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Veterinary Focus

Numéro du magazine 32.1 Autre scientifique

Protocoles en pratique vétérinaire (II)

Publié 07/09/2022

Ecrit par Philippe Baralon , Antje Blättner et Pere Mercader

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Română , Español , English et ภาษาไทย

Dans ce deuxième volet, les auteurs expliquent comment motiver l’équipe vétérinaire pour concevoir et mettre en œuvre des protocoles de qualité.

Les nouveaux arrivants peuvent être une bonne occasion de remettre en question les protocoles existants dans une clinique

Points clés

Il est essentiel d’obtenir l’adhésion de toute l’équipe pour créer des protocoles de qualité.


Lors de la mise en place d’un nouveau protocole, misez autant que possible sur les points forts de chaque membre de l’équipe.


Prévoyez une période d’essai pour chaque nouveau protocole mis en œuvre, puis évaluez-le et modifiez-le si nécessaire en fonction des commentaires de l’équipe. 


Tous les protocoles doivent être révisés régulièrement pour s’assurer qu’ils sont toujours pertinents et qu’ils correspondent aux meilleures pratiques. 


Introduction

Le premier article de cette série a analysé les raisons pour lesquelles les cliniques vétérinaires devraient créer des protocoles, ce qu’est réellement un protocole et la manière dont une clinique peut développer des protocoles qui aient du sens et qui soient bénéfiques. Le présent article s’intéresse aux détails pratiques de la préparation, de la mise en œuvre et de la révision des protocoles. Comme toujours, tout commence avec l’équipe de la clinique. 

Pere Mercader

À long terme, une fois que des protocoles sont en place pour les procédures les plus fréquentes, l’effort principal doit porter sur le maintien des protocoles existants, même si de nouveaux protocoles pourront encore être introduits si nécessaire.

Pere Mercader

Embarquer son équipe

Lorsque vous planifiez quelque chose de nouveau pour la clinique, la motivation du personnel est à considérer en priorité, car il est essentiel d’avoir l’équipe avec vous pour atteindre de nouveaux objectifs. Tout le monde n’est pas émerveillé par la nouveauté ou par les changements de son environnement… Et même les personnes qui aiment les défis et sont ouvertes aux idées nouvelles peuvent refuser de coopérer si le projet leur est présenté de manière trop autoritaire.

Planifier à l’avance

Pour que tous adhèrent le plus facilement possible, organisez une réunion de l’équipe en prévoyant du temps pour la discussion, plutôt que de confronter tout le monde à des objectifs préétablis et à une liste de « choses à faire ». La réunion sera planifiée à l’avance afin que les idées et les objectifs nouveaux soient introduits de manière positive ; vous devez solliciter des suggestions et des commentaires de la part de l’équipe. Si la réunion est menée de manière engageante, il y aura probablement beaucoup de réactions positives et les oppositions seront probablement écartées. Ce processus repose sur une question clé : comment identifier les avantages potentiels pour l’équipe ? En effet, indépendamment des différences de personnalités, il est beaucoup plus facile pour les gens de dire oui à quelque chose de nouveau s’ils peuvent identifier l’intérêt qu’ils retireront à s’engager dans un projet. Votre premier travail consiste donc à regarder la tâche à travers les yeux des membres de l’équipe et à vous demander :

  • Quels avantages et bénéfices les membres de mon équipe obtiendront-ils s’ils suivent mes idées ?
  • Quelles incitations supplémentaires pourrais-je proposer pour les aider à me suivre ?

N’oubliez pas que « le ver doit être savoureux pour le poisson, pas pour le pêcheur ». À la fin de cet exercice mental, vous aurez préparé une série d’avantages qui pourront ensuite être utilisés comme arguments positifs lors de la réunion de l’équipe. Prenons l’exemple des soins de santé préventifs, un sujet qui vous a peut-être inspiré lors du dernier congrès auquel vous avez assisté, et qui vous motive pour développer de meilleurs protocoles de médecine préventive dans la clinique. Vous souhaitez donc vous concentrer sur les chiots et leurs propriétaires ; comment pouvez-vous inciter votre équipe à adhérer à cette idée ?

