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Veterinary Focus

Numéro du magazine 34.2 Oncologie

Hypercalcémie chez le chat

Publié 15/11/2024

Ecrit par Jordan M. Hampel et Timothy M. Fan

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Español et English

L’hypercalcémie féline est fréquemment rencontrée en clinique. Cet article présente les tests diagnostiques, le diagnostic différentiel et les stratégies de prise en charge de cette affection.

(a)	Chat présentant des symptômes respiratoires supérieurs

Points clés

Un bon diagnostic de l’hypercalcémie féline et de sa cause sous-jacente nécessite souvent d’associer l’examen clinique, des analyses de laboratoire et des examens d’imagerie.


Les causes les plus fréquentes d’élévation du taux de calcium sont l’hypercalcémie idiopathique, la maladie rénale chronique et certains types de tumeurs. 


Une intoxication à la vitamine D, des maladies endocriniennes et la maladie granulomateuse chronique sont des causes moins fréquentes d’hypercalcémie.


Les signes d’hypercalcémie peuvent être absents ou discrets, mais il est important d’identifier rapidement la cause sous-jacente, et de mettre en place un traitement approprié pour promouvoir la calciurie, améliorer la prise en charge et le pronostic pour l’animal.


Introduction

Le calcium est un cation divalent indispensable à de nombreuses réactions intracellulaires et extracellulaires vitales, notamment la transmission neuromusculaire, les réactions enzymatiques, la coagulation hémostatique, le tonus vasomoteur, la sécrétion hormonale et le métabolisme osseux. Le calcium existe sous trois formes dans l’organisme : ionisé, lié aux protéines, et complexé avec des fractions anioniques. Le calcium ionisé (iCa) représente environ 50 % du calcium sérique total ; c’est cette forme biologiquement active qui est surtout responsable de l’orchestration des diverses fonctions physiologiques et cellulaires. Étant donné les multiples rôles joués par l’iCa, sa concentration est étroitement régulée par les effets conjoints de l’hormone parathyroïdienne (PTH), de la 1,25-dihydroxyvitamine D3 (calcitriol) et de la calcitonine 1,2,3. Le niveau d’iCa influence directement la sécrétion de PTH et la maturation de la vitamine D active, qui contrôlent les concentrations de calcium dans l’organisme. 

Si le calcium existe sous différentes formes dans l’organisme, sa distribution peut aussi être intracellulaire ou extracellulaire. Le calcium intracellulaire est l’un des principaux régulateurs des réponses cellulaires à de nombreux agonistes médiés par des récepteurs couplés aux protéines G. Il sert de messager secondaire commun pour transmettre les signaux de la membrane cellulaire vers le noyau et il est aussi impliqué dans la transcription des gènes, les comportements cellulaires associés, et le phénotype 4. Les concentrations cellulaires en calcium cytosolique sont faibles, sauf dans des organites spécifiques tels que le réticulum endoplasmique et les mitochondries, où un milieu cellulaire riche en calcium est nécessaire au métabolisme physiologique. Le calcium intracellulaire joue des rôles essentiels mais la concentration de calcium dans le liquide extracellulaire influence aussi le fonctionnement tissulaire de certains organes, notamment la glande parathyroïde, les reins et la thyroïde 2

Homéostasie du calcium 

Pour maintenir les concentrations d’iCa à l’état d’équilibre, les principaux médiateurs endocriniens (PTH, calcitriol et calcitonine) exercent leurs effets biologiques sur trois organes cibles : les reins, l’intestin et le squelette 2,5. La PTH régit les fluctuations du taux de calcium minute par minute ; si le taux sérique augmente, la sécrétion de PTH diminue, ce qui entraîne une perte nette de calcium par les tubules rénaux distaux, une réduction de l’absorption intestinale du calcium et une diminution de la résorption osseuse par les ostéoclastes 2,6. Si le taux de calcium diminue, la synthèse de PTH augmente, ce qui stimule la réabsorption du calcium et l’excrétion du phosphore par les tubules rénaux distaux ; la PTH agit aussi indirectement sur l’intestin pour augmenter l’absorption du calcium et du phosphore. L’action de la PTH cible enfin le tissu osseux : elle stimule l’activité des ostéoblastes existants avant de faire ensuite augmenter le nombre d’ostéoclastes responsables de la résorption osseuse 5,7

