée avant l’hypercorticisme.
Radiographie
L’hépatomégalie est l’anomalie radiographique la plus fréquemment associée au Cushing 7. Dans certains cas de tumeur surrénalienne, une adrénomégalie unilatérale avec minéralisation est visible, bien que la présence d’une minéralisation n’aide pas à faire la différence entre un adénome et un carcinome. Lors de calcinose cutanée, une minéralisation des tissus mous périphériques peut s’observer. Les radiographies thoraciques peuvent révéler une minéralisation bronchique et trachéale, ou des métastases pulmonaires provenant d’un carcinome corticosurrénalien (Figure 2). Environ 50 % des tumeurs surrénaliennes sont des carcinomes, dont environ 50 % ont déjà métastasé au moment du diagnostic 3.
Échographie abdominale
L’échographie est un outil utile pour examiner les glandes surrénales et le foie ainsi que pour détecter des maladies concomitantes. L’évaluation de la taille et de la forme des surrénales peut aider à faire la différence entre origine surrénalienne et origine hypophysaire. Lors de Cushing hypophyso-dépendant, les deux surrénales sont généralement hypertrophiées (> 6-7 mm de diamètre), mais de forme relativement normale (Figure 3). Mais la présence de surrénales de taille normale n’exclut pas une origine hypophysaire. Dans les cas de tumeur surrénalienne, une des deux glandes est souvent hypertrophiée et de forme irrégulière, la glande controlatérale étant atrophiée du fait de la baisse des taux circulants d’ACTH.
Imagerie en coupe
Le scanner (tomodensitométrie) et l’IRM (imagerie par résonnance magnétique) permettent tous deux d’identifier un macroadénome hypophysaire (défini anciennement comme une masse hypophysaire de plus de 10 mm de diamètre, mais plus récemment comme une masse visible à l’œil nu), et la technique choisie dépend donc du coût et de l’accessibilité. Ce type d’imagerie est recommandé pour évaluer l’hypophyse des cas d’hypercorticisme hypophyso-dépendant. Pour les chiens présentant déjà une atteinte neurologique, cette imagerie peut servir à confirmer la présence d’un macroadénome, alors que pour ceux qui en sont indemnes, une échographie pourrait soit détecter la présence d’un macroadénome soit aider à déterminer s’il peut s’en développer un ultérieurement. Les études ont montré qu’environ 10 à 25 % des cas de tumeur hypophysaire développent des signes neurologiques dans l’année qui suit le diagnostic de Cushing 8, et que de tels signes ont de fortes chances de se développer si la masse hypophysaire mesure de plus de 10 mm ; la radiothérapie est donc recommandée pour aider à réduire les macroadénomes hypophysaires de plus de 8 mm. Mais en l’absence de signes neurologiques, l’imagerie cérébrale n’est pas recommandée sauf si les propriétaires prévoient de demander une radiothérapie si une tumeur de grande taille est décelée 8.
L’imagerie en coupe de l’abdomen est beaucoup plus sensible que la radiographie pour le diagnostic des tumeurs surrénaliennes. Si une exérèse chirurgicale de tumeur surrénalienne est indiquée, le scanner ou l’IRM se révèle extrêmement intéressant pour localiser la tumeur et évaluer son caractère invasif, permettant ainsi une évaluation de l’acte chirurgical avant la laparotomie.
Examens diagnostiques
La maladie étant due à une tumeur soit hypophysaire soit surrénalienne, il est recommandé de réaliser à la fois des tests de dépistage et des tests différentiels. Les tests de dépistage sont à réaliser en premier, avant ceux permettant de faire la différence entre origine hypophysaire et origine surrénalienne (leur pronostic et leur traitement étant différents) une fois le diagnostic de Cushing confirmé.
