Faire un internat vétérinaire aux États-Unis
Vous envisagez de faire un internat aux États-Unis ? Cet article présente brièvement les avantages et les inconvénients de ce type de projet.
Numéro du magazine 32.3 Autre scientifique
Publié 26/04/2023
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Mettre en place une fluidothérapie chez un chat n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Cet article fait la synthèse des connaissances actuelles à ce sujet.
Les solutés intraveineux sont des médicaments qui possèdent des indications, des contre-indications et des effets secondaires.
Les trois principales indications de la fluidothérapie sont : faire augmenter le volume intravasculaire, compenser les pertes liquidiennes et couvrir les besoins hydriques.
Les solutés les plus polyvalents sont des cristalloïdes isotoniques équilibrés et tamponnés ; ils correspondent à presque toutes les indications chez le chat.
Une surcharge volumique intravasculaire peut être aussi néfaste qu’une hypovolémie.
Bien que l’administration de solutés par voie intraveineuse (IV) ait été popularisée lors de la pandémie de choléra au 19e siècle, la fluidothérapie reste l’un des sujets les plus controversés en médecine humaine et vétérinaire 1. Comme le choléra s’accompagne de vomissements, de diarrhées et d’une déshydratation grave, il entraîne une hypovolémie et une hémoconcentration (d’où le nom de choléra bleu car la hausse de l’hématocrite donne une teinte bleutée à la peau de certains malades). Quand les médecins ont commencé à administrer aux patients des solutés par voie IV et ont constaté de bons résultats, cette nouvelle thérapie a été largement adoptée 2. La pandémie de choléra a également coïncidé avec le début de la reconnaissance par le corps médical du concept de choc circulatoire et l’utilisation de la fluidothérapie IV pour traiter les patients en état de choc s’est rapidement généralisée 3. Au début du 20e siècle, l’invention du tensiomètre a permis d’associer le choc à l’hypotension et la fluidothérapie a alors été recommandée chez les individus hypotendus, que ce soit pour lutter contre l’hypovolémie due à une hémorragie d’origine traumatique, un choc chirurgical ou une hypotension liée à l’anesthésie. Pendant la majeure partie du 20e siècle, la fluidothérapie IV fut considérée comme inoffensive et n’entraînant pas d’effets secondaires majeurs, si bien que cela a contribué à encourager son utilisation bien au-delà de ses indications initiales 3.
Selon la définition du dictionnaire Oxford en ligne, un médicament est une substance ou une composition qui produit un effet physiologique lorsqu’elle est ingérée ou introduite d’une manière quelconque dans l’organisme. Des recherches approfondies menées au cours des quatre dernières décennies ont permis d’évaluer les conséquences de l’administration de la thérapie liquidienne et d’identifier ses inconvénients potentiels. En effet, de nombreuses études ont montré que des effets secondaires néfastes et potentiellement mortels peuvent être observés lorsque le soluté est mal choisi (par exemple, de l’hydroxyéthylamidon chez un patient présentant une insuffisance rénale), mal dosé (en cas par exemple d’administration agressive d’un cristalloïde chez un patient traumatisé) ou administré pendant un temps inadéquat (s’il est par exemple administré à un patient qui mange et boit) 4,5. En médecine humaine et vétérinaire, les solutés IV sont aujourd’hui considérés comme des médicaments qui possèdent des indications, des contre-indications et des effets secondaires potentiels 5. Lors de la mise en place d’une fluidothérapie, il est donc logique d’être aussi prudent qu’en prescrivant d’autres médicaments, qu’il s’agisse d’analgésiques, d’anesthésiques ou d’antibiotiques.