Raconter une histoire !

Il peut être très utile de préparer une présentation motivante pour la réunion, en se basant sur des images et des exemples qui créent du buzz et attirent les gens. Par exemple, vous pouvez présenter le projet en racontant une histoire qui les implique à plus d’un niveau ; idéalement au niveau médical, car c’est le domaine qui vous réunit tous, mais aussi au niveau émotionnel, en vous concentrant sur les propriétaires de chiots, leurs besoins et leurs souhaits. Pour y parvenir, vous pourriez mettre l’accent sur les points suivants :

  • Les soins de santé préventifs sont une excellente occasion de détecter les maladies à un stade très précoce.
  • Les protocoles axés sur les soins préventifs garantissent un haut niveau de médecine et de qualité de services.
  • Offrir de nouveaux services renforce le lien avec les clients existants et permet de gagner de nouveaux clients.
  • Un nouveau service peut créer une offre unique qui se démarquera des autres cliniques vétérinaires locales.

Pour mettre en relief ces éléments, vous pouvez inventer une histoire autour d’un chiot et de son maître, dans laquelle ce dernier parle avec enthousiasme des nouveaux services disponibles pour son jeune compagnon dans votre clinique. Embarquez les membres de votre équipe avec vous pour leur montrer à quel point le propriétaire du chiot est heureux de ce que la clinique offre, et donc à quel point les protocoles sont bénéfiques pour aider l’équipe à fournir ces merveilleux services. Si vous créez ce type de communication incitative, alors vous aurez probablement déjà atteint votre objectif, et votre équipe vous suivra. 

À ce stade, vous pouvez également envisager de faire autre chose pour garantir l’implication à long terme : des incitations et des primes peuvent être envisagées pour récompenser les membres de l’équipe qui adoptent votre nouveau projet et respectent le protocole, et cela sera abordé plus loin dans ce document.

Antje Blättner

Si les gens ont la possibilité d’exprimer leurs idées et s’ils participent activement à la construction d’un projet, ils ont le sentiment d’être utiles et se l’approprient.

Antje Blättner

Les membres de l’équipe et leurs responsabilités

Il est important de se rappeler qu’on obtient le plus haut degré de motivation lorsque les personnes se sentent impliquées dans un projet. Si les gens ont la possibilité d’exprimer leurs idées et s’ils participent activement à la construction d’un projet, ils ont le sentiment d’être utiles et ils se l’approprient. En revanche, si les gens perçoivent les instructions comme venant d’en haut, d’un chef qui ne fait que commander, et qui en général ne leur explique pas les avantages, ils peuvent se sentir démotivés, et cela met en péril tout le projet.

Les gens ont tous leurs forces et leurs faiblesses ; cela dépend de leur personnalité et c’est ce qui rend le travail en commun intéressant. Si vous êtes un bon dirigeant, vous devez déjà connaître les différentes qualités des membres de votre équipe, car cela aide à attribuer les tâches aux personnes les mieux adaptées. En confiant des projets et des tâches à des personnes compétentes, vous créez une atmosphère motivante alors que l’ambiance contraire s’installe si vous avez des exigences excessives ou si vous fixez des objectifs impossibles à atteindre. Aussi, si l’environnement de travail autour d’un nouveau projet est établi de manière motivante, l’étape suivante consiste à trouver les personnes possédant les compétences adéquates pour les différentes facettes du projet. Le succès sera mieux garanti si la tâche assignée à une personne donnée est en phase avec ses points forts, car son travail sera alors beaucoup plus plaisant et ses objectifs seront atteints plus facilement. Cela ne signifie cependant pas que les individus ne travailleront jamais sur des tâches moins en phase avec leurs points forts, car on ne peut pas toujours se permettre le luxe de sélectionner la bonne personne pour le bon poste, surtout si le nombre de personnes disponibles est limité. Dans ces conditions, les enjeux sont plus élevés ; en tant que leader, vous devrez être plus vigilant et la route vers le succès pourra être plus longue. Il peut être intéressant de vérifier quels membres de votre équipe sont déjà impliqués dans un sujet particulier : ces personnes peuvent s’avérer précieuses pour planifier de nouveaux projets.