Le calcitriol stimule l’absorption intestinale du calcium, inhibe la synthèse de la PTH en diminuant la transcription de l’ARNm de la PTH, favorise la résorption osseuse ostéoclastique et exerce un effet rétroactif négatif sur sa propre synthèse par les cellules épithéliales rénales 5. La calcitonine est sécrétée en réponse à une hypercalcémie ou à l’ingestion d’un repas riche en calcium, via la sécrétion digestive de gastrine et de cholécystokinine. La calcitonine n’est pas le principal moyen de régulation du calcium minute par minute, mais cette hormone est produite dans l’urgence pour réduire le niveau de calcium sérique. En cas d’augmentation rapide de la calcémie, elle joue un rôle vital de compensation. Elle agit surtout en inhibant la résorption osseuse par les ostéoclastes 8.

Évaluation de l’animal 

Les signes d’hypercalcémie chez le chat peuvent être vagues, intermittents et non spécifiques, si bien qu’ils passent souvent inaperçus aux yeux des propriétaires. L’anorexie est le signe clinique le plus courant mais des vomissements, une léthargie, une faiblesse, une constipation, une polyurie-polydipsie (PUPD) sont aussi souvent signalés 9,10. Certains chats développent des troubles du bas appareil urinaire en cas de calciurèse excessive, et forment des calculs d’oxalate de calcium 11, pouvant être à l’origine d’une urolithiase obstructive. La PUPD cependant est moins fréquente chez le chat que chez le chien hypercalcémique, sans doute parce que le premier est capable de plus concentrer son urine 3

Une approche clinique méthodique est indispensable pour écarter les causes connues d’hypercalcémie (Figure 1). Elle s’appuie sur un examen clinique approfondi, une numération formule sanguine (NFS), un bilan biochimique du sérum, une analyse d’urine, la mesure des concentrations d’iCa et de PTH, des radiographies thoraciques et une échographie abdominale. Pour compléter la base de données diagnostiques, il est aussi possible de mesurer les concentrations sériques de 25-hydroxy-vitamine D, de 24,25(OH)2-vitamine D, de calcitriol et du peptide lié à l’hormone parathyroïdienne (PTHrP). L’identification de nodules parathyroïdiens suspects implique d’avoir recours à des techniques d’imagerie telles que l’échographie du cou, et des tumeurs occultes pourront être mises en évidence grâce à la tomodensitométrie (TDM).

Jordan M. Hampel

Le dosage de l’hormone parathyroïdienne permet de déterminer si l’hypercalcémie est ou non d’origine parathyroïdienne, le second cas étant le plus fréquent chez le chat.

