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Veterinary Focus

Numéro du magazine 1 Marketing et vente

L’importance de l’expérience client

Publié 05/05/2021

Ecrit par Philippe Baralon , Antje Blättner , Pere Mercader et Susie Samuel

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Español , English et ภาษาไทย

Les praticiens vétérinaires ne sont pas toujours conscients de leur environnement. Ils ne restent jamais longtemps dans la salle d’attente des clients. Ils entrent même parfois dans la clinique par une autre porte que celle utilisée par les clients. Or, quand un client vit une expérience désagréable à la clinique, cela peut avoir des conséquences importantes, même s’il s’agit d’un petit détail. Ce chapitre développera aussi le concept de taux de recommandation net (TRN ou NPS Net Promoter Score en anglais), très utile pour évaluer le degré de satisfaction de vos clients. Des études basées sur l’estimation du TRN ont montré à quel point les expériences positives vécues par les clients sont favorables au chiffre d’affaires et à la rentabilité de la clinique.

© Shutterstock

L’importance de l’expérience client

Points clés

Toutes les cliniques perdent des clients mais quantifier ce phénomène permet de faire la différence entre les cliniques rentables et celles qui ne le sont pas.


Le taux de recommandation net (TRN) est un des meilleurs outils pour mesurer la satisfaction des clients.


L’influence des commentaires négatifs ou positifs de vos clients, ainsi que l’image de votre personnel sur Internet, ne doivent pas être sous-estimés.


 

Auto-évaluation : trouvez les 15 erreurs

L’histoire d’un client, qui aurait peut-être pu se produire dans votre clinique, est racontée ci-dessous : lisez-la avec attention et identifiez les « erreurs » commises par la clinique.

«Jeudi, peu après 19 h 30, dans sa voiture, sur le chemin du retour à la maison, Marianne pouvait entendre Vicky miauler légèrement dans sa boîte de transport. 

Tout avait commencé mardi soir. En rentrant du travail vers 19 h 00, Marianne a eu la surprise de ne pas voir sa jeune chatte la solliciter pour son habituelle séquence de caresses. Vicky était restée dans son coin. Préoccupée par un travail à terminer, Marianne ne s’est d’abord pas inquiétée, notamment car Vicky est plutôt indépendante. Mercredi matin, Vicky n’avait presque pas touché à ses croquettes et Marianne s’est décidée à appeler sa clinique vétérinaire pour obtenir un rendez-vous avec le docteur Samson.

Après six ou sept sonneries, quelqu’un a fini par décrocher (Figure 1) et Marianne a pu expliquer ce qui arrivait à son animal et solliciter un rendez-vous pour le soir même, de préférence après 18 h 00. Elle serait sortie plus tôt du boulot, aurait évité l’heure de pointe, rejoint son domicile en environ 45 minutes, récupéré Vicky et, en une quinzaine de minutes, serait arrivée à la clinique. Son interlocutrice lui explique d’abord que le docteur Samson ne consulte pas le mercredi et que le planning de consultations de la fin de l’après-midi est complètement saturé. Pourquoi ne pas venir le lendemain, jeudi, un créneau étant disponible à 17 h 00 (mais pas avec le docteur Samson). Marianne insiste pour avoir un rendez-vous le jour même, ou le jeudi, mais plus tard, en fin d’après-midi. Devant l’impossibilité à chaque fois réaffirmée, elle finit par accepter le rendez-vous de jeudi à 17 h 00. Mercredi soir, l’état de Vicky ne s’était pas vraiment dégradé, mais elle n’avait toujours presque pas mangé et restait dans son coin. Au moins, Marianne avait-elle eu le temps de s’organiser pour prendre son jeudi après-midi afin de conduire sa chatte chez le vétérinaire.