Une fois que vous avez analysé les forces et les faiblesses des individus au sein de votre équipe et que vous avez identifié qui pourrait entreprendre quelle tâche, la phase suivante consiste à définir les différents domaines de responsabilité et à les présenter lors d’une réunion d’équipe. Si tout se passe bien, vous trouverez suffisamment de personnes prêtes à assumer les différentes tâches et responsabilités. Les points clés à couvrir sont les suivants :

  • initier ou créer des protocoles particuliers ;
  • définir ou affiner les responsabilités dans le cadre de certains protocoles ;
  • demander aux membres de l’équipe de superviser un certain domaine ou un protocole.

N’oubliez pas que les grandes réunions d’équipe peuvent ne pas être très efficaces, car il est généralement beaucoup plus difficile de diriger un tel groupe qu’un petit. Idéalement, un groupe productif ne devrait pas inclure plus de 30 personnes. Si vos équipes sont beaucoup plus nombreuses, il est bon de commencer par réunir les responsables des différents services de la clinique (par exemple, orthopédie, médecine interne, etc.), puis de leur demander de réunir leurs équipes à tour de rôle pour discuter et décider des actions à mener.

L’une des tâches les plus importantes du dirigeant est de valider les choix faits par l’équipe et de corriger une décision si quelqu’un en a trop fait ou n’est pas à la hauteur. Que cette situation soit due à des raisons personnelles ou professionnelles, la discussion entre le dirigeant et la personne concernée par le sujet ne doit avoir lieu qu’en privé pour éviter toute gêne. Dans ce cas, le dirigeant doit jouer à la fois un rôle de supervision et de protection. Il ou elle doit donc bien connaître les membres de son équipe et leurs capacités, et être prêt à faire confiance aux gens et à déléguer des responsabilités dans un projet s’il le faut. Et si certaines décisions se révèlent par la suite erronées, elles peuvent être révisées, et de nouvelles solutions seront trouvées. Ce n’est pas un signe de mauvaise gestion, cela signifie simplement qu’il faut optimiser un processus avec une nouvelle approche et de nouvelles informations si nécessaire.

Philippe Baralon

Le succès sera mieux garanti si la tâche assignée à une personne donnée est en phase avec ses points forts car son travail sera alors beaucoup plus plaisant et ses objectifs seront atteints plus facilement.

Philippe Baralon

Rendre ludique la création des protocoles

Lors de la création de protocoles pour des services complexes, il est important que l’équipe ait déjà expérimenté l’apprentissage par la résolution de problèmes, et qu’elle reçoive des encouragements au cours du processus. Mais il y a une autre dimension à prendre en compte lors de la préparation des protocoles : le plaisir ! Pourquoi (Figure 1) ? Parce que le plaisir motive et que pour générer du plaisir, vous pouvez associer la mise en place des protocoles nécessaires mais fastidieux à celle d’autres protocoles plus stimulants. Vous pourriez par exemple combiner l’élaboration d’un protocole de radiographie avec un protocole autour des événements organisés pour les chiots. En intercalant systématiquement des sujets « amusants » au milieu des sujets « sérieux », vous arriverez mieux à garder votre équipe sur les bons rails et vous construirez progressivement des protocoles pour tous les services de votre clinique.

Soyez ludiques lorsque vous travaillez sur des protocoles.

