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Veterinary Focus

Numéro du magazine 34.1 Autre scientifique

Le prurit chez le chien : causes et traitements

Publié 19/04/2024

Ecrit par Frédéric Sauvé

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Español et English

Cet article explique que, pour réussir à traiter le prurit chez un chien, il faut d’abord comprendre ce qui pousse l’animal à se gratter.

Bull Terrier

Points clés

Le traitement du prurit n’est possible qu’après avoir suivi une approche rigoureuse permettant de confirmer ou d‘exclure les principales causes. 


La physiopathologie du prurit varie en fonction de l’affection présentée par l‘animal ; les médiateurs du prurit sont parfois différents, ce qui peut en partie expliquer l‘absence de réponse à certains antiprurigineux.


Plusieurs stratégies thérapeutiques peuvent être appliquées pour contrôler le prurit, mais aucune n‘est efficace dans tous les cas.


Le meilleur antiprurigineux est celui qui traite la cause de l‘affection si elle est guérissable, ou celui qui provoque le moins d‘effets secondaires.


Introduction – qu’est-ce que le prurit ?

Le prurit est défini comme « une sensation désagréable provoquant un réflexe qui, chez les animaux, peut se traduire par le grattage, le mordillement, la succion, le frottement contre des surfaces ou un léchage excessif » 1,2. Les signes du prurit sont parfois subtils et seule la perte de poils est alors visible (alopécie auto-infligée), mais ils peuvent aussi entraîner des lésions cutanées 3. Pour l‘animal, ce comportement est une façon de se protéger contre des agents irritants externes (tels que des insectes, des substances chimiques ou des plantes toxiques 1,2,4) mais il peut affecter négativement la qualité de vie de l‘animal ainsi que celle de ses propriétaires si l‘affection est chronique 5.

Le prurit est l‘un des principaux motifs de consultation en dermatologie des animaux de compagnie 2. En médecine humaine, le prurit est classifié en fonction de son type (aigu, chronique, neuropathique, pruriréceptif ou psychogène) ou de sa présentation clinique (dermatologique, systémique, neurologique, psychogène, mixte ou autre) 1,6,7. Le prurit n’est pas aussi clairement classifié chez les animaux bien que des causes dermatologiques (Figure 1), psychogènes (Figure 2) et neuropathiques (Figure 3) soient décrites 2,3. Fréquemment associée à une cause dermatologique, la sensation exacte ressentie par l‘animal ne peut pas être définie avec précision 3. En se basant sur les différentes sensations décrites chez l‘Homme, un animal pourrait être poussé à se gratter ou se mordiller 1 quand il ressent des brûlures, des picotements, des piqûres ou un engourdissement 3.

Alopécie sur le pavillon de l’oreille d’un chien atteint de gale sarcoptique

Figure 1. Alopécie auto-infligée localisée sur et autour du pavillon de l‘oreille chez un chien présentant une gale sarcoptique (affection dermatologique).
© Frédéric Sauvé

Les signes du prurit résultent physiologiquement de la réponse motrice provoquée par la stimulation du thalamus. Le thalamus est cependant activé de manière variable selon que ce sont ou non des neurones histaminergiques qui sont stimulés 1,2,8. Bien que plusieurs médiateurs soient impliqués dans le prurit, deux voies neurophysiologiques prédominantes conduisent les signaux du prurit de la peau au thalamus. La première est une voie stimulée par l‘histamine, qui implique des afférences primaires ne répondant pas aux stimuli mécaniques ; la seconde est une voie indépendante de l‘histamine, stimulée par l‘activation des nocicepteurs cutanés 1,2,9. Des pruricepteurs sont présents dans la peau mais il n’est pas certain que ces récepteurs soient vraiment distincts des nocicepteurs 9,10.

Lorsqu‘une substance irritante provoque une réaction cutanée soudaine (aiguë), l’activation des pruricepteurs entraîne la libération d‘une multitude de substances pruritogènes (histamine, cytokines, protéases et chimiokines) par les cellules locales. Les cellules cutanées libérant le plus de ces substances sont les kératinocytes, les mastocytes et les basophiles. La molécule clé du prurit aigu est l‘histamine, qui se lie aux récepteurs H1 et H4 sur les terminaisons nerveuses histaminergiques libres 2,7,8. Si le prurit et l‘inflammation résultant du stimulus initial parviennent à éliminer le facteur causal, le prurit ne persiste pas plus de quelques jours 7.