Tests de dépistage
Test de freination à la dexaméthasone faible dose (TFDf)
Ce test sert à mettre en évidence la baisse de sensibilité de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS) au rétrocontrôle négatif exercé par les glucocorticoïdes 5. L’axe HHS normal est représenté par la Figure 4 alors que la Figure 5 montre les différences entre l’axe HHS des chiens à tumeurs surrénaliennes et celui des chiens à tumeurs hypophysaires. Chez un chien sain, l’administration de dexaméthasone entraînera une freination de la sécrétion hypophysaire d’ACTH, avec baisse de la cortisolémie 8 heures plus tard. Mais chez les chiens à Cushing d’origine hypophysaire ou surrénalienne, la cortisolémie ne baissera pas autant, du fait de la production autonome respective d’ACTH et de cortisol. La dexaméthasone est utilisée car elle n’interfère pas avec le dosage du cortisol.
Pour réaliser ce test, un échantillon de sérum est prélevé avant l’administration de 0,01 mg/kg de dexaméthasone IV pour déterminer la cortisolémie basale du chien ; deux nouveaux échantillons seront prélevés 4 et 8 heures après l’administration et analysés pour en doser le cortisol. Le diagnostic de Cushing repose sur la cortisolémie mesurée à 8 heures. Le spectre de la maladie et les différences entres les animaux font qu’il n’existe pas de valeur seuil universelle, mais une cortisolémie supérieure à 1,4 μg/dL (39 nmol/L) 8 heures après l’administration de dexaméthasone est généralement considérée comme un échec de la freination et évocatrice d’un Cushing.
En plus d’être un test de dépistage, ce test peut dans certaines circonstances permettre de faire la différence entre origine hypophysaire et surrénalienne. Une fois le Cushing confirmé par une freination insuffisante à 8 heures, un examen plus attentif des cortisolémies à 4 et 8 heures peut être réalisé. Trois paramètres différents peuvent servir à diagnostiquer une origine hypophysaire avec le TFDf : une cortisolémie inférieure à 50 % de la valeur basale à 4 heures, une cortisolémie inférieure à 50 % de la valeur basale à 8 heures, ou une cortisolémie inférieure à 1,4 μg/dL (39 nmol/L) à 4 heures. L’insuffisance de freination ne permet pas le diagnostic différentiel et d’autres examens sont nécessaires pour établir le diagnostic définitif.
La sensibilité de ce test est excellente, estimée entre 85 et 100 % 5. Mais sa spécificité peut se montrer faible (44-73 %) du fait d’un stress ou de la présence de maladies concomitantes, et il faut donc traiter ces dernières avant de réaliser ce test. Malgré sa faible spécificité, le TFDf est considéré comme le test de dépistage de choix de l’hypercorticisme chez le chien.
Test de stimulation à l’ACTH
Le test de stimulation à l’ACTH repose sur l’administration d’ACTH synthétique exogène (cosyntropine ou tétracosactrine) en vue d’évaluer la réserve surrénalienne 5. La masse corticosurrénalienne étant augmentée lors de Cushing, les chiens sont capables de sécréter des quantités excessives de cortisol. La sensibilité de ce test varie de 57 à 95 %, étant plus élevée dans les cas de tumeur hypophysaire. Sa spécificité est supérieure (59-93 %) à celle du TFDf. Un prélèvement de sérum pour dosage de la cortisolémie basale est réalisé avant l’administration IV ou IM de 5 μg/kg (jusqu’à 250 μg/chien) d’ACTH synthétique. Une heure après l’administration, une nouvelle mesure de la cortisolémie est réalisée. Comme nous venons de le dire, les chiens souffrant d’hypercorticisme produisent souvent des quantités excessives de cortisol après l’administration d’ACTH en raison d’hypertrophie de leur masse surrénalienne ; ainsi les valeurs comprises entre 17 à 22 μg/ dL (470-607 nmol/L) représentent une « zone grise » pour le diagnostic du Cushing, les valeurs > 22 μg/dL (607 nmol/L) étant jugés diagnostiques. Il est reconnu que les administrations de glucocorticoïdes, de progestagènes et de kétoconazole font baisser la cortisolémie, et sont donc associées à un risque de résultat faux négatif. La sensibilité du test de stimulation à l’ACTH étant faible, un résultat supérieur à 17 μg/dL après injection, mais associé à des signes cliniques compatibles avec un Cushing, doit faire réaliser un TFDf avant d’exclure la maladie.