Figure 1. Soyez ludiques lorsque vous travaillez sur des protocoles.
Crédit : Shutterstock

Considérations pratiques

Concevoir et mettre en œuvre des protocoles est un projet à long terme qui impliquera finalement de nombreux processus dans des domaines très différents de votre activité ; comme nous l’avons déjà mentionné, il est fortement recommandé de commencer avec un projet pilote ciblé sur un sujet limité et très spécifique. L’objectif est de mettre en exergue les avantages perceptibles des protocoles dans la vie quotidienne de la clinique. Il est donc conseillé de choisir une procédure facile mais utile telle qu’un service classique de médecine préventive ; c’est probablement le meilleur moyen de motiver rapidement l’équipe sans trop d’efforts.

Comme nous l’avons vu plus haut, le projet doit être présenté lors d’une réunion de l’équipe ; l’objectif est simplement d’instaurer un premier débat, de proposer l’idée d’une phase pilote et de soumettre une courte liste de sujets envisageables. En supposant que l’équipe se mette d’accord sur un sujet, un petit groupe de volontaires sera constitué (par exemple, deux « concepteurs », généralement un clinicien et une ASV si l’on choisit un service de médecine préventive classique) ainsi qu’une équipe de révision, là encore avec un clinicien et une ASV. En se basant sur « les meilleures pratiques » de la clinique pour cette procédure, les concepteurs rédigent une première version, puis les réviseurs la vérifient et donnent leur avis. Le protocole sera ensuite affiné si nécessaire et, après une deuxième consultation avec les réviseurs, le projet sera finalisé (Encadré 1) et prêt pour une relecture plus large. À ce stade, tous les membres de l’équipe peuvent formuler des commentaires, des critiques ou des propositions d’amendements au projet de protocole. Lors de la réunion d’équipe suivante, la version finale du protocole sera présentée et le document sera soit approuvé par consensus, soit modifié si nécessaire. Le cas échéant, il sera signé par la direction ou par le directeur clinique pour les protocoles médicaux. 

Encadré 1. Exemple de protocole pour un « bilan annuel de santé chez un chien adulte ».

1. Cible
 
  • Chiens de 2 à 7 ans (petites et moyennes races)
  • Chiens de 2 à 5 ans (grandes races et races géantes)
2. Objectifs
 
  • Vérifier l’état de santé général de l’animal.
  • Mettre en œuvre le protocole de vaccination adapté au mode de vie et à l’âge de l’animal.
  • Vérifier le respect par le propriétaire des mesures préventives recommandées au cours de l’année précédente.
  • Recommander des mesures préventives pour l’année à venir.
3. Procédure
 
a. Préparation (personnel d’accueil)
 
  • Envoyer un rappel deux semaines avant la date prévue.
  • À l’arrivée à la clinique, peser le chien à l’accueil et noter son état corporel ; mettre à jour les dossiers médicaux en conséquence, signaler les chiens en surpoids et les chiens qui atteindront le stade « senior » l’année suivante.
  • Vérifier le dossier médical

              - Revoir la liste des recommandations de la dernière consultation de médecine préventive ;
              - Vérifier l’observance : les recommandations ont-elles été effectivement appliquées ?
              - Signaler toute incohérence au vétérinaire.

b. Consultation (vétérinaire)

  • Accueil du client et de l’animal, ouverture du dossier médical, examen d’un élément du dossier et de tous les événements sanitaires de l’année en cours.
  • Réalisation de l’examen clinique du chien (voir protocole détaillé séparé), en incluant l’évaluation bucco-dentaire et en notant l’indice correspondant.
  • Vaccinations obligatoires : explication et injection.
  • Vérifier l’observance et mettre à jour les principales recommandations : traitements contre les parasites externes et internes en utilisant le formulaire de recommandation ; discuter de l’hygiène bucco-dentaire (détartrage si nécessaire) (Q/R). 
  • Contrôle nutritionnel rapide, sauf en cas de surpoids (voir protocole détaillé séparé).
  • Donner un résumé de l’examen et des recommandations, et remplir le dossier médical devant le client (Q/R).
  • Présenter le sujet du bilan de santé annuel de l’année suivante : encore relatif au jeune chien adulte ou concernant le chien senior pour l’animal qui entrera dans cette catégorie (Q/R).
  • Accompagner le client jusqu’à l’accueil avec les formulaires de recommandations adéquats, le saluer.
 