Éruption cutanée sur l’aine d’un Doberman

Figure 2. Éruption cutanée autour de l‘aine et du côté gauche de ce Doberman, suite à la succion répétée de la zone (trouble psychogène).
© Frédéric Sauvé

Contrairement au prurit aigu, le prurit chronique est généralement induit par des stimuli chimiques ou mécaniques non histaminergiques, liés à une affection générale ou à une maladie cutanée. Il implique une série d‘événements complexes conduisant à la libération constante de médiateurs pruritogènes 1,4. L‘exposition chronique à des substances pruritogènes peut alors conduire à une sensibilisation périphérique ou même centrale 1,8. Ce phénomène de sensibilisation, défini comme une sensibilité accrue à des stimuli normalement peu ou pas prurigineux 1, n‘a pas été bien décrit chez le chien et le chat. La sensibilisation périphérique ou centrale pourrait néanmoins jouer un rôle important lors d’exposition chronique à des médiateurs inflammatoires car elle pourrait modifier le seuil de prurit, en particulier dans le domaine des allergies. Au niveau périphérique, ce seuil peut être modifié par différents mécanismes, tels qu‘une augmentation intra-épidermique du nombre de pruricepteurs ou de mastocytes 1,8,9,10,11. Au niveau central, un prurit soutenu pourrait modifier la transmission des signaux du prurit à travers la moelle épinière et la voie spinothalamique, et altérer les fonctions et la structure du cerveau 8,10,11.

Ce bref rappel de la physiopathologie du prurit peut aider à comprendre pourquoi de nombreux animaux présentant un prurit chronique, d’origine allergique par exemple, ne répondent pas aux antihistaminiques ; cela explique aussi pourquoi l‘administration simultanée de plusieurs antiprurigineux est parfois nécessaire.

Plaie auto-infligée sur la griffe d’un chien

Figure 3. Syndrome de mutilation des extrémités chez un Épagneul Français. La matrice de la griffe est exposée et la face dorsale du doigt montre une zone alopécique étendue. Ces blessures sont auto-infligées (trouble neuropathique).
© Frédéric Sauvé

Approche globale du prurit 

Face à un cas de prurit, la première étape consiste à établir l’anamnèse complète, en s’appuyant éventuellement sur un questionnaire dermatologique standard (Figure 4) et en recueillant des informations à propos d‘autres systèmes. Par exemple, si un chien lèche excessivement l‘un de ses membres, la cause pourrait-elle être liée à une douleur arthrosique plutôt qu‘à un prurit ? L‘utilisation d‘une échelle visuelle analogique1 (Figure 5), qui permet au propriétaire d‘évaluer le degré du prurit en notant l‘intensité apparente des démangeaisons, peut s‘avérer très utile à la fois lors de l‘examen initial et lors des visites de suivi. Des informations générales, telles que l‘âge auquel les signes cliniques sont apparus pour la première fois ainsi que la race, peuvent parfois faciliter le diagnostic. Par exemple, si un cavalier King Charles Spaniel présente un grattage latéral « fantôme » dans la région cervicale, cela évoque fortement une otite moyenne sécrétante primaire, souvent associée à une syringomyélie 12. De même, la succion des flancs chez un jeune Doberman suggère un trouble du comportement 3,13.

1 https://www.cavd.ca/images/CAVD_ÉCHELLE_DE_PRURIT.pdf

Déterminer la sévérité des démangeaisons

Figure 5. L‘échelle visuelle analogique vise à mesurer la sévérité des démangeaisons. Le propriétaire peut placer une marque n‘importe où sur la ligne pour montrer le stade auquel, selon lui, le niveau de démangeaison de son animal correspond actuellement. Par exemple : 2 = démangeaisons très légères, 6 = épisodes réguliers de démangeaisons modérées, 10 = démangeaisons extrêmement sévères/presque constantes.

La deuxième étape consiste à identifier les lésions cutanées et leur répartition. Par exemple, des lésions lombosacrées évoqueront une dermatite par allergie aux piqûres de puces, tandis qu‘un prurit sur la région ventrale et la face feront plus penser à une dermatite atopique (Figure 6) 14.

