Magazine scientifiques et médicaux internationaux pour les professionels de la santé animale
Veterinary Focus

Numéro du magazine 32.3 Autre scientifique

Le pyothorax félin

Publié 21/12/2022

Ecrit par Chiara Valtolina

Aussi disponible en Deutsch , Italiano , Português , Español et English

Le pyothorax félin est une affection potentiellement fatale. Comme le décrit ici Chiara Valtolina, un diagnostic rapide et un traitement adéquat sont indispensables pour améliorer le pronostic.

Radiographie thoracique latérale d’un chat présentant un épanchement pleural bilatéral

Points clés

Le pyothorax se caractérise par l’accumulation d’un exsudat septique dans l’espace pleural. Il menace le pronostic vital s’il n’est pas rapidement reconnu et traité.


Les chats affectés présentent des signes cliniques variés comme une tachypnée, une anorexie, une léthargie, une fièvre, une dyspnée sévère voire un état de choc avec des signes d’hypoperfusion.


L’urgence première consiste à stabiliser l’état de l’animal en mettant en place une oxygénothérapie, une fluidothérapie et des antibiotiques à large spectre et en réalisant une thoracocentèse.


Dans la plupart des cas, le traitement repose surtout sur la pose de drains thoraciques, de préférence de faible diamètre, pour permettre le drainage et le lavage thoracique, et sur l’administration d’antibiotiques à large spectre.


Introduction

Le pyothorax est caractérisé par l’accumulation de liquide purulent septique dans l’espace pleural. Chez le chat, les premiers signes cliniques de cette affection sont souvent non spécifiques, si bien que le diagnostic ou la consultation vétérinaire peuvent être tardifs. Quand les signes de dyspnée et d’atteinte cardiovasculaire deviennent plus évidents, les chats affectés sont en revanche présentés en urgence. Un diagnostic rapide de l’affection et un traitement adéquat sont essentiels pour améliorer le pronostic de cette pathologie potentiellement mortelle 1,2,3,4,5. Cet article passe en revue les études portant sur le pyothorax et discute des options thérapeutiques envisageables pour traiter les chats affectés.

Étiologie 

L’espace pleural est tapissé par les plèvres pariétale et viscérale, et il contient un peu de liquide pour éviter les frictions pendant les mouvements respiratoires normaux. Le pyothorax est dû à la pénétration de bactéries dans l’espace pleural via une lésion de l’appareil respiratoire, une contamination oropharyngée ou de l’œsophage. L’infection déclenche alors un processus inflammatoire. La présence bactérienne provoque la libération de cytokines inflammatoires et de médiateurs vasoactifs qui modifient la perméabilité capillaire locale et la circulation lymphatique. Il en résulte un épaississement de la plèvre, qui facilite le développement et l’accumulation d’un exsudat dans la cavité pleurale. Apparaissent alors des signes d’inflammation généralisée, de fièvre, d’abattement voire de choc septique 1,6.

Dans de nombreux cas, la durée qui sépare le début du développement du pyothorax et son diagnostic empêche de déterminer la cause sous-jacente. La cause principale demeure même souvent inconnue. Différents facteurs sont susceptibles de jouer un rôle dans le développement du pyothorax mais les deux causes les plus souvent incriminées sont une blessure thoracique pénétrante, secondaire à une griffure ou à une morsure de chat 1,4,5,6,7,8, ou la propagation de bactéries oropharyngées chez les animaux souffrant d’une infection chronique des voies aériennes supérieures 2,4,6. Jusqu’ici, l’hypothèse d’une griffure ou d’une morsure de chat était considérée comme la plus probable. Cette hypothèse est soutenue par une étude rétrospective ayant observé la présence de blessures externes par griffure ou morsure dans 14 à 40 % des cas 7. Le risque de pyothorax est multiplié par 3,8 chez les chats vivant dans un foyer dans lequel vivent plusieurs chats, ce qui accrédite l’idée selon laquelle le pyothorax est secondaire à des blessures résultant de bagarres entre chats 7. Cette théorie a été renforcée par une prédisposition saisonnière : plus de cas de pyothorax félin sont observés à la fin de l’été ou à l’automne, lorsque des conflits liés au territoire et à la reproduction sont les plus susceptibles de provoquer des agressions. Dans l’étude ci-dessus, l’accès à l’extérieur et le sexe n’étaient cependant pas considérés comme des facteurs de risque pour le développement d’un pyothorax 7. Dans une autre étude rétrospective 8, c’est la propagation de bactéries oropharyngées qui a été proposée comme la cause la plus fréquente de pyothorax félin. Cette hypothèse est soutenue par les résultats nécropsiques des chats morts à la suite d’un pyothorax car la présence de nombreux abcès dans les poumons suggère une propagation parapneumonique. Les chats vivant dans des foyers avec des congénères sont probablement aussi prédisposés à développer des infections chroniques des voies aériennes supérieures, ce qui augmente le risque de développer un pyothorax 4,6.