Rapport cortisol/créatinine urinaires (RCCU)
L’excrétion de la créatinine étant relativement stable, le RCCU permet de compenser les variations de concentration du sang et reflète fidèlement la production de cortisol en l’absence de maladie rénale 5. Un échantillon d’urine est recueilli à la main après miction spontanée et son rapport cortisol/créatinine est déterminé ; attention, l’échantillon prélevé doit provenir de la première miction de la journée, et ce pendant 2 ou 3 jours consécutifs pour faire une moyenne. Un rapport inférieur à 15-20 exclut un Cushing. Ce test est extrêmement sensible (75-100 %), mais très peu spécifique (20-25 %) quand l’urine est recueillie à la clinique, en raison de la sécrétion accrue de cortisol liée au stress du transport et de l’hospitalisation. Il est suggéré que le propriétaire recueille lui-même l’urine chez lui, en respectant un délai de 2 jours minimum après un passage à la clinique. Du fait de sa faible spécificité, le RCCU doit principalement être utilisé pour exclure l’hypothèse d’un Cushing, plus que pour aider à son diagnostic.
Tests différentiels
Test de freination à la dexaméthasone forte dose (TFDF)
Les cas de Cushing ne montrant pas de freination du cortisol avec le TFDf peuvent en montrer une avec le TFDF 5. Ce test est réalisé avec 0,1 mg/kg de dexaméthasone en IV, le reste du protocole étant le même que celui du TFDf. La freination du cortisol est définie par des valeurs de cortisolémie inférieures aux normes de référence (généralement 1,4 μg/dL ou 39 nmol/L) à 4 ou 8 heures, ou inférieures à 50 % de la valeur basale à 4 ou 8 heures. Alors que les chiens atteints de tumeurs surrénaliennes montrent rarement une freination avec l’un ou l’autre des deux tests, environ 65 % des chiens à tumeurs hypophysaires montrent des signes de freination du cortisol après un TFDf, et 75 % après un TFDF. Vu son faible intérêt différentiel supplémentaire par rapport au TFDf, le TFDF n’est recommandé qu’en cas d’impossibilité de réaliser un dosage de l’ACTH canine endogène et une échographie abdominale.
Dosage de l’ACTH endogène
L’ACTH endogène est sécrétée de manière épisodique chez le chien sain comme en cas de tumeur hypophysaire. Dans les cas de tumeur surrénalienne, son taux doit être inférieur aux normes de référence, du fait du rétrocontrôle négatif exercé par le cortisol sur l’hypophyse 5. Cependant, l’hypophyse des chiens à Cushing hypophyso-dépendant ne fonctionne pas correctement ; comme la glande est résistante au rétrocontrôle négatif, des taux d’ACTH endogène normaux à élevés sont généralement observés. Mais, la sécrétion de l’ACTH étant épisodique, ces chiens peuvent avoir des concentrations inférieures à la limite de détection de certains dosages.
Le principal problème avec le dosage de l’ACTH endogène tient à la manipulation de l’échantillon, car le non-respect du protocole peut conduire à des résultats erronés. Le sang prélevé doit être instantanément transféré dans un tube plastique siliconé réfrigéré contenant de l’EDTA. L’échantillon doit ensuite être centrifugé pendant 15 minutes et le plasma immédiatement décanté dans un tube plastique puis congelé. Le plasma doit rester congelé jusqu’à son analyse, ce qui implique des précautions et soins particuliers pour son envoi. Autrement, il est possible d’ajouter de l’aprotinine pour prévenir la dégradation de l’ACTH par les protéases plasmatiques, mais cela entraîne un risque de résultats faussement bas avec certains dosages. Il est recommandé de consulter préalablement le laboratoire pour connaître leurs instructions spécifiques de manipulation de l’échantillon.
Traitement
Plusieurs options existent pour le traitement du Cushing. Mais même si le diagnostic est posé chez un chien, il n’est pas recommandé de traiter en l’absence de signes cliniques. Le choix de la méthode de traitement dépend de divers facteurs telles que la localisation de la lésion (surrénales ou hypophyse), les finances du propriétaire, et la préférence du vétérinaire.