Érythème ventral sur un Bull Terrier

Figure 6. Dermatite atopique chez un Bull Terrier. Érythème généralisé en face ventrale, incluant le museau et le menton. La chronicité de la dermatite est évidente à cause de la lichénification des aisselles et de la région abdominale, associée par endroits à des croûtes jaunâtres. Ces sites sont classiquement atteints lors de dermatite atopique canine.
© Frédéric Sauvé

Une fois l‘examen terminé, les causes les plus courantes devront être éliminées, notamment les infections cutanées (bactériennes et fongiques), les ectoparasitoses et les hypersensibilités cutanées associées à l‘alimentation ou à l‘environnement 14,15. Cela nécessite une approche rigoureuse, respectant des étapes logiques visant à confirmer ou exclure une infection cutanée ou une infestation parasitaire avant d’envisager une allergie alimentaire ou environnementale. Un examen cytologique simple s’impose en présence de pustules, de collerettes ou de lésions croûteuses, érodées ou ulcérées (Figure 7). Il permet d‘identifier une infection ou une prolifération bactérienne (à Staphylococcus par exemple) ou fongique (Malassezia ou Candida par exemple) pouvant soit être à l‘origine du prurit, soit au moins y contribuer 2,14,15. En cas d‘érythème, qu‘il soit associé ou pas à des papules, à des zones d‘alopécie, à des comédons ou à des lésions croûteuses ou squameuses, il est recommandé de rechercher des ectoparasites grâce à un raclage cutané, un peigne à puces, un scotch-test ou un frottis huileux (pour les oreilles) 2,14,15. Lorsque la recherche reste infructueuse, le seul moyen de confirmer ou d‘infirmer ce diagnostic hypothétique est de procéder à un traitement symptomatique avec un antiparasitaire à large spectre 14.

 

Figure 7. Différentes techniques de prélèvement pour l‘examen cytologique ((a) écouvillonnage ; (b) frottis d‘empreinte ; (c) scotch-test). La technique choisie doit s’adapter au type de lésion (croûtes, ulcères, fistules, etc.) pour que les résultats de la cytologie soient optimaux.
© Frédéric Sauvé

Technique d’examen cytologique : écouvillonnage

a

Technique d’examen cytologique : frottis d’empreinte

b

Technique d’examen cytologique : scotch-test

c

L’examen sous la lumière ultraviolette (lampe de Wood), une culture fongique ou une analyse de réaction en chaîne par polymérase (PCR) pour rechercher des dermatophytes, une culture bactérienne et des biopsies cutanées 2,15. sont d‘autres tests diagnostiques pouvant être réalisés. Les biopsies cutanées sont cependant rarement utiles pour faire le diagnostic étiologique d‘une affection cutanée prurigineuse. Elles devraient être réservées aux cas cliniques atypiques ou aux cas où l‘animal ne répond pas aux traitements antimicrobiens ou antiparasitaires, et où il n‘est pas possible de mettre en évidence une hypersensibilité cutanée. Les biopsies sont aussi recommandées lorsqu’une maladie auto-immune (comme le pemphigus foliacé) (Figure 8) ou une tumeur (comme le lymphome épithéliotrope cutané) sont suspectées d’être à l’origine de l’affection cutanée 2,15.

Une fois que les infections et les infestations cutanées ont été écartées, la possibilité d’une hypersensibilité potentielle sera étudiée en mettant en place un régime d‘élimination pendant 8 semaines. Celui-ci sera formulé à partir d’une source de protéines hydrolysées (idéalement jamais consommée par l‘animal). Il est également possible d‘utiliser un aliment contenant une nouvelle source de protéines pour l‘animal, en sachant toutefois que différentes sources de protéines animales peuvent être à l’origine de nombreuses réactions croisées. Un test d‘allergie (intradermique ou sérologique) sera la dernière étape du processus d‘investigation si le prurit persiste malgré le régime d‘élimination. Le diagnostic de dermatite atopique sera établi grâce aux éléments de contexte, à l‘anamnèse et au tableau clinique compatible avec un état d’hypersensibilité, en l‘absence d‘infection, d‘infestation ou de réactions alimentaires indésirables. Les tests d‘allergie ne servent qu‘à identifier les allergènes environnementaux potentiels avant d‘entreprendre une immunothérapie allergénique 14,15.