Bien qu’une baisse du volume IV puisse être fatale, les mammifères sont programmés pour compenser des pertes liquidiennes, grâce à des réactions neuro-hormonales complexes, réunies sous le terme de « réponse de lutte ou de fuite ». Les mammifères sont en revanche moins capables de faire face à une surcharge volumique car cette situation iatrogène ne se produit pas naturellement 2. En conséquence, induire une surcharge volumique, en particulier chez un patient en état critique, peut entraîner un œdème interstitiel responsable d’une baisse de l’oxygénation tissulaire (car le trajet de l’oxygène entre le capillaire et la cellule s’allonge), d’un œdème et d’une ischémie organique (en particulier dans les organes encapsulés comme le rein) et d’un dysfonctionnement multi-organique potentiellement fatal 6.
Les recommandations liées à l’administration de solutés par voie IV chez les animaux de compagnie sont largement extrapolées de la médecine humaine 7. De plus, jusqu’à la fin du 20e siècle, la fluidothérapie chez le chat se pratiquait comme chez le chien 7 alors que l’adage selon lequel « les chats ne sont pas des petits chiens » est tout à fait vrai, notamment en fluidothérapie (Figure 1).
Le chat est un animal originaire du désert, où la capacité à économiser l’eau est essentielle (la gazelle Dorcas peut par exemple concentrer son urine au point d’excréter des boulettes d’acide urique solides 8), et les reins du chat sont connus pour leur capacité à concentrer l’urine 9. Le chat supporte en général donc relativement bien la déshydratation : l’état général de certains individus ne reflète d’ailleurs pas du tout leur état de déshydratation sévère. En revanche, l’espèce féline ne semble pas tolérer la surcharge volumique : l’administration excessive de fluides peut provoquer le développement d’un épanchement pleural, d’un œdème pulmonaire ou d’une ascite. La cause est encore mal comprise mais fait probablement intervenir de multiples facteurs : le volume sanguin du chat est plus faible (55-60 mL/kg) que celui du chien ou de l’Homme 10, il est prédisposé au développement de cardiomyopathies occultes (asymptomatiques) 11 susceptibles de décompenser suite à l’administration de solutés, et il est relativement lent à éliminer les liquides administrés par voie IV 12.
Pour compliquer encore les choses, les signes cliniques du choc circulatoire sont différents chez le chat par rapport à ce que l’on observe habituellement chez le chien et l’Homme. Un chat n’est pas présenté en état de choc compensé ; il est au contraire souvent en bradycardie, hypotension et hypothermie 13. Cette triade féline résulterait de réflexes complexes visant globalement à protéger l’animal. L’hypothermie semble résulter de la stimulation centrale des récepteurs adrénergiques α1- et α2-de l’hypothalamus. Une diminution du tonus sympathique périphérique est paradoxalement observée, qui entraîne une vasodilatation à l’origine de l’hypothermie et de l’hypotension. La baisse du remplissage cardiaque déclencherait une bradycardie par l’intermédiaire du réflexe de Bezold-Jarisch, qui vise à optimiser le débit cardiaque : en présence d’un volume IV réduit, un ralentissement de la fréquence cardiaque améliore le remplissage du cœur mais cela peut aussi éventuellement exacerber l’hypotension. L’hypothermie sévère finit par inactiver les récepteurs adrénergiques, perpétuant ainsi le cercle vicieux de l’hypotension et de la bradycardie. En outre, la surface corporelle relative des chats serait plus grande que celle des chiens 14, si bien qu’en l’absence de traitement, les chats malades ou blessés sont rapidement menacés par l’hypothermie. L’explication physiopathologique actuelle de la triade féline repose sur des études expérimentales anciennes et, bien que ce phénomène soit observé en pratique, les mécanismes du choc circulatoire chez le chat sont mal connus et des recherches supplémentaires seraient bienvenues.
Prescrire un médicament, quel qu’il soit, exige d’avoir auparavant vérifié qu’il est bien indiqué à la situation et les solutés ne font pas exception à la règle. Il existe trois principales indications à la fluidothérapie IV (Tableau 1) et, lorsqu’un praticien envisage d’en faire bénéficier un chat, il doit se poser les questions suivantes.
Tableau 1. Résumé des différents types de solutés et leurs indications chez le chat.