Jordan M. Hampel

Interprétation des tests diagnostiques

  • Analyses biochimiques et mesure de l’iCa : les tests biochimiques réalisés en routine permettent d’observer une élévation du calcium total, mais ils ne disent rien à propos des différentes formes de calcium en cause. Lorsque la clinique fait fortement suspecter un dérèglement de l’homéostasie calcique, il est conseillé de doser l’iCa pour confirmer la présence d’une véritable hypercalcémie. Dans la plupart des laboratoires, l’hypercalcémie féline est confirmée si le taux de calcium total dépasse 10,8 mg/dl (2,7 mmol/L) ou si le taux de calcium ionisé est supérieur à 5,6 mg/dL (> 1,4 mmol/L) 9. Le bilan biochimique sert aussi à évaluer la fonction rénale et la concentration en phosphates 3 ; cette dernière est souvent utile pour aider à hiérarchiser les causes sous-jacentes potentielles de l’hypercalcémie. Une élévation simultanée du taux de phosphore oriente en effet vers une insuffisance rénale intrinsèque, une intoxication par la vitamine D ou une affection ostéolytique 12
  • Analyse d’urine : comme mentionné plus haut, un chat hypercalcémique est prédisposé à la formation d’urolithes d’oxalate de calcium 11. Alors que le diabète insipide néphrogénique secondaire est fréquent chez un chien hypercalcémique (il se manifeste par une polyurie primaire et une polydipsie secondaire), la densité urinaire des chats est généralement supérieure à 1,030. De nombreux chats hypercalcémiques sont tout à fait capables de concentrer normalement leur urine, à condition qu’ils ne présentent pas une maladie rénale chronique (MRC) concomitante 9
  • Hormone parathyroïdienne (PTH) : le dosage de la PTH permet de déterminer si l’hypercalcémie est d’origine parathyroïdienne ou indépendante de la parathyroïde, le second cas étant le plus fréquent. Dans des conditions normales d’homéostasie, les glandes parathyroïdes arrêtent de produire la PTH en réponse à l’hypercalcémie. Par conséquent, si le taux se situe dans les deux tiers supérieurs de l’intervalle de référence ou au-dessus, le diagnostic d’hypercalcémie d’origine parathyroïdienne sera confirmé 3
  • Peptide lié à l’hormone parathyroïdienne (PTH-rp) : le PTH-rp est un important facteur PTH-like. Il joue un rôle central dans la pathogénie de l’hypercalcémie humorale maligne (HHM) mais ce n’est pas exactement une hormone régulatrice du calcium 13. Le dosage du PTH-rp est recommandé si une tumeur maligne est suspectée d’être à l’origine de l’hypercalcémie, bien que sa présence puisse être indétectable même en cas de tumeur. Le seul dosage de ce peptide ne doit donc pas servir à exclure la possibilité qu’une tumeur soit la cause de l’élévation du calcium 3.
  • Métabolites de la vitamine D : les taux de 1,25 dihydroxycholécalciférol (calcitriol) et de la 25-hydroxyvitamine D3 (calcidiol) peuvent aider à identifier la cause sous-jacente d’une hypercalcémie chez différents animaux car les métabolites de la vitamine D sont chimiquement identiques dans toutes les espèces 14,15. Le calcitriol représente la forme métaboliquement active de la vitamine D tandis que le calcidiol reflète l’ingestion de cholécalciférol après hydroxylation ; il constitue la principale forme de vitamine D circulante 3. Une intoxication iatrogène liée à une hypervitaminose D entraîne une hypercalcémie ; elle peut être liée à un apport excessif de vitamine D à cause de compléments alimentaires, d’un régime alimentaire déséquilibré, de l’ingestion de plantes toxiques ou de la consommation excessive de produits contenant du cholécalciférol ou des analogues du calcitriol. Chez un chat présentant une hypercalcémie idiopathique (HCI), la concentration de calcidiol se situe généralement dans l’intervalle de référence, si bien que des taux normaux de calcitriol ou de calcidiol n’excluent pas nécessairement la participation de ces métabolites à la physiopathologie de l’hypercalcémie 9.
  • Imagerie diagnostique : visualiser les cavités thoracique et abdominale peut aider à dépister des tumeurs ou les lésions granulomateuses. Si une masse anormale est repérée, des examens complémentaires seront réalisés (tels qu’une cytoponction à l’aiguille fine ou une biopsie) pour confirmer le processus pathologique sous-jacent (Figure 2). Une échographie à haute fréquence de la région cervicale permet de repérer des anomalies au niveau des glandes parathyroïdes (forme ou taille irrégulière) 16, qui renforcent alors l’hypothèse d’une hypercalcémie d’origine parathyroïdienne. Une calcification des tissus mous est susceptible de se produire lorsque le produit calcium x phosphate est > 60 mg/dL (3,3 mmol/L) ; les reins et la muqueuse gastrique sont les principaux organes touchés. Dans ce cas, la minéralisation métastatique pathologique peut être mise en évidence par des techniques d’imagerie classiques 9

 

Image tomodensitométrique d’une masse pulmonaire correspondant à un carcinome pulmonaire

a

Anamnèse de la masse cytologique correspondant à un carcinome pulmonaire

b

Figure 2. Un chat est présenté pour de vagues signes cliniques de dysorexie et une élévation du calcium sérique total. La tomodensitométrie (a) met en évidence une masse pulmonaire et l’analyse cytologique (b) est compatible avec un carcinome pulmonaire, la première cause d’une hypercalcémie humorale maligne (grossissement x 500).
© Avec l’aimable autorisation du Dr Michael Rosser/© Timothy M. Fan (a)