Lors de pyothorax, des bactéries de la flore oropharyngée féline sont fréquemment isolées. Pasteurella multocida, Clostridium spp., Fusobacterium spp., Bacteroides spp., Actinomyces spp., Peptostreptococcus spp. et Prevotella spp. sont les plus souvent identifiées 2,6,9. Nocardia et Actinomyces spp. sont également fréquentes et en pratique, les cultures révèlent communément des polyinfections polymicrobiennes, associant des bactéries anaérobies strictes et des bactéries aérobies facultatives 4,6,9.

Présentation clinique

Bien que les chats puissent présenter un pyothorax à n’importe quel âge, cette affection s’observe plus fréquemment chez des animaux relativement jeunes, avec un âge moyen au diagnostic entre 3 et 6 ans 2,3,4,6,7. La prédisposition des jeunes chats semble être liée à leur comportement, puisqu’ils ont plus tendance à vagabonder et à se bagarrer que les individus plus âgés. Si les chats mâles sont surreprésentés dans certaines études, aucune prédisposition sexuelle ne s’est cependant avérée statistiquement significative 7,8. Il ne semble pas non plus y avoir de prédisposition raciale 6,7.

Les signes cliniques peuvent évoluer pendant quelques jours à quelques semaines avant que le diagnostic ait lieu 4,6. Fièvre, léthargie, anorexie et perte de poids sont observées mais ces signes ne sont pas spécifiques 5,7. Dans une étude, la fièvre était présente chez seulement la moitié des chats atteints de pyothorax. Dans cette espèce, son absence n’exclut donc pas l’affection 3,5,8, d’autant plus qu’en cas d’atteinte cardiovasculaire (voir ci-dessous), les chats présentent souvent une hypothermie 7. La dyspnée, due à la présence d’un épanchement pleural (souvent bilatéral), constitue le signe clinique le plus courant et les chats affectés présentent souvent une respiration rapide et haletante, évoquant des troubles respiratoires restrictifs. La tachypnée et des bruits cardiaques sourds sont aussi souvent détectés mais la toux n’est généralement pas indicative de la présence d’un épanchement pleural chez le chat 4,5,6,7. Une étude rétrospective soulève que l’hypersalivation est un signe clinique qui peut être rencontré, probablement lié à une gêne à la déglutition causée par l’épanchement pleural 7.

Une atteinte cardiovasculaire peut se manifester sous la forme d’un choc distributif, appelé choc septique, dû à la libération de cytokines inflammatoires et de toxines bactériennes à partir du pyothorax. Les chats souffrant d’un choc distributif secondaire présentent des muqueuses pâles, une hypothermie, une tachycardie ou une bradycardie, et une hypotension. Une étude a rapporté que le rythme cardiaque et la température des chats atteints de pyothorax n’ayant pas survécu était significativement plus bas que celui des chats ayant survécu 7.

Diagnostic

Une suspicion de pyothorax sera établie sur la base des signes cliniques et paracliniques observés (léthargie, apathie, fièvre, anorexie, dyspnée restrictive et épanchement pleural) et des commémoratifs en faveur de cette hypothèse (Encadré 1). Le diagnostic définitif sera fait en associant l’évaluation macroscopique de l’épanchement pleural, son analyse cytologique et sa mise en culture 4,6. L’observation macroscopique de l’épanchement révèle souvent un liquide opaque, trouble, séro-hémorragique et malodorant, pouvant contenir des particules blanches à jaunâtres (Figure 1). L’analyse cytologique du liquide confirmera le diagnostic si elle révèle des cellules inflammatoires polymorphes, principalement des neutrophiles en dégénérescence avec des bactéries intracellulaires (Figure 2). La cytologie peut mettre en évidence de multiples espèces bactériennes mais les bactéries intracellulaires resteront invisibles si le chat a reçu une antibiothérapie avant le diagnostic. C’est pourquoi une mise en culture de l’épanchement est indispensable 4,6,7,9.