Traitement chirurgical
La surrénalectomie est le traitement de choix des petites tumeurs surrénaliennes non invasives. Le pronostic à long terme est bon après une chirurgie efficace, mais la mortalité per- et péri-opératoire est d’environ 20-30 % 9,10. Un scanner est recommandé pour aider à déterminer s’il existe une invasion importante des vaisseaux et tissus environnants 3. Après surrénalectomie unilatérale, il faudra supplémenter l’animal avec une dose décroissante de corticoïdes pour laisser le temps à la surrénale controlatérale atrophiée de répondre à l’ACTH et de recouvrer une fonction normale.
L’hypophysectomie trans-sphénoïdale est une option chirurgicale efficace pour les cas de tumeur hypophysaire, malheureusement peu de sites pratiquent cette intervention, qui nécessite une formation spécifique intensive. Des taux de rémission de 91 % après un an et de 80 % après deux ans ont été décrits 11.
Traitement médical
Un traitement médical est recommandé pour les cas de tumeur hypophysaire, et pour les cas de tumeur surrénalienne où des facteurs liés à l’animal ou au propriétaire excluent la chirurgie. Les deux médicaments les plus utilisés en médecine vétérinaire sont le trilostane et le mitotane (o,p’-DDD) ; les AMM et la commercialisation diffèrent selon les pays. Aucune étude n’a démontré de différence significative d’efficacité entre les deux, que ce soit pour le traitement des tumeurs surrénaliennes ou celui des tumeurs hypophysaires, et le choix du produit dépend souvent de l’expérience et de la préférence du vétérinaire. De l’expérience des auteurs, le trilostane bénéficie d’une courbe d’apprentissage plus courte et plus simple que le mitotane.
Le trilostane, qui est, dans de nombreux pays, le seul médicament actuellement enregistré pour le traitement de l’hypercorticisme d’origine à la fois hypophysaire et surrénalienne chez le chien, est un inhibiteur compétitif de la 3bêta-hydroxystéroïde déshydrogénase. Cette inhibition entraîne une baisse de la synthèse du cortisol par les corticosurrénales et, dans une moindre mesure, de celle l’aldostérone et de l’androstènedione.
Le trilostane doit être administré avec de la nourriture, car cela augmente significativement son absorption digestive. Sa durée d’action varie entre 10 et 18 heures, ce qui signifie que la synthèse de cortisol va réaugmenter au fur et à mesure de la métabolisation du produit ; des signes cliniques pourront ou non réapparaître avant la dose suivante. Les protocoles publiés pour l’utilisation du trilostane sont variables. Les auteurs préfèrent commencer avec une dose quotidienne de 2-3 mg/kg le matin, pour passer à deux doses quotidiennes si le chien montre des signes cliniques (PUPD, par exemple) en fin de journée, tandis que d’autres recommandent de démarrer directement avec une administration biquotidienne. Entre 10 et 14 jours après le début du traitement, une biochimie sérique et un test de stimulation à l’ACTH devront être réalisés pour déterminer l’efficacité de la posologie actuelle, et comme le test doit commencer 3 à 5 heures après une administration de trilostane, il est préférable de donner le médicament le matin.
Une fois le traitement mis en place, le Tableau 3 montre la marche à suivre en fonction des taux de cortisol et des signes cliniques observés après l’administration d’ACTH. Il faut noter que l’effet du trilostane semble augmenter tout au long du premier mois, et la dose n’est donc généralement pas augmentée lors du premier contrôle à moins que le taux de cortisol après stimulation soit supérieur à 10 μg/dL (275 nmol/L). Après ce premier contrôle, le protocole pourra être suivi à la lettre, la posologie étant généralement augmentée de 10 à 25 % à chaque contrôle le cas échéant. Si le taux de cortisol après stimulation est inférieur à 2 μg/dL (55 nmol/L) et que le chien ne montre pas de signes cliniques de Cushing ou de crise addisonienne, le trilostane pourra être arrêté ; si les signes cliniques réapparaissent, il pourra être repris à une dose inférieure.