 

 

Figure 1. Après 6 ou 7 sonneries, quelqu’un a fini par répondre à Marianne au téléphone.
Figure 1. Après 6 ou 7 sonneries, quelqu’un a fini par répondre à Marianne au téléphone. © Shutterstock

Arrivée devant la clinique jeudi vers 16 h 45, Marianne a la surprise de voir que le parking est saturé. Il lui faut trouver un stationnement dans une rue avoisinante, ce qui n’est jamais facile dans le quartier. Après cinq minutes d’exploration infructueuse, elle décide d’opter pour le parking public distant de 700 mètres. Le temps de remonter du deuxième sous-sol et de marcher rapidement vers la clinique, elle arrive vers 17 h 10. Accueillie par une personne souriante et attentionnée, elle est dirigée vers la zone d’attente. Il ne reste que deux chaises libres et Marianne choisit celle qui l’éloigne le plus du gros chien sympathique mais un peu trop intéressé par la boîte au fond de laquelle Vicky s’est blottie (Figure 2).

Figure 2. La salle d’attente est presque pleine. Marianne choisit une chaise éloignée d’un gros chien.
Figure 2. La salle d’attente est presque pleine. Marianne choisit une chaise éloignée d’un gros chien. © Shutterstock

Vers 17 h 35, Marianne commence à s’agiter sur son siège et à tenter d’attirer l’attention de la réceptionniste. Celle-ci est d’abord occupée à répondre au téléphone – visiblement quelqu’un demande des nouvelles fort détaillées d’un chien hospitalisé – avant d’accueillir une autre personne et enfin d’encaisser le règlement d’un client sortant d’une des salles de consultation. Vers 17 h 45, la réceptionniste croise le regard interrogatif de Marianne et lui fait signe que ce ne sera plus long. C’est vers 18 h 10 que Marianne est invitée à se diriger vers la salle de consultation numéro 3 où une jeune vétérinaire qu’elle ne connaît pas l’accueille sobrement.

Après quelques minutes d’anamnèse, la jeune vétérinaire commence à examiner Vicky, tout en continuant à poser quelques questions. Elle suggère avec insistance, « pour la prochaine fois », de ne pas attendre avant de présenter Vicky en consultation, « car deux jours perdus avant de recevoir un traitement adapté peuvent faire la différence et représenter une perte de chances ». Marianne essaie bien d’expliquer la difficulté d’avoir un rendez-vous et les efforts qu’elle a consentis pour venir ce soir, mais la vétérinaire se replonge dans son examen clinique, et finalement la cliente juge préférable de ne pas la perturber davantage. La jeune vétérinaire explique qu’elle suspecte une infection urinaire et qu’elle se propose de prendre Vicky quelques instants en salle de soins pour réaliser une « cystocentèse » afin de procéder à une analyse d’urine et à une prise de sang pour un « bilan biochimique 6 paramètres ». Marianne donne son accord bien qu’elle ignore ce que « cystocentèse » et « bilan biochimique 6 paramètres » recouvent exactement.

Après un nouveau passage en salle d’attente pour une quinzaine de minutes, la cliente est invitée à retourner en salle de consultation où elle retrouve Vicky. La jeune vétérinaire, très souriante, lui explique que l’analyse d’urine a confirmé le diagnostic d’infection urinaire et qu’elle a sans plus attendre injecté un antibiotique à la chatte, ajoutant que « les choses devraient rentrer dans l’ordre dans les deux à quatre jours » et que dans l’intervalle, « il est important que Vicky boive beaucoup ». Marianne comprend également que la réceptionniste s’occupera de lui délivrer le traitement nécessaire et qu’il est temps de prendre congé. Après avoir salué la vétérinaire, qui accueille déjà un client et son berger allemand, c’est vers 18 h 55 que Marianne arrive de nouveau à l’accueil. Dès qu’elle a raccroché, la réceptionniste, toujours charmante, explique le traitement à donner à Vicky : un comprimé matin et soir pendant 7 jours.

« Des comprimés ?, reprend Marianne, mais j’ai la plus grande difficulté à en faire avaler à Vicky, c’est à chaque fois un combat ». Son interlocutrice lui explique qu’il est vraiment regrettable qu’elle n’ait pas signalé ce point à la vétérinaire qui aurait pu opter pour un traitement injectable longue action et éviter le recours aux comprimés. La réceptionniste poursuit : « Vous savez, il n’est pas si difficile de faire avaler des comprimés à un chat et avec un peu de patience, on finit toujours par y arriver ». Pour conclure, elle remet à sa cliente un document A4 illustrant avec des schémas fort bien faits la manière d’administrer un comprimé à un animal (en l’occurrence un caniche).