Encadré 1. Indicateurs diagnostiques pour le pyothorax félin.

  • Plus fréquent chez les chats jeunes et d’âge moyen (âge moyen au moment du diagnostic : 3-6 ans).
  • Aucune prédisposition sexuelle ou raciale.
  • Les signes cliniques peuvent avoir apparu quelques jours à quelques semaines avant la présentation du chat.
  • Les signes cliniques les plus fréquents sont la dyspnée (respiration rapide et superficielle) ou la tachypnée, et des bruits cardiaques étouffés ; la toux est rare.
  • Un choc distributif (secondaire à une septicémie) peut entraîner une pâleur des muqueuses, une hypothermie, une tachycardie ou une bradycardie, ou une hypotension.
  • Les signes cliniques non spécifiques incluent fièvre, léthargie, hypersalivation, anorexie et perte de poids.
L’exsudat pleural septique paraît turbide et floconneux à l’examen macroscopique

Figure 1. L’exsudat pleural septique paraît turbide et floconneux à l’examen macroscopique.
© Chiara Valtolina

Frottis direct d’exsudat pleural septique vu au microscope

Figure 2. Frottis direct d’exsudat pleural septique vu au microscope (grossissement x 100), avec présence de nombreux neutrophiles et macrophages dégénérés contenant des bactéries intracellulaires.
© Chiara Valtolina

Hématologie et biochimie

Lors de pyothorax félin, les anomalies hématologiques et biochimiques sont souvent non spécifiques ; elles reflètent la présence du processus inflammatoire septique sous-jacent et l’état clinique général du chat. Une leucocytose neutrophilique, avec ou sans déviation vers la gauche, est surtout observée : elle se produit chez 36 à 73 % des chats 5,6,7. Une légère anémie normochrome est également souvent présentée. Sur le plan biochimique, les anomalies couramment observées sont l’hypoalbuminémie, l’hyperglobulinémie, l’hypo- ou l’hyperglycémie, les déséquilibres électrolytiques et une légère élévation des enzymes hépatiques sériques 5,7.

Imagerie 

Des radiographies thoraciques sont souvent réalisées pour évaluer l’importance de l’épanchement pleural, savoir si l’atteinte est unilatérale ou bilatérale, et pour mettre en évidence une éventuelle cause sous-jacente, telle qu’une masse pulmonaire ou médiastinale, ou une pneumonie 4,6. La radiographie sert aussi à évaluer le positionnement correct du drain thoracique, ainsi qu’à contrôler l’efficacité du traitement choisi. L’échographie permet d’estimer le volume de l’épanchement tout en évaluant l’échogénicité du liquide (qui est souvent hyperéchogène lors de pyothorax) afin de faciliter le drainage thoracique 4,6,10. L’échographie permet enfin de détecter des abcès pulmonaires, des masses intrathoraciques et des corps étrangers 11.

Des techniques plus avancées, comme le scanner, sont rarement utilisées pour faire le diagnostic initial de pyothorax chez le chat. Outre son coût, le scanner requiert en effet une anesthésie générale et donc une stabilité de la fonction cardiovasculaire. Un scanner pourra en revanche être proposé si le traitement médical n’est pas suivi d’une amélioration de l’état du chat, ou si la radiographie ou l’échographie thoraciques font suspecter une atteinte pulmonaire 1,4,6,12.

Traitement du pyothorax

Les chats chez qui l’on soupçonne la présence d’un pyothorax doivent être abordés selon les règles classiques de la médecine d’urgence ; l’évaluation des fonctions vitales selon leur ordre de priorité (respiratoire, cardiovasculaire et neurologique) permettra au clinicien de déterminer rapidement le degré d’atteinte respiratoire et cardiovasculaire, et de mettre rapidement en œuvre des manœuvres de stabilisation.