Lésions croûteuses typiques du pemphigus foliacé

Figure 8. (a) Chez cet Akita Inu, la répartition des lésions croûteuses est typique du pemphigus foliacé. Le nez présente notamment une dépigmentation, des érosions (voire des ulcères), ainsi que des croûtes en face dorsale. Même si l‘identification de kératinocytes acantholytiques (b) accompagnés de neutrophiles à l‘examen cytologique d’un prélèvement fait sous les croûtes évoque un pemphigus foliacé, c‘est l‘examen histopathologique qui établira le diagnostic définitif.
© Frédéric Sauvé

Prise en charge du prurit : concepts généraux

Les principales causes de prurit peuvent être regroupées en quatre grandes catégories : les parasites, les affections cutanées inflammatoires (infectieuses, irritantes et auto-immunes ou à médiation immunitaire), les allergies et les neuropathies/tumeurs 2,15. Ces catégories ne s‘excluent pas mutuellement et deux affections distinctes peuvent tout à fait être à l’origine du prurit. La meilleure façon de contrôler le prurit est d‘éliminer l‘agent causal de l‘environnement. Identifier et éliminer un agent irritant peut en effet résoudre le problème. Il peut s’agir du contact avec une plante ou un produit chimique toxique, d’un corps étranger, de l’utilisation récente d‘un shampooing, d‘une crème solaire, d‘un insecticide en spray ou en poudre, d’un collier antipuce, etc. De même, les antimicrobiens et les antiparasitaires seront les meilleurs traitements antiprurigineux en cas d‘infection cutanée ou de présence d‘ectoparasites. En cas d‘allergie cutanée, l’évitement des allergènes impliqués dans les allergies aux piqûres de puces, la dermatite atopique et les réactions alimentaires indésirables, permettra de guérir l‘affection 16. Il est relativement facile d’instaurer un traitement agressif contre les puces dans le cas d’une dermatite allergique aux puces et de contrôler le régime alimentaire lors de réactions alimentaires indésirables pour mieux contrôler le prurit. En revanche, l‘évitement des allergènes environnementaux est rarement possible. D‘autres stratégies à long terme seront alors mises en œuvre, comme l‘immunothérapie allergénique, le traitement par des antiprurigineux stéroïdiens ou non stéroïdiens, et les traitements biologiques 16. L‘hypersensibilité médicamenteuse et la dermatite allergique de contact sont d’autres causes potentielles d‘allergies cutanées. Le cas échéant, l’arrêt du médicament ou le retrait de la substance ou de l‘objet responsable devrait mettre fin au prurit. Enfin, en cas de suspicion de troubles psychogènes ou neurogènes, les médicaments à privilégier sont ceux qui modifient le comportement (tels que les antidépresseurs tricycliques ou les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine 2,8), ou ceux qui ciblent les voies neurologiques périphériques ou centrales (tels que la gabapentine ou la prégabaline) 2,8,9.

Frédéric Sauvé

Les biopsies cutanées sont rarement utiles au diagnostic étiologique d‘une affection cutanée prurigineuse ; elles devraient être réservées aux cas cliniques atypiques ou lorsque l‘animal ne répond pas aux traitements antimicrobiens ou antiparasitaires, et qu‘il n‘est pas possible de mettre en évidence une hypersensibilité cutanée.

Frédéric Sauvé

Traitements antiprurigineux 

Prurit aigu

Les médicaments antiprurigineux peuvent être utiles à court terme pour soulager rapidement l‘animal pendant que l’identification et le contrôle de l‘agent causal sont en cours. Les glucocorticoïdes topiques ou systémiques (à dose anti-inflammatoire) sont en général les médicaments les plus efficaces, en raison de leur puissant effet anti-inflammatoire et de leur rapidité d‘action. Comme ils agissent à plusieurs niveaux de la cascade inflammatoire et des voies de transmission du prurit, ils sont particulièrement efficaces pour traiter les cas de dermatose inflammatoire prurigineuse s‘ils sont utilisés rapidement 2,16,17,18. Les effets secondaires des glucocorticoïdes (topiques et systémiques) sont cependant nombreux (Tableau 1), en particulier lorsqu‘ils sont utilisés sur une période prolongée (Figure 9).

Tableau 1. Effets secondaires rapportés après administration de glucocorticoïdes par voie générale ou topique.

