Les nématodes pulmonaires et cardiaques du chat
Cet article montre que les nématodes pulmonaires et cardiaques sont sous-estimés alors que ces parasites représentent une grave menace pour de nombreux chats.
Numéro du magazine 32.2 Autre scientifique
Publié 16/11/2022
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Le lymphome est l’une des maladies cancéreuses les plus fréquentes chez le chat. James Elliott fait notamment remarquer que la forme médiastinale est à inclure dans le diagnostic différentiel lorsqu’un chat présente des signes respiratoires.
Le lymphome est l’une des maladies cancéreuses félines les plus courantes et doit figurer en bonne place sur la liste des diagnostics différentiels chez un chat présentant une masse quelconque.
Le lymphome médiastinal peut impliquer le thymus et les ganglions lymphatiques régionaux. La plupart des chats affectés présentent des signes cliniques liés à une pathologie thoracique, incluant un certain degré de dyspnée.
La prise en charge initiale vise à apporter des soins d’urgence au chat, avant de procéder aux tests diagnostiques lorsque le chat est stabilisé, puis à une chimiothérapie appropriée.
Les traitements médicaux du lymphome médiastinal sont généralement très efficaces et les signes cliniques se résolvent habituellement très vite, le pronostic de survie étant supérieur à un an avec une chimiothérapie adaptée.
Le lymphome (historiquement souvent appelé lymphosarcome ou LSA) englobe un groupe hétérogène de cancers issus des lymphocytes. Les tumeurs apparaissent généralement dans les tissus lymphoïdes tels que les ganglions lymphatiques, la moelle osseuse et la rate, mais elles peuvent apparaître dans presque tous les tissus de l’organisme, en raison de la distribution étendue et de la nature migratoire des lymphocytes. Le lymphome est l’une des maladies cancéreuses les plus fréquentes chez le chat et doit figurer en bonne place sur la liste du diagnostic différentiel chez un chat présentant une masse quelconque.
L’épidémiologie et la clinique du lymphome félin ont significativement évolué au fur et à mesure que les programmes de dépistage et d’élimination du virus de la leucose féline (FeLV) se développaient, à la fin des années 1970 et dans les années 1980. Cela a été encore plus net depuis l’apparition des vaccins FeLV à la fin des années 1980. Le déclin des lymphomes associés au FeLV reflète la réduction de l’incidence de l’infection par le virus. Il est intéressant de noter que, malgré cela, la prévalence globale des lymphomes félins est en hausse ; cela semble être principalement dû à une incidence accrue de la forme gastro-intestinale du lymphome, et de son apparition dans d’autres sites anatomiques 1.
L’incidence réelle du lymphome félin est inconnue. Il n’y a pas de signalement typique chez un chat atteint de lymphome ; les signes varient beaucoup en fonction du site anatomique et du statut vis-à-vis du FeLV. Il a été suggéré que les chats siamois présentent un risque important de lymphome et peuvent même développer des sous-types distincts de la maladie, avec un comportement biologique unique 2.
Le FeLV était historiquement la principale cause de lymphome félin et la plupart des cas étaient associés à une infection active. Il apparaissait souvent chez de jeunes chats, avec un âge médian d’environ 3 ans. En outre, certains sous-types anatomiques étaient fortement associés à l’infection par le FeLV, notamment la forme médiastinale. Depuis que l’infection par le FeLV est devenue plus rare, les cas de lymphome ont beaucoup évolué et cette maladie affecte maintenant des chats significativement plus âgés, avec une atteinte prédominante de certains sites anatomiques, comme dans le cas du lymphome gastro-intestinal.
Le FeLV est directement impliqué dans la lymphomagenèse car il s’insère dans le génome du chat, entraînant une prolifération cellulaire et une modification de l’expression des gènes 1. L’infection par le virus de l’immunodéficience féline (FIV) peut augmenter le risque de lymphome chez le chat, bien que les données suggèrent ici un rôle indirect, secondaire aux effets immunosuppresseurs du virus. Le lymphome associé au FIV est plus susceptible d’être de type B, par opposition à la prédominance des cellules T associées au FeLV 3.
La tendance de certains chats orientaux à développer un lymphome suggère une potentielle prédisposition génétique héréditaire 2.