Une oxygénothérapie sera mise en place chez les chats dyspnéiques en utilisant la technique la plus accessible et la moins stressante (ex. : flow-by, cage à oxygène). Le praticien profitera de ces quelques minutes de « sans contact » pour évaluer le rythme respiratoire du chat et laisser celui-ci se calmer. S’il présente une grande détresse respiratoire, le chat pourra aussi bénéficier de l’administration d’un sédatif léger ayant des effets cardiodépresseurs minimes tel que le butorphanol à 0,2 mg/kg IM, permettant d’apaiser le chat et aide à lutter contre l’anxiété associée à la dyspnée. Chez un chat en détresse respiratoire, l’administration d’un anesthésique précèdera toute manipulation stressante, telle que la thoracocentèse ou la pose d’un cathéter périphérique.

L’examen clinique révèle généralement des signes liés à une dyspnée restrictive ; la diminution ou l’absence de bruits pulmonaires ventraux (uni- ou bilatéraux) à l’auscultation thoracique peut suffire à diagnostiquer la présence d’un épanchement pleural. Il ne faut pas pratiquer de radiographie thoracique chez un chat dyspnéique car la contention peut être fatale à un animal gravement atteint. L’utilisation de l’échographie en urgence (« point of care ultrasound » ou POCUS), qui permet d’évaluer l’état d’un animal sans causer trop de stress, est de plus en plus pratiquée dans le cadre des urgences et des soins intensifs. Cette procédure diagnostique, rapide et sûre, est utile pour détecter la présence d’un épanchement pleural ou d’une affection pulmonaire 10,11.

Chiara Valtolina

Un pyothorax félin doit être traité selon les règles de la médecine d’urgence ; l’évaluation des fonctions organiques vitales dans leur ordre de priorité permettra au clinicien de déterminer rapidement la sévérité d’atteinte respiratoire et cardiovasculaire, et de mettre rapidement en œuvre des mesures de stabilisation.

Chiara Valtolina

Si le niveau de stress du chat le permet, un accès intraveineux sera mis en place afin d’administrer une fluidothérapie et un traitement destinés à stabiliser la fonction cardiovasculaire. Si le chat est trop dyspnéique pour permettre la pose d’un cathéter IV, une thoracocentèse sera d’abord réalisée.

La thoracocentèse est à la fois diagnostique et thérapeutique. Elle sera effectuée unilatéralement ou bilatéralement suivant la localisation de l’épanchement pleural. Comme la présence de fibrine et d’exsudat purulent peut perturber l’évacuation complète de l’épanchement, la taille de l’aiguille et du cathéter sera choisie avec soin. Le liquide recueilli sera recueilli à des fins d’analyse cytologique et de mise en culture.

Des traitement médicaux et chirurgicaux ont été proposés pour le pyothorax félin mais le traitement optimal ne fait pas l’unanimité dans la littérature disponible 4,6. Les études prospectives évaluant et comparant l’efficacité des deux approches font défaut ; de plus, les études publiées s’appuient souvent sur un nombre limité de cas, ce qui rend encore plus difficile le fait d’en tirer des conclusions significatives. Malgré cela, les vétérinaires urgentistes s’accordent à placer le traitement médical comme pilier du traitement 1,4,5,6,7. Dans une étude rétrospective récente où 85 % des chats (47 animaux) présentant un pyothorax avaient été traités médicalement, seuls 5 chats n’ont pas répondu et ont nécessité une intervention chirurgicale 5.

La thoracocentèse seule, même si elle est répétée plusieurs fois, ne suffit cependant pas à traiter correctement un pyothorax 1,4,5,6. Une fois que la fonction cardiovasculaire du chat est stabilisée et que les anomalies électrolytiques sont corrigées, il faut placer un ou plusieurs drains thoraciques. Un placement bilatéral est souvent nécessaire. Cette opération, effectuée sous anesthésie, permet le drainage et le lavage du thorax, en association avec un traitement antimicrobien, qui doit être initié immédiatement par voie intraveineuse. En attendant les résultats de la culture microbienne et de l’antibiogramme, un antibiotique à large spectre sera choisi ; l’amoxicilline/acide clavulanique constitue le médicament de choix car il est efficace contre Actinomyces spp. et aussi contre les bactéries anaérobies. Si la législation nationale à propos de l’antibiothérapie l’autorise, un antibiotique de la famille des fluoroquinolones pourra être utilisé pour mieux cibler les bactéries Gram négatives 4,6,13. L’antibiothérapie sera ensuite adaptée aux résultats de l’antibiogramme et sera poursuivie pendant au moins 3-4 semaines après la disparition des signes cliniques.