Ensuite elle lui annonce le prix à acquitter : 177 €. Franchement surprise, Marianne exprime son incompréhension quant à l’écart entre le prix de la consultation, 42 €, et le montant total de 177 € (Figure 3). Calmement, et toujours avec le sourire, la réceptionniste lui commente oralement le décompte : « la consultation à 42 €, la cystocentèse à 20 €, l’analyse d’urine à 23 €, la prise de sang à 11 € et la biochimie 6 paramètres à 38 €, une injection d’antibiotique 13 € et 14 comprimés à 30 €, le total fait donc bien 177 € ». Effectivement, le compte est bon.

 

 

Figure 3. Marianne est extrêmement surprise d’avoir à payer une somme si importante.
Figure 3. Marianne est extrêmement surprise d’avoir à payer une somme si importante. © Shutterstock

Tout en lui tendant sa carte bancaire, Marianne interroge la réceptionniste sur la biochimie sanguine à 38 € (hors prise de sang) : « J’ai bien compris l’intérêt de l’analyse d’urine, puisque c’est ce qui a permis de confirmer le diagnostic, mais pour la biochimie, je n’en ai plus entendu parler et je n’ai pas eu communication des résultats… ». Sans se départir de son sourire, son interlocutrice la rassure : « Si la vétérinaire ne vous a pas commenté les résultats, c’est probablement que tout est normal ou compatible avec une infection urinaire. Avez-vous d’autres questions ? » À ce stade, Marianne juge préférable de ne pas poser d’autres questions, procède au règlement, se saisit de la boîte de transport hébergeant Vicky, du sachet contenant les comprimés et l’ordonnance, avant de rejoindre le parking public pour reprendre sa voiture, vers 19 h 25. »

Que penser de l’expérience de Marianne ? Vicky a très probablement bénéficié d’un diagnostic précis et étayé et reçu en conséquence un traitement adapté et efficace. Médicalement, tout s’est bien passé et c’est évidemment l’essentiel. Mais Marianne est-elle satisfaite ? Va-t-elle recommander la clinique à un ami ou à un voisin ? Ce n’est pas sûr car un grand nombre d’erreurs ou d’insuffisances n’ont pas permis d’optimiser l’expérience de cette cliente. Les avez-vous toutes repérées ? (Encadré 1). Auraient-elles pu se produire dans votre clinique ?
 
Encadré 1
 Les 15 erreurs qui ont dégradé « l’expérience client » de Marianne
1. Marianne a dû attendre 6 ou 7 sonneries avant que quelqu’un réponde au téléphone.
2. La clinique n’a pas fait preuve de beaucoup de flexibilité pour fixer le rendez-vous à un horaire pratique pour Marianne.
3. Le parking est trop petit ou peut-être occupé par les véhicules du personnel.
4. Il n’y a pas d’espace d’attente spécifique pour les chats.
5. Marianne a attendu 35 minutes sans explication sur la raison de ce retard.
6. Marianne est finalement entrée en salle de consultation une heure après son arrivée à la clinique, soit exactement à l’heure qu’elle avait initialement demandée pour son rendez-vous et qui a été refusée par la clinique.
7. La vétérinaire réalise l’anamnèse et l’examen clinique en même temps, probablement pour gagner du temps, mais en conséquence ne donne pas l’impression d’être totalement concentrée sur les réponses de Marianne.
8. La vétérinaire explique à Marianne qu’elle a attendu trop longtemps pour amener Vicky en consultation alors que c’est la clinique qui n’a pas pu lui donner un rendez-vous la veille.
9. La vétérinaire n’explique pas ce qu’est une « cystocentèse » ou un « bilan biochimique 6 paramètres ».
10. La fin de la consultation est très rapide, la vétérinaire ne demande pas à Marianne si elle a des questions à poser, le client suivant arrive déjà dans la salle de consultation.
11. La vétérinaire n’a pas évalué avec Marianne si le fait de donner un comprimé à Vicky deux fois par jour pouvait poser un problème, alors que c’est fréquemment le cas, avec un chat.
12. L’idée de remettre au client un leaflet expliquant comment donner un comprimé à un animal est excellente, mais il aurait été plus pertinent d’en avoir un dédié aux chats.
13. La réceptionniste annonce le prix total sans détailler les différentes lignes de la facturation.
14. Quand Marianne demande une explication sur la somme à payer, la réceptionniste lui donne une information complète, mais uniquement orale, sans lui remettre de facture détaillée.
15. La vétérinaire n’a pas communiqué à Marianne le résultat de la biochimie sanguine, ni oralement, ni par écrit, alors même que celle-ci a été facturée 38 € plus la prise de sang.