c. Conclusion (personnel d’accueil)
 
  • résumé des recommandations (Q/R) ;
  • offre concrète sur les produits recommandés ;
  • proposition de rendez-vous pour les services recommandés ;
  • rappel pour le prochain bilan de santé annuel, le cas échéant.
4. Calendrier d’exécution

Le protocole doit inclure des durées indicatives pour chaque procédure (par exemple, 15 à 25 minutes pour la consultation) en gardant à l’esprit que ce minutage est le résultat d’un compromis et qu’il doit être cohérent :

  • avec le contenu de chaque partie ;
  • avec la charge de travail ;
  • avec la tarification.
(Q/R) : Offrir au client la possibilité de poser des questions (et d’y répondre) à ces moments-là.

 

Cette adoption officielle constitue le point de départ de la mise en œuvre du protocole mais une période probatoire (généralement de 3 à 6 mois) est nécessaire afin de détecter toute difficulté majeure et d’apporter les ajustements nécessaires suite aux retours de l’équipe. À la fin de la période probatoire, le groupe de travail éditera une seconde version du protocole qui entrera alors dans la phase définitive de mise en œuvre et d’entretien.

Contrôler l’efficacité des protocoles 

Supposons que vous désiriez normaliser la façon dont votre équipe remplit les dossiers cliniques lorsqu’elle examine un animal ; plus précisément, vous voudriez insister sur la nécessité d’évaluer l’indice de condition corporelle (ICC) et l’indice de condition dentaire (ICD) pour tous les animaux. Comment pouvez-vous vous assurer que votre équipe adhère à cet objectif ? Plusieurs approches sont possibles, en utilisant des moyens basiques ou plus sophistiqués : 

  1. Effectuez périodiquement un contrôle aléatoire de 20 à 30 consultations effectuées par chaque vétérinaire et vérifiez si l’ICC et l’ICD ont été consignés dans les dossiers cliniques.
  2. Utilisez le logiciel de gestion de la clinique pour générer une liste de tous les dossiers qui ne contiennent pas d’informations sur l’ICC ou l’ICD, et notez quel vétérinaire a examiné chacun de ces animaux la dernière fois.
  3. Travaillez avec le fournisseur du logiciel pour faire en sorte qu’un avertissement en couleur apparaisse sur l’écran du dossier clinique si l’ICC ou l’ICD de l’animal est manquant ou n’a pas été mis à jour au cours des 12 derniers mois. Le logiciel peut également générer un rapport listant tous les animaux concernés par cet avertissement, ainsi que le vétérinaire ou l’ASV qui ont vu l’animal pour la dernière fois.

Les efforts et les ressources investis dans les activités de mesure et de contrôle peuvent évidemment varier beaucoup. Une question intéressante, et presque philosophique, est : ne serait-il pas plus efficace de consacrer la même énergie à sensibiliser et à convaincre toute l’équipe que le fait de suivre ce protocole présente des avantages pour l’animal ? En d’autres termes, essayez d’obtenir de chacun qu’il suive le protocole non pas parce qu’il a peur d’être épinglé s’il ne le fait pas, mais plutôt parce qu’il est convaincu que c’est ce qu’il faut faire. 

La question de savoir s’il faut offrir une récompense financière aux membres du personnel qui suivent les protocoles se pose parfois. Il y a des arguments pour et contre ce type d’incitation (Encadré 2) mais, selon l’expérience des auteurs, une incitation n’est en général pas nécessaire pour adhérer aux protocoles (Figure 2).

Encadré 2. Avantages et inconvénients du versement d’une prime pour le respect des protocoles.