Un ou plusieurs drains thoraciques seront laissés en place pour drainer et laver l’espace pleural. Lors de pyothorax, des drains thoraciques de gros calibre (14-16 Fr) étaient auparavant recommandés pour drainer un épanchement exsudatif et fibrineux 14 mais leur pose nécessite une anesthésie générale et entraîne de la douleur et une gêne pour le chat. En médecine humaine et vétérinaire, le choix s’oriente actuellement vers les drains thoraciques de petit calibre (10-14 G), à placer selon la technique de Seldinger modifiée. Ces drains sont faciles à placer sous anesthésie légère, ils sont bien tolérés par les chats et entraînent très peu de complications 15,16, la plus fréquemment signalée étant le pliage ou la malposition du tube. Une vidéo montrant la procédure est disponible en ligne *.

* https://www.milainternational.com/index.php/videos_articles/

Chiara Valtolina

Les deux causes les plus fréquentes de pyothorax sont une blessure thoracique pénétrante (secondaire à une griffure ou à une morsure), et la propagation de bactéries oropharyngées chez les animaux souffrant d’une infection chronique des voies aériennes supérieures.

Chiara Valtolina

Pour déterminer la profondeur à laquelle le drain thoracique doit être introduit dans la cavité thoracique, il est important d’effectuer des mesures préalables. La longueur du drain doit aller du site d’insertion (généralement autour du 8e-9e espace intercostal) à la partie cranio-ventrale de la cavité thoracique (2e-3e côte), en s’assurant que tous les trous latéraux du drain sont situés dans la cavité thoracique. Si possible, le chat sera maintenu en décubitus sternal pendant la pose afin qu’il respire plus confortablement, surtout s’il n’est que légèrement anesthésié. La zone d’insertion sera rasée et l’asepsie maintenue pendant la mise en place du drain.

Les drains seront placés unilatéralement ou bilatéralement, en fonction de la localisation de l’épanchement pleural (Figure 3). Le thorax sera drainé dès l’insertion du tube car il n’est pas rare que sa mise en place provoque un léger pneumothorax iatrogène. Une fois le thorax drainé, le drain sera fixé à la peau ; si l’animal est stable, une radiographie thoracique sera alors réalisée pour vérifier la bonne position du drain. Il arrive que la radiographie montre que le cathéter n’est pas positionné comme prévu dans l’espace pleural mais, s’il fonctionne correctement et qu’aucun autre problème n’est noté, il ne sera pas remplacé (Figure 4). Il est parfois nécessaire de modifier la position de l’animal pendant le drainage pour optimiser l’aspiration de l’épanchement et une analgésie adéquate est obligatoire. Dans les cas critiques, l’administration d’un opioïde sera préférée à celle d’un analgésique anti-inflammatoire non stéroïdien (méthadone à 0,2 mg/kg IV ou IM toutes les 4 heures, ou buprénorphine 20 µg/kg IV toutes les 6 heures, éventuellement associé à la kétamine à 30-50 µg/kg/min en perfusion à débit constant). Cette dernière option ne sera toutefois envisagée que chez un chat normovolémique, bien hydraté et stable.

Thoracic drainage and lavage in a cat with pyothorax
a
Lavage is then performed using a warmed isotonic crystalloid
b

Figure 3. Drainage et lavage thoracique chez un chat présentant un pyothorax. (a) Une fois la seringue et le robinet trois voies fixés au drain, l’épanchement pleural est aspiré. (b) Le lavage est ensuite effectué à l’aide d’un soluté cristalloïde isotonique tiédi ; le lavage sera répété jusqu’à ce que le liquide drainé soit clair.
© Chiara Valtolina

 