 
Impact économique

Étude à propos de la perte de clientèle

Les chiffres qui concernent la perte de clientèle dans les cliniques vétérinaires font peur. Dans une étude réalisée en Espagne par Veterinary Management Studies (VMS), les transactions effectuées par 515 090 clients de 485 cliniques vétérinaires (de types et de localisations variables) ont été analysées sur 5 ans, de 2012 à 2016.

1. Méthodologie

Pour chacun des clients, 5 « statuts » possibles étaient définis selon la relation économique entretenue avec la clinique chaque année.

  • Nouveau patient actif : quand une transaction économique avait concerné un animal pour la première fois pendant l’année en cours.
  • Patient actif récurrent : quand une transaction économique avait concerné un animal pendant l’année en cours et que d’autres avaient été réalisées l’année précédente.
  • Patient actif récupéré : quand une transaction économique avait concerné un animal pendant l’année en cours, aucune pendant l’année précédente mais d’autres les années antérieures.
  • Patient perdu : quand aucune transaction économique n’avait concerné un animal à la clinique pendant l’année en cours alors qu’au moins une avait été enregistrée l’année précédente.
  • Patient actif décédé : quand une transaction économique avait concerné un animal pendant l’année en cours ou l’année précédente mais que l’animal était mort pendant l’année en cours.
     
2. Résultat n° 1 : les cliniques perdent 50 % de leurs patients chaque année

Ce résultat surprenant émane d’une enquête à large échelle et les détails de l’analyse figurent dans le Tableau 1.
 
Tableau 1. Analyse du flux de patients.
   2013  2014  2015  2016
 Nouveaux patients  50,5 %  47,2 %  47,7 %  45,1 %
 Patients récupérés  6,8 %  7,6 %  8,5 %  8,6 %
 Patients perdus  50,0 %  49,9 %  49,4 %  50,5 %
 Patients décédés  7,6 %  7,3 %  6,8 %  6,4 %
 Flux net  -0,3 %  -2,5 %  0,0 %  -3,3 %

Il doit être précisé que ce que nous définissons comme un « patient perdu » ne signifie pas forcément un « départ ». En réalité, l’expérience montre que beaucoup de ces patients ne sont pas partis vers une autre structure vétérinaire mais qu’ils restent dans une sorte de période de latence. (John Sheridan, expert en conseil à propos du management de clientèle, les appelle des « patients éclipsés »). Les animaux restent tranquillement à la maison sans que leur maître ne ressente le besoin de les amener à la clinique avant qu’un événement justifiant une visite se produise. Plusieurs de ces patients finissent par revenir après deux ou trois ans, mais certains ne reviendront pas…

De nombreux propriétaires ou associés de structures vétérinaires sont sceptiques, voire en colère en lisant ces résultats, mais l’expérience de consultants spécialisés et quelques analyses quantitatives rigoureuses révèlent que chaque année, un nombre substantiel de patients ne reviennent pas régulièrement à la clinique.

3. Résultat n° 2 : de 35 à 75 % de patients perdus

Dans la même étude produite par Veterinary Management Studies (VMS), le pourcentage de défections de patients a été mesuré en 2015 dans chacune des 485 structures vétérinaires étudiées. L’objectif était de savoir si le problème des défections était semblable dans toutes les cliniques ou s’il y avait des différences notables, pouvant significativement influencer le bilan financier. Les résultats obtenus sont résumés dans le Tableau 2.