Des données évoquent un risque accru de lymphome chez les chats exposés à la fumée de tabac dans l’atmosphère 4.
Outre le risque accru de lymphome chez les chats immunodéprimés par l’infection au FIV, il est également prouvé que les chats ayant reçu de la cyclosporine après une transplantation rénale présentent un risque accru de cancers, dont le lymphome 5.
Un lien potentiel pourrait exister entre le lymphome intestinal et les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, ainsi qu’entre l’infection à Helicobacter et le lymphome du tissu lymphoïde associé à la muqueuse gastrique (MALT) chez le chat, un syndrome également connu chez l’Homme. Une étude menée chez le chat a révélé une augmentation statistiquement significative de la prévalence des bactéries envahissant la muqueuse et des bactéries intravasculaires dans les échantillons de biopsie de lymphome à grandes cellules 6. Il semble qu’une inflammation chronique aux sites d’injection puisse augmenter le risque de développer un lymphome sous-cutané chez le chat 7.
James Elliott
La forme médiastinale peut toucher le thymus et les ganglions lymphatiques régionaux (médiastinaux, trachéobronchiques et sternaux). La plupart des chats présentent des signes cliniques liés à une pathologie thoracique, dus soit à l’espace occupé par la tumeur, soit à un épanchement pleural, qui est très fréquent. Ces signes cliniques associés au lymphome médiastinal incluent la dyspnée (80 %), la tachypnée et un thorax crânial non compressible avec des bruits cardiaques et pulmonaires sourds. Le syndrome de Horner et le syndrome de la veine cave supérieure (SVCS) peuvent être observés, associés à un gonflement de la tête et du cou à cause de la compression des vaisseaux drainant la tête. Selon l’expérience de l’auteur, le SVCS est cependant très rare chez les chats présentant un lymphome médiastinal, alors qu’il est beaucoup plus fréquent lors de lymphome ou thymome médiastinal chez le chien. L’hypercalcémie accompagne fréquemment un lymphome médiastinal canin mais elle est très rare chez le chat.
La plupart des chats présentent un certain degré de dyspnée et la prise en charge initiale consiste à assurer des soins intensifs à l’animal jusqu’à ce qu’il soit suffisamment stable pour établir un diagnostic. Un apport en oxygène peut être nécessaire, les manipulations seront limitées pour réduire le stress, et une sédation ou une analgésie (avec le butorphanol, par exemple) peuvent être indiquées. Un examen rapide (échographie, radiographie) doit être effectué pour rechercher un éventuel épanchement pleural ; si le volume de liquide est important, il doit être drainé rapidement car il contribue de manière significative à la dyspnée.
Dans la plupart des cas, la maladie est localisée au médiastin, bien que d’autres groupes nodaux régionaux ou des sites distants puissent aussi être atteints. L’auteur a fréquemment observé une atteinte des ganglions lymphatiques préscapulaires ou même mandibulaires, surtout au cours de l’évolution tardive de la maladie, souvent au moment d’une récidive. L’auteur a également vu quelques cas où, à la présentation initiale, une grande masse était apparue soudainement en région préscapulaire. Le scanner (CT) a finalement montré que cette masse était contiguë à une grande masse médiastinale et qu’il ne s’agissait pas, finalement, du ganglion lymphatique préscapulaire.
Dans les publications anciennes, la majorité des chats atteints de lymphome médiastinal étaient jeunes (âge médian de 2 à 4 ans), FeLV positifs et la tumeur présentait un immunophénotype T. Cependant, avec le recul du FeLV, le phénotype typique a évolué. Dans une étude britannique récente portant sur 55 chats atteints de lymphome médiastinal, la majorité (> 90 %) étaient FeLV/FIV négatifs, jeunes (âge médian : 3 ans), de sexe mâle (ratio mâle/femelle de 3,2 pour 1), et près d’un tiers étaient des siamois 8. L’immunophénotype n’a pas été précisé, probablement parce qu’il est moins recherché chez les chats. La plupart des études suggèrent en effet que l’immunophénotype semble avoir moins de signification pronostique chez le chat que chez le chien.
Une forme de lymphome médiastinal apparaît également chez les jeunes chats siamois FeLV-négatifs de préférence ; elle semble être moins agressive biologiquement et plus sensible à la chimiothérapie que les formes associées au FeLV.