Plusieurs auteurs ont souligné l’importance du lavage thoracique pour faciliter l’élimination de l’exsudat purulent et fibrineux, des bactéries et des médiateurs inflammatoires 1,46. Une petite étude rétrospective faite chez le chien a montré que le lavage pleural était plus efficace que le drainage seul 17. Une perfusion d’un soluté cristalloïde isotonique, chaud et stérile, sera utilisée ; le lavage sera initié avec un volume de 5 mL/kg, pour s’assurer que le chat tolère bien la procédure et pour vérifier que le liquide peut ensuite être retiré sans problème. Si la procédure est bien tolérée et que l’essentiel du liquide de lavage est récupéré, le volume sera alors augmenté (autour de 10-15 mL/kg) et le lavage répété jusqu’à ce que le liquide de drainage soit clair. Le lavage sera effectué initialement aussi souvent que possible (au moins 4 à 6 fois par jour), surtout lorsque le chat est hospitalisé pour la première fois. Avant de procéder au lavage, il est important de d’abord drainer le thorax afin d’évaluer la production liquidienne. La quantité de liquide instillée et prélevée de chaque côté du thorax sera notée à chaque fois. L’ajout d’héparine ou d’antibiotiques au liquide de lavage n’est pas recommandé.

Le drain thoracique sera laissé en place jusqu’à ce que la production de liquide diminue aux alentours de 2-3 mL/kg/jour environ et que le chat montre des signes d’amélioration clinique. Le drain thoracique lui-même, ainsi que l’inflammation pleurale, entraînent une certaine production de liquide. Avant de retirer le drain, il est très important de refaire une analyse cytologique de l’épanchement pour rechercher la présence de neutrophiles dégénérés ou de bactéries intracellulaires. Dans la structure où travaille l’auteure, le drain thoracique n’est retiré que si l’analyse cytologique est négative et si la production de liquide est inférieure à 2 mL/kg/jour. Le chat sera surveillé pendant environ 24 heures après le retrait du ou des drain(s) et les radiographies thoraciques seront répétées avant la sortie pour permettre une comparaison lors du prochain contrôle, à programmer dans les 2 à 3 semaines qui suivent.

Radiographie thoracique latérale d’un chat présentant un épanchement pleural bilatéral

Figure 4. Radiographie thoracique latérale d’un chat présentant un épanchement pleural bilatéral. Un drain thoracique de petit calibre a été placé à droite au niveau du 8e espace intercostal, l’extrémité du drain thoracique étant positionnée dans la partie cranio-ventrale du thorax. 
© Université d’Utrecht /Tous droits réservés

La chirurgie sera envisagée en cas de réponse inadéquate au traitement médical après 2 à 7 jours : amélioration clinique insuffisante, fièvre persistante, production continue de liquide pleural… Il en sera de même si le liquide reste trouble ou floculant, ou si l’imagerie diagnostique détecte une cause sous-jacente telle qu’un abcès, la présence d’un corps étranger, des épanchements localisés (compartimentés) ou un épaississement de la plèvre 4,5,6,15. La chirurgie consiste en une thoracotomie exploratoire, soit par sternotomie (si l’épanchement ou les lésions sont bilatéraux), soit par thoracotomie latérale du côté affecté 15.

Globalement, le pronostic du pyothorax félin peut être assez bon. Une étude rétrospective récente 5 a noté un bon taux de survie à court et long terme : 14 jours et 1 an après, 72 % et 68 % des chats étaient respectivement en vie. Le taux de récidive semble faible, une rechute n’étant observée que dans 2 % des cas.

Conclusion

S’il est traité de manière adéquate, le pronostic du pyothorax est bon mais il est important d’informer d’abord les propriétaires du coût estimé de l’hospitalisation (qui dure en moyenne 5-6 jours) et du traitement, ainsi que de la possibilité de récidive. Un pyothorax doit être traité comme une urgence vitale : le praticien doit très rapidement mettre en place un traitement agressif pour donner toutes ses chances à l’animal.

Références

  1. Barrs VR, Beatty JA. Feline pyothorax – new insights into an old problem: Part 2. Treatment recommendations and prophylaxis. Vet. J. 2009;179(2):171-178.

  2. Barrs VR, Beatty JA. Feline pyothorax – new insights into an old problem: Part 1. Aetiopathogenesis and diagnostic investigation. Vet. J. 2009;179(2):163-170.

  3. Demetriou JL, Foale RD, Ladlow J, et al. Canine and feline pyothorax: a retrospective study of 50 cases in the UK and Ireland. J. Small Anim. Pract. 2002;43(9):388-394.