  • La différence entre les cliniques qui réussissent le mieux à retenir leurs patients et les autres (ligne 1 vs. ligne 3 du tableau des données à propos des défections de patients) révèle un écart de 40 points (35,5 % vs. 75,5 % de patients perdus).
  • Prenons l’exemple d’une clinique comptant 2 000 patients actifs avec un chiffre d’affaires annuel de 500 000 € (250 € par patient et par an) : la différence entre « bien faire » (les 25 % des meilleures cliniques) ou « mal faire » (les 25 % des pires cliniques) se traduit par une perte de 800 patients, soit 200 000 € de revenus annuels en moins.
  • Pour une structure de cette taille, ce type d’influence sur les résultats peut faire la différence entre une clinique rentable ou non, ou entre un équilibre financier précaire et une rentabilité assurée.
     
Tableau 2. Analyse des défections des patients.
 % de patients perdus par an  
 Dans les 25 % de meilleures cliniques  35,5 %
 Résultats médians  47,5 %
 Dans les 25 % des pires cliniques  75,5 %
   
 Pour une clinique soignant 2 000 animaux  2.000
 Dépenses annuelles  250
 Coût de la mauvaise qualité (en plus des patients perdus)  800
 Coût annuel en euros  200.000

 

Taux de recommandation net (TRN)

Des observations empiriques montrent que la satisfaction des clients se traduit par une meilleure fidélisation et une croissance de l’activité. Dans les 15 dernières années, le taux de recommandation net (TRN) est devenu un standard pour mesurer la satisfaction des clients de nombreuses sociétés appartenant à des branches différentes d’activité. Développé par le professeur Frederick F. Reichheld, de la Harvard Business School, cette méthode est basée sur une question unique à poser aux clients d’une société : « Recommanderiez-vous volontiers notre société (clinique) à un ami ? ».

Les réponses données sur une échelle de 0 (« peu probable ») à 10 (« certainement ») sont ensuite analysées selon le schéma ci-dessous.

  • Les personnes ayant donné une note entre 0 et 6 sont considérées des « détracteurs » de la société.
  • Les réponses correspondant aux notes 7 et 8 sont considérées comme neutres.
  • Les personnes ayant donné une note de 9 ou 10 sont considérées comme des « promoteurs » de la société.
  • Pour estimer le TRN, il faut déduire le pourcentage de « détracteurs » de celui des « promoteurs » et suivre l’évolution du taux dans le temps.
     

Des différences culturelles inhérentes aux pays peuvent cependant influencer l’utilisation d’une échelle de 0 à 10, notamment chez les latins, peu enclins à utiliser les notes extrêmes.

Dans plusieurs études, le professeur Reichheld a montré qu’il existe une corrélation positive entre les sociétés qui obtiennent le meilleur TRN et celles qui présentent une croissance régulière de leur résultat au fil du temps. Cette corrélation a été mise en évidence dans plusieurs secteurs différents : les compagnies aériennes, les fournisseurs de services Internet et les sociétés de location de voiture.

Il est primordial de s’investir dans la démarche consistant à améliorer l’expérience globale des clients dans une clinique vétérinaire. Être un bon praticien ne suffit pas. Sauf dans certains cas particuliers, tels les centres de cas référés, le « business model » de la plupart des structures vétérinaires est basé sur le fait d’établir un lien avec le client, qui se matérialise par des visites régulières à la clinique. Bien soigner les animaux est nécessaire mais cela ne mesure pas assez bien la performance. Nos clients veulent nous trouver facilement, se garer en toute sécurité, ne pas attendre longtemps, être dans un environnement agréable, nous contacter facilement par téléphone quand ils en ont besoin, se sentir reconnus et respectés, savoir combien coûtent nos services et pourquoi on leur demande une telle somme… En bref, ils attendent que leur expérience de la clinique leur confirme qu’ils ont pris la bonne décision en choisissant de venir nous voir.

Malheureusement, de nombreux propriétaires ou associés de structures vétérinaires n’ont pas les mêmes priorités quand il s’agit d’évaluer les standards médicaux de leur clinique ou de s’intéresser à des sujets qu’ils considèrent parfois comme « non prioritaires ou trop commerciaux ».