Causes spécifiques d’hypercalcémie

Chez le chat, une hypercalcémie peut être associée à une tumeur maligne, une insuffisance rénale, un déséquilibre endocrinien ou une intoxication. Il est intéressant de noter que l’utilisation très répandue des aliments ou des compléments alimentaires destinés à acidifier l’urine pour prévenir les urolithiases a récemment été reconnue comme une cause émergente d’hypercalcémie féline 11,17. Malgré les multiples causes et signes cliniques relatifs à l’hypercalcémie (Figure 3), celle-ci est le plus souvent classée comme idiopathique dans de nombreuses études. C’est le seul diagnostic différentiel spécifique du chat. Des enquêtes à grande échelle ont identifié trois principales causes d’hypercalcémie féline :

  1. HCI, 
  2. MRC,
  3. affections associées à des tumeurs malignes. 
Nuages de mots autour d’un chat montrant les étiologies et les signes courants de l’hypercalcémie

Figure 3. Nuage de mots présentant les signes cliniques (en gris) et les causes (en rouge) d’une élévation du calcium ionisé chez le chat. Les causes et les signes cliniques principaux sont notés par *.
© Timothy M. Fan/revu par Sandrine Fontègne

L’hyperparathyroïdie primaire, la maladie granulomateuse, l’hypervitaminose D et l’hypoadrénocorticisme sont des causes moins fréquentes 9. Même si l’HCI constitue le type le plus fréquent d’hypercalcémie, il s’agit d’un diagnostic d’exclusion ; dans l’idéal, il faudrait d’abord exclure d’autres causes possibles d’hypercalcémie avant d’admettre qu’il s’agit bien d’une HCI. 