Indications | |||
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Remplissage vasculaire | Compensation des pertes liquidiennes | Fluidothérapie d’entretien | |
Types de solutés
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Dose/débit
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Durée
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Monitoring |
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Si la réponse est non à toutes ces questions, la fluidothérapie IV n’est pas indiquée ; elle se justifie en revanche si une ou plusieurs de ces questions reçoit une réponse affirmative. Le vétérinaire doit alors suivre un protocole standard pour choisir le bon soluté (et éviter les solutés contre-indiqués), la dose (ou le débit) et la durée d’administration ; il doit aussi connaître les effets secondaires à anticiper. Les Figures 2a et 2b proposent des arbres décisionnels détaillés pour aider à justifier la mise en place d’une fluidothérapie IV.
En dehors du contexte péri-opératoire, la fluidothérapie répond à trois indications majeures chez le chat : faire du remplissage vasculaire (qu’on appelle aussi la réanimation liquidienne, l’optimisation de la précharge et la thérapie par bolus), compenser des pertes liquidiennes corporelles ne provenant pas de la circulation IV (soit la thérapie de réhydratation ou de substitution) et assurer la couverture des besoins hydriques quotidiens. Ce sont ces indications qui dictent le choix du soluté, détaillé dans le Tableau 1.
Les cristalloïdes forment un groupe de solutés aqueux qui contiennent principalement du chlorure de sodium et quelques autres électrolytes en concentrations variables. En fonction de leur osmolalité (soit la concentration en électrolytes) et de leur tonicité (soit leur capacité de diffusion une fois administrés dans le secteur IV), on distingue les solutés isotoniques (et souvent iso-osmolaires ou légèrement hypo-osmolaires), hypertoniques (et hyperosmolaires), et hypotoniques (également iso-osmolaires ou légèrement hypo-osmolaires). En fonction de leur composition, les cristalloïdes isotoniques se subdivisent en :
Les cristalloïdes isotoniques sont de loin les plus polyvalents. Ils sont indiqués pour le remplissage vasculaire en cas de choc circulatoire non-cardiogénique, la compensation des pertes liquidiennes antérieures (déshydratation) ou en cours, et la couverture du besoin hydrique d’entretien. Un cristalloïde isotonique équilibré et tamponné, tel qu’un soluté de Ringer lactate, sera choisi en priorité pour un chat en choc circulatoire, sauf s’il existe un risque d’hypochlorémie et d’alcalose métabolique (comme lors d’occlusion gastro-intestinale haute), auquel cas le sérum physiologique isotonique sera préféré. Les cristalloïdes isotoniques seront également utilisés avec prudence chez un chat victime d’une hémorragie (voir ci-dessous).
L’hyperosmolarité d’un sérum salé hypertonique (SSH) dirige rapidement les liquides de l’espace interstitiel vers la circulation. Un faible volume favorise donc un remplissage vasculaire rapide avant de se répartir entre le secteur IV et l’espace interstitiel en 30 à 40 minutes. Le SSH sera également utilisé pour traiter un œdème cérébral et une augmentation de la pression intracrânienne pour attirer le liquide hors du parenchyme cérébral. Il est particulièrement utile chez les chats accidentés qui présentent souvent des traumatismes crâniens. Selon les pays, la concentration des SSH commercialisés varie entre 1 et 23 %, ce qui fait évidemment varier la dose à administrer. Le lecteur est invité à consulter la disponibilité locale des SSH et la posologie adaptée.