Systèmes Effets secondaires
Appareil tégumentaire 
  • Atrophie cutanée
  • Alopécie
  • Comédons
  • Vaisseaux sanguins dermiques proéminents
  • Phlébectasie
  • Purpura
  • Cloques sous-épidermiques
  • Hypopigmentation
  • Retard de cicatrisation
  • Pyodermite bactérienne
  • Gale démodécique
  • Calcinose cutanée
  • Squamosis
Système cardiovasculaire/Système métabolique
  • Hypertension
  • Halètement
  • Hyperlipidémie
  • Intolérance au glucose
  • Hépatomégalie
  • Redistribution des graisses, obésité
  • Polyphagie
  • Polyurie, polydipsie
Système endocrine
  • Infertilité, anœstrus, atrophie testiculaire
  • Avortement
  • Retard de croissance
  • Atrophie surrénalienne
  • Hyperadrénocorticisme iatrogène 
  • Déséquilibres des hormones thyroïdiennes
Système gastrointestinal
  • Ulcères gastro-intestinaux
  • Saignement gastrique
  • Perforation intestinale
Système musculosquelettique
  • Ostéoporose
  • Atrophie, faiblesse musculaire 
  • Distension abdominale
  • Intolérance à l‘effort
  • Laxité ligamentaire
Autres
  • Immunosuppression
  • Changements de comportement (irritabilité, agressivité, léthargie)
  • Glaucome, cataracte
  • Neuropathie périphérique
Calcinose cutanée et comédons : effets secondaires suite à l’administration de glucocorticoïdes

Figure 9. Effets secondaires cutanés causés par l‘administration orale prolongée de glucocorticoïdes à un chien atteint de dermatite atopique. Il y a présence de calcinose cutanée et de comédons autour de la vulve, et le plissement de la peau de l‘abdomen suggère une peau fine et hypotonique.
© Frédéric Sauvé

Prurit chronique

Il n‘existe pas de solution unique permettant de contrôler efficacement tous les types de prurit. La majorité des études publiées à propos des traitements antiprurigineux se sont concentrées sur la dermatite allergique et ont identifié différentes cibles thérapeutiques. Lors de dermatite atopique canine, les cytokines susceptibles d‘induire un prurit comprennent les interleukines (IL)-4, IL-13, IL-31 et IL-33, ainsi que la lymphopoïétine stromale thymique (TSLP) 1,7,16,19. Cette dernière est liée à une réponse immunologique de type 2 (lymphocytes T auxiliaires de type 2). Chez le chat, qui a été moins étudié, l‘histamine, l‘IL-4 et l‘IL-31 sont des médiateurs potentiels du prurit 16,20).

Dans le cas d‘un prurit chronique causé par une allergie, les traitements topiques avec des glucocorticoïdes ou le tacrolimus à 0,1% peuvent être efficaces mais leur application est souvent rendue difficile par le pelage de l‘animal, la taille des zones à traiter et le comportement de toilettage, en particulier chez le chat 2,18,21. En cas de prurit chronique et généralisé, un traitement systémique est donc préférable. Les médicaments antiprurigineux les plus couramment utilisés par voie systémique sont les glucocorticoïdes, l‘oclacitinib, la ciclosporine et le lokivetmab (Tableau 2). 

Tableau 2. Médicaments antiprurigineux systémiques pour la prise en charge du prurit, en particulier lors d’hypersensibilité cutanée.

Treatment Posologie
Traitement(lo)ne/
Methylprednisolone
0,5 mg/kg administré par voie orale toutes les 24 heures jusqu‘à ce que le prurit soit maîtrisé ; la fréquence d‘administration et la dose seront progressivement réduites jusqu‘à trouver la dose/fréquence idéale pour maintenir le confort de l’animal.
Oclacitinib 0,4-0,6 mg/kg administrés par voie orale toutes les 12 heures pendant 14 jours, puis toutes les 24 heures. Il est possible de commencer par q24H pour les cas de prurit léger à modéré.
Cyclosporine 5 mg/kg administrés par voie orale toutes les 24 heures pendant 4 à 6 semaines. La dose ou la fréquence d‘administration pourront parfois ensuite être réduites. L‘administration de gélules congelées ou d‘une solution orale réfrigérée permet de réduire les effets secondaires gastro-intestinaux.
Lokivetmab 1-2 mg/kg administrés par voie sous-cutanée toutes les 4 semaines ou selon les besoins.

