Concepts vaccinaux revisités – mise au point d’un vaccin
Il existe de nombreux vaccins commerciaux disponibles dans le monde entier, qui ciblent plusieurs agents infectieux félins. Le groupe de l’AAHA/AAFP qui a travaillé sur la vaccination féline en 2020 a classé les vaccins en deux catégories selon les risques relatifs, leur efficacité et leur sécurité : « essentiels » et « non essentiels » (Tableau 1). Les vaccins sont fabriqués selon différents principes : il existe notamment des vaccins inactivés (tués), des vaccins vivants modifiés (atténués) et des vaccins recombinants à sous-unités génétiquement modifiées. Chaque concept repose sur une stratégie différente pour induire l’immunité et le choix dépend de nombreux facteurs dont l’agent infectieux lui-même, la technologie vaccinale applicable, la réponse immunitaire de l’hôte et les effets secondaires potentiels. Comprendre sur quoi reposent les différences et connaître les types de vaccins administrés est indispensable pour anticiper les effets du vaccin sur l’animal, notamment en termes d’immunité, d’efficacité et d’effets indésirables potentiels.
Tableau 1. Recommandations vaccinales pour les chatons. Les protocoles de vaccination commencent dès l’âge de 4 à 6 semaines, avec des rappels administrés toutes les 3 à 4 semaines jusqu’à l’âge de 16 ou 20 semaines pour le RCP, et 3 à 4 semaines après la vaccination initiale pour le FeLV et le FIV.
Légende : premières cellules : vaccins essentiels ; dernière cellule : vaccins non essentiels ; IN : intranasal ; SC : sous-cutané
* FHV = virus de l’herpès félin, ** FPV = virus de la panleucopénie féline, *** FCV = calicivirus félin.
Les vaccins tués contiennent des particules virales inactivées incapables de créer une infection active chez le patient. Pour stimuler correctement la réponse immunitaire, d’autres éléments sont souvent ajoutés au vaccin : les adjuvants. Ils amplifient l’inflammation au site d’injection, stimulent le système immunitaire et déclenchent les réponses immunitaires recherchées. Les adjuvants inclus dans les vaccins peuvent être : l’adjuvant complet de Freund, des sels d’aluminium, des lipides en émulsion aqueuse, des saponines et des ligands (oligonucléotides). La réponse vaccinale à un vaccin tué est principalement de nature humorale (anticorps) et la réaction immunitaire induite par ces vaccins est généralement plus faible qu’avec les autres technologies, avec une immunité qui dure moins longtemps. Des rappels plus fréquents sont souvent nécessaires.
Les vaccins à virus vivant modifié (atténués) contiennent des particules virales dont la viabilité est partielle, avec une capacité réduite à infecter les cellules hôtes. Cette activité virale atténuée génère une réponse immunitaire qui mime la protection contre l’infection naturelle en faisant intervenir l’immunité humorale (anticorps) et l’immunité à médiation cellulaire, sans induire de maladie clinique. La réponse aux vaccins atténués est généralement plus rapide que celle aux vaccins tués. En l’absence d’AOM, une seule dose de vaccin peut suffire à assurer une protection.
En médecine vétérinaire, les vaccins recombinants les plus courants contiennent un ou plusieurs gènes codants pour une ou plusieurs protéines de l’agent infectieux, insérés dans le matériel génétique d’un virus d’une espèce non apparentée. Par exemple, un gène codant pour un antigène de surface du virus rabique a été inclus dans le virus de la variole du canari pour créer un vaccin antirabique recombinant. Le vecteur vaccinal ne peut pas provoquer de maladie chez le chat mais permet de présenter un antigène viral ciblé au système immunitaire.
Effets indésirables
L’administration de vaccins fait partie du quotidien en médecine vétérinaire. Elle se déroule généralement sans incident et présente peu de risques. Lorsque le système immunitaire reconnaît le vaccin et y répond, des effets secondaires mineurs peuvent cependant survenir. Lors de la réponse immunitaire normale, des cytokines sont libérées qui, en imitant la réponse à l’infection, provoquent des effets systémiques tels que fièvre, douleurs articulaires et malaise général. Un chaton affecté peut recevoir un traitement symptomatique pour réduire ces effets indésirables mais le terme de « réaction vaccinale » appliqué à ces effets secondaires naturels est impropre et peut entraîner une méfiance du propriétaire à l’égard des vaccins. Anticiper les réactions naturelles aux vaccins et expliquer au propriétaire les effets secondaires qui leur sont potentiellement associés lui permettra de les repérer s’ils se produisent, encouragera le traitement précoce et limitera sa méfiance vis-à-vis des vaccins.
Les chats présentent plus rarement des effets indésirables liés aux vaccins, tels qu’une fièvre prolongée, des vomissements, de la diarrhée, une perte d’appétit ou une anorexie. Ces effets peuvent être la conséquence d’effets secondaires non traités, comme décrit ci-dessus. Chez le chat, il est exceptionnel d’observer des réactions graves et aiguës : vomissements d’apparition soudaine, diarrhée, tachycardie, tachypnée, désorientation ou choc. De telles réactions aiguës apparaissent en général quand le chat est encore à la clinique mais les possesseurs doivent être informés du risque afin de ramener immédiatement l’animal si des soins urgents se révèlent nécessaires.
Les injections vaccinales sont les causes le plus souvent incriminées lors du développement d’un sarcome félin au site d’injection (Feline injection-site sarcome ou FISS) 1, dont l’incidence est faible et varie géographiquement. Le développement du FISS est complexe et mal compris : une composante inflammatoire au niveau du site d’injection pourrait jouer un rôle bien qu’il soit difficile de prouver le lien de cause à effet. Des mutations génétiques, concernant en particulier des gènes suppresseurs de tumeurs et des oncogènes pourraient aussi être impliquées. La présence d’adjuvants inflammatoires dans certains types de vaccins a également été incriminée en tant que facteur contributif ; les données ne permettent pas de conclure bien que quelques rapports suggèrent une incidence réduite du FISS lors de l’utilisation de vaccins non adjuvés. Le FISS est une tumeur très invasive dont l’exérèse chirurgicale peut être très difficile ; toute tuméfaction ou masse suspecte au niveau d’un site d’injection vaccinale connu ou suspecté doit donc être surveillée de près. La façon de traiter ces cas est résumée dans le protocole 3-2-1 : une biopsie conique sera réalisée en cas de réaction sur un site d’injection persistant plus de 3 mois, dont la taille est supérieure à 2 cm ou dont le volume augmente dans le mois suivant l’injection 6. Une biopsie excisionnelle est contre-indiquée car elle n’inclura probablement pas les marges de la tumeur, permettant au FISS localement invasif de continuer à se développer et rendant son retrait ultérieur difficile. L’excision chirurgicale nécessite un diagnostic spécifique et une approche planifiée incluant deux plans fasciaux. En l’absence d’une totale compréhension de l’étiologie du FISS et étant donné les exigences agressives de la chirurgie, les vaccins félins devraient être administrés sous le coude ou le grasset, ou à l’extrémité de la queue du chat (Figure 1).