Les radiographies thoraciques peuvent montrer une masse médiastinale évidente (Figure 1) mais la présence d’un épanchement pleural important peut parfois rendre difficile ou impossible la visualisation avant le drainage (Figure 2) ; plusieurs radiographies ou échographies sont alors nécessaires (Figure 3). Le scanner peut permettre de repérer une masse indépendamment de la présence d’un épanchement, mais cette modalité d’imagerie ne suffit généralement pas à faire le diagnostic définitif car d’autres hypothèses peuvent expliquer une masse médiastinale.
Un examen cytologique de la masse après biopsie à l’aiguille fine (BAF) ou une évaluation cytologique du liquide pleural peuvent suffire à établir le diagnostic. Chez la plupart des chats, le lymphome s’exfolie bien lors de la BAF et la mise en évidence d’une population monomorphe de cellules lymphoïdes intermédiaires ou grandes confirmera le diagnostic (Figure 4). Parfois, le diagnostic définitif de lymphome chez les chats présentant une masse médiastinale sera plus difficile.
Le thymome est à différencier impérativement du lymphome médiastinal. Les caractéristiques cytologiques du thymome sont distinctes de celles du lymphome dans de nombreux cas mais le diagnostic peut être difficile en raison de la prépondérance de petits lymphocytes dans le thymome. Des mastocytes sont également observés dans 50 % des aspirats de thymomes (Figure 5). Une évaluation immunophénotypique et clonale s’impose dans les cas équivoques.
Lorsque les résultats ne sont pas concluants, les examens suivants peuvent éventuellement être réalisés.
Enfin, la biopsie percutanée (« tru-cut ») peut servir à analyser les grandes masses qui communiquent avec la paroi thoracique (pour s’assurer que le risque de pneumothorax iatrogène est faible). Selon l’auteur, cette option est rarement nécessaire aujourd’hui.
La chimiothérapie est de loin l’option thérapeutique la plus utilisée pour les chats atteints de lymphome médiastinal. Le lymphome est généralement considéré comme une maladie systémique, même s’il semble être localisé au moment du diagnostic. Cela signifie que, même si l’imagerie (voire la cytologie du foie ou de la rate, par exemple) semble montrer qu’aucun autre organe que le médiastin n’est atteint, il est quand même probable que des cellules cancéreuses soient présentes ailleurs, au niveau microscopique. L’objectif de la chimiothérapie cytotoxique est donc de traiter à la fois la maladie macroscopique connue, mais aussi toutes les atteintes microscopiques occultes.
La chirurgie est déconseillée chez les chats atteints de lymphome médiastinal, pour les raisons évoquées ci-dessus, ainsi qu’à cause de la morbidité et des risques associés à la chirurgie thoracique. La cicatrisation retarderait également le début de la chimiothérapie. En outre, les traitements médicaux sont généralement très efficaces (au moins au début) et les lymphomes répondent très rapidement. Si l’ablation chirurgicale de certaines tumeurs canines ou félines permettent d’améliorer rapidement l’état clinique de l’animal, ce n’est pas le cas du lymphome médiastinal.
Pour la plupart des chats à lymphome (quel que soit le site, y compris médiastinal), on proposera un protocole COP (cyclophosphamide, vincristine [oncovin®] et prednisolone/prednisone) ou un protocole CHOP (COP plus doxorubicine [hydroxydaunorubicine]), comme indiqué dans les Tableaux 1 et 2. Les protocoles de type CHOP constituent le traitement standard chez l’Homme pour les lymphomes les plus courants. De même, les lymphomes canins (en particulier ceux de type B) sont généralement traités en première intention avec un protocole CHOP (incluant donc la doxorubicine) par la plupart des oncologues. Pour les lymphomes félins, les protocoles COP et CHOP sont tous deux largement utilisés car la meilleure option, quel que soit le site, n’est pas identifiée : la plupart des études ne parviennent pas à prouver que le protocole CHOP est plus efficace que le COP. De plus, la doxorubicine semble être moins efficace en monothérapie chez le chat que chez le chien, et elle peut être parfois néphrotoxique chez le chat. Étant donné le risque de maladie rénale chronique chez les chats vieillissants, il faut en tenir compte lors de l’élaboration du protocole thérapeutique. La doxorubicine est également extrêmement irritante ; elle peut provoquer une large desquamation tissulaire en cas d’extravasation, de sorte qu’une sédation peut être nécessaire pour sécuriser l’administration chez certains chats peu coopératifs. En revanche, le risque de cardiotoxicité de la doxorubicine est très improbable chez le chat, aux doses et aux schémas standards.