 

Glucocorticoïdes

Les glucocorticoïdes les plus fréquemment administrés par voie orale restent la prednisone et la méthylprednisolone. Ces médicaments sont abordables et efficaces pour traiter les épisodes de prurit aigu et contrôler les dermatoses chroniques, à condition que la dose et la fréquence d‘administration soient faibles 2,17,19. Les produits injectables à action prolongée seront évités en raison de leurs effets secondaires.

Oclacitinib

Grâce à son action rapide (le pic plasmatique est atteint en 1 heure), l‘oclacitinib est un traitement de choix pour le prurit aigu et chronique chez les chiens de plus de 12 mois. Son action inhibitrice sur la voie JAK-STAT interfère avec l‘activité d‘importantes cytokines pruritogènes, dont l‘IL-4, l‘IL-13 et surtout l‘IL-31 21.

Cyclosporine

La ciclosporine inhibe la calcineurine dans les lymphocytes T CD4+, ce qui altère la libération de cytokines potentiellement inflammatoires ou pruritogènes. La ciclosporine par voie orale est indiquée pour contrôler la dermatite allergique car elle agit sur différents aspects de la réponse immunitaire : réduction de la synthèse d‘IL-2 et d‘IL-4, diminution du nombre de mastocytes et de leur contenu en histamine, modification de la survie et de la fonction des éosinophiles, et réduction de l‘IL-31 sérique 22,23. Il faut cependant l‘administrer pendant au moins 4 semaines pour observer une diminution du prurit chez le chien et elle est donc plus utile au traitement des affections chroniques 2,17

Lokivetmab

Le lokivetmab est un médicament biologique destiné uniquement au chien : un anticorps monoclonal « caninisé » cible l‘IL-31 circulante. Très efficace pour contrôler le prurit, notamment dans le cadre de la dermatite atopique, ce traitement est issu d‘une découverte majeure concernant le rôle critique que joue l‘IL-31 en tant que médiateur du prurit lors de dermatite atopique canine 21,24. Ce traitement est très sûr et aucune interaction n’est connue avec d‘autres médicaments ou maladies associées. Le lokivetmab est indiqué à la fois pour le prurit aigu ou chronique car il commence à agir en moins de 3 jours 21.

Antihistaminiques

Pour les raisons mentionnées ci-dessus, les effets bénéfiques des antihistaminiques sont modestes. Au mieux, ils peuvent servir à traiter les cas de prurit léger, en tant que traitement occasionnel ou régulier, une fois que l’épisode de prurit aigu est maîtrisé 2,17. En outre, il est souvent nécessaire d‘essayer plusieurs antihistaminiques afin de trouver celui qui convient le mieux à un animal donné.

Divers

L‘amitriptyline est un antidépresseur tricyclique ayant des propriétés antihistaminiques ; les tests montrent qu‘elle contrôle au moins partiellement le prurit chez environ 32 % des chiens 25. D‘autres traitements ont également été étudiés (comme le misoprostol, l‘arofylline, la pentoxifylline et l‘azathioprine) mais les résultats ne montrent pas d’efficacité particulière pour contrôler le prurit 2

Conclusion

La clé du succès repose sur une approche systématique permettant d‘éliminer une à une les différentes causes du prurit. Maintenir une bonne communication avec le propriétaire et utiliser des outils cliniques tels que des diagrammes, des algorithmes ou des fiches d‘information permettront de s‘assurer que le propriétaire s‘engage dans le processus et comprenne les étapes à suivre. Un suivi de l’intensité du prurit et des visites régulières sont nécessaires pour faire le diagnostic et proposer le traitement le plus approprié. Les dermatoses prurigineuses chroniques peuvent sérieusement affecter la santé psychologique et physique des animaux et de leurs propriétaires. Une meilleure compréhension de la pathogénie de la maladie qui affecte l‘animal et des médiateurs du prurit permettra d’utiliser plus efficacement les différents traitements disponibles. Le propriétaire sera ainsi rassuré quant au fait que son animal bénéficiera à terme d‘un plus grand confort et d‘un plus grand bien-être.

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Frédéric Sauvé

Frédéric Sauvé

Le Dr Sauvé a obtenu une maîtrise en sciences puis a effectué un résidanat en dermatologie vétérinaire dans la même université En savoir plus

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