Le spectre d’utilisation des cristalloïdes hypotoniques est relativement étroit : leur indication principale consiste à compenser les pertes hydriques chez un animal à l’entretien qui présente par exemple un diabète insipide ou une dysnatrémie. On pourra utiliser un soluté de glucose à 5 % et un soluté salin dilué de moitié (0,45 % NaCl) avec une solution de glucose à 2,5 %. Pour les chats qui n’ont besoin que d’une « fluidothérapie d’entretien » au quotidien, un soluté cristalloïde hypotonique peut être intéressant car sa teneur en sodium sera relativement plus faible. Cependant, il est peu pratique d’utiliser un soluté pour compenser les pertes et un autre pour assurer l’entretien et cela peut être une cause d’erreurs. Par conséquent, pour les chats qui ne présentent pas de risque de surcharge en sodium, un cristalloïde isotonique pourra souvent être administré à l’entretien. Les cristalloïdes hypotoniques ne doivent jamais servir au remplissage vasculaire car ils quittent rapidement le secteur IV et sont donc inefficaces pour rétablir la perfusion tissulaire ; ils peuvent aussi entraîner une surcharge volumique potentiellement mortelle, notamment un œdème cérébral.
Les colloïdes sont un groupe de solutés qui contiennent des composés de poids moléculaire relativement élevé ; ils génèrent une pression osmotique colloïdale qui retient les fluides dans le secteur IV, grâce à l’effet Gibbs-Donnan. Bien qu’ils aient d’autres indications, ils sont principalement utilisés pour le remplissage vasculaire.
Les colloïdes synthétiques contiennent soit de l’amidon chimiquement modifié (hydroxyéthylamidon), soit de la gélatine (généralement d’origine bovine), soit des sucres fermentés (comme le dextran, disponible dans un nombre très limité de pays), en suspension dans un soluté salin isotonique ou un soluté cristalloïde équilibré et tamponné. L’intérêt des colloïdes synthétiques (tels que l’hydroxyéthylamidon) a récemment été remis en cause car des effets indésirables ont été mis en évidence chez l’Homme et leur utilisation a été strictement limitée depuis 15. En médecine vétérinaire, les effets nocifs de l’hydroxyéthylamidon sont moins évidents, en particulier chez le chat 15. Cette disparité est probablement due aux différences de conception des protocoles et des cohortes plutôt qu’à des variations inter-espèces. Les gélatines ont été moins étudiées en médecines humaine et vétérinaire mais des preuves de leurs effets nocifs potentiels apparaissent 16. L’auteure recommande la plus grande prudence lors de la prescription de colloïdes synthétiques car leur « efficacité supérieure » pour le remplissage vasculaire reste à confirmer et leurs effets secondaires sont documentés.
Les colloïdes naturels désignent le sang total et ses dérivés, incluant le plasma congelé frais et les concentrés érythrocytaires. Chez le chat, les produits sanguins sont indiqués pour le remplissage vasculaire lors d’hémorragie, indépendamment de la présence ou de l’absence d’une coagulopathie. Lorsqu’il est disponible, le plasma de chat congelé frais peut être utilisé pour faire du remplissage vasculaire, en particulier chez les animaux nécessitant un soutien osmotique colloïdal (chats en sepsis ou hypoalbuminémiques). Les anémies aiguës et chroniques, ainsi que les coagulopathies, constituent d’autres indications pour les produits sanguins. Le groupage sanguin et le respect de la compatibilité croisée s’imposent en cas de transfusion, et les réactions du chat doivent être surveillées tout au long de la procédure. L’albumine sérique humaine a été utilisée chez le chat pour faire du remplissage vasculaire ou apporter un support osmotique colloïdal mais elle peut provoquer des réactions d’hypersensibilité de type I et III 15. Le rapport bénéfice-risque doit donc être évalué avant de prescrire ce produit à un chat en état critique. La disponibilité géographique de l’albumine sérique humaine est de plus très variable.
Ivayla D. Yozova
La posologie varie en fonction de l’indication de l’administration du soluté IV. Comme pour tout médicament, une quantité insuffisante de soluté IV sera inefficace alors qu’un surdosage est associé à des effets secondaires. Les quantités et les débits à respecter pour les trois principaux types de prescription sont détaillés dans le Tableau 1.