1. Avantages 
 
  • Il est plus logique, du moins en théorie, de récompenser un service bien fait (par exemple, un vétérinaire qui suit exactement le protocole de consultation des chiots) que de récompenser quelqu’un pour un « résultat » (par exemple, un vétérinaire qui génère un certain revenu à partir des consultations de chiots) qui pourrait être influencé par de nombreux facteurs ne dépendant pas de la performance du clinicien.
2. Inconvénients 
 
  • Il peut sembler contre-intuitif de rémunérer quelqu’un pour respecter un protocole, en particulier lorsqu’un protocole correctement suivi aboutit à un mauvais résultat (par exemple, lorsqu’un vétérinaire a soigneusement suivi le protocole de communication en salle d’examen mais que le client lui met ensuite une mauvaise note dans une enquête de satisfaction).
  • On peut faire valoir que le respect d’un protocole ou d’une procédure standard fait partie intégrante de la description de poste et ne devrait donc pas être récompensé. Dans cette optique, les cadeaux ou les incitations ne devraient être utilisés que dans des occasions spéciales, pour récompenser des résultats ou des efforts exceptionnels.
Une incitation financière n’est généralement pas nécessaire pour encourager les membres de l’équipe à suivre les protocoles établis.

Figure 2. Une incitation financière n’est généralement pas nécessaire pour encourager les membres de l’équipe à suivre les protocoles établis.
Crédit : Shutterstock

Entretenir et revoir les protocoles 

Concevoir et mettre en œuvre des protocoles est une étape clé pour favoriser la transmission d’un savoir et pour alimenter une croissance durable de la clinique. À long terme, une fois que les procédures les plus fréquentes sont codifiées, les principaux efforts doivent se concentrer sur l’entretien des protocoles existants, même si de nouveaux protocoles pourront être introduits si besoin. Il y a deux raisons pour lesquelles l’entretien est important : d’abord, parce que la science évolue et que les idées actuelles dans un domaine donné (à propos, par exemple, de la stérilisation chirurgicale, du contrôle de la douleur, des vaccinations essentielles…) peuvent être remises en cause ou remplacées par de nouvelles, ou parce que de nouveaux produits ou matériels deviennent disponibles, et ils doivent alors intégrer les protocoles existants.

La seconde raison porte sur l’organisation de la clinique, qui évolue avec le temps ; l’augmentation du personnel technique peut par exemple modifier les rôles respectifs des cliniciens et des ASV, ou les nouvelles technologies de communication peuvent influer sur la manière dont les rendez-vous ou les consultations de suivi sont enregistrés. Ces évolutions peuvent être de nature interne ou externe. Elles nécessitent un système solide de révision des protocoles, et il existe au moins deux façons d’organiser cela.

  1. Une révision systématique peut être entreprise à intervalles réguliers. Par exemple, tous les deux ans, chaque protocole non modifié sera révisé par un petit groupe de travail similaire à celui qui a conçu le protocole initial, mais n’incluant pas nécessairement les mêmes personnes, afin de répondre à deux questions. Le protocole existant est-il toujours cohérent avec ce que l’on considère comme la meilleure pratique pour la procédure ? Le protocole existant est-il toujours adapté à l’organisation actuelle de la clinique ? Si la réponse est positive aux deux questions, le groupe de travail recommandera simplement à l’équipe de garder le protocole inchangé. Si la réponse est négative à au moins une de ces questions, le groupe de travail proposera des amendements pour améliorer le protocole. Cependant, dans les deux cas, une réunion doit être organisée pour recueillir les réactions de l’équipe avant de prendre une décision.
  2. Entre les révisions systématiques, tous les membres de l’équipe doivent être encouragés à signaler des divergences entre les protocoles existants et l’organisation pratique de la clinique ou l’état de la science. Les nouveaux arrivants sont également encouragés à donner leur avis, en particulier si les protocoles existants sont en contradiction avec ce qu’ils avaient l’habitude de faire dans leur poste précédent ou à l’université (Figure 3). Une fois le retour d’information validé, cela peut conduire à réviser le protocole existant en suivant le même processus qu’au début.
Les nouveaux arrivants peuvent être une bonne occasion de remettre en question les protocoles existants dans une clinique.