  • Hypercalcémie idiopathique : c’est le diagnostic le plus courant, et la cause reste donc inconnue. Les signes cliniques d’HCI sont souvent discrets ou absents, et le diagnostic peut être fait fortuitement. Chez certains chats, le taux de calcium reste élevé pendant des mois sans que rien de particulier ne soit observé 18. Si des signes cliniques apparaissent, ils concernent généralement le système digestif et se traduisent par une perte de poids, de la diarrhée, de la constipation, des vomissements ou de l’anorexie. Chez ces chats, les taux de calcium total (bilan biochimique) et d’iCa sont élevés, tandis que les taux de phosphates, de PTH-rp et des métabolites de la vitamine D restent dans l’intervalle de référence normal 3
  • Maladie rénale chronique (MRC) : l’hypercalcémie peut provoquer des lésions rénales ou être consécutive au développement de la MRC. En présence d’une azotémie rénale concomitante, il est donc difficile de savoir si l’hypercalcémie est la cause ou la conséquence de la MRC. Chez la plupart des chats présentant un stade précoce ou modéré de MRC, la valeur de l’iCa est normale ou faible, tandis que le calcium total est normal ou augmenté 3. Ceci est probablement dû à l’augmentation de la concentration en phosphates et à la réduction de la clairance rénale, entraînant la formation de complexes avec l’iCa 19. La concentration sérique de PTH est souvent augmentée chez les chats présentant une hypercalcémie liée à une insuffisance rénale 2
  • Hypercalcémie associée à une tumeur maligne : une hypercalcémie accompagne beaucoup plus souvent un processus tumoral chez le chien que chez le chat : un cancer est la cause sous-jacente des perturbations calciques chez 2 chiens hypercalcémiques sur 3, versus 1 chat sur 3 20. Mécaniquement, l’hypercalcémie est induite par les effets humoraux du PTH-rp ou d’autres cytokines stimulant la résorption dans les os, les reins et éventuellement l’intestin 2. Le Lymphome et le carcinome épidermoïde sont les deux causes tumorales les plus fréquentes d’une hypercalcémie féline (Figure 4). D’autres types de tumeurs ont également été rapportés, notamment le myélome multiple, le carcinome ou l’adénocarcinome bronchogénique, l’ostéosarcome, le fibrosarcome, le sarcome indifférencié, le carcinome rénal indifférencié, le carcinome anaplasique du poumon et du diaphragme, et le carcinome thyroïdien 21.
  • Hyperparathyroïdisme : l’hyperparathyroïdie primaire est rare chez le chat. Elle est souvent associée à une augmentation de la concentration du calcium total, de l’iCa, et de la PTH, à une diminution des phosphates et à un taux de calcitriol normal à élevé 16. Cette affection se caractérise par une sécrétion excessive et inadéquate de PTH par les glandes parathyroïdes par rapport à la concentration sérique en iCa. Une élévation pathologique du calcium peut également être associée à une hyperparathyroïdie secondaire (d’origine nutritionnelle ou rénale). L’origine nutritionnelle provient classiquement d’une alimentation essentiellement carnée, pauvre en calcium mais riche en phosphates, qui stimule la production de PTH 3. L’origine rénale résulte d’une diminution de la clairance rénale des phosphates chez les chats dont la filtration glomérulaire est altérée, la production de PTH étant alors stimulée pour compenser. 
  • Hypervitaminose D : elle désigne la toxicité résultant d’un excès de cholécalciférol (vitamine D3), d’ergocalciférol (vitamine D2), de calcidiol ou de calcitriol. Son origine est en particulier iatrogène, consécutive à une supplémentation alimentaire excessive. L’ingestion de plantes telles que la jessamine (contenant des glycosides de calcitriol), de rodenticides contenant du cholécalciférol 3, ou de pommades topiques contenant des analogues de la vitamine D pour traiter le psoriasis sont d’autres causes possibles. En cas d’hypervitaminose D, le taux de calcidiol peut être normal ou augmenté, en fonction de la forme de vitamine D associée à l’intoxication. La concentration en PTH sera faible en raison de l’élévation du calcium et des effets suppressifs du calcitriol. L’hypercalcémie peut alors être réversible grâce à un traitement précoce et agressif, qui laisse le temps au calcidiol d’être éliminé de l’organisme.
  • Maladie granulomateuse : bien que peu fréquente, c’est une cause potentielle d’hypercalcémie féline. Elle résulte de la synthèse de calcitriol par les macrophages activés pendant l’inflammation 22. Il est normal que les macrophages expriment la 1α-hydroxylase après stimulation par des lipopolysaccharides ou des interférons. L’enzyme est capable de convertir la 25-hydroxyvitamine D en calcitriol 22. En cas d’inflammation granulomateuse, la production de 1α-hydroxylase par les macrophages est régulée à la hausse, ce qui entraîne une production pathologique de calcitriol 23. Les infections responsables d’hypercalcémie chez les chats atteints d’inflammation granulomateuse sont dues à Cryptococcus neoformans, Blastomyces spp., Histoplasma spp., et à des espèces atypiques de Mycobacterium ou d’Actinomyces.
  • Hypoadrénocorticisme : la maladie d’Addison est rare chez le chat et constitue une cause improbable d’hypercalcémie dans cette espèce 24 alors que c’est la deuxième cause la plus fréquente chez le chien. Les raisons pour lesquelles cette affection provoque une hypercalcémie est inconnue, mais une réabsorption rénale accrue du calcium secondaire à l’hypovolémie, la présence d’une acidose métabolique ou une résorption osseuse accrue pourraient être en cause. 
(a)	Chat présentant des symptômes respiratoires supérieurs. La masse (vert translucide) dans la cavité nasale ventrale présente des signes d’ostéolyse

a

(b)	L’image cytologique confirme la présence d’un lymphome

b

Chat gériatrique souffrant d’halitose et présentant une masse (vert translucide) dans la joue

c

(d)	Cytologie compatible avec un carcinome épidermoïde

d

Figure 4. Chez le chat, les deux causes malignes les plus courantes d’hypercalcémie humorale sont le lymphome et le carcinome épidermoïde oral. Le chat présente des signes respiratoires supérieurs et une élévation du taux de calcium, (a) une masse (vert translucide) est visible dans la cavité nasale ventrale avec des signes d’ostéolyse (pointes de flèches jaunes) et (b) la cytologie correspond à un lymphome (grossissement x 1000). Chez un chat âgé présentant une halitose, (c) une masse est visible au niveau de la joue (vert translucide), le iCa est élevé, et (d) un carcinome épidermoïde est visible à la cytologie (grossissement x 500).
© Avec l’aimable autorisation du Dr Michael Rosser/© Timothy M. Fan (b,d)