Tableau 1. Protocole COP standard (cyclophosphamide, vincristine (oncovin®) et prednisolone/prednisone) pour les chats.
Médicament | Semaine 1 | Semaine 2 | Semaine 3 | Semaine 4 | Semaines 7, 10, 13, 16, 19, 22, 25 |
---|---|---|---|---|---|
Vincristine | x | x | x | x | x |
Cyclophosphamide | x | x | x | ||
Prednisolone | x | x | x | x | x |
Si le chat est en rémission à la semaine 25, la chimiothérapie (y compris la prednisolone) sera stoppée. Si une rémission complète n’a pas été obtenue à la semaine 7 (c’est-à-dire après la période d’induction plus intense des semaines 1 à 4), des traitements supplémentaires ou alternatifs doivent être envisagés. Historiquement, un protocole COP de chimiothérapie continue ont été recommandés. Selon l’expérience de l’auteur, les chats en rémission après 6 mois de traitement peuvent être traités avec des schémas discontinus comme ci-dessus. | |||||
Vincristine : 0.7 mg/m2 IV; Cyclophosphamide : 250 mg/m2 IV/PO; Prednisolone : 2 mg/kg PO q24h pendant 14 jours puis 1 mg/kg q48h |
Tableau 2. Protocole CHOP standard (COP plus doxorubicine (hydroxydaunorubicine)) pour les chats.
Semaine | 1 | 2 | 3 | 4 | 6 | 7 | 8 | 9 |
Vincristine | x | x | x | x | ||||
Cyclophosphamide | x | x | ||||||
Doxorubicine (ou épirubicine) | x | x | ||||||
Prednisolone | x | x | x | x | x | x | x | x |
Semaine | 11 | 13 | 15 | 17 | 19 | 21 | 23 | 25 |
Vincristine | x | x | x | x | ||||
Cyclophosphamide | x | x | ||||||
Doxorubicine (ou épirubicine) | x | x | ||||||
Prednisolone | x | x | x | x | x | x | x | x |
Vincristine: 0.7 mg/m2 IV; Cyclophosphamide: 250 mg/m2 IV/PO; Doxorubicin or epirubicin: 1 mg/kg or 25 mg/m2 IV Prednisolone: 2 mg/kg/jour en semaine 1 ; 1,5 mg/kg/jour en semaine 2 ; 1 mg/kg/jour en semaine 3 ; puis 0,5 mg/kg/jour |
Dans une étude rétrospective, les chats atteints de lymphome médiastinal et traités par les protocoles COP ou CHOP présentent un taux de réponse global de 95 %, avec une médiane de survie (MS) globale d’un peu plus d’un an (980 jours en cas de réponse complète 8. Les taux de réponse complète (RC) et de réponse partielle (RP) ne diffèrent pas de manière significative entre les protocoles COP et CHOP, la MS globale étant de 373 jours (20 à 2 015 jours). Les chats présentant une RC survivent plus longtemps (MS de 980 jours, contre 42 jours en cas de RP). L’âge, la race, le sexe, la localisation (seulement médiastinale ou médiastinale plus d’autres sites), le statut viral et un traitement antérieur aux corticoïdes n’influencent pas la réponse ou la survie. Dans cette étude, la prévalence des chats FeLV positifs était faible (9 %) et les mâles et les jeunes siamois apparaissaient surreprésentés.
En revanche, chez les jeunes chats FeLV-positifs, le lymphome médiastinal est généralement associé à un mauvais pronostic, la MS étant estimée à 2-3 mois environ après un traitement par un protocole CHOP ou COP. Des résultats légèrement meilleurs ont été observés dans une petite étude rétrospective brésilienne récente : la MS des chats atteints de lymphome médiastinal (issus d’une population FeLV-positive à 90 %) fut de 7 mois environ, en utilisant un nouveau protocole associant vincristine, prednisolone, doxorubicine et lomustine 9.