Le remplissage vasculaire vise à augmenter le volume systolique chez un chat présentant une réplétion IV insuffisante (hypovolémie absolue ou relative entraînant un choc circulatoire) et à rétablir une bonne perfusion tissulaire. Un choc circulatoire se manifeste cliniquement par des modifications des six paramètres suivants : état de conscience, fréquence cardiaque, qualité du pouls, couleur des muqueuses, temps de remplissage capillaire et température. Ces paramètres ne sont pas spécifiques de la perfusion et peuvent varier sous l’influence d’autres causes que le choc circulatoire. Cependant, chez le chat, le choc modifie généralement la plupart des paramètres de perfusion, en particulier l’état de conscience, la qualité du pouls et la température (hypothermie). D’autres tests cliniques pratiqués en urgence peuvent aider à mettre en évidence un choc circulatoire : la mesure non-invasive de la pression artérielle et du taux de lactates ainsi que l’examen échographique cardiovasculaire ou « point of care » (POCUS) (Figure 3).
Pour faire du remplissage vasculaire, il faut administrer une quantité relativement importante de soluté en un temps assez court (ce qu’on appelle un « défi liquidien ») afin de susciter une réaction liquidienne ; celle-ci s’apprécie grâce à l’évolution des paramètres de perfusion (sans oublier le suivi de la pression artérielle, l’échographie POCUS et les examens de laboratoire). L’absence de réaction à un défi liquidien adéquat, en particulier lorsqu’il a été répété 2 ou 3 fois (ce qui arrive souvent en pratique), ne signifie pas qu’il faut administrer plus de soluté par voie IV mais que le chat peut être considéré comme ne répondant pas au défi liquidien ; la fluidothérapie sera alors interrompue. Une telle absence de réponse est observée chez les patients humains en état critique ; bien que l’incidence de non-réponse au défi liquidien soit inconnue chez le chat, elle est empiriquement rapportée comme « fréquente », surtout chez les chats en hypothermie (ce qui est souvent le cas chez un chat en état de choc). Il faut donc être prudent en administrant une fluidothérapie à un chat hypothermique et en état de choc ; certains auteurs conseillent même de suspendre le traitement liquidien jusqu’à ce que la température du chat remonte au moins à 36-37°C 13. Comme mentionné ci-dessus, la déplétion volumique IV peut contribuer à l’hypothermie et l’auteur recommande donc d’administrer de petites doses de solutés à un chat hypothermique pendant que le réchauffement est en cours. Maintenir une légère hypothermie permissive est également préconisé jusqu’à l’élimination de la cause du choc circulatoire.
Toutes les causes de choc circulatoire ne produisent pas les mêmes effets. Les chats présentant un choc hypovolémique non hémorragique (dû à des vomissements sévères, une diarrhée, une polyurie/polydipsie (PUPD) ou des pertes dans un troisième secteur) répondront bien au remplissage vasculaire. Les chats victimes d’une hémorragie répondront aussi initialement bien à la fluidothérapie mais la dilution des facteurs de coagulation et le détachement des caillots peuvent exacerber l’hémorragie. Chez un chat présentant une hémorragie active non contrôlée, un faible volume sera administré pendant la réanimation et une hypotension permissive sera tolérée jusqu’à ce que la lésion soit traitée chirurgicalement. Un choc distributif s’accompagne d’une vasodilatation mais aussi d’une augmentation de la perméabilité vasculaire (à cause de l’altération du glycocalyx endothélial) et de pertes liquidiennes dans l’espace interstitiel. Par conséquent, les chats victimes d’un choc distributif (généralement suite à un sepsis) répondront initialement bien à la fluidothérapie, car ils présentent en parallèle une hypovolémie absolue, mais cela aggrave les fuites vasculaires et entraîne un œdème interstitiel. À un stade ultérieur de la stabilisation, un chat victime d’un choc distributif peut parfois cesser de répondre au défi liquidien et des médicaments vasoconstricteurs doivent alors être envisagés pour lutter contre la vasodilatation. Les chats présentant un choc obstructif (lié à un pneumothorax sévère, une tamponnade cardiaque, un volvulus intestinal) répondront partiellement au défi liquidien mais le choc ne pourra pas être bien traité tant que l’obstruction ne sera pas levée.