Prise en charge globale de l’hypercalcémie

Plusieurs facteurs doivent être pris en compte lors de l’élaboration d’un protocole thérapeutique pour les chats atteints (Tableau 1), notamment le degré d’hypercalcémie, sa vitesse de développement et sa progression, ainsi que les effets modificateurs d’autres perturbations électrolytiques et acidobasiques. Aucun protocole ne peut convenir à tous les cas ; la cause sous-jacente doit être identifiée et traitée en conséquence. Le traitement de soutien vise à favoriser l’excrétion rénale et à prévenir la résorption osseuse du calcium. 

Tableau 1. Options thérapeutiques pour traiter l’hypercalcémie féline.

Médicaments et posologie   Indications Mécanisme d’action
Furosémide
1-2 mg/kg IV, PO, SQ q8-12h
  • Hypercalcémie persistante (non associée à une MRC)
  • Favorise la perte de calcium dans l’urine ; inhibe la résorption du calcium dans les tubules rénaux.
Prednisone/prednisolone 
0,5-1 mg/kg PO q12-24h  

Dexaméthasone
0,1-0,2 mg/kg IV, SQ q24h
  • Tumeur
  • Hypercalcémie idiopathique 
  • Hypoadrénocorticisme
  • Hypervitaminose D
  • Diminue l’absorption intestinale, la résorption tubulaire rénale et la mobilisation squelettique du calcium
Pamidronate 
1-2 mg/kg en perfusion IV sur 2h de 0,9 % NaCl ; à répéter tous les 21 à 28 jours
  • Hypercalcémie idiopathique 
  • Hyperparathyroïdie primaire
  • Diminue l’activité et le fonctionnement des ostéoclastes, malgré l’augmentation du nombre d’ostéoclastes résultant de l’ostéolyse locale ou humorale. L’inhibition de la résorption prend 1 à 2 jours
Alendronate
5-20 mg/chat PO q7 jours
  • Hypercalcémie idiopathique
  • Hyperparathyroïdie primaire 
  • Inhibe l’activité et la formation des ostéoclastes
Calcitonine
4-6 IU/kg SQ q8-12h
  • Toxicité due à une hypervitaminose D 
  • Maladie granulomateuse 
  • À envisager en l’absence d’un diagnostic de certitude
  • Inhibe l’activité et la formation des ostéoclastes

 