La chimiothérapie ne doit pas être considérée comme une formule magique et, bien que les protocoles soient utiles au départ, ils doivent être adaptés à chaque individu. Les effets indésirables peuvent inclure des troubles gastro-intestinaux, une myélosuppression (principalement une neutropénie) et (rarement) une toxicité spécifique du médicament, comme des lésions rénales induites par la doxorubicine. Il est nécessaire de connaître les antécédents du chat, ses réponses antérieures à la chimiothérapie et les éventuels effets indésirables observés. Des analyses sanguines appropriées seront réalisées pour tenter d’optimiser la posologie, c’est-à-dire pour savoir si la chimiothérapie doit être augmentée, réduite ou maintenue telle quelle. La plupart des cliniciens ne démarrent une chimiothérapie que si le nombre absolu de neutrophiles (et pas le nombre total de globules blancs !) est supérieur à 2,5 x 109/L mais une chimiothérapie sûre peut être initiée même si le nombre est inférieur à cette valeur, en fonction de divers facteurs. Il n’y a pas vraiment de seuil défini à partir duquel le nombre de neutrophiles garantit qu’un protocole donné peut être effectué sans risque. Selon l’expérience respective des cliniciens, ils utilisent des seuils différents pour différents médicaments. La doxorubicine est, par exemple, un médicament particulièrement myélosuppressif, qui peut provoquer une neutropénie sévère. Ainsi, lorsqu’ils l’utilisent, certains oncologues se basent sur un seuil de neutrophiles plus élevé avant d’administrer sereinement la dose suivante. De même, certains cliniciens se montrent prudents s’ils traitent un chat fragile, s’ils ont déjà observé une neutropénie sévère ou si le propriétaire du chat est très préoccupé par les effets indésirables potentiels. À l’inverse, en l’absence de neutropénie, de myélosuppression et d’effet clinique indésirable, certains cliniciens peuvent choisir d’augmenter la dose du médicament sélectionné lors des traitements suivants. Une étude récente a montré que, chez les chiens à lymphome traités pendant 19 semaines selon un protocole CHOP, le traitement se poursuivait tant que le nombre de neutrophiles était > 1,5 x 109/L ; le nombre de doses administrées tardivement a été réduit et cela n’a pas été associé à une hausse significative des effets indésirables. Bien que de telles données ne soient pas actuellement disponibles pour les chats, il est probable qu’une chimiothérapie « sûre » puisse être initiée à un seuil inférieur à 2,5 x 109/L ; une neutropénie significative peut cependant nécessiter de réduire la dose du médicament ou d’augmenter l’intervalle entre les doses. Ainsi, si le nombre de neutrophiles du chat est inférieur au seuil choisi au moment de l’administration prévue, un délai de 2 à 7 jours (en fonction de l’ampleur de la neutropénie) sera respecté. Si le phénomène recommence lors des doses suivantes ou si la neutropénie est sévère, une réduction de la dose peut être justifiée lors des prochaines administrations.
Ceci illustre l’art de la chimiothérapie, qui s’acquiert en partie avec l’expérience, mais aussi avec le temps, en traitant des cas individuels. En pratique, la plupart des chats tolèrent bien la chimiothérapie. Grâce à l’expérience et aux compétences acquises, à des changements de médicaments, à la réduction de la dose, à l’interruption des administrations ou à une modification de leur fréquence ainsi qu’à une prophylaxie antiémétique, les chats peuvent bénéficier d’une excellente qualité de vie tout en recevant une chimiothérapie. Il faut noter que les chats semblent résister à la cystite induite par la cyclophosphamide et à la cardiotoxicité induite par la doxorubicine, et ils développent rarement des infections, même en cas de neutropénie iatrogène sévère. De nombreuses études indiquent que la majorité des propriétaires sont satisfaits de la qualité de vie de leur animal traité par chimiothérapie pour son lymphome 10 (Figure 6).
Lorsque les signes cliniques réapparaissent, divers protocoles de chimiothérapie de substitution sont disponibles, incluant différents médicaments auxquels les cellules tumorales n’ont pas encore été exposées (Tableau 3). Malheureusement, une chimiorésistance intrinsèque ou une résistance croisée acquise sont souvent observées pour plusieurs médicaments. L’état de nombreux chats est très altéré lorsqu’ils rechutent, ce qui laisse moins de temps pour essayer différents protocoles de remplacement afin de déterminer le traitement le plus efficace. Le taux de réponse est généralement modeste et peu durable, mais si les animaux développent une réponse partielle forte ou complète, le pronostic est nettement amélioré.