 
Philippe Baralon

Le « business model » de la plupart des structures vétérinaires est basé sur le fait d’établir un lien avec le client

Philippe Baralon

Impact émotionnel

Commentaires sur Internet

Nous allons maintenant nous intéresser à trois cas réels d’avis négatifs de clients, extraits des commentaires en ligne à propos de leurs cliniques vétérinaires respectives. (Tous les propos ci-dessous sont authentiques, seuls les noms des clients ont été changés.)

👎 M. Pierre Dupont - Très mauvais maintenant. Leur seul intérêt c’est l’argent on dirait. Jamais vu le même véto deux fois et pas le temps de donner des informations. Même les questions à propos des médicaments et les conseils d’administration ne sont pas traitées correctement. Plus confiance dans le fait qu’ils ont le temps de s’occuper de mon animal.

👎 Mme Caroline Martin - Exemple absolument déplorable du service client chez XXXX ce matin, chez qui mon chat a dû rester dans son panier plus d’une heure. Une parodie de tribunal a eu lieu dans la salle de consultation, pendant laquelle j’étais clairement accusée d’être une menteuse et où des excuses non sincères m’ont été adressées seulement à la fin. Tout cela à cause d’un commentaire que j’avais fait où je suggérais qu’il serait plus poli d’expliquer aux clients la raison d’un retard de 40 minutes, afin qu’ils ne soient pas surpris et l’acceptent, plutôt que les voir passer sans cesse en discutant des anniversaires du personnel et de tasses de thé. Oh, soi-disant j’étais en retard de 5 minutes d’après leur pendule, et donc je ne méritais pas qu’on communique avec moi. Pitoyable et quasi-surréaliste. Je leur ai donné une étoile, juste parce qu’il n’est pas possible de mettre une note de 0 étoile.

👎M. Bertrand Lamy - Je suis très déçu par le total manque d’attention donné à mon animal, ainsi que par le total manque de respect pour lui et pour moi-même.

Maintenant, regardons trois exemples de commentaires laissés sur Internet par des clients très satisfaits.

👍 M. Pierre Destors - J’ai toujours bénéficié du meilleur niveau de services et une vraie attention m’a été accordée depuis 18 ans. La personne à la réception, les assistantes et les vétérinaires ne pourraient pas être plus gentils envers moi et surtout envers mes chats. La salle d’attente séparée pour les chiens et les chats est parfaite, cela rend l’ensemble de la visite bien moins stressante… Je ne peux dire que du bien de cette clinique.

👍 Mme Anne Tirel - Andy s’occupe de nos deux chats depuis plus de dix ans. Son personnel est toujours amical et serviable. Vous n’avez affaire qu’à Andy ou Lizzie, et vous bénéficiez donc d’un bon suivi. Nous avons emmené nos deux chats pour leurs rappels annuels et Andy a fait un examen complet pour les deux. Rosie avait perdu du poids et une prise de sang a été réalisée. Andy a diagnostiqué un problème thyroïdien. Ce problème n’a été repéré que grâce à son professionnalisme. Je n’irais nulle part ailleurs.

👍 M. Raymond Desdevises - J’adore cette clinique pour mes chats. Ils me font toujours sentir que je suis le bienvenu et les chats sont leur priorité. Je ne ferais jamais appel à une autre clinique.

La plupart des vétérinaires ont compris que l’opinion de leurs clients exprimée sur les réseaux sociaux a une influence croissante sur la réputation de leur activité. Avant de choisir une clinique vétérinaire, de plus en plus de personnes vont en effet sur Internet pour lire les commentaires d’autres possesseurs d’animaux de compagnie.