Tableau 3. Ajustement de la posologie de trilostane après test de stimulation à l’ACTH.
Cortisolémie | Marche à suivre |
---|---|
< 2 µg/dL (55 nmol/L), signes d’hypocortisolémie | Traiter comme une crise addisonienne ; suspendre le trilostane jusqu’à une nouvelle stimulation à l’ACTH positive |
< 2 µg/dL (55 nmol/L), pas de signes cliniques pathologiques | Suspendre le traitement jusqu’à ce que les signes cliniques réapparaissent et reprendre avec une dose inférieure |
2-6 µg/dL (55-165 nmol/L) | Continuer le traitement actuel |
6-9 µg/dL (165-248 nmol/L) | En l’absence de signes cliniques de Cushing, continuer le traitement actuel. Augmenter la dose si l’animal montre des signes cliniques |
> 9 µg/dL (248 nmol/L) | Augmenter la dose |
S’il existe des signes d’hypocortisolémie (vomissements, diarrhée, baisse d’appétit, etc.), le trilostane devra être arrêté, et si le chien se met à aller très mal et/ou à montrer une hyponatrémie et/ou une hyperkaliémie, il pourra être nécessaire de l’hospitaliser pour un traitement de crise addisonienne. Mais si les signes sont légers, le chien pourra être rendu à son propriétaire avec de la dexaméthasone par voie orale (0,1-0,2 mg/kg toutes les 24 heures). Le trilostane ne sera réadministré (à une dose réduite de 10 à 25 %) qu’une fois que les signes cliniques de Cushing seront réapparus et qu’une nouvelle stimulation à l’ACTH aura montré une réserve surrénalienne suffisante.
Après ce premier contrôle, les chiens devront être réévalués à 14 jours, puis 30 jours, puis tous les 3 mois. A chacun de ces contrôles, une biochimie devra également être réalisée pour doser les électrolytes. L’hypercorticisme étant une maladie clinique, il est nécessaire de réaliser des stimulations à l’ACTH à ces intervalles pour une pratique médicale optimale, mais si un client a des moyens financiers limités et signale que son chien va cliniquement bien, un simple dosage du cortisol pourra être réalisé pour détecter un éventuel hypocorticisme, bien que la maladie soit ainsi généralement moins bien contrôlée. Si la cortisolémie basale est supérieure à 2 μg/dL (55 nmol/L) et qu’il n’y a pas de signes cliniques indésirables, le trilostane pourra être continué. Mais si la cortisolémie basale est inférieure à cette valeur, une stimulation à l’ACTH devra être obligatoirement réalisée avant d’augmenter la dose de trilostane.
En dehors des signes cliniques associés au déficit de cortisol, il y a rarement d’effets indésirables suite à l’administration de trilostane. Une léthargie et une anorexie sont parfois observées dans les tout premiers jours du traitement. Des anomalies biochimiques légères (hyperkaliémie et azotémie) sont décrites dans la littérature. Il arrive toutefois que certains chiens développent une nécrose surrénalienne idiosyncrasique, réaction imprévisible pouvant apparaître à tout moment du traitement sans cause identifiée. Ces animaux auront un déficit de cortisol avec ou sans anomalies électrolytiques, et nécessiteront généralement un traitement d’urgence pour crise addisonienne. Bien que cette situation soit rare, le propriétaire doit être prévenu du risque pour savoir à quoi il doit éventuellement s’attendre. Il ressort de l’expérience des auteurs que si le chien fait une crise addisonienne totale avec anomalies électrolytiques sous trilostane, il y a de fortes chances qu’il reste addisonien à vie.
Il faut être prudent si le trilostane est associé à un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, car ils ont tous les deux un effet hypoaldostéronémiant. Une hyperkaliémie légère (< 7 mmol/L) n’est pas rare, mais une hyperkaliémie plus sévère nécessitera un ajustement du traitement.