Tableau 3. Protocoles classiques de chimiothérapie de « substitution » lors de récidive de lymphome félin.
Médicament(s) | Taux de réponse | Temps médian de rémission |
---|---|---|
Lomustine, méthotrexate et cytarabine | 46 % | 61 jours |
MOPP (méchloréthamine, vincristine, procarbazine, prednisolone) | 70 % | 166 jours |
MOMP (méchloréthamine, vincristine, melphalan, prednisolone) | 58 % | 39 jours |
DMAC (dexaméthasone, melphalan, actinomycine D, cytarabine) | 26 % | 14 jours |
Lomustine (CCNU) | 54 % | 39 jours |
La radiothérapie a été fréquemment utilisée, avec beaucoup de succès, pour traiter certains lymphomes félins isolés, en particulier le lymphome nasal, mais elle a curieusement été très peu utilisée pour le lymphome médiastinal. Les raisons sont probablement multiples : association antérieure avec le FeLV conduisant à un mauvais pronostic, rareté des centres de traitement disponibles, faible aptitude à supporter l’anesthésie (parfois répétée), difficulté à cibler la tumeur en raison des mouvements respiratoires, épanchement pleural volumineux, grosses tumeurs et crainte de la sensibilité aux radiations des tissus intrathoraciques normaux proches de la tumeur (en particulier le péricarde, le cœur et les poumons). Les lymphocytes sont extrêmement sensibles aux rayonnements et meurent très rapidement ; les lymphomes peuvent donc être traités efficacement avec des doses plus faibles que la plupart des autres types de tumeurs. Par conséquent, avec le développement de structures de radiothérapie sophistiquées, cette thérapie pourrait devenir une ressource potentielle. Par exemple, chez les chats atteints d’un lymphome médiastinal, les rechutes concernent souvent le médiastin. La radiothérapie seule, ou associée à la chimiothérapie, pourrait donc éradiquer plus efficacement les lymphocytes néoplasiques que la chimiothérapie seule. Elle pourrait ainsi être intégrée au traitement recommandé en première intention. À ce jour, l’auteur a surtout utilisé la radiothérapie comme un traitement palliatif lors de rechute après un traitement initial par chimiothérapie systémique, avec de bons résultats (bien que temporaires) (Figure 7).
a |
b |
Figure 7. Radiographies exploratoires d’un chat atteint d’un lymphome médiastinal traité par radiothérapie à visée palliative. Il avait auparavant répondu à une chimiothérapie CHOP, mais le lymphome était réapparu dans le médiastin et les ganglions mandibulaires et pré-scapulaires quelques mois plus tard. Il n’y a pas eu de réponse à la 2e chimiothérapie. La radiographie de pré-traitement (a) montre l’absence de silhouette cardiaque et la présence d’un épanchement pleural. Lors du traitement final, seulement 4 jours plus tard (b), il y avait une réponse radiographique complète au traitement. La ligne rouge indique la zone qui a été traitée par radiothérapie.
© James Elliott
Les chats atteints de lymphome médiastinal présentent généralement des signes respiratoires relativement aigus et nécessitent souvent un triage en soins intensifs, bien que le diagnostic soit relativement facile à établir. Aujourd’hui, les chats atteints de lymphome médiastinal sont généralement FeLV-négatifs et leur pronostic de survie peut dépasser un an avec une chimiothérapie adaptée. Chez les chats atteignant la rémission complète, celle-ci peut être très durable (> 2,5 ans). Le pronostic peut même être particulièrement bon chez de jeunes chats orientaux mâles, FeLV-négatifs. La plupart des chats répondent cependant favorablement à la chimiothérapie et peuvent avoir une bonne qualité de vie sous traitement.
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James Elliott
Le Dr Elliott est diplômé de l’Université d’Édimbourg et a travaillé en clientèle généraliste avant d’effectuer un internat et un résidanat en oncologie des animaux de compagnie à l’Université de Liverpool En savoir plus
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