  4. Epstein SE, Balsa IM. Canine and feline exudative pleural diseases. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2020;50(2):467-487.

  5. Krämer F, Rainer J, Bali MS. Short‐ and long‐term outcome in cats diagnosed with pyothorax: 47 cases (2009‐2018). J. Small Anim. Pract. 2021;62(8):669-676.

  6. Stillion JR, Letendre J. A clinical review of the pathophysiology, diagnosis, and treatment of pyothorax in dogs and cats. J. Vet. Emerg. Crit. Care (San Antonio) 2015;25(1):113-129.

  7. Waddell LS, Brady CA, Drobatz KJ. Risk factors, prognostic indicators, and outcome of pyothorax in cats: 80 cases (1986-1999). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2002;221(6):819-824.

  8. Barrs VR, Allan GS, Martin P, et al. Feline pyothorax: a retrospective study of 27 cases in Australia. J. Feline Med. Surg. 2005;7(4):211-222.

  9. Walker AL, Jang SS, Hirsh DC. Bacteria associated with pyothorax of dogs and cats: 98 cases (1989-1998). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2000;216(3):359-363.

  10. Lisciandro GR. TFAST Accurate diagnosis of pleural and pericardial effusion, caudal vena cava in dogs and cats. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2021;51(6):1169-1182.

  11. Lisciandro GR, Lisciandro SC. Lung ultrasound fundamentals, “wet versus dry” lung, signs of consolidation in dogs and cats. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2021;51(6):1125-1140.

  12. Eiras-Diaz A, Frykfors von Hekkel A, Hanot E, et al. CT findings, management and short-term outcome of dogs with pyothorax: 101 cases (2010 to 2019). J. Small Anim. Pract. 2021;62(11):959-966.

  13. Lappin MR, Blondeau J, Boothe D, et al. Antimicrobial Use Guidelines for Treatment of Respiratory Tract Disease in Dogs and Cats: Antimicrobial Guidelines Working Group of the International Society for Companion Animal Infectious Diseases. J. Vet. Int. Med. 2017;31(2):279-294.

  14. Farrell K, Epstein S. Pyothorax. In; Drobatz KJ, Hopper K, Rozanski EA, et al (eds) Textbook of Small Animal Emergency Medicine. Newark: John Wiley & Sons, Inc; 2018;291-296.

  15. Del Magno S, Foglia A, Golinelli L, et al. The use of small-bore wire-guided chest drains for the management of feline pyothorax: a retrospective case series. Open Vet. J. (Tripoli, Libya) 2021;10(4):443-451.

  16. Valtolina C, Adamantos S. Evaluation of small-bore wire-guided chest drains for management of pleural space disease. J. Small Anim. Pract. 2009;50(6):290-297.

  17. Boothe HW, Howe LM, Boothe DM, et al. Evaluation of outcomes in dogs treated for pyothorax: 46 cases (1983-2001). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2010;236(6):657-663.

Chiara Valtolina

Chiara Valtolina

La Dre Valtolina est diplômée depuis 2000 de la Faculté de médecine vétérinaire de Milan En savoir plus

Autres articles de ce numéro

Numéro du magazine 32.3 Publié 26/04/2023

Fluidothérapie par voie IV chez le chat

Mettre en place une fluidothérapie chez un chat n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Cet article fait la synthèse des connaissances actuelles à ce sujet.

par Ivayla Yozova

Numéro du magazine 32.3 Publié 12/04/2023

Le sepsis chez le chien

Le sepsis est une urgence médicale chez le chien dont le pronostic dépend essentiellement de la rapidité du diagnostic et d’une intervention proactive.

par Rafael Obrador de Aguilar

Numéro du magazine 32.3 Publié 29/03/2023

Insuffisance cardiaque aiguë chez le chien

L’insuffisance cardiaque aiguë chez un chien menace sérieusement son pronostic vital et Luca Ferasin explique ici combien il est important d’optimiser la démarche diagnostique et thérapeutique.

par Luca Ferasin

Numéro du magazine 32.3 Publié 15/03/2023

L’acidocétose diabétique du chien

Que faites-vous lorsqu’un animal diabétique arrive à la clinique en urgence et dans un état critique ? Cet article propose d’optimiser la démarche grâce à une approche par étapes.

par Sara Marella et Emma Donnelly