Chez un chat qui n’est pas (ou plus) en choc circulatoire mais qui a subi (ou subit encore) des fuites liquidiennes, il est nécessaire d’administrer une fluidothérapie pour compenser les pertes. Les pertes liquidiennes sont estimées en fonction du degré de déshydratation, lui-même évalué à partir du pourcentage de perte de poids (Tableau 1). Comme il est rare qu’un chat soit pesé avant de subir une perte liquidienne, le degré de déshydratation sera évalué à partir des résultats cliniques (élasticité de la peau, aspect des muqueuses, etc.). Cette estimation initiale est cependant subjective et délicate à réaliser ; l’auteure propose donc de simplifier l’approche en monitorant attentivement l’animal pendant la fluidothérapie. Les chats cliniquement déshydratés mais qui ne présentent pas de signes de choc circulatoire seront considérés comme légèrement (~ 5 %) déshydratés, tandis qu’une déshydratation grave (~ 10 %) sera présumée lorsque des signes de choc circulatoire sont observés. Chez un chat sévèrement déshydraté qui présente un choc circulatoire, un remplissage volumique par voie IV sera d’abord effectué et le traitement de substitution ne sera initié qu’une fois le choc contrôlé. La surveillance de l’état clinique, du gain de poids, de l’alimentation spontanée et de la bonne hydratation sera répétée 2 à 3 fois par jour, en ajustant le traitement si nécessaire.
Les pertes liquidiennes chroniques peuvent être estimées en se basant sur les résultats cliniques et la perte de poids, en pesant les quantités de selles ou d’urine éliminées dans la litière, en évaluant le volume de la vessie à échographie, en utilisant des sondes urinaires et fécales, etc.
L’administration d’une fluidothérapie d’entretien consiste à couvrir le besoin hydrique quotidien du chat, qui est corrélé à sa dépense calorique : chaque kilocalorie d’énergie nécessite un millilitre d’eau. La fluidothérapie d’entretien sera donc calculée à partir de l’équation du besoin énergétique au repos, en utilisant les millilitres comme unités (Tableau 1). Couvrir le besoin hydrique ne remplace pas l’alimentation et le chat ne doit pas être laissé trop longtemps sous perfusion sans être également nourri.
Le remplissage vasculaire doit être conduit de manière intensive mais courte : sa durée ne dépasse généralement pas 1 à 2 heures. Ensuite, soit le chat a répondu et le choc est résolu, soit ce n’est pas le cas et d’autres moyens de stabilisation doivent être utilisés en vue de traiter la cause sous-jacente du choc.
Les pertes liquidiennes sont généralement compensées en 24 à 48 heures. Plus les pertes sont chroniques, plus le remplacement doit être lent, comme c’est le cas chez les chats atteints de maladie rénale chronique, mais il existe cependant quelques exceptions. Un chat présentant une acidocétose diabétique pourra par exemple souvent être réhydraté plus rapidement : 50 % du volume estimé nécessaire sera administré en environ 6 h, pour permettre de démarrer l’insulinothérapie. Il est nécessaire de traiter plus longtemps les chats qui continuent à perdre des quantités importantes de liquides ne pouvant pas être compensées par l’hydratation orale ou la fluidothérapie d’entretien. Il s’agit généralement de chats porteurs de drains abdominaux ou thoraciques ou, plus rarement, de chats présentant une diarrhée, des vomissements ou une PUPD.
La fluidothérapie d’entretien ne doit pas dépasser 24 à 48 heures. En général, les chats hospitalisés pour anorexie présentent soit une affection bénigne qui peut être rapidement traitée (et l’appétit revient alors spontanément), soit une affection plus sévère qui nécessite une alimentation assistée. Lorsqu’on anticipe une anorexie de plus de 24 à 48 heures chez un chat, celui-ci doit être nourri à la main, en utilisant des stimulants de l’appétit, ou à l’aide d’une sonde d’alimentation appropriée (Figure 4). Cela est particulièrement vrai chez un chat décrit comme déjà anorexique depuis un certain temps avant d’être hospitalisé. Un chat qui mange n’a pas besoin d’une fluidothérapie d’entretien.