Le trilostane existe sous forme de capsules à différentes concentrations, mais il est parfois nécessaire d’utiliser des doses très faibles (5 mg par jour, par exemple) chez les très petits chiens. La préparation magistrale de trilostane est compliquée et les pharmacies risquent d’utiliser la base chimique non autorisée plutôt que le médicament enregistré. Au moins une étude a décrit des variations significatives de teneur en substance active et de cinétique d’absorption avec du trilostane préparé à partir d’une source non autorisée 12, et il est donc essentiel de demander au pharmacien d’utiliser le produit enregistré pour ses préparations.
Le mitotane était auparavant le médicament le plus prescrit pour le traitement du Cushing. Ce produit induit une nécrose sélective des zones fasciculée et réticulée de la corticosurrénale, épargnant généralement la zone glomérulée (sauf chez les animaux hypersensibles et mal suivis), ce qui fait que les concentrations en électrolytes sont habituellement normales chez les chiens traités. Le traitement se décompose en deux phases : l’induction et l’entretien. Pendant la phase d’induction, des doses élevées de mitotane sont administrées quotidiennement pendant 7 à 10 jours, jusqu’à ce que les signes cliniques diminuent ou que des effets indésirables (anorexie, léthargie, vomissements, par exemple) soient observés, et que la stimulation à l’ACTH montre un bon contrôle de la maladie. Puis une dose hebdomadaire est administrée en phase d’entretien, afin d’empêcher les cellules qui ont été détruites en phase d’induction de se redévelopper. Les effets secondaires potentiels incluent l’hypocorticisme et la toxicité hépatique.
Le trilostane et le mitotane sont de loin les médicaments les plus utilisés pour le traitement du Cushing, mais le L-déprényl et le kétoconazole ont été utilisés par le passé. Le L-déprényl est un agoniste dopaminergique qui agit en inhibant de manière irréversible la monoamine oxydase de type B au niveau de la pars intermedia de l’hypophyse, où sont localisées environ 30 % des tumeurs hypophysaires responsables de Cushing. Ce médicament est extrêmement bien toléré avec peu d’effets secondaires, mais seul un faible pourcentage de chiens répondent au traitement, et son utilisation n’est donc pas recommandée lors d’hypercorticisme hypophyso-dépendant. Le kétoconazole est un imidazolé qui inhibe la 11bêta-hydroxylase et a donc la capacité d’inhiber la stéroïdogénèse. Après administration, certains chiens montrent une baisse des taux circulants de cortisol, mais l’efficacité n’est pas aussi constante que celle du mitotane et du trilostane ; ce médicament n’est donc pas actuellement recommandé pour le traitement du Cushing quand il est possible d’utiliser le mitotane ou le trilostane 13.
Conclusion
L’hypercorticisme est une dysendocrinie fréquente chez le chien, mais il n’existe actuellement aucun test unique permettant d’en faire le diagnostic définitif. Le traitement peut être soit médical soit chirurgical, mais là encore, aucune option n’est privilégiée. La majorité des cas étant dus à des tumeurs hypophysaires, le traitement médical est l’option la plus choisie, même s’il nécessite un suivi régulier des signes cliniques avec contrôles sanguins associés, tout surdosage pouvant engager le pronostic vital. Cependant, grâce à un bon suivi et une bonne observance, les chiens peuvent bénéficier d’une bonne qualité de vie sous traitement.
Références
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Feldman EC, Nelson RW. Canine hyperadrenocorticism (Cushing’s Syndrome). In: Canine and Feline Endocrinology and Reproduction. St. Louis, Missouri: Saunders, 2004;252-352.
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Peterson, ME. Diagnosis of hyperadrenocorticism in dogs. Clin. Tech. Small Anim. Pract. 2007;22(1):2-11.
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Bradley Bishop
Bradley Bishop obtient une licence en Sciences Biologiques à l’Université de l’État du Mississippi en 2011 En savoir plus
Patty Lathan
Patty Lathan est actuellement Professeure Adjointe de Médecine Interne des Petits Animaux au Collège de Médecine Vétérinaire de l’Université de l’État du Mississippi En savoir plus