Comment l’expérience client influence l’équipe de la clinique

Cependant, ces opinions ont aussi une influence significative (et habituellement mauvaise) sur un autre type de clients, ceux qu’on appelle les clients « internes » : notre propre équipe. La grande majorité de notre personnel (les vétérinaires et les assistants) font ce travail par vocation et sont émotionnellement impliqués dans leur activité professionnelle (Figure 4). Ils aiment sentir qu’ils font du bon travail, qu’ils apportent une valeur ajoutée aux animaux et à leurs maîtres, et qu’ils travaillent dans une structure vétérinaire appréciée par ces derniers. À cause de tout cela, il est facile de comprendre que notre équipe n’est ni immunisée ni indifférente au jugement public sur les réseaux sociaux, etc.

Figure 4. L’équipe vétérinaire est souvent impliquée émotionnellement dans son travail. Être publiquement jugée sur les réseaux sociaux peut profondément l’affecter. © Shutterstock
Figure 4. L’équipe vétérinaire est souvent impliquée émotionnellement dans son travail. Être publiquement jugée sur les réseaux sociaux peut profondément l’affecter. © Shutterstock

 

Au cours de sa carrière, un(e) vétérinaire peut interagir personnellement avec plus de 50 000 clients. De nombreuses études menées avec des vétérinaires montrent que les conflits avec des clients (à cause de problèmes financiers, d’une mauvaise communication, d’opinions différentes à propos des traitements, etc.) sont les principales sources de stress et d’insatisfaction professionnelle.

Si nous examinons plus attentivement les plaintes formulées par les clients au début de ce chapitre, nous pouvons être sûrs que ni les vétérinaires ni le reste de l’équipe soignante de ces cliniques n’avaient la moindre intention de manquer de respect aux clients ou de l’induire en erreur. Au final, c’est pourtant l’impression que les clients ont gardée, pour des raisons diverses. Dans une activité professionnelle de service, comme c’est le cas de la médecine vétérinaire (basée sur l’interaction personnelle entre le client et le professionnel), il est essentiel de définir des standards de qualité pour les diverses procédures, afin que les clients retiennent globalement l’expérience la plus satisfaisante possible.

Certains auteurs 1 affirment que la meilleure stratégie pour faire bonne impression chez les clients externes est de s’assurer que nos clients internes (notre personnel) vivent aussi des expériences positives dans leur travail quotidien. Cela implique de veiller à bien concevoir les processus, de travailler dans des locaux fonctionnels, agréables et bien dimensionnés, que la technologie soit au service du personnel (et pas l’inverse), qu’un environnement collaboratif encourage le partage d’expérience, etc. Il est évident que tous ces facteurs aident à faire de nos cliniques des endroits où il fait bon travailler et qu’en conséquence, nos équipes sont plus susceptibles de transmettre de bonnes ondes à nos clients. Comme dit le proverbe, « Charité bien ordonnée commence par soi-même ». La même chose s’applique à notre service client.

Conclusion

 Permettre aux clients de vivre la meilleure expérience possible dans votre clinique ne peut avoir que des effets bénéfiques. Votre structure bénéficiera d’un bouche-à-oreille positif, les commentaires enthousiastes des clients motiveront votre équipe et tout cela contribuera finalement à sécuriser l’avenir économique de votre clinique.
 
 

References

  1. McKinsey & Company, May 2017, When the customer experience starts at home by Sylvie Bardaune, Sébastien Lacroix, and Nicolas Maechler.
Philippe Baralon

Philippe Baralon

Philippe Baralon a obtenu son diplôme de l’École nationale vétérinaire de Toulouse, en France, en 1984 et a poursuivi ses études en économie (maîtrise d’économie, Toulouse, 1985) et en administration des affaires (MBA, HEC-Paris 1990). En savoir plus

Antje Blättner

Antje Blättner

La Dre Blaettner a grandi en Afrique du Sud et en Allemagne et a obtenu son diplôme en 1988 après avoir étudié la médecine vétérinaire à Berlin et à Munich. En savoir plus

Pere Mercader

Pere Mercader

Le Dr Mercader s’est établi comme consultant en gestion auprès des cliniques vétérinaires en 2001 et a depuis développé son activité en Espagne, au Portugal et dans certains pays d’Amérique latine. En savoir plus

Susie Samuel

Susie Samuel

Le Dr Samuel est diplômée de l'Université de Cambridge depuis 2001 et a travaillé dix ans en clientèle mixte canine et féline. En savoir plus

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