Les effets secondaires des différents solutés sont listés dans le Tableau 2. Avec les cristalloïdes isotoniques, les principaux effets indésirables sont l’hémodilution (en particulier chez un chat en hémorragie) et la surcharge volumique qui entraîne un œdème interstitiel (et potentiellement un œdème pulmonaire) 4. Un soluté salin hypertonique peut en outre provoquer une hypernatrémie, une hypertension transitoire et une bradycardie. Les solutés hypotoniques peuvent être responsables de l’apparition d’un œdème s’ils sont administrés en bolus. Chez l’Homme, les colloïdes synthétiques sont associés à des lésions rénales aiguës, des coagulopathies non-dilutionnelles, une accumulation tissulaire et une augmentation de la mortalité ; des données suggèrent que cela peut également se produire chez les animaux de compagnie 15. Il faut se rappeler que tout soluté peut être contre-indiqué (en particulier chez les chats présentant une surcharge volumique préexistante, tels que les sujets cardiaques, oliguriques ou anuriques) ou entraîner des effets secondaires s’il est administré à une dose incorrecte ou à mauvais escient.
Tableau 2. Fluidothérapie : effets secondaires et contre-indications.
Types de solutés | Effets secondaires | Contre-indications relatives | Contre-indications absolues |
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Cristalloïde isotonique, tamponné et équilibré |
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Soluté isotonique salin |
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Soluté salin hypertonique |
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Cristalloïde hypotonique |
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Colloïdes synthétiques |
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Une surveillance adéquate de la fluidothérapie et de ses effets secondaires s’impose pour qu’elle soit efficace (Tableau 1). Elle s’appuie classiquement sur les résultats de l’examen clinique (pour évaluer le volume IV et l’état d’hydratation), des mesures non invasives de la pression artérielle, et quelques examens de laboratoire essentiels (hématocrite, protéines totales, gazométrie veineuse et analyses du taux de lactates et du ratio urée/créatinine). Au cours des deux dernières décennies, l’échographie POCUS a été intégrée à la pratique quotidienne pour surveiller l’administration d’une thérapie liquidienne par voie IV 17. Si cette technique s’avère précieuse pour confirmer l’intérêt de la fluidothérapie, elle est désormais également indispensable pour prévenir et identifier une surcharge volumique, habituellement difficile à estimer seulement grâce aux paramètres cliniques. En outre, un praticien expérimenté peut utiliser l’échographie pour dépister une éventuelle myocardiopathie asymptomatique et ainsi mieux prévenir un risque supplémentaire de surcharge volumique chez le chat 11.
Les solutés sont des médicaments qui doivent être administrés à tous les animaux qui en ont besoin mais il faut être particulièrement prudent lorsqu’il s’agit d’un chat, en raison des particularités observées dans cette espèce. Une bonne prescription prendra en compte l’indication, le type de soluté, la dose/le débit, la durée, les effets secondaires et la surveillance. Un apport liquidien insuffisant peut être fatal mais il est facile de constater une fuite liquidienne et les moyens de compenser les pertes sont facilement disponibles. À l’inverse, une surcharge volumique peut également être fatale mais elle est souvent tardivement et partiellement identifiée, et les options thérapeutiques sont réduites. Dans l’ensemble, le clinicien est invité à procéder rationnellement lorsqu’il met en place une fluidothérapie chez un chat, à surveiller efficacement son administration et à savoir l’arrêter lorsqu’elle ne s’impose plus.
Remerciements
Remerciements aux Dres Céline Pouzot-Névoret et Alexandra Nectoux pour la relecture attentive de la version française de cet article.
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Ivayla Yozova
La Dre Yozova est diplômée de la Faculté vétérinaire de l’Université de Trakia (Bulgarie) depuis 2007 En savoir plus
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