Figure 3. Les nouveaux arrivants peuvent être une bonne occasion de remettre en question les protocoles existants dans une clinique. 
Crédit : Shutterstock

La méthode d’entretien des protocoles (ainsi que le processus initial de formulation des protocoles) met en évidence l’importance croissante du directeur clinique (appelé CMO ou « Chief Medical Officer » dans les pays anglo-saxons) dans l’équipe (Figure 4). Il s’agit d’un poste à temps plein dans les grands groupes, et les plus grands groupes mettront même en place un comité médical composé de plusieurs professionnels couvrant l’ensemble des protocoles médicaux. Il peut aussi s’agir d’un travail à temps partiel dans les structures plus réduites ou lorsqu’un groupe possède un groupe de cliniques. Même dans les petites cliniques, il est important d’avoir une personne qui assume cette responsabilité. Bien sûr, le directeur clinique ne prendra pas en charge l’ensemble du processus de conception, de mise en œuvre et d’entretien des protocoles (ce serait inefficace et contre-productif), mais il ou elle organisera et contrôlera ces processus.

Le directeur clinique (« Chief Medical Officer » en anglais) a un rôle clé pour la mise en œuvre des protocoles.

Figure 4. Le directeur clinique (« Chief Medical Officer » en anglais) a un rôle clé pour la mise en œuvre des protocoles.
Crédit : Shutterstock

Enfin, voyons comment une « infographie de consultation pour chatons » peut résumer des informations complexes en un document clair et visuellement attractif, par exemple affichable en salle d’examen (Figure 5). Cette infographie englobe un vaste protocole en un seul poster A3 qui peut être plastifié pour permettre à l’équipe de la clinique de le personnaliser si nécessaire et de l’utiliser lors des consultations avec des chatons. Il peut également être imprimé et partagé avec le propriétaire de l’animal, pour mieux expliquer le programme de la visite annuelle à la clinique et mettre en avant les services que la clinique peut proposer.

Une infographie peut être un excellent moyen de résumer les protocoles

Figure 5. Une infographie peut être un excellent moyen de résumer les protocoles et d’encourager l’équipe à les suivre.
Crédit : Pere Mercader/redessiné par Sandrine Fontègne

Conclusion

On ne saurait trop insister sur l’impact des protocoles sur le fonctionnement d’une clinique. En créant et en travaillant avec des protocoles écrits, vous analyserez, réviserez et améliorerez tous les services et interactions dans votre clinique. Ces protocoles sont des outils précieux pour créer de la valeur pour le client et pour optimiser l’organisation de votre clinique. Tout ce qui n’est pas en phase avec le protocole doit être changé ou supprimé. Cela signifie que l’influence des protocoles va bien au-delà du simple fait de formater les services de la clinique : les protocoles aident l’équipe à évoluer et à offrir les meilleurs services chaque jour, à chaque client. En outre, les protocoles soutiennent l’ensemble de l’équipe, car « la façon dont nous faisons les choses ici » est définie, documentée et accessible pour que chacun puisse la vérifier, aussi souvent que nécessaire.

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Philippe Baralon

Philippe Baralon

Philippe Baralon a obtenu son diplôme de l’École nationale vétérinaire de Toulouse, en France, en 1984 et a poursuivi ses études en économie (maîtrise d’économie, Toulouse, 1985) et en administration des affaires (MBA, HEC-Paris 1990). En savoir plus

Antje Blättner

Antje Blättner

La Dre Blaettner a grandi en Afrique du Sud et en Allemagne et a obtenu son diplôme en 1988 après avoir étudié la médecine vétérinaire à Berlin et à Munich. En savoir plus

Pere Mercader

Pere Mercader

Le Dr Mercader s’est établi comme consultant en gestion auprès des cliniques vétérinaires en 2001 et a depuis développé son activité en Espagne, au Portugal et dans certains pays d’Amérique latine. En savoir plus

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