  • Favoriser la calciurie : celle-ci peut être obtenue grâce à l’expansion du volume vasculaire, via l’administration d’une solution saline isotonique (ne contenant pas de calcium) par voie intraveineuse, ainsi que du furosémide (qui aide à inhiber la réabsorption du calcium dans l’anse de Henlé). Ensemble, ils permettent de promouvoir la calciurèse en toute sécurité, à condition de vérifier que le traitement n’exacerbe pas un déficit hydrique préexistant. Il faut donc veiller à ce que le chat soit bien hydraté avant d’administrer du furosémide, pour éviter de compromettre la fonction rénale. Il est également important de compenser l’augmentation du volume d’urine éliminé par une augmentation du volume perfusé, afin d’éviter la déshydratation et d’encourager la calciurèse. 
  • Glucocorticoïdes : ils réduisent la résorption osseuse, diminuent l’absorption intestinale et augmentent l’excrétion rénale du calcium 3. De très nombreux mécanismes expliquent ces effets, dont l’inhibition de la production de prostaglandines, des facteurs d’activation des ostéoclastes et de la vitamine D. Les glucocorticoïdes peuvent aider à réduire significativement la concentration sérique en iCa chez les chats hypercalcémiques présentant un lymphome, un adénocarcinome des glandes apocrines du sac anal, un myélome multiple, un thymome, un hypoadrénocorticisme, une hypervitaminose D ou une maladie granulomateuse 2. L’utilisation systématique des glucocorticoïdes est toutefois déconseillée, surtout si la cause sous-jacente de l’hypercalcémie du chat reste inconnue : elle pourrait fausser le diagnostic définitif en cas de lymphome et elle est contre-indiquée lors d’inflammation granulomateuse. 
  • Bisphosphonates : ces molécules (pamidronate, alendronate, etc.) inhibent la résorption osseuse en réduisant le nombre et l’activité des ostéoclastes. Ils agissent même lorsque le nombre d’ostéoclastes augmente à cause d’une ostéolyse locale ou d’origine humorale 25. Les bisphosphonates par voie orale sont généralement utilisés comme traitement d’entretien après une cure de bisphosphonates par voie intraveineuse, et l’alendronate est bien toléré par le chat 26.
  • Calcitonine : cette hormone peut être utile au traitement d’une hypercalcémie sévère et elle doit être préférée aux glucocorticoïdes lorsque la cause n’a pas encore été identifiée. La calcitonine peut rapidement réduire l’ampleur de l’hypercalcémie, principalement en diminuant l’activité et la formation des ostéoclastes. Bien que la calcitonine soit l’un des agents régulateurs normaux du calcium, elle agit peu longtemps et une administration quotidienne est nécessaire. Son intérêt pour contrôler l’hypercalcémie associée à une MRC féline n’est pas bien documenté 27. Compte tenu de son action rapide, il peut cependant être indiqué de l’utiliser dans un contexte d’urgence. 
  • Changement de régime alimentaire : modifier l’alimentation est l’un des aspects les plus importants du contrôle à long terme de l’hypercalcémie féline. Les aliments riches en fibres fixent le calcium intestinal, réduisant ainsi son absorption, tandis que les aliments humides peuvent favoriser la diurèse et sont en général moins riches en calcium que les croquettes. Les aliments à visée rénale contiennent peu de calcium et de phosphore, et leur effet alcalinisant peut accroître la calciurèse. Le rapport calcium/phosphore des aliments à visée rénale peut cependant être élevé (en raison de la restriction en phosphore) ; les recommandations récentes préconisent de choisir des aliments avec un rapport Ca/P inférieur à 1,4 à 1. Ce ratio est par conséquent important à considérer au moment de choisir un aliment à visée rénale 28. Les aliments formulés pour les chats présentant des urolithiases à oxalate de calcium peuvent aussi être indiqués car l’hypercalcémie favorise ce type de calculs. 
Timothy M. Fan

Bien que l’hypercalcémie soit le plus souvent d’origine idiopathique, il s’agit d’un diagnostic d’exclusion. Idéalement, d’autres hypothèses devraient être envisagées avant de déclarer qu’un cas d’hypercalcémie appartient à cette catégorie.

Timothy M. Fan

Conclusion

Le calcium est un élément abondant, impliqué dans de nombreux processus physiologiques et métaboliques. La concentration en calcium ionisé biologiquement actif est très étroitement régulée dans l’organisme, et des anomalies peuvent entraîner des effets systémiques importants et préjudiciables à plusieurs organes. Plusieurs affections félines sont connues pour être à l’origine d’un dérèglement de l’homéostasie du calcium, l’hypercalcémie entraînant alors des lésions tissulaires ou organiques, mais l’hypercalcémie reste le plus souvent idiopathique. Bien que la majorité des signes cliniques soient non spécifiques, détecter précocement la cause sous-jacente est importante. Son identification permet d’instaurer un traitement adapté et, avec des mesures de soutien limitant les complications les plus graves, les chances d’obtenir un pronostic favorable seront optimisées. 

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Jordan M. Hampel

Jordan M. Hampel

La Dre Hampel est diplômée de l’Université de l’Illinois depuis 2020 En savoir plus

Timothy M. Fan

Timothy M. Fan

Le Dr Fan est diplômé du Virginia-Maryland Regional College de médecine vétérinaire depuis 1995 